La commission spéciale n’a pas pu examiner le sous-amendement n° 1792, puisqu’il vient de nous être distribué. Au pied levé, si vous me permettez cette expression triviale, il me semble que la conformité de ce sous-amendement au droit européen de la concurrence est très incertaine. M. Assouline l’a d’ailleurs reconnu, ajoutant que le même reproche pouvait être adressé à l’amendement de Mme Morin-Desailly, ce qui est moins sûr. Si tel devait être le cas, la commission spéciale estime qu’il n’est pas utile d’aggraver cette incertitude. C’est pourquoi elle demande à M. Assouline de bien vouloir retirer son sous-amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 995 rectifié bis, quant à lui, vise un nouveau sujet, qui ne figurait pas dans le texte initial, à savoir les moteurs de recherche et la façon dont ils traitent et livrent l’information à leurs utilisateurs. Nous savons tous que l’un de ces moteurs de recherche exerce une position dominante, sur le marché français notamment : la très grande majorité des demandes de recherche formulées par les internautes transite en effet par lui. Or cet éditeur de services est régulièrement mis en cause pour un traitement « biaisé » des informations qui le conduirait à ne pas faire preuve d’une totale objectivité dans les résultats qu’il fournit à ses utilisateurs, en mettant en avant soit ses propres services, soit des opérateurs qui sont ses clients.
Il en résulterait ainsi une forme de tromperie de l’usager, qui pense que les résultats de la recherche sont parfaitement objectifs et rationnels, alors que le moteur privilégie certains au détriment d’autres selon son seul intérêt. Il en résulterait également une mise à l’écart des acteurs d’internet qui n’« entrent pas dans le jeu » du moteur dominant, et se trouvent déclassés dans les résultats de recherche, ce qui signifie pour eux la mort économique à plus ou moins long terme.
Pour faire face à une telle situation, les auteurs du présent amendement proposent de faire respecter des obligations de transparence, de loyauté et de non-discrimination dans le fonctionnement de tout moteur de recherche dominant et assortissent cette obligation de sanctions pécuniaires.
Sur le principe, la commission spéciale est tout à fait favorable à cet amendement. Cependant, des interrogations subsistent quant à l’applicabilité de ses dispositions, puisque celles-ci sont assez intrusives dans le fonctionnement du moteur dominant et pourraient brouiller la lisibilité par les internautes des résultats obtenus. En outre, la commission spéciale a du mal à apprécier la robustesse juridique de telles mesures au regard, notamment, du principe de la liberté du commerce. C’est pourquoi, quoique bienveillante sur le principe de l’amendement, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.