Je regrette que mon collègue et ami Alain Joyandet ait retiré son amendement. Je lui aurais apporté mon soutien non pas pour défaire le projet de la commission, qui est pertinent, mais parce que l’ouverture territoriale va, je le pense profondément, vider les départements des meilleurs libéraux, qui iront chercher les lieux où se trouve la meilleure clientèle. Car le propre de la profession libérale, et les notaires comme les huissiers sont des professions libérales, c’est de chercher le client là où il est solvable, exigeant et capable de vous faire progresser, parce que ses attentes sont importantes.
Ce que je crains, ce n’est pas tellement que les grandes villes aillent vers le monde rural ; le risque est que les meilleurs du monde rural en profitent pour s’installer dans une grande ville, où ils trouveront de meilleurs clients.
La raréfaction des professions libérales, y compris d’ailleurs les médecins, s’explique par l’éloignement des centres de décision et de formation auxquels celles-ci sont naturellement liées.
Il faut accepter l’idée d’examiner les textes qui nous sont soumis à la lumière des mouvements des prestataires de services libéraux qui, comme l’ont fait avant eux les banques privées, coopératives et mutualistes, les caisses d’épargne, les directions administratives de l’État, se regroupent non pas vers les métropoles départementales, si on peut parler de « métropoles » pour la plupart de nos préfectures, mais vers les métropoles régionales. Cela aboutit inéluctablement à ce que des territoires ne puissent plus accéder aux prestataires dont ils ont besoin pour se développer.
Toutefois, je n’ai ni l’outrecuidance ni la naïveté de penser que l’on puisse, par la loi, empêcher les évolutions de fond de la société : la tertiarisation, c’est le monde urbain, et le monde urbain, c’est le contraire du monde rural.