Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 13 avril 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 19

Emmanuel Macron, ministre :

Cet amendement aborde un sujet compliqué sur lequel nous avons emprunté des chemins rigoureusement inverses, monsieur le rapporteur !

Les informations concernant les entreprises et relevant de l’extrait Kbis sont collectées par les greffes des tribunaux de commerce et font l’objet d’une concaténation sur Infogreffe. Ces informations sont la propriété de l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle, et sont mises à disposition du public de manière payante par Infogreffe.

Une convention signée en 2009 est venue régir cet accord et nous vivons sous ce régime. Notre intention, par le biais de cette réforme, est de mettre gratuitement à disposition ces informations.

En effet, dans la mesure où les greffiers des tribunaux de commerce perçoivent une rémunération pour constituer les actes, nous considérons anormal qu’ils soient payés une deuxième fois, et même, potentiellement, à l’infini, soit à chaque fois que quelqu’un demande une information sur le site Infogreffe. Il s’agit à la fois d’un prélèvement sur l’économie et d’une forme de « sur-rentabilité » indue.

Le texte du Gouvernement, après sa modification par l’Assemblée nationale, conduit à reconnaître la propriété de l’INPI et à lui transférer la gestion de ces bases, pour une mise à disposition gratuite.

La commission spéciale est revenue sur ces dispositions, en proposant que le groupement d’intérêt économique Infogreffe mette gratuitement à disposition du public ces données. Ce faisant, reconnaissant l’existence d’une difficulté - l’INPI est propriétaire desdites données depuis 1951 –, la commission spéciale a prévu, à l’alinéa 13 de l’article 19, un financement par une taxe additionnelle des pertes subies par l’INPI liées à ce transfert de propriété, qui n’est d’ailleurs pas sans poser plusieurs autres problèmes.

Je ne sais pas si la commission spéciale a auditionné l’INPI ou si vous vous êtes concerté avec cette dernière, monsieur le rapporteur. Quoi qu’il en soit, cet organisme a fait part à votre serviteur des difficultés qu’il rencontrait dans le cadre de cette démarche.

Par le présent amendement, le Gouvernement entend restaurer son dispositif original, à savoir une mise à disposition gratuite, mais en prenant acte du fait que, depuis les années cinquante, le registre national du commerce et des sociétés est tenu par l’INPI pour le compte de l’État. Sa base de données papier et numérique, qui est beaucoup plus large que celle d’Infogreffe, est propriété de l’État.

Alors que nous voulions que l’INPI, qui est propriétaire de ces données, les mette gratuitement à disposition du public, votre dispositif, monsieur le rapporteur, a pour conséquence de transférer à Infogreffe la partie du registre qu’Infogreffe ne gère même pas, afin qu’il puisse le mettre gratuitement à disposition. En effet, Infogreffe concerne aujourd'hui la France métropolitaine, mais ni l’Alsace et la Lorraine et ni les territoires d’outre-mer. C’est donc reprendre le périmètre aujourd’hui exclu pour le transférer à Infogreffe et de surcroît imposer la gratuité de la mise à disposition des informations.

Certes, nous avons le même objectif, à savoir la mise à disposition gratuite de ces données, ce qui est déjà important. Toutefois, il convient de reconnaître, en la matière, la propriété de l’INPI, qui est plus large que le simple champ de gestion d’Infogreffe. Ainsi votre réforme conduirait-elle à une double modification qui me semble sous-optimale.

Par ailleurs, la gestion du registre national engendre, pour l’INPI, un chiffre d’affaires annuel de 14 millions d’euros, dont 7 millions d’euros de bénéfice. Ces chiffres sont totalement transparents.

Par cet amendement, il s’agit de rétablir la possibilité, pour l’INPI, de mettre gratuitement à disposition l’ensemble des informations dont il dispose, ce qui nous semble beaucoup plus simple juridiquement et plus opérationnel.

Il est également prévu de réintégrer dans le texte l’expérimentation de la gestion du registre par les chambres de commerce et d'industrie d’outre-mer – en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion –, mais sous contrôle d’un greffier, pour une durée n’excédant pas trois ans. Partant du constat d’un important retard dans l’immatriculation des sociétés au sein de ces départements et dans tous les actes de la vie des entreprises, nous nous inscrivons directement, avec une telle mesure, dans la continuité de l’article 31 de la loi du 20 novembre 2012, dite « loi Lurel ».

Il ne s’agit pas de remettre en cause la sécurité juridique, puisque ces actes seront réalisés sous le contrôle d’un greffier public. Je vous rappelle ce que j’ai eu l’occasion de dire samedi dernier, nous parlons de territoires où les greffiers des tribunaux de commerce sont des greffiers publics, ce qui est aussi une spécificité. Ils auront le contrôle de cette disposition.

Tel est donc le double objet de cet amendement, qui est substantiel, vous l’avez bien compris. J’estime en effet que la démarche retenue par la commission spéciale fragilise non seulement l’INPI, mais aussi le mouvement que nous voulons créer grâce à la réforme proposée par le Gouvernement.

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