Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Quarante ans après la loi Haby, le collège est le maillon faible de notre système éducatif. Parce qu’il aggrave les difficultés, il n’est pas le lieu de l’égalité des chances et de l’émancipation. Alors que les collégiens sont à l’âge de la construction individuelle, de la quête d’autonomie, le collège, moment charnière entre l’école et le lycée, est un lieu de sélection, d’échec et de relégation pour un trop grand nombre de nos jeunes.
Nous sommes, comme la ministre, attachés au collège unique, qui ne peut être un collège uniforme. À cet égard, la réforme des collèges soulève un certain nombre de questions.
Le resserrement des programmes autour du socle commun de connaissances et de compétences et la suppression de trois à quatre heures au profit des enseignements pratiques interdisciplinaires, les EPI, sont justifiés par le caractère prétendument austère des enseignements fondamentaux, par opposition au caractère supposé ludique, et donc attractif, des enseignements pratiques. De telles mesures sont-elles véritablement de nature à permettre de lutter contre le décrochage scolaire ?
Le rééquilibrage entre les enseignements fondamentaux et les EPI permettra-t-il d’assurer avec le même niveau d’exigence l’égalité entre ceux qui peuvent bénéficier de l’entrée dans les apprentissages en dehors du système scolaire et ceux qui n’ont que l’école pour apprendre ?
L’organisation des EPI en toute autonomie dans chaque établissement ne risque-t-elle pas de mettre en concurrence les matières entre elles, tout comme les établissements entre eux, et de creuser de fait les inégalités sociales et territoriales ?
Pour ceux qui, comme nous, considèrent avec un grand intérêt l’apprentissage des langues vivantes et anciennes, et qui regrettent que celui-ci soit un moyen de sélection, l’objectif est de rendre cet apprentissage accessible à tous.
La suppression des classes européennes et internationales au profit de l’enseignement de la deuxième langue en cinquième, tout comme la suppression de l’enseignement à titre d’option du latin et du grec au profit d’une sensibilisation dans les EPI ne dissimulent-elles pas en réalité un manque de moyens incompatible avec l’objectif recherché ?
La question des moyens ne peut en effet être écartée : le nombre de 4 000 équivalents temps plein pour 7 100 collèges publics et privés nous paraît insuffisant au regard des défis qui doivent être relevés.
Enfin, nous déplorons l’absence de moyens prévus pour la formation des enseignants, en particulier pour la formation continue, comme le montre un récent rapport de la Cour des comptes.
Eu égard à ces constats, comment sera-t-il possible d’assurer le développement d’un collège de haut niveau, adapté à tous sur l’ensemble du territoire et permettant de lutter contre les inégalités et l’échec scolaire, conditions pourtant sine qua none pour que le collège devienne le terreau du développement des valeurs de la République.