D’abord sur la forme, monsieur le ministre, je considère que déposer un amendement technique et complexe de cinq pages – même la commission a jugé qu’il était difficile d’en mesurer la portée ! – la veille du débat et le modifier le jour même du débat, ce n’est quand même pas, vous en conviendrez, très satisfaisant. Le numérique mérite peut-être mieux que ces amendements de dernière minute. J’ai entendu plusieurs fois le président de la commission spéciale et Mme la corapporteur dire qu’on tentait, au détour de ce texte, de régler ou de prétendre régler un peu trop de problèmes et, là, je crois que c’est vraiment le cas.
Des amendements « numériques » nous sont arrivés dans le projet de loi NOTRe, et il nous en arrive dans celui-ci. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Sénat a adopté, en 2012, une proposition de loi – elle a ensuite été rejetée purement et simplement, à la demande du Gouvernement, par l’Assemblée nationale – qui comportait des mesures visant à améliorer la couverture du territoire en téléphonie mobile. Donc, on a perdu trois ans pour arriver aujourd'hui à cet amendement !
Cet amendement va bien sûr dans le bon sens, et il est évidemment souhaitable de rouvrir le dossier de la couverture des zones blanches en 2G, même si, comme cela a été dit, la 2G, c’est aujourd'hui très insuffisant. Mais bien des élus me disent, surtout après avoir entendu à la radio la publicité pour la 4G alors qu’ils n’ont pas de 2G – cela a le don de les horripiler… – qu’il y a quand même un véritable problème.
Sur la 3G, vous évoquez dans votre amendement l’accord de RAN sharing – pour partage de réseau d’accès radioélectrique – 3G qui avait été signé en 2010 et qui devait être réalisé pour 2013. Aujourd'hui, en 2015, à peine un quart des engagements pris par les opérateurs ont été tenus, ce qui montre bien, monsieur le ministre, comme vous l’avez dit hier – j’espère que ce n’était pas qu’une formule –, qu’il faut mettre la pression sur les opérateurs.
Ce que vous proposez pour les centres-bourgs est opportun, mais, comme l’a indiqué notre collègue Philippe Adnot, il n’y a pas que les centres-bourgs, il y a aussi toute la partie rurale, pour laquelle rien n’est prévu si ce n’est de faire appel aux collectivités pour le financement. Évidemment, cela ne peut pas nous donner entière satisfaction !
J’aimerais vous poser un certain nombre de questions, auxquelles je n’ai trouvé de réponse ni dans le texte lui-même ni dans vos propos.
Quelle sera exactement l’aide de l’État ? On nous parle de la création d’un guichet, mais nous ne savons pas du tout comment cela va fonctionner. Quels seront le montant de l’aide et le pourcentage par rapport au projet ? De tout cela nous ne savons rien.
Quel sera le financement des opérateurs ? On a bien compris que ces derniers seraient allégés d’un certain nombre de charges, avec la suppression des cabines téléphoniques – et c’est très bien –, mais nous ignorons à quelle hauteur ils participeront. Comme je l’ai dit, la seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’il sera fait appel aux collectivités pour le financement.
L’amendement du Gouvernement prévoit des conventions, mais tout cela m’a l’air un peu complexe : il y aurait des conventions entre les opérateurs et, semble-t-il, une seule convention entre les opérateurs, l’État et les collectivités. J’aimerais que vous m’apportiez des précisions sur ce point. Que se passera-t-il si les opérateurs ne veulent pas signer ? On ne peut pas forcer une partie à signer ! J’appelle votre attention sur le fait que certaines collectivités – j’ai des exemples dans mon département – sont dans une telle situation qu’elles sont prêtes à financer l’implantation d’une antenne-relais pour avoir une couverture en téléphonie mobile. Mais les opérateurs leur répondent : faites ce que vous voulez, nous ne l’utiliserons pas ! C’est un peu fort ! Va-t-on inscrire dans la loi que les opérateurs auront l’obligation d’utiliser ces équipements ?
Par ailleurs, vous parlez du pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Mais, on le sait très bien – l’ARCEP elle-même le reconnaît –, elle a peu d’appétence à sanctionner les opérateurs. D’ailleurs, je crois qu’elle ne l’a jamais fait ou, en tout cas, elle ne l’a fait que très rarement. C’est bien de donner des pouvoirs de sanction à l’ARCEP, mais encore faudrait-il que celle-ci en use en cas de besoin ! Or cela aurait été nécessaire dans un certain nombre de cas.
En outre, je regrette que votre amendement ne définisse pas les critères de couverture en téléphonie mobile. Nous l’avions évoqué dans la proposition de loi adoptée par le Sénat en 2012, et certains de mes collègues l’ont souligné ce matin, le fait de considérer qu’une commune est couverte dès lors qu’un seul point l’est – éventuellement, le haut du clocher de l’église du village – n’est pas satisfaisant. Les chiffres relatifs au taux de couverture par rapport à la population ou au nombre de communes sont très flatteurs, mais la réalité est tout autre : le nombre de communes n’ayant pas de couverture est bien plus important qu’on ne le dit. J’ai découvert un jour que l’ARCEP considérait qu’il n’y avait aucun problème dans mon département. Venez dans l’Eure, monsieur le ministre, et vous verrez que ce n’est malheureusement pas le cas.
Enfin, vous avez parlé d’un consensus. Certes, le constat fait consensus, mais, sur ce sujet, comme sur bien d’autres d’ailleurs, il faut passer des paroles aux actes, pour reprendre le titre du rapport d’information que nous avions déposé en 2011 !