Vous avez raison, madame la sénatrice !
Nous avons constamment appuyé, à tous les niveaux, cette prise de décision, laquelle est importante. Nous avons accompagné les dix-huit opérateurs français qui ont intenté cette action contre Google et, hier, la Commission européenne, après de longues investigations, a trouvé une base lui permettant de contraindre Google à clarifier ses engagements. Elle a notamment annoncé avoir notifié à Google des griefs sur son comparateur de prix. Elle a pu démontrer que l’algorithme utilisé par le moteur de recherche avait favorisé le comparateur de prix de Google indépendamment de ses performances qui s’étaient trouvées améliorées, ce qui créait une discrimination par rapport aux autres acteurs. En même temps, une procédure formelle a été ouverte contre la plateforme mobile Android.
La Commission européenne prend donc ses responsabilités et c’est la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager qui mène cette action. Le Gouvernement est constamment intervenu pour pousser la Commission à agir en ce sens. J’ai rappelé notre position lors de chacun de mes contacts avec la nouvelle commissaire. Nous avions été très exigeants avec le précédent commissaire, M. Almunia, à la fin de son mandat, afin qu’il ne conclue pas un compromis hâtif avec les opérateurs sans tests de marché, comme cela avait été à un moment envisagé. Nous continuons donc à avancer.
Je vous incite à retirer votre amendement pour une raison essentielle que vous connaissez parfaitement, madame Morin-Desailly : il s’agit d’un sujet européen. Le bon échelon d’intervention, à la fois en termes de compétences et de taille critique, n’est pas le niveau national, et vous l’avez vous-même écrit dans votre rapport, au mois de mars 2013 : « l’échelon national n’est assurément pas l’échelon pertinent pour appréhender la révolution numérique : seule l’Union européenne a la masse critique pour peser dans le cyberespace. »
C’est doublement vrai ! Tout d’abord, le problème que vous voulez aborder relève en fait de la compétence exclusive de la Commission européenne. Ensuite, l’Union européenne est le seul bon niveau d’intervention. En effet, on peut s’amuser à envoyer des signaux très forts à Google – et on le fait ! –, mais adopter des dispositions du type de la « taxe Google » revient à exposer des acteurs français à des mesures de représailles unilatérales et crée des biais dans l’avancée européenne.
Nous devons continuer à travailler pour convaincre les autres États membres. Dans quelques semaines, au-delà des engagements pris par les chefs d’État et de gouvernement, nous allons proposer un texte qui esquissera les grands traits d’une stratégie numérique franco-allemande pour éclairer la stratégie numérique que la Commission européenne doit annoncer au début du mois de mai. C’est la seule méthode efficace face à ces acteurs qui sont devenus des plateformes mondiales. D’ailleurs, leurs pays d’origine se posent aujourd’hui la même question que les États-Unis voilà plus d’un siècle au sujet de la Standard Oil, à savoir celle du démantèlement. Ces pays ont créé des champions dont les marchés critiques ne sont plus à la taille d’un État : c’est donc le marché européen qui doit être pris en compte si l’on veut « faire mal » à Google, si j’ose dire.
Je pense par conséquent que le procédé que vous avez choisi n’est pas pertinent et risque de déstabiliser l’action groupée qui doit être menée à l’échelon européen, conjointement aux acteurs que nous défendons, dans un dialogue constant avec la Commission européenne pour peser sur la définition de sa stratégie numérique.
Cela étant, vous proposez d’encadrer le comportement des moteurs de recherche en instaurant un régime d’obligations et de sanctions. Sur ce point, je souhaite entrer dans le détail, puisque je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous êtes sensibles à la fabrique du droit – j’ai aussi beaucoup appris sur ce point depuis dix jours !