Cet amendement vise à préciser et à compléter l’initiative prise par la commission spéciale, et va dans le sens des dispositions présentées à l’instant par M. Bruno Retailleau. C’est pourquoi, d’ailleurs, je demanderai à ce dernier de bien vouloir retirer son amendement n° 838 rectifié au bénéfice de celui du Gouvernement, qui présente une solution plus complète, s’inscrivant dans la lignée des annonces faites par le Premier ministre le 13 mars dernier.
Je souscris pleinement aux propos qui viennent d’être tenus. D’ailleurs, on peut percevoir, depuis que nous évoquons ces sujets, un net consensus sur toutes les travées quant à cette question. Celle-ci fait partie de ces thématiques qui sont essentielles à la fois pour la reconquête économique, mais aussi pour la reconquête démocratique. Nous parlons d’une absence d’accès à la connaissance et à la capacité économique ! Et, indépendamment des statistiques officielles, que je rappelais l’autre jour et qui, on le voit bien, sont en décalage avec la réalité, cette privation est aujourd’hui devenue un élément de révolte.
Cet amendement vise donc à mettre en vigueur un plan d’action global, car, effectivement, nous avons trop attendu collectivement. Dans la lignée de nos discussions d’hier, et compte tenu de la pression accrue sur les opérateurs, il m’apparaît que des mesures concrètes s’imposent.
Nous devons mettre en œuvre un plan combiné, et non séquentiel, sur la 2G et la 3G. Vous avez raison, monsieur Retailleau, la 2G à elle seule ne suffirait pas, et nous ne pourrions considérer avoir traité le problème en nous contentant de mesures concernant la 2G.
Il n’en demeure pas moins que certaines zones ne sont couvertes ni en 2G ni en 3G. Nous procéderons donc à l’achèvement du programme de résorption des zones blanches de téléphonie mobile 2G, en actualisant la liste des communes à couvrir. La liste complète de ces communes sera rapidement arrêtée, en liaison avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, les associations d’élus, l’ARCEP et les opérateurs. Notre but sera de permettre une couverture de l’ensemble des communes par tous les opérateurs d’ici à la fin de 2016.
Le programme « zones blanches » sera étendu à la 3G, avec un calendrier de réalisation. Il est proposé que les 2 900 sites restant à couvrir en 3G soient réalisés d’ici à la mi-2017.
Quel est le sens d’inscrire tout cela dans la loi en faisant par ailleurs référence à l’ARCEP ? L’idée est de définir à la fois la liste des communes, les objectifs dans le temps et de donner la possibilité à l’ARCEP de faire respecter le programme en usant de ses pouvoirs de sanction. Jusqu’à présent, tel n’était pas le cas. Nous ne nous étions jamais collectivement engagés. C’est la même philosophie qui sous-tend votre amendement, monsieur Retailleau : dorénavant, les opérateurs qui ne respecteront pas les engagements fixés par la loi pourront être sanctionnés par l’ARCEP. Une gradation des sanctions est prévue, passant par des amendes, mais pouvant aller jusqu’à des sanctions pénales ou des retraits de capacité à exploiter le réseau.
Deuxièmement, il est prévu de mettre en place un guichet permettant le financement de compléments locaux de couverture mobile, à la demande des collectivités. Notre idée est d’instaurer un guichet unique, et non plus une liste limitative, capable de traiter au fil de l’eau les demandes des collectivités territoriales. Ce guichet sera créé au sein de la Direction générale des entreprises, en lien avec le Commissariat général à l’égalité des territoires, en association avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, l’Association des régions de France, l’ARF, l’ARCEP et les représentants des opérateurs.
Cette entité – vous avez été plusieurs à le souligner hier, en particulier M. Retailleau – répond à l’idée selon laquelle l’État doit se donner plus de moyens. Vous avez raison. C’est l’objectif assigné à cette agence du numérique qui, en son sein, regroupera la mission « très haut débit ». Cette mission a permis d’organiser les choses, mais il convient de lui accorder davantage de moyens. Des fonctionnaires doivent notamment être à la disposition des collectivités territoriales. Il est important que ce guichet unique – ce sera inscrit dans la loi – vienne soutenir cette initiative. Il faut à la fois surveiller les actions qui sont conduites, mais également prévoir un appui intellectuel opérationnel. À cette fin, les collectivités bénéficieront d’un cofinancement par l’État des équipements installés auxquels l’ensemble des opérateurs auront l’obligation de se raccorder.
Troisièmement, je souhaite insister sur les mesures en vue d’accélérer la résorption des zones grises de la téléphonie et d’améliorer la couverture à l’intérieur des logements. Un accord à cet égard sera conclu rapidement avec les opérateurs mobiles pour la mise à disposition des solutions adaptées, qu’il s’agisse des femtocellules, des picocellules, etc. Je ne reviendrai pas sur ce débat que vous avez certainement dû avoir. Ces solutions sont à faibles coûts et interopérables, ce qui permettra de mieux satisfaire les besoins.
Ici, l’objectif du Gouvernement est de traduire les obligations en matière de couverture mobile des zones rurales, en proposant en parallèle que le service universel de télécommunication soit modernisé.
Quatrièmement, le corrélat de ces avancées et de cette mise sous contrainte est la suppression de la composante publiphonie du service universel. Aujourd'hui, les opérateurs se réfugient derrière l’existence des fameuses cabines téléphoniques, lesquelles ont été sous-investies. Si nous voulons les maintenir, il faudra réinvestir et trouver de l’argent. Nous sommes donc en quelque sorte dans un équilibre sous-optimal. Nous demandons aux opérateurs d’accroître leurs investissements et d’être plus exigeants en termes de couverture. Dans le même temps, nous proposons de sortir la publiphonie du service universel, mais de manière strictement parallèle : tant que les obligations en matière de couverture en 2G et 3G ne seront pas remplies, nous n’accepterons pas de recul en ce qui concerne la publiphonie.
Somme toute, à l’heure actuelle, l’accès au service universel n’est plus la cabine téléphonique, mais la couverture 3G. À partir du moment où les opérateurs se conformeront dans un endroit donné à leurs obligations en matière de couverture 3G, la notion de service universel sera remplie et nous pourrons nous désengager sur la publiphonie. Cette évolution répond aux préconisations de MM. Camani et Verdier dans leur rapport parlementaire sur l’évolution du service universel des communications électroniques : ils avaient bien constaté l’obsolescence de la publiphonie comme composante principale du service universel. C’est pourtant le régime sous lequel nous vivons…
La désaffection de l’utilisation des publiphones aujourd'hui est très rapide. Je citerai un chiffre, afin que nous l’ayons tous en tête : le trafic des cabines représentera, à la fin de l’année 2015, moins de 1 % de ce qu’il représentait en 2000. Notre exigence est donc non pas de réinvestir dans des cabines, dont l’obsolescence technologique nécessiterait de mettre sur la table plusieurs dizaines de millions d’euros, mais d’achever la couverture 2G et 3G. D’autres pays sont allés largement en ce sens, qu’il s’agisse de l’Allemagne, du Danemark ou du Luxembourg. Nous pourrons revenir sur ce point dans la suite du débat, si vous le souhaitez.
L’amendement du Gouvernement a pour objet de garantir à court terme la couverture mobile de l’ensemble des centres-bourgs des communes françaises. C’est la réponse légitime, me semble-t-il, à la préoccupation que vous avez exprimée hier comme aujourd'hui, et dont nous nous soucions. Nous sommes pleinement d’accord avec vous, raison pour laquelle nous proposons d’inscrire pour la première fois dans la loi des engagements fermes.