Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 13 avril 2015 à 21h45
Croissance activité et égalité des chances économiques — Articles additionnels après l'article 21, amendement 1454

Emmanuel Macron, ministre :

S’agissant de l’amendement n° 1454 rectifié bis, le Gouvernement ne peut qu’avoir de la sympathie pour une proposition de réforme qu’il avait initialement portée. Elle aurait une véritable utilité, en particulier pour les plus grandes entreprises de notre pays, confrontées à une distorsion de concurrence avec de grands groupes étrangers dont les directeurs des affaires juridiques sont couverts par un tel statut. Plusieurs de nos grandes sociétés françaises ont d’ailleurs recours à des avocats étrangers pour bénéficier du legal privilege et être couverts par le même secret.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une impasse dont cet amendement pourrait nous sortir. La création d’un statut d’avocat en entreprise aurait toute son utilité pour les sociétés qui travaillent à l’international.

Il n’y a pas encore de consensus au sein de la profession. Les résistances qui s’étaient manifestées nous avaient d’ailleurs conduits à retirer ce projet de réforme du texte initial. Je crois cependant que les nouveaux élus de la profession sont plus ouverts sur ce point ; c’est en tout cas ce qui ressort des échanges que nous avons pu avoir avec eux. Bref, les choses avancent.

Un rapport préparé par la Chancellerie sur le rapprochement entre les professions d’avocat et de juriste d’entreprise, remis en 2006, allait en ce sens et un compromis avait presque été trouvé. Il s’agit d’une étape indispensable pour que la réforme soit pleinement acceptée et puisse prospérer.

Nous devons faire en sorte que la création de ce nouveau statut ne contrevienne pas à l’indépendance ontologique de l’avocat : l’avocat en entreprise doit tout à la fois être un salarié de l’entreprise et garder cette indépendance lui permettant d’être couvert par le secret professionnel et d’échanger sans risque certains actes et certaines pièces.

Je suis convaincu que tout cela peut et doit prospérer, et que la profession est en capacité de l’assumer. Compte tenu de mes convictions propres, des progrès réalisés et de la bonne rédaction de cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement de Mme Deromedi.

Monsieur Cadic, avec l’amendement 913 rectifié bis, vous prenez en quelque sorte le problème par l’autre bout.

Si je comprends l’objectif poursuivi, il me semble que la rédaction retenue va trop loin sur un point et pas assez sur l’autre. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Il va en effet trop loin sur le principe de confidentialité, en prévoyant que les documents et avis couverts par le privilège ne peuvent être saisis par aucune autorité, qu’elle soit judiciaire ou administrative. Cela revient à créer ce que l’on appelle le « coffre-fort juridique », sensiblement au-delà de ce que le legal privilege accorde aux professionnels.

En revanche, cet amendement ne va pas assez loin en ce qui concerne la garantie d’indépendance et une véritable déontologie régissant les juristes d’entreprise, ainsi que les sanctions en cas de manquement.

C’est pourquoi cette approche, dont je comprends pleinement la logique, me semble moins opportune que celle qui passe par le statut d’avocat en entreprise, qui permet de mieux contrôler la nature des informations couvertes par ce privilège de confidentialité, tout en étant très exigeant s’agissant de la surveillance de la déontologie et des potentiels conflits d’intérêts.

Selon moi, il nous faut avancer collectivement dans cette direction. La profession doit désormais être capable de porter cette réforme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 1454 rectifié bis. Si vous pensez qu’une maturation est en cours au sein de cette profession, je l’accompagnerai, mais je demande le retrait de l’amendement n° 913 rectifié bis, pour les deux raisons que je viens d’exposer.

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