Je me réjouis comme vous que les antennes aient retrouvé ce matin un fonctionnement quasi-normal. Radio France a manqué aux Français, qui reconnaissent et plébiscitent sa qualité et sa singularité. Quatre des cinq organisations syndicales qui appelaient à la grève ont levé leur préavis hier, sur la base du texte présenté par le médiateur et des explications que j'avais apportées lundi à l'intersyndicale. La CGT doit faire connaître sa position d'ici ce soir et a indiqué qu'elle souhaitait poursuivre le travail avec l'intersyndicale.
Ce conflit a révélé un malaise profond, justement souligné par le médiateur Dominique-Jean Chertier. Comme toute organisation, Radio France doit innover, se transformer et s'adapter aux nouvelles pratiques de ses auditeurs. Son plan stratégique, à cinq ou dix ans, doit être partagé avec l'ensemble des salariés. Il en va de notre vision du service public au XXIe siècle, dans un monde numérisé où les pratiques d'accès à l'information et à la culture ont radicalement changé. Un deuxième sujet a cristallisé les inquiétudes : la révélation d'une situation financière difficile, qui rend d'autant plus complexe la gestion du changement. Le dialogue et l'écoute n'ont sans doute pas été suffisants, de sorte que les salariés ont eu le sentiment que, en plus de leur demander un effort financier, on remettait en cause les valeurs du service public. Le recours à un audit externe pour la réforme des modes de production, dont la Cour des comptes a souligné la nécessité, a concentré les critiques. Il convenait donc de resituer les évolutions souhaitables dans un cadre stratégique stabilisé et de les présenter aux salariés par l'intermédiaire des institutions représentatives du personnel. Le chantier de rénovation, enfin, lourd, long et coûteux a pesé sur les conditions de travail des salariés, dont certains ont dû déménager plusieurs fois.
J'ai voulu, tout au long de ces trois semaines, rester dans mon rôle : il n'appartient pas à l'État actionnaire de s'immiscer dans la gestion quotidienne de l'entreprise, ni d'émettre des jugements sur sa présidence. J'ai d'abord souhaité donner à la direction les moyens de reprendre le dialogue social ; c'est pourquoi j'ai demandé au président Gallet de mettre sur la table son projet d'entreprise. Il me l'a présenté le 2 avril ; j'ai fait connaître le lendemain la position de l'État sur les pistes évoquées, en y ajoutant une ambition pour le service public, mais aussi l'exigence d'une réforme de l'entreprise dans le respect de sa trajectoire budgétaire. J'ai notamment intégré au débat la nécessité d'un chantier de modernisation sociale afin de se pencher sur l'organisation du travail. J'ai à nouveau pris mes responsabilités lorsque, après le dépôt de ce projet, le dialogue social s'est définitivement rompu et qu'une médiation est apparue indispensable. J'ai alors désigné Dominique-Jean Chertier, dont le grand professionnalisme est unanimement reconnu. Le texte issu de sa médiation a rendu possible des avancées notables de part et d'autre. J'ai expliqué lundi aux organisations syndicales qu'il constituait à mes yeux une bonne base de travail pour aborder la seconde étape : la négociation du contrat d'objectifs et de moyens (COM). J'ai rappelé la nécessité des réformes et levé certaines inquiétudes formulées par les salariés, en insistant sur l'importance du réseau local pour les missions de service public de l'entreprise : la syndication, c'est-à-dire la mutualisation de la production des programmes, n'est pas la règle de fonctionnement des antennes de France Bleu, elle doit faire l'objet d'une expérimentation préalable.
Cette méthode, fondée sur l'écoute, le dialogue et la volonté de restaurer la confiance indispensable aux réformes, a convaincu. La grande vertu de la médiation menée par Dominique-Jean Chertier a été de poser les bases du dialogue pour l'avenir : de nouveaux outils favoriseront une meilleure information des salariés sur la situation financière de l'entreprise, afin qu'ils soient à même d'appréhender le sens des réformes qui leur sont proposées.
Il importe désormais, en priorité, de rassembler les salariés de Radio France, qui doivent se tourner ensemble vers l'avenir : vers la discussion, tout d'abord, du COM pour la période 2015-2019. J'ai dit clairement aux syndicats, en accord avec le rapport de la Cour des comptes, que les réformes ne sauraient être différées. L'entreprise a besoin, pour respecter sa singularité et les valeurs du service public, de s'ajuster à son environnement. Nous ferons tout pour que les conditions dans lesquelles seront menées ces réformes permettent d'y associer correctement les salariés. Il s'agit de servir une ambition de service public, sur l'information, le décryptage, l'accès à la culture, une ambition de prescription culturelle, de mise en valeur des talents et de la création. Radio France doit également porter une ambition numérique : les pratiques changent, beaucoup de nos concitoyens accèdent désormais aux programmes par le biais de plates-formes numériques ou en mobilité. Le maintien de la qualité reste évidemment une priorité.
Ce projet doit à présent faire l'objet d'un diagnostic partagé avec les salariés dans le cadre d'un dialogue social rénové. Cette seconde phase de l'intervention du médiateur devra répondre aux inquiétudes apparues au cours de ce conflit, touchant notamment le redimensionnement des orchestres et le plan de départs volontaires. Je me suis portée garante de ce processus.
Radio France est un beau symbole du service public, qui offre à tous un accès à la culture, à la création, à la musique, à la connaissance, au décryptage de l'actualité. Elle aide chacun à mieux exercer ses missions de citoyen et à faire partie de la communauté nationale. Nous sommes fiers de cette réussite, validée récemment par les audiences qui montrent l'attachement des auditeurs à ses antennes. C'est pourquoi j'ai demandé au président de Radio France un vrai projet de service public. Elle doit rester un ensemble de radios audacieuses et non pasteurisées à coups de recettes de marketing. J'ai cependant dit clairement aux organisations syndicales que les réformes sont inéluctables : on ne peut pas toujours demander davantage aux Français ; il serait irresponsable de faire des promesses qui ne seraient pas finançables. Des économies durables s'imposent, sous peine de nous retrouver dans la même situation tous les quatre ou cinq ans.
Voilà beaucoup trop longtemps que l'État n'a pas assumé ses responsabilités vis-à-vis de Radio France. Ses réformes n'ont pas été conduites, ni même anticipées. Il est temps de porter une ambition réformatrice, qui conforte les missions de service public tout en restaurant durablement la situation financière. C'est cette sincérité-là que les salariés et les Français attendent. L'État accompagnera financièrement l'entreprise pour faire face aux dérives du coût du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. J'ai demandé à l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic) d'étudier très rapidement les options possibles pour la finalisation de ce chantier, ainsi que leurs conséquences sociales et financières. Sur cette base, le COM précisera le montant de la dotation en capital liée au chantier que l'État actionnaire s'est engagé à verser.