Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 14 avril 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Articles additionnels après l'article 25 decies

Emmanuel Macron, ministre :

Nous avons ouvert de nombreux sujets consuméristes ces derniers jours et obtenu d’importantes avancées – je pense notamment à la mobilité bancaire – sans céder à aucun lobby puissant.

Les auteurs de ces amendements proposent d’instaurer une liberté de choix en matière de cautionnement des prêts immobiliers. Or le cautionnement sert non pas le consommateur, mais la banque : il s’agit d’un mécanisme qu’elle utilise pour couvrir son risque.

Les associations de consommateurs, qui poussent beaucoup cette mesure, mettent en avant un retour pour le consommateur. Je n’adhère pas à cette philosophie : en s’immisçant dans l’organisation choisie par la banque, on va créer de la complexité, ce qui n’apportera pas forcément grand-chose au consommateur. Autant je n’avais pas d’états d’âme sur la mobilité, autant j’en ai sur ce sujet.

Dans le cas de l’assurance emprunteur, le bénéficiaire de la garantie, c’est l’emprunteur ; dans le cautionnement, c’est la banque prêteuse. Le choix de la caution dépend donc de la politique de risque de cette dernière. En outre, la qualité et la solvabilité de l’organisme de caution ont un effet direct sur les exigences de capital prudentiel liées au crédit bancaire et au taux proposé.

Certaines banques décident de cautionner en interne et d’autres d’avoir recours à des structures externes. Je pense qu’il faut leur laisser cette liberté.

Par ailleurs, le modèle de garantie par caution, qui est spécifiquement français, présente de nombreux avantages à ne pas négliger. D’abord, il s’agit d’une garantie indépendante de la valeur du bien immobilier. Ensuite, le prix est moins élevé pour le consommateur que celui de l’hypothèque. Enfin, le taux de sinistralité est faible, au regard des autres modèles.

Il n’est pas non plus évident que l’ouverture du cautionnement ait un effet sur le coût du crédit ; elle pourrait être à l’origine de coûts supplémentaires. Comme les banques prêteuses vont devoir analyser la qualité de la caution externe à laquelle on les oblige à recourir, il peut y avoir du coût interstitiel. En outre, le crédit cautionné pourrait devenir moins intéressant pour les banques, du fait des coûts supplémentaires, avec de possibles effets d’éviction des personnes couvertes par ces mécanismes.

Par ailleurs, les organismes de caution pourraient accroître le coût de leurs prestations. In fine, le coût du crédit pour le consommateur serait ainsi susceptible d’augmenter.

Je ne vais pas faire de modélisation. Simplement, les effets attendus par celles et ceux qui défendent une telle mesure me semblent particulièrement optimistes. En effet, rien ne garantit que l’effet soit très positif pour le consommateur.

Comme Mme le corapporteur l’a indiqué, l’Autorité de la concurrence, qui s’est saisie du sujet, remettra un rapport. À mon avis, un rapport contradictoire sera ensuite nécessaire, afin que nous puissions être véritablement éclairés.

Compte tenu des potentiels effets indésirables et du fait que le mécanisme relève de l’organisation des banques et ne concerne pas directement le consommateur, je sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

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