Nous sommes opposés par principe à la possibilité pour des non-professionnels du droit d’exercer une activité de conseil juridique à titre accessoire.
Le texte voté par l’Assemblée nationale après l’adoption d’un amendement du Gouvernement visait à étendre le champ des activités de conseil juridique des experts-comptables en supprimant les deux conditions cumulatives prévues par l’article 22 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, qui précise que les experts-comptables ne peuvent effectuer des études et travaux d’ordre statistique, économique, administratif ou juridique que si ces activités ne deviennent pas l’objet principal de leur cabinet – elles ne doivent représenter qu’une part accessoire de leur chiffre d’affaires –, et si elles sont accomplies au profit d’un client pour lequel ils assurent à titre principal une mission d’ordre comptable.
La séparation entre les professions du droit et les professions du chiffre est un acquis économique et déontologique qu’il convient de préserver. L’alinéa 5, tel que réécrit par la commission spéciale du Sénat, renforce les conditions d’exercice à titre accessoire des activités de conseil juridique, mais entérine le principe d’une confusion des genres entre les deux professions. En effet, les experts-comptables sont confortés dans l’exercice des activités de conseil juridique, puisqu’il est précisé qu’ils pourront « donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d’ordre juridique, fiscal ou social et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise ».
L’alinéa limite l’intervention des experts-comptables en dehors de leur périmètre de compétence aux entreprises dans lesquelles ils assurent déjà des missions d’ordre comptable de manière habituelle et aux études qui ont un lien avec des travaux comptables dont ils ont la charge. En revanche, il n’est plus explicitement fait mention de l’interdiction que ces missions deviennent l’activité à titre principal du cabinet ; cela constitue un assouplissement de l’ordonnance de 1945, qui avait pourtant établi un équilibre entre les deux professions.
Les experts-comptables ne sont pas des professionnels du droit ; ils n’ont aucune formation juridique. Comment justifier, dès lors, qu’ils interviennent dans un domaine qui est celui des avocats, seuls à être formés et compétents en matière de conseil juridique ? De la même manière que les avocats n’effectuent pas d’études comptables pour leurs clients, puisqu’ils ne disposent pas des compétences nécessaires, les experts-comptables ne devraient pas pouvoir concurrencer les avocats dans un domaine où ils ne sont pas experts.
Tel est le sens de notre amendement.