S'il est vrai que le mot de réforme ne veut parfois plus rien dire, et qu'il peut même inquiéter, mon intention était, en y appelant, d'ouvrir un chantier de modernisation sociale. Radio France est le produit d'une longue histoire de stratification de statuts et de métiers, qui font sa richesse, et qui doivent désormais être considérés dans leur ensemble, avec une attention particulière à la précarité, qui s'y est beaucoup développée. Un véritable diagnostic de la situation sociale de l'entreprise s'impose afin de pouvoir remettre à plat l'ensemble des métiers et l'organisation du travail. Ces questions se sont sédimentées au cours du temps, sans être jamais traitées dans un but de justice sociale. Or les entreprises publiques doivent être exemplaires en la matière. Une réflexion est également possible sur le plafonnement de certains hauts salaires.
L'autre chantier prioritaire est la réforme du dialogue social et de la méthode au sein de l'entreprise. Dans la plupart des entreprises cotées, les salariés sont régulièrement informés de l'état des comptes et du bilan. Une information tout aussi transparente s'impose lorsqu'il s'agit de l'argent des Français. Ce n'est pas galvauder le mot de réforme que d'affirmer que ce préalable indispensable exige la création de certains outils.
Un plan de départs n'est jamais une fin en soi. J'ai demandé au président de Radio France de me présenter une stratégie d'ensemble, dans laquelle toutes les voies de réforme et d'économie soient examinées, parce que l'emploi ne doit pas constituer la seule variable d'ajustement. L'organisation du travail, la précarité, la modération salariale doivent être traitées dans le cadre d'un règlement d'ensemble de l'équation financière de l'entreprise.
Le médiateur devra accompagner l'entreprise dans un diagnostic partagé, dans la discussion d'un plan de réforme et dans ses conséquences sociales. Si, à terme, un plan de départs apparaît nécessaire, il devra reposer sur le volontariat et être discuté avec les instances représentatives du personnel. Toutes les mesures devront être prises pour accompagner les salariés.
Lorsqu'il s'agit de ressources publiques, le cadre budgétaire doit être défini en amont. C'est pourquoi un COM doit être un document stratégique définissant non seulement des ambitions, mais aussi un cadre financier. Il est irresponsable de s'engager sur des promesses qui ne pourront être tenues.
Nous sommes tous très attachés au réseau local dans les missions de service public de l'entreprise. Les programmes locaux sont les éléments fondamentaux des radios de proximité, tandis que la syndication n'est pas un principe d'action. Le médiateur préconise que toute opération nouvelle de syndication ne soit appliquée qu'après expérimentation et évaluation complète et partagée des résultats avec les personnels concernés. La syndication relève des décisions à prendre par la direction de l'entreprise.
Si Mathieu Gallet a attendu, après m'avoir remis son projet, pour convoquer le comité central d'entreprise, c'était pour respecter les délais légaux de convocation. Il vous répondra de manière plus précise sur ce point, ainsi que sur le coût net de la grève, qui se monte à 1,5 million d'euros par semaine environ.
Je m'accorde entièrement avec M. Assouline sur la nécessité préalable du cadrage stratégique : l'État doit dire clairement, avant toute nomination, ce qu'il attend de l'audiovisuel public. Radio France réunit des compétences exceptionnelles - je pense notamment à ses preneurs de son, largement reconnus à l'étranger. Le nouvel auditorium offrira de nouvelles possibilités pour valoriser ces savoir-faire, ainsi que la qualité de nos orchestres. D'autres compétences, comme l'enregistrement de fictions, sont très particulières à l'audiovisuel public.
J'ai demandé au médiateur d'accompagner l'entreprise jusqu'à la signature du COM, soit encore deux ou trois mois. Ce contrat devra fixer une trajectoire financière réaliste, afin de donner à l'entreprise une visibilité dans la durée. Si les salariés ont été quelque peu heurtés de ne pas avoir été suffisamment associés à l'audit, une méthodologie renouvelée leur permettra de partager son diagnostic.
Si je suis sensible, en tant que magistrat de la Cour des comptes, au souci de la bonne gestion des deniers publics, je ne souhaite pas parler de rentabilité ou de marge à propos du service public, dont les missions sont spécifiques et servent l'intérêt général. Une politique musicale ambitieuse réalise des objectifs d'éducation artistique et culturelle. La maîtrise de Radio France a fait un travail extraordinaire à Bondy, en zone d'éducation prioritaire : des enfants, accompagnés depuis le primaire, forment une chorale d'un niveau époustouflant, capable d'appréhender le répertoire contemporain. Une telle mission ne s'appréhende pas en termes de coûts.
D'autres radios publiques européennes, comme la BBC, ont consenti des efforts conséquents en matière d'effectifs de leurs orchestres, tout en respectant, bien sûr, leurs couleurs et leurs répertoires propres. Il nous incombe de mener une réflexion analogue au sujet des deux orchestres de Radio France, dont les répertoires sont assez proches. Parce que je crois à la nécessité d'une véritable politique musicale, j'ai écarté les projets de fusion ou de transfert dénués de sens.