Je ne veux pas qu’on laisse entendre dans l’hémicycle que la sagesse ne serait que d’un côté. Ma proposition s’inscrit dans la logique de l’amendement de M. Leleux, dont je soutiens les efforts de consensus, de rassemblement et de sagesse.
Cela fait un certain nombre d’années que, en tant que sénateur, je travaille avec une grande précision sur le secteur audiovisuel. Je connais les acteurs. Vous pensez bien que je les ai écoutés moi aussi avant de présenter ce sous-amendement.
Mon travail m’a appris une chose : quand on travaille sur le secteur audiovisuel, on se fait appeler par tout le monde tous les jours. Chacun défend ses intérêts en les présentant comme l’intérêt général ; c’est à ce titre que les acteurs s’adressent à nous. Du fait de ces pressions, de ce lobbying, l’intérêt général paraît contradictoire. J’ai toujours essayé – par exemple lorsque nous avons débattu de la question de la revente des fréquences – d’écouter tout le monde avant de définir ce qui me semblait être l’intérêt général. Cependant, même s’il faut rechercher le consensus, c’est à la représentation nationale, et à personne d’autre, qu’il appartient de décider.
Je défends un point de vue politique équilibré. Croyez-en mon expérience, le secteur connaît des bouleversements. L’acceptation de ce qu’on appelle la numérotation logique est remise en cause par la révolution numérique. Si on avait appris à nos enfants que la logique, c’est 1, 2, 3, 4, 5, ils ne seraient pas très bons en mathématiques ni en géométrie. Les choses sont en effet plus complexes. Il y a aujourd'hui un tel foisonnement de chaînes – on en compte parfois deux cents – qu’une numérotation par thématiques serait elle aussi logique. On pourrait ainsi choisir plus facilement entre les différentes chaînes d’information, sportives, culturelles, cinématographiques, etc. Je comprends que certains considèrent que la logique commande de classer les chaînes de 1 à 24, mais, plus une chaîne a un numéro élevé, moins elle est exposée ; il faut en tenir compte.
Le présent projet de loi ne concerne pas l’audiovisuel. On essaie tout de même d’y introduire des dispositions relatives à ce secteur. On devrait travailler à un texte sur l’audiovisuel – je le dis depuis longtemps –, car la révolution médiatique soulève mille problèmes. On pourrait ainsi prendre des mesures logiques sur la numérotation, la revente des fréquences, etc. Je pense à la polémique sur la chaîne Numéro 23. Pourquoi cette chaîne, qui a le souci de la création et de la diversité, devrait-elle nécessairement être placée avant la chaîne n° 300 – j’ai choisi cet exemple au hasard ?
Ma proposition va complètement dans le sens de l’équilibre : il s’agit d’avoir à la fois la numérotation logique et la numérotation par thématiques. Les chaînes qui ont un intérêt économique au maintien du premier système sont préservées. Les chaînes qui ont un intérêt économique à la mise en œuvre du second système – il s’agit notamment de grands groupes – le sont également. N’oublions pas que les chaînes ont des obligations en matière de culture et d’investissement. Par exemple, Canal+ doit investir dans le domaine du cinéma et qu’elle est concurrencée dans le domaine du sport.
Si l’on s’en tient à la rédaction actuelle de l’amendement, les distributeurs de services pourront – j’insiste sur ce verbe – proposer au téléspectateur la possibilité d’opter pour une numérotation différente. J’ai peur que cela leur permette d’établir une hiérarchie entre les deux types de numérotation. Je souhaite pour ma part qu’on mette en place les deux numérotations, en donnant le moyen au téléspectateur de faire son choix.
On pourra préciser d’autres choses à l’avenir, car la révolution va continuer : des chaînes vont disparaître, des fusions de groupes vont avoir lieu, des numéros et des bouquets vont changer. Pour l’instant, je vous demande d’accepter la mesure que je propose. Elle va complètement dans votre sens, monsieur Leleux. Elle est sage et précise. Elle tient compte des acteurs.
Le Parlement doit faire ses choix en toute indépendance. Lorsque j’ai proposé une taxation sur les reventes de fréquences au moment de l’affaire Bolloré-Canal+ – je suis donc à l’aise pour en faire de même concernant Numéro 23 –, certains ont pris l’un ou l’autre parti. C’était une erreur. Nous subissons des pressions de tous les côtés, mais nous devons rester au milieu.