Cet amendement tend, comme celui de nos collègues écologistes, à clarifier une disposition de la loi ALUR visant à sécuriser le parcours locatif des locataires de bonne foi confrontés à des difficultés de paiement. Il s’agit de l’article 27 de la loi précitée qui a modifié l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant l’allongement à trois ans du délai de paiement que le juge peut accorder au locataire en situation de payer sa dette locative, ce pour éviter l’expulsion.
L’application de cette disposition fait l’objet de contestations au regard de la formulation de l’article 14 de la loi ALUR, dont ce n’est pourtant pas l’objet. Ce qui est contesté, c’est l’application de cette mesure aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi ALUR. En effet, l’article 14 de ce texte énumère une série de dispositions immédiatement applicables, au rang desquelles ne figure pas ledit article 24.
En conséquence, cet amendement tend à assurer une clarification, je le répète. Nous nous appuyons, à cette fin, sur un avis tout récent de la Cour de cassation.
Conformément à une jurisprudence ancienne, illustrée notamment par des arrêts rendus au sujet de renouvellement de baux ou de délivrance du congé, la Cour de cassation a jugé que « la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. » Cette instance estime donc que la faculté offerte au juge d’accorder un délai de paiement de trois ans au maximum au locataire en situation de régler sa dette locative s’analyse comme un effet légal du bail, s’agissant non pas d’un dispositif soumis à la liberté contractuelle des parties mais d’un pouvoir accordé au juge par la loi.
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que l’article 24 modifié de la loi du 6 juillet 1989 s’appliquait aux baux en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi ALUR. Elle fonde sa réponse sur l’article 2 du code civil, qui s’applique indépendamment de l’existence des dispositions transitoires prévues à l’article 14 de la loi ALUR, lesquelles ne visent que ce qui entre dans le champ contractuel du bail. Elle s’appuie également sur le fait que l’article 27 de la loi ALUR prend place dans une partie de ce texte destinée à « améliorer la prévention des expulsions » et à « traiter les impayés le plus en amont possible ».
L’allongement du délai de paiement accordé au locataire menacé d’expulsion répond à une certaine urgence sociale liée à la crise du logement. La Cour de cassation estime qu’en repoussant l’entrée en vigueur de cette mesure, on lui ferait perdre son efficacité et que l’on aboutirait « à la coexistence, pendant plusieurs années, de deux régimes distincts de clause résolutoire ». Elle conclut que cette situation entraînerait « une inégalité de traitement des locataires selon la date de signature de leur bail. »
Mes chers collègues, je ne doute pas que vous aurez à cœur de faire respecter l’esprit de la loi ALUR, votée dans cette enceinte même, et, ce faisant, d’appuyer les impératifs rappelés avec force par la Cour de cassation.