Il est regrettable que ces auditions viennent aussi tard : nous aurions pu intervenir utilement dans le débat public, qui avait besoin de paroles apaisantes et de la compréhension de la représentation parlementaire. Cette crise a été la concrétisation des débats que nous avons eus sur le rôle des uns et des autres vis-à-vis de l'audiovisuel public et sur son indépendance. La condition minimale de cette indépendance était pour moi que les nominations n'émanent plus de l'exécutif. Ce point acquis, reste la vieille habitude sémantique qui continue à parler de « tutelle ». Une entreprise n'est pas indépendante si elle sous tutelle, un enfant le comprendrait. Vous avez eu raison, madame la ministre, d'insister pour que l'État examine au moins une feuille de route en amont du processus de nomination par le CSA du président des sociétés nationales de programmes de l'audiovisuel public. Cela n'a pas eu lieu pour l'actuel président de Radio France. Appartient-il au CSA de définir la mission du service public ? Le flou ainsi engendré fait que nous ne savons plus qui est responsable de quoi, ni qui doit réagir à la crise.
S'il était prudent, d'un point de vue politique, que l'État n'intervienne pas trop tôt dans un conflit touchant une entreprise indépendante, nous n'avions jamais connu de mutation technologique aussi radicale que la révolution numérique des dernières années. D'où le malaise profond que connaissent certaines professions : alors qu'il fallait sur chaque plateau deux techniciens pour réparer très vite la bobine lors d'un direct, un seul suffit désormais. Comment leur reconversion sera-t-elle accompagnée ? Au-delà des revendications immédiates, cette grève a révélé une inquiétude profonde et diffuse dans beaucoup d'autres domaines de l'économie. Il faudra en tirer les leçons pour l'évolution de France Télévisions, et en finir avec la notion équivoque de tutelle, qui met l'État en première ligne dans des conflits qui doivent se régler par le dialogue social entre un patron et les syndicats de son entreprise.
Ma question sera plus concrète, et fera écho à celle de Pierre Laurent : a-t-on défini les bornes du travail de médiation en cours ? Comment la représentation parlementaire peut-elle être davantage impliquée dans l'observation de ce mouvement ? Pour avoir fait partie du conseil d'administration de Radio France, je savais qu'un malaise grandissait, particulièrement chez les personnels techniques.