Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 10 avril 2015 à 14h45
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 10 quater

Emmanuel Macron, ministre :

Le Gouvernement aurait plutôt tendance à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Lorsque nous avons discuté de l’abus de pratiques commerciales, madame la rapporteur, vous avez vous-même préféré ne pas rendre le dispositif plus complexe, en affirmant qu’il n’était pas nécessaire de redéfinir l’abus, mais qu’il convenait de mieux appliquer l’interdiction de l’abus.

Qui plus est, et je m’en félicite, vous êtes revenue sur votre jugement initial pour appeler à voter en faveur du principe d’une sanction de l’abus de pratiques commerciales, avec un plafond de 1 %.

À présent, vous voulez rendre le dispositif plus complexe en ajoutant une nouvelle procédure. J’avoue que je ne suis pas très à l’aise avec cette idée.

Aujourd’hui, l’article L. 420-2 du code de commerce définit la notion de dépendance économique à partir de quatre critères. Vous proposez de les assouplir et de les réduire à deux : d’une part, le risque de rupture des relations commerciales de nature à compromettre le maintien de l’activité de l’un des deux partenaires ; d’autre part, l’absence de solution de remplacement dans un délai raisonnable.

Dans le contexte du rapprochement des centrales d’achat, l’objectif est certes louable. Et, comme vous l’avez souligné, le Sénat et le Gouvernement ont saisi l’Autorité de la concurrence. Toutefois, la création de cette nouvelle infraction venant s’ajouter à un dispositif existant, l’Autorité elle-même reconnaît que ce dispositif doit d’abord être correctement appliqué.

L’article L. 442-6 du code de commerce permet déjà de sanctionner le déséquilibre significatif dans les relations commerciales, et donc l’abus de puissance d’achat, par une action du ministre de l’économie devant le juge commercial. Sur le fondement de ce texte, quarante procédures sont en cours et cent cinquante ont été engagées depuis la création de cette procédure. Deux cent soixante-dix-sept décisions ont été rendues, majoritairement favorables au ministre.

On peut citer quelques décisions emblématiques sur les fausses coopérations commerciales : dans un arrêt du 18 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris a condamné une enseigne à une amende civile de 2 millions d’euros sur le fondement du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Plus récemment, dans un arrêt du 3 mars 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné une autre enseigne à une amende de 1 million d’euros pour déséquilibre significatif.

C’est pourquoi, plutôt que de créer une nouvelle procédure qui viendrait compliquer le dispositif, et qui me semble aller quelque peu à contresens de la logique de simplification de notre appareil juridique que vous avez défendue à plusieurs reprises, madame la rapporteur, il me semble que la réponse apportée précédemment est préférable. Nous n’avions certes pas la même vision des choses sur le plafond – je défendais 5 % avec une application proportionnée, vous défendiez 1 % -, mais nous allions dans le même sens, en reconnaissant qu’il fallait une amende sanctionnant l’abus de pratiques commerciales.

Nous avons apporté, me semble-t-il, une vraie réponse en nous dotant des instruments adéquats. Il serait inopportun de venir créer une autre procédure qui engendrerait un contentieux inutile sans finalement résoudre le problème.

Par souci de simplicité et d’efficacité, et compte tenu des dispositions déjà adoptées par le Sénat, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

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