Intervention de Aline Archimbaud

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 avril 2015 à 11h20
Santé environnementale — Communication

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Nous avons été mandatées par les présidents des deux commissions des affaires sociales et du développement durable afin de mener une série d'auditions sur le thème de la santé et de l'environnement. L'objectif était de faire un bilan des connaissances scientifiques à ce jour et un état des politiques publiques existant en France sur le sujet, dans la perspective de l'examen du projet de loi santé. Nous avons rencontré une dizaine de structures officielles en un mois et demi, dont l'Anses, l'Inserm, l'Inca, l'Académie de médecine, le Haut conseil en santé publique, ou encore, du côté des services, le directeur général de la santé et la direction générale de la prévention des risques.

Nous avons également pu nous appuyer sur les nombreux rapports parlementaires ayant approfondi ces questions ces dernières années. Sans tous les citer, il s'agit notamment du rapport de Gilbert Barbier sur les perturbateurs endocriniens de 2011, du rapport de Sophie Primas et Nicole Bonnefoy sur l'impact des pesticides sur la santé de 2012, du rapport de Daniel Raoul sur les nanotechnologies de 2006, ou encore du rapport de Daniel Raoul également sur les effets des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute tension.

Au terme de nos auditions, il ressort avant tout un constat assez marquant : il y a eu une véritable prise de conscience et une profonde évolution des connaissances en un laps de temps très court. Le premier plan national santé environnement (PNSE) ne date que de 2004. Il y a quelques années, les chercheurs parlaient un peu de l'impact sur la santé de l'exposition tout au long de la vie à de faibles doses de polluants. Ils parlaient aussi un peu des produits qui, comme les perturbateurs endocriniens, ont un impact particulièrement important sur les personnes qui y sont exposées à un âge précis de la vie (c'est l'effet dit « fenêtre » sur les foetus notamment). Aujourd'hui, ces notions se sont précisées, documentées. Elles sont admises par l'ensemble de la communauté scientifique. Nous ne sommes plus dans la vision linéaire pasteurienne qui identifiait une cause pour une maladie. Les pathologies chroniques qui représentent la majorité de nos dépenses ont des origines multifactorielles. Elles résultent aussi de l'impact à long terme de faibles doses, de l'exposition à des pollutions à des périodes précises de la vie, de l'exposition à des cocktails de pollution.

De fait, la notion d'exposome s'est imposée en matière d'évaluation des risques. Elle a été intégrée par les députés à l'article 1er du projet de loi relatif à la santé. L'exposome tend à donner une vision globale et complète de l'ensemble des expositions aux agents chimiques, physiques et infectieux auxquels un individu est soumis, tout au long de sa vie. La perspective, à terme, est de pouvoir superposer les différentes cartes de lecture du vivant (génome, exposome) afin d'améliorer la prévention et de délivrer une médecine prédictive personnalisée.

La meilleure connaissance de l'impact de l'environnement sur la santé se heurte pourtant à la logique encore profondément curative de notre système. Je prendrai un seul exemple : le projet de loi santé ne prévoit pas, à ce stade, de réduire les expositions auxquels sont soumis les foetus ou les adolescents, alors que ce sont là des étapes identifiées par toutes les agences comme critiques pour le développement. Ce serait pourtant une mesure de prévention ayant un impact direct sur la santé humaine.

La question de la prévention est donc cruciale aujourd'hui pour la sécurité sociale. Les expositions environnementales, tout au long de la vie, ont un impact direct établi par de grandes études internationales et françaises sur les pathologies, souvent chroniques, les plus répandues : allergies et asthme, maladies cardiovasculaires, diabète, Parkinson et Alzheimer, cancers. L'incidence des affections de longue durée a doublé en France en 20 ans, dans une progression qui ne peut pas s'expliquer uniquement par le vieillissement ou l'amélioration de la prévention et du dépistage. En 2009, les maladies chroniques touchaient plus de 23 millions de personnes et représentaient 83 % des dépenses d'assurance maladie. À titre d'exemple, la seule pollution de l'air, qui est à l'origine de nombreuses maladies de l'appareil respiratoire, représenterait un coût pour le système de soins évalué entre 0,9 et 1,8 milliard d'euros par an.

Pour effectuer une présentation aussi complète que possible de ces risques, nous allons procéder en deux temps, en distinguant, d'une part, les risques connus, d'autre part, les risques émergents.

Pour faire une typologie des risques santé-environnement, il convient tout d'abord en effet de se pencher sur les risques connus depuis de nombreuses années. Pour ces risques, il ne s'agit plus de déterminer s'il y a un impact sur la santé mais de le prévenir afin de protéger les populations. L'objectif n'est pas ici de dresser un panorama exhaustif des problématiques avérées en matière de santé environnementale, mais simplement de donner un aperçu des éléments que nous avons pu recueillir en un temps très limité. Il faut également garder à l'esprit que les scientifiques reconnaissent eux-mêmes que la liste exhaustive des polluants environnementaux et de leur hiérarchie n'est pas connue aujourd'hui.

Concernant les polluants liés à l'exploitation de matières premières ou liés à l'activité humaine, le sujet est globalement celui du respect des normes existantes ou de leur renforcement. L'un des risques les mieux documentés, mais toujours présent, est celui de l'exposition à l'amiante. Il a été envisagé, lors de l'élaboration du projet de loi santé, de prévoir des sanctions administratives en matière de gestion du risque amiante. Selon les informations que nous avons pu recueillir, cette option, qui aurait permis de mettre en oeuvre des sanctions plus légères et plus effectives que des sanctions pénales, s'est heurtée à des oppositions au niveau des arbitrages interministériels. Il faudra y réfléchir quand la loi santé nous arrivera.

En matière d'amiante, le principal défi reste aujourd'hui le désamiantage, ainsi que l'avait relevé l'année dernière le comité de suivi créé au sein de la commission des affaires sociales, composé de membres issus de l'ensemble des groupes politiques du Sénat. Le groupe de suivi a formulé dans son rapport 28 propositions tendant notamment à améliorer le pilotage de la politique de désamiantage, renforcer la qualité du diagnostic amiante, mieux protéger les travailleurs et les populations.

Par ailleurs, en matière d'amiante, une problématique a récemment émergé : celle de l'actinolite.

En juillet 2013, à l'occasion d'opérations de repérage d'amiante industriel avant travaux dans le département des Deux-Sèvres, des analyses ont identifié, dans les granulats des enrobés routiers, des traces d'amiante actinolite. L'actinolite est une roche naturelle dont l'une des variétés présente des caractéristiques amiantifères. Cette découverte a conduit à suspendre de nombreux chantiers en France. Dans l'attente de la définition d'un protocole de test fiable et partagé, les méthodes d'expertise sont aujourd'hui en débat. Un groupe de travail réunissant l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et les organisations professionnelles a été mis en place par le ministère de l'écologie pour travailler à cette définition, dont les conséquences seront lourdes. Le sujet mériterait en tout état de cause d'être approfondi dans le cadre de nos travaux.

Concernant le radon, gaz radioactif d'origine naturelle auquel l'exposition régulière accroît le risque de développer un cancer du poumon, la problématique est très localisée. Il existe une carte des départements dans lesquels la gestion du risque radon est prioritaire (essentiellement le centre de la France, la Bretagne et la Corse). Des mesures de prévention existent afin de diminuer la présence de radon dans les bâtiments, avec des aides financières de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour réaliser les travaux nécessaires.

Troisième risque avéré, et considéré comme prioritaire pour le ministère de l'écologie : la pollution de l'air. On dispose aujourd'hui d'évaluations précises des morts prématurées causées par la pollution de l'air extérieur et intérieur : l'OMS les a chiffrées à 7 millions pour l'année 2012. La commission d'enquête créée à l'initiative du groupe écologiste doit permettre de faire le point sur le coût économique et financier de cette pollution.

Nous n'avons pas pu creuser le champ de la pollution de l'air intérieur au cours de nos auditions. Il semble pourtant qu'il y ait là une marge importante en matière d'évaluation des risques et de prévention.

La pollution de l'air est par ailleurs assez emblématique du décalage qui existe en matière de réglementation entre milieu professionnel et milieu général. Un exemple, abordé au cours des débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique : l'exposition aux particules fines. Alors que le taux d'exposition autorisé pour les travailleurs dans les locaux à pollution spécifique, comme le métro, est encadré par le code du travail, il n'existe pas de normes pour la population générale en matière d'air intérieur. Or, on sait que le métro, notamment, est l'endroit où l'exposition aux particules fines est la plus forte.

Concernant les UV, là aussi, le risque est avéré et bien connu et documenté par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'Académie de médecine recommande depuis de nombreuses années l'interdiction pure et simple des cabines de bronzage. Chantal Jouanno l'avait proposé avec Bernard Cazeau au cours de la mission sur les dispositifs médicaux. Il faudra aborder cette question au cours de l'examen de la loi santé.

Pour finir, concernant l'impact des pesticides sur la santé, une expertise collective de l'INSERM a fait le point en 2013 sur l'ensemble des risques sanitaires connus et avérés. D'après les données de la littérature scientifique internationale des 30 dernières années, il apparaît qu'il existe une association positive entre l'exposition professionnelle aux pesticides et certaines pathologies chez l'adulte : maladie de Parkinson, cancer de la prostate et certains cancers (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples). Par ailleurs, les expositions aux pesticides intervenant au cours des périodes prénatale, périnatale et durant la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l'enfant. Les études se multiplient et réduisent à chaque fois l'étendue des doutes scientifiques. Une décision du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le 20 mars dernier, a classé le glyphosate, molécule à la base du Roundup, l'herbicide le plus utilisé au monde, dans la catégorie 2A de son classement, c'est-à-dire comme cancérogène probable.

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