La présentation du programme de stabilité est un moment important que nous partageons tous les ans. La procédure s'applique à l'ensemble des pays de l'Union européenne, a fortiori aux membres de la zone euro. Puisque nous partageons la même monnaie, il est tout à fait légitime que nous acceptions de nous soumettre au regard attentif et critique de nos partenaires. En contrepartie de notre solidarité, il nous faut coordonner nos politiques budgétaires et convenir ensemble des réformes qui auront des conséquences sur la croissance de la zone euro.
Cette procédure déjà rodée marche sur deux jambes, dont l'une est le programme de stabilité qui couvre les grandes orientations macroéconomiques (données sur les déficits, poids de la dette, prélèvements obligatoires, dépense publique par rapport au PIB, etc.) sur lesquelles se construit la stratégie financière d'un pays sur une période de trois ans ; l'autre est le programme national de réforme qui inclut les mesures structurelles, profondes et durables qui modifient le tissu économique du pays, mais aussi sa situation budgétaire. Plus de croissance, c'est en effet une meilleure capacité à faire face aux situations budgétaires difficiles. Avec Christian Eckert, nous vous présenterons la trajectoire budgétaire de notre pays sur trois ans ; Emmanuel Macron reste à votre disposition pour détailler le programme national de réforme, qu'elles soient accomplies, en cours ou à venir. Je sais combien les sénateurs comme les députés regrettent de ne pas avoir pu avoir de débat dans l'hémicycle sur le programme de stabilité ; nous sommes d'autant plus à votre disposition, ce soir.
L'objectif fondamental du programme de stabilité est que la France retrouve une croissance suffisante pour faire reculer le chômage. Loin de nous livrer à un exercice théorique d'une technicité incroyable, nous voulons que ce programme soit une stratégie au service de la croissance et de l'emploi. Il mobilise les trois moteurs classiques de la croissance, au premier rang desquels la consommation, relancée en 2014 et toujours active, grâce aux baisses d'impôts : 9 millions de foyers fiscaux vont voir baisser leurs impôts et trois millions seront dispensés d'impôt sur le revenu. À cela s'ajoutent les bénéfices d'une inflation nulle qui, conjuguée à une évolution des revenus positive, a favorisé le pouvoir d'achat des ménages.
Le deuxième moteur s'allume progressivement : les exportations contribuent à créer de la croissance dans notre pays et par-delà, dans la zone euro. Avec le reste du monde, elles sont favorisées par le cours actuel de notre monnaie qui bénéficie aux entreprises.
Enfin, troisième moteur de la croissance, l'investissement des entreprises, stable voire négatif en 2014, reprend légèrement en 2015 (1,2 %) et commence à monter en régime. Il devrait augmenter de 4,6 % en 2016, ce qui n'est pas forcément considérable, mais reste absolument nécessaire. D'où notre volonté d'accélérer l'investissement par un avantage fiscal pour une durée d'un an, disposition dont vous aurez bientôt à débattre, dans le cadre du projet de loi sur la croissance et l'activité.
Le Haut Conseil des finances publiques a souligné la prudence de nos hypothèses de croissance. La loi de finances pour 2015 avait prévu un taux de croissance de 1 % en 2015. Même si les observateurs - FMI ou autres - s'accordent à dire qu'il sera en réalité plus élevé, nous préférons nous en tenir à cette hypothèse prudente, quitte à reporter sur le niveau du déficit public les effets bénéfiques d'un meilleur résultat. Nos hypothèses affichent la même prudence pour 2016 et 2017, avec un niveau de croissance de 1,5 %, révisé à la baisse par rapport aux hypothèses précédentes. Alors que les hypothèses de croissance étaient un objectif à atteindre, nous préférons les envisager comme un plancher. Nous gagnons ainsi en crédibilité auprès de nos concitoyens comme de nos partenaires européens.
Quant à la trajectoire du déficit, elle est conforme à 0,2 point près à la loi de programmation des finances publiques que le Parlement a votée à la fin de l'année dernière, et elle respecte la dernière recommandation de la Commission européenne. L'Europe recommandait 4 % pour 2015, nous prévoyons 3,8 % de déficit ; elle demandait 3,4 % pour 2016, nous prévoyons 3,3 % ; elle préconisait 2,8 % pour 2017, nous prévoyons 2,7 %. Là encore, nous avons souhaité conserver une marge de sécurité. Ce schéma exigeant mais réaliste est considéré par tous comme crédible. Pour la première fois depuis longtemps en situation de respecter ses engagements, la France a la capacité de passer la barre des 3 % en 2017.
Augmenterons-nous les impôts pour respecter ces orientations ? Non, nous ferons plutôt l'inverse. Les prélèvements obligatoires ont été stabilisés en 2014 par rapport à 2013, alors qu'ils n'avaient cessé d'augmenter depuis 2009. En 2015, ils sont prévus à la baisse, tant pour les foyers que pour les entreprises auxquelles nous offrons ainsi 12 milliards d'euros. Pour la première fois depuis très longtemps, les impôts diminueront par rapport au PIB, en 2015, 2016 et 2017. Nous maîtrisons nos finances sans austérité ni augmentation d'impôts.
Sommes-nous en capacité de maîtriser le poids de la dette par rapport au PIB, après les explosions survenues en 2009 et 2010 ? Tous les regards se focalisent sur le chiffre symbolique de 100 % de dette par rapport au PIB. Notre programme de stabilité confirme les analyses de l'ensemble des observateurs, y compris les agences de notation, selon lesquelles même si le poids de la dette continue d'augmenter légèrement en 2015 et se stabilise en 2016, la décrue s'enclenchera en 2017. Tant pour le déficit que pour les dépenses obligatoires, les impôts ou l'endettement, nous sommes sur les rails d'une gestion efficace.
Le Parlement a validé notre choix de diminuer le déficit par la réalisation d'un programme de 50 milliards d'euros d'économies. Si des efforts supplémentaires sont nécessaires en 2015, c'est pour atteindre les 21 milliards d'euros d'économies grâce auxquelles nous pourrons financer la baisse d'impôts, les dépenses prioritaires de l'État (éducation, sécurité, investissements d'avenir, etc.) et réduire le déficit. Nous n'aurons pas besoin de plus que ces 50 milliards d'euros pour respecter la stratégie de réduction des déficits et la baisse du déficit structurel de 0,5 point par an demandée par l'Europe.
Une inflation nulle alors que le prévisionnel était proche de 1 % a réduit le montant des économies prévues. C'est pour combler ce manque que nous avons ajouté des mesures nouvelles dégageant 4 milliards d'économies supplémentaires. Ces 4 milliards correspondent parfaitement à la réduction du déficit structurel de 0,5 point que la Commission européenne nous incite à faire. Notre politique nationale converge avec les règles européennes.
Une différence subsiste entre la dernière recommandation de la Commission européenne et notre programme de stabilité. Elle concerne l'effort supplémentaire d'ajustement structurel qui nous est réclamé en 2016 et 2017, soit 0,8 ou 0,9 point. La notion de déficit structurel est très discutée, surtout en période de sortie de crise.
Les résultats de 2014 sont bien plus favorables que ceux que la Commission avait pris en compte en élaborant sa recommandation. Elle prévoyait 4,3 % de déficit en 2014, alors qu'il n'a pas dépassé les 4 % dans notre pays. Tous les pays européens ont le souci de conforter la croissance naissante pour l'inscrire dans la durée. Nous suivons la même logique. Or, ce n'est pas un secret, la recommandation de la Commission aboutirait à casser la croissance en France, en la faisant passer à 0,7 % au lieu de 1,5 % en 2016, et aux alentours de 0,8 % en 2017. Et cela au nom du seul ajustement structurel, qui est une notion difficilement perceptible pour nos concitoyens plus sensibles aux questions de la dette, de la croissance ou du chômage.
Voilà pourquoi nous proposons une voie différente pour parvenir aux mêmes objectifs de déficit avec une croissance plus élevée, et un effort structurel fixé à 0,5 plutôt qu'à 0,8 ou 0,9. Des discussions sont en cours pour faire valoir ces arguments de bon sens auprès de la Commission européenne et de nos partenaires allemands, italiens ou espagnols, tout cela dans un dialogue exigeant mais positif.