Intervention de Alain Claeys

Commission des affaires sociales — Réunion du 15 avril 2015 : 3ème réunion
Nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie — Audition de Mm. Alain Claeys et jean leonetti

Alain Claeys, député :

Je vous remercie de votre invitation, le dialogue entre nos deux assemblées étant essentiel sur ce sujet.

Permettez-moi de rappeler tout d'abord le contexte dans lequel nous avons travaillé. Avant son élection à la présidence de la République, le candidat François Hollande avait pris l'engagement que « toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. ». Une fois élu, le Président de la République a donné pour mission à Didier Sicard de faire un état des lieux de la question de la fin de vie en France. Le constat de la commission Sicard est accablant : on meurt mal en France, c'est-à-dire dans de mauvaises conditions. Les inégalités territoriales sont fortes, les structures de soins palliatifs étant peu nombreuses en Ehpad et inégalement implantées dans les CHU. Plus de la moitié des décès ont lieu aux urgences. Les Ehpad manquent souvent d'infirmières le soir à partir d'une certaine heure puis la nuit.

Les soins palliatifs souffrent de deux principales carences : d'une part, un manque de formation des professionnels de santé, la culture palliative restant peu enseignée ; d'autre part, le caractère inadapté aux soins palliatifs de la tarification à l'activité.

Plusieurs analyses ont été réalisées à la suite du rapport Sicard dans le cadre de l'avis 121 du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et de la consultation citoyenne qui a elle-même fait l'objet d'un rapport du CCNE. Dans la foulée, nous avons reçu en juin dernier une lettre de mission du Premier ministre qui nous demandait de formuler des propositions dans trois directions : « assurer le développement de la médecine palliative, y compris dès la formation initiale des professionnels de santé ; mieux organiser le recueil et la prise en compte des directives anticipées dont le caractère engageant doit être pleinement reconnu ; définir les conditions et les circonstances précises dans lesquelles l'apaisement des souffrances peut conduire à abréger la vie dans le respect de l'autonomie de la personne ». Cette mission nous a conduits à procéder à une quarantaine d'auditions.

Quel était notre état d'esprit ? Nous ne partions pas de rien. Après la loi sur les soins palliatifs de 1999 et la loi « Kouchner » de 2002, la loi « Leonetti » de 2005 a constitué une avancée importante, traitant en particulier de l'acharnement thérapeutique. Dans ce contexte, la proposition de loi que nous avons déposée le 21 janvier dernier s'inscrit dans le prolongement de la législation actuelle et n'introduit en aucun cas une rupture.

Les débats sur ce texte à l'Assemblée nationale ont montré que certains considéraient qu'il n'allait pas assez loin tandis que d'autres estimaient qu'il n'y avait rien à changer. Mais nous avons tenu bon sur nos propositions pour deux raisons essentielles. En premier lieu, nous devions répondre précisément à la demande du Premier ministre et à l'engagement du Président de la République. En second lieu, s'agissant d'un débat de société de cette importance, nous devions trouver non pas un consensus mais une convergence qui permette de régler un grand nombre de cas concrets dans notre pays.

La proposition de loi n'est pas en contradiction avec le développement des soins palliatifs. Nous proposons de nouveaux droits qu'il ne faut pas opposer au corps médical. Il s'agit de consacrer de nouveaux droits sans supprimer ce qui existe déjà, c'est-à-dire le dialogue singulier entre patients et médecins.

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