Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 16 avril 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article additionnel après l'article 33 nonies

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Nous avons beaucoup parlé du déploiement des réseaux, lesquels sont essentiels au développement de notre économie. Je voudrais que l’on parle également des usages et de la maîtrise de l’écosystème qui fait vivre désormais toute notre économie.

Les craintes face au pouvoir de monopole des géants de l’internet américains ne cessent de croître non seulement en France et en Europe, mais également aux États-Unis, où, voilà quelques semaines, la très officielle FTC, l’autorité de régulation, a mis en exergue les pratiques anticoncurrentielles du moteur de recherche Google, après des investigations qui ont d’ailleurs été enterrées en 2013. Nos collègues sénateurs américains sont en train d’enquêter sur ce sujet.

En novembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution pour la défense des droits des consommateurs sur le marché numérique, qui appelait la Commission européenne à envisager des propositions afin de mieux séparer les moteurs de recherche d’autres services appartenant à ces mêmes groupes. Cette préoccupation pour les moteurs de recherche s’explique tout simplement par le fait qu’ils sont la principale porte d’entrée à internet. Il s’agit donc d’acteurs structurants, qui sont désormais incontournables.

Or le comportement de certains d’entre eux porte parfois atteinte au pluralisme des idées et des opinions, nuit à l’innovation et entrave la liberté d’entreprendre et de commercer. La question de la loyauté de ces opérateurs à l’égard des acteurs français et européens est ainsi essentielle, comme l’a relevé le Conseil d’État, dans son étude annuelle 2014 intitulée Le numérique et les droits fondamentaux.

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui vise justement à instaurer une concurrence saine sur plusieurs marchés susceptibles de libérer l’activité économique et de créer de l’emploi, ne peut laisser de côté le secteur du numérique, qui constitue l’un des principaux relais de la croissance économique. À vrai dire, le numérique ne constitue pas une industrie comme les autres, car il concerne, aujourd’hui et demain, toutes les industries.

C’est une des préoccupations du Sénat, qui a été notamment exprimée voilà quelques mois dans le rapport de la mission commune d’information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance de l’internet, que j’ai eu l’honneur de présenter. L’Europe ne peut plus rester une « colonie du monde numérique », et il est plus que temps que nos sociétés, de plus en plus dépendantes d’internet, réagissent.

Il est donc urgent de se donner les moyens d’encadrer les pratiques de ces moteurs de recherche, compte tenu des conséquences néfastes et avérées qu’occasionnent certaines de leurs pratiques pour nos entreprises, pour l’innovation, pour les consommateurs. Bien sûr, l’atteinte de cet objectif passe par la mise en place d’une régulation ex ante.

Le classement des résultats par un moteur de recherche conditionne très largement la visibilité effective d’une information sur internet et, partant, l’attention que lui porte l’internaute. Or ce dernier a tendance à accorder une confiance abusive aux résultats des algorithmes, perçus comme objectifs et infaillibles, notamment parce qu’il ne dispose d’aucune information quant aux méthodes utilisées et que, du fait d’accords d’exclusivité, il n’a parfois pas d’autre choix que de se référer aux résultats d’un unique moteur.

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