La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur France 3.
Je rappelle également que l'auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse, à l’exception de M. le Premier ministre, qui bénéficie toujours d’un traitement de faveur au Sénat !
Sourires.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Quarante ans après la loi Haby, le collège est le maillon faible de notre système éducatif. Parce qu’il aggrave les difficultés, il n’est pas le lieu de l’égalité des chances et de l’émancipation. Alors que les collégiens sont à l’âge de la construction individuelle, de la quête d’autonomie, le collège, moment charnière entre l’école et le lycée, est un lieu de sélection, d’échec et de relégation pour un trop grand nombre de nos jeunes.
Nous sommes, comme la ministre, attachés au collège unique, qui ne peut être un collège uniforme. À cet égard, la réforme des collèges soulève un certain nombre de questions.
Le resserrement des programmes autour du socle commun de connaissances et de compétences et la suppression de trois à quatre heures au profit des enseignements pratiques interdisciplinaires, les EPI, sont justifiés par le caractère prétendument austère des enseignements fondamentaux, par opposition au caractère supposé ludique, et donc attractif, des enseignements pratiques. De telles mesures sont-elles véritablement de nature à permettre de lutter contre le décrochage scolaire ?
Le rééquilibrage entre les enseignements fondamentaux et les EPI permettra-t-il d’assurer avec le même niveau d’exigence l’égalité entre ceux qui peuvent bénéficier de l’entrée dans les apprentissages en dehors du système scolaire et ceux qui n’ont que l’école pour apprendre ?
L’organisation des EPI en toute autonomie dans chaque établissement ne risque-t-elle pas de mettre en concurrence les matières entre elles, tout comme les établissements entre eux, et de creuser de fait les inégalités sociales et territoriales ?
Pour ceux qui, comme nous, considèrent avec un grand intérêt l’apprentissage des langues vivantes et anciennes, et qui regrettent que celui-ci soit un moyen de sélection, l’objectif est de rendre cet apprentissage accessible à tous.
La suppression des classes européennes et internationales au profit de l’enseignement de la deuxième langue en cinquième, tout comme la suppression de l’enseignement à titre d’option du latin et du grec au profit d’une sensibilisation dans les EPI ne dissimulent-elles pas en réalité un manque de moyens incompatible avec l’objectif recherché ?
La question des moyens ne peut en effet être écartée : le nombre de 4 000 équivalents temps plein pour 7 100 collèges publics et privés nous paraît insuffisant au regard des défis qui doivent être relevés.
Enfin, nous déplorons l’absence de moyens prévus pour la formation des enseignants, en particulier pour la formation continue, comme le montre un récent rapport de la Cour des comptes.
Eu égard à ces constats, comment sera-t-il possible d’assurer le développement d’un collège de haut niveau, adapté à tous sur l’ensemble du territoire et permettant de lutter contre les inégalités et l’échec scolaire, conditions pourtant sine qua none pour que le collège devienne le terreau du développement des valeurs de la République.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est actuellement en déplacement en Suisse avec le Président de la République.
Vous le savez, le collège d’aujourd’hui aggrave les inégalités. Najat Vallaud-Belkacem a donc lancé une réforme du collège pour 2016, afin que tous les élèves réussissent et apprennent mieux. Cette réforme consolide les apprentissages fondamentaux, dont le français, les mathématiques et l’histoire. Aucune matière ne perd d’heures. Parallèlement, les programmes sont entièrement revus afin d’être cohérents de la maternelle jusqu’à la troisième.
Il a effectivement été décidé d’intégrer, à l’instar de ce qui se passe dans de très nombreux pays dont les élèves réussissent mieux, des enseignements pratiques interdisciplinaires : il s’agit d’ouvrir les perspectives, de croiser les sujets, de faire travailler les élèves en équipe. Dans la mesure où ce sont les enseignants qui connaissent le mieux les besoins des élèves, la réforme octroie 20 % du temps aux conseils d’administration de chaque collège afin de leur permettre d’organiser ces enseignements interdisciplinaires. Grâce à ces marges de manœuvre, les enseignants pourront répondre au mieux aux besoins des élèves, au plus près de leurs besoins.
La liberté pédagogique donnée aux enseignants est régulée. Les inquiétudes sont compréhensibles, mais il n’est nullement question de fragiliser le cadre national. Cette liberté est encadrée par les horaires nationaux, par les programmes et par les huit nouveaux thèmes de travail définis dans les programmes.
Afin que tous les élèves réussissent, un accompagnement personnalisé sera également mis en place. C’est pour vous comme pour nous une priorité, monsieur le sénateur. Ces temps d’apprentissage en petits effectifs représenteront trois heures en sixième et au moins une heure en cinquième, en quatrième et en troisième.
Pour concrétiser ces engagements, les collèges bénéficieront de nouveaux moyens d’enseignement afin de faciliter les démarches. Ainsi, 4 000 équivalents temps plein travaillé accompagneront la réforme du collège.
Je tiens maintenant à vous répondre précisément sur l’apprentissage des langues, monsieur le sénateur : non, la réforme du collège ne remet pas en cause l’enseignement du latin ; non, les sections internationales ne seront pas supprimées ; non, la réforme ne pénalise pas l’enseignement, par exemple, de l’allemand, auquel, je le sais, vous êtes attaché, ce bien au contraire. Demain, les 13 % d’élèves qui étudient l’allemand comme deuxième langue vivante pourront en commencer l’apprentissage un an plus tôt.
Vous le constatez, la réforme permettra aux élèves des collèges de mieux apprendre et de mieux réussir, en maîtrisant davantage les savoirs fondamentaux et les compétences du monde actuel.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. François Marc. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement vient de faire connaître la teneur du programme de stabilité 2015-2018. Celui-ci repose sur un déficit public de seulement 4 % en 2014, alors qu’un taux probable de 4, 4 % était annoncé. Ce taux est donc encourageant. Chacun sait en effet dans cette enceinte d’où nous venons : le déficit public avait atteint des niveaux abyssaux en 2009 et en 2010.
Protestations sur les travées de l'UMP.
M. François Marc. Il s’élevait encore à 103 milliards d’euros en 2011. La stratégie du Gouvernement visant à la fois au redressement de l’économie française et à la poursuite de l’assainissement des comptes publics commence donc à produire des résultats
Exclamations ironiques sur les mêmes travées.
Ce qui est d’ores et déjà démontré, c’est la capacité de la France à assainir ses comptes publics par une maîtrise accrue de ses dépenses, ce sans augmentation des prélèvements obligatoires, il faut le souligner.
Très vives protestations sur les mêmes travées.
M. François Marc. Je note d’ailleurs, s’agissant des prélèvements, que ceux qui, à droite, réclament du Gouvernement une maîtrise fiscale accrue ont été les premiers à augmenter fortement les impôts dans les villes qu’ils gouvernent depuis un an !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations outrées sur les travées de l'UMP.
J’en viens maintenant à un sujet essentiel : le rythme de la réduction des déficits structurels de la France durant les trois années à venir.
Le Conseil de l’Union européenne a donné à la France jusqu’à 2017 pour repasser sous la barre des 3 % de déficit public. Il lui recommande par ailleurs une réduction soutenue de son déficit structurel.
Faut-il suivre ce conseil jusqu'au bout et prendre le risque de freiner la croissance frémissante ? La réponse du Gouvernement est, j’en suis convaincu, la bonne : il faut à la fois réduire le déficit et préserver les perspectives de croissance – jugées d’ailleurs prudentes par le Haut Conseil des finances publiques – de 1 % en 2015 et de 1, 5 % en 2016 et 2017.
M. François Marc. Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre : pouvez-vous nous préciser quels arguments vous allez utiliser pour convaincre nos partenaires européens que, dès lors qu’une trajectoire est bonne pour la croissance et l’emploi en France, elle l’est aussi pour la croissance et l’emploi en Europe ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.
Monsieur le sénateur, mon gouvernement a un cap, et il s’y tient fermement. Il fallait redresser le pays, rétablir nos comptes publics et restaurer la compétitivité de nos entreprises. Progressivement, en faisant preuve à la fois de lucidité, de modestie bien sûr, et de détermination, nous sommes en train d’y parvenir.
Oui, vous l’avez dit fort justement, il fallait redresser le pays après dix ans d’échec de la politique économique menée par la majorité précédente.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.
Mon gouvernement a en effet présenté hier matin son programme de stabilité. Christian Eckert l’a soumis, avec talent je suppose, à la commission des finances du Sénat. Ce programme dessine la stratégie des finances publiques de la France pour les trois prochaines années et fixe des objectifs clairs, que vous avez rappelés : le redressement de l’économie française et la poursuite de l’assainissement de nos comptes publics.
M. Alain Vasselle s’exclame.
Oui, les comptes publics étaient dégradés. Nous les remettons à flot en réalisant des économies sur les dépenses publiques, comme aucun gouvernement ne l’a fait par le passé : ces économies atteindront 50 milliards d’euros sur la période 2015-2017. Depuis 2012, nous avons fait preuve de sérieux budgétaire.
Le déficit public pour 2014 s’établit à 4 %. C’est mieux que prévu et, dans un contexte difficile, c’est mieux que les années précédentes ! En outre, pour la première fois depuis 2009, les prélèvements obligatoires se sont stabilisés.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces résultats sont à mettre au crédit de notre politique et de cette majorité.
M. François Grosdidier s’exclame.
Quant à ceux qui expliquent qu’ils augmentent les impôts locaux pour compenser la baisse des dotations
Vives protestations sur les travées de l'UMP.
M. Manuel Valls, Premier ministre. … afin d’obtenir leurs suffrages et que l’on fait le contraire un an plus tard, on ment ! Assumez donc vos responsabilités dans vos communes et devant vos électeurs !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.
Cette dynamique de redressement des comptes publics va se poursuivre, à un rythme ne remettant pas en cause la reprise de la croissance, car nos priorités sont de préparer l’avenir, de lutter contre les inégalités et de tout faire pour la croissance et pour l’emploi. C’est pour cela que nous avons décidé de conforter le pouvoir d’achat des ménages. Ainsi la baisse de l’impôt sur le revenu que nous avons décidée l’année dernière concernera-t-elle 9 millions de ménages à la rentrée.
Ne faites donc pas croire que les impôts augmentent à cause de nous quand ils sont aujourd'hui en hausse à cause de l’opposition
Très vives protestations sur les travées de l'UMP
et alors que nous allons les diminuer à l’échelon national.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Nous avons mis en œuvre des politiques de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou du pacte de responsabilité et de solidarité, pour un montant de 40 milliards d’euros sur quatre ans.
Ces politiques ont permis de diminuer le coût du travail, certes dans un contexte européen et international qui s’améliore, du fait, bien sûr, de la baisse du prix du carburant et du pétrole. Si ce dernier coût avait augmenté, on nous aurait demandé de prendre un certain nombre de mesures, mais tel n’est pas le cas, et c’est tant mieux pour nos entreprises et pour les ménages.
La France a obtenu une baisse des taux d’intérêt et de l’euro, comme elle le réclamait depuis trois ans et comme je l’avais appelé de mes vœux dans mon discours de politique générale. Je me réjouis que, sur cette question comme sur celle des investissements prévus dans le plan Juncker, la parole du Président de la République ait été entendue par nos partenaires européens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Par ailleurs, vous le savez, j’ai présenté la semaine dernière des mesures fortes visant à dynamiser l’investissement, privé comme public.
En outre, conscient des difficultés des collectivités territoriales, je présenterai à la mi-mai un certain nombre de mesures, qui sont actuellement en cours de discussion avec les associations d’élus, notamment l’AMF, l’Association des maires de France.
En tout cas, le message est clair : nous menons une politique de sérieux, une politique de redressement !
Néanmoins, dans un contexte où les indicateurs de croissance évoluent dans le bon sens, rien ne sera fait – je l’ai d’ailleurs indiqué devant la Commission européenne – qui pourrait mettre en cause la croissance.
Telle est la politique de la France, celle qu’a présentée hier le secrétaire d’État chargé du budget, et tel est le cap que nous maintiendrons !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé de ne pas débattre des nouvelles orientations pluriannuelles de nos finances publiques avec la représentation nationale. De ce fait, vous bafouez la démocratie et les droits du Parlement !
Faut-il rappeler au Président de la République que les parlementaires ont eux-aussi été élus pour représenter le peuple français et que, dans une démocratie parlementaire, ce sont eux qui ont le dernier mot ?
En réalité, chacun y voit très clair : vous refusez tout débat en raison de l’absence de consensus dans votre majorité à l’Assemblée nationale et des divisions au sein de votre parti politique. Pris dans un étau entre vos orientations politiques et l’aile gauche du parti socialiste qui ne vous soutient plus, vous pratiquez l’esquive !
La France, compte tenu de son bilan économique et de ses 5, 9 millions de chômeurs, mériterait pourtant un examen du pacte de stabilité et de croissance au Parlement.
Faut-il également rappeler que le nombre de chômeurs a augmenté en l’espace d’une année de 160 000, alors qu’il diminuait sur la même période d’environ 900 000 dans la zone euro ?
Faut-il enfin rappeler que le nombre de défaillances d’entreprises a atteint le triste record de 62 500 en 2014 ?
Nous aurions aimé vous entendre confirmer l’abandon de la promesse du Président de la République de rétablir l’équilibre des comptes publics en 2017.
Nous aurions aussi aimé comprendre comment vous pouvez continuer à présenter des déficits colossaux comme étant de nature conjoncturelle, alors que ceux-ci existent depuis des années, voire des décennies !
Nous aurions aimé vous convaincre, à tout le moins tenter une nouvelle fois, que seule une poursuite de la baisse des dépenses publiques qui s’appuierait sur de véritables réformes de structure conduirait, enfin, à la sortie de déficits que vous estimez conjoncturels.
Nous aurions aimé expliquer à nos concitoyens, une fois encore, que votre stratégie de réduction du déficit se fonde en réalité sur la réduction des dotations budgétaires aux collectivités locales et s’effectue donc, si je puis dire, sur le dos des contribuables locaux qui vont voir leurs impôts augmenter !
Nous aurions en outre aimé que vous ayez le courage d’affronter le Parlement et surtout les divisions internes de votre parti.
Je déplore la légèreté avec laquelle le Président de la République se dispense de la représentation nationale au bénéfice de son parti politique.
En définitive, nous aimerions que vous changiez d’avis. Il est encore temps de le faire ! La démocratie en sortirait grandie car, dans une démocratie parlementaire, les prévisions budgétaires du Gouvernement, lorsqu’elles n’ont pas reçu l’aval de la représentation nationale, ne peuvent engager le pays.
M. Vincent Delahaye. Il s’agit du point de vue défendu par le groupe UDI-UC. Est-ce le vôtre, monsieur le secrétaire d’État ?
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l’UMP.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur plusieurs sujets, dont celui des relations qu’entretient le Gouvernement avec le Parlement, ainsi que de la transparence et de la disponibilité dont il fait preuve pour informer le Parlement et pour débattre avec lui.
En la matière, je dispose d’innombrables exemples de débats qui ont eu lieu, parfois pendant de très longues durées, jour et nuit, samedi et parfois dimanche compris. §Nous avons eu l’occasion – je crois que vous pouvez m’en donner acte – de passer ensemble des dizaines, voire des centaines d’heures, pour débattre de tous les textes budgétaires.
Si vous n’en étiez pas informé, je vous indique que tous les décrets, je pense notamment aux décrets d’avance, ont été transmis à la Haute Assemblée. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a ainsi pu en disposer et la commission des finances dans son ensemble a pu les examiner. Hier, Michel Sapin et moi-même avons d’ailleurs passé plus de deux heures avec les membres de cette commission.
Monsieur le sénateur, nous sommes donc à votre disposition, y compris pendant les vacances ! Nous serons par exemple présents lors de la réunion de la commission des finances de l’Assemblée nationale prévue mercredi prochain. Nous assisterons également au débat de politique générale que l’Assemblée nationale a décidé d’organiser la semaine suivante.
Au-delà de la forme, vous appelez de vos vœux davantage d’économies en faveur du pays.
Tout d’abord, les résultats de l’exécution budgétaire de 2014 ont été particulièrement positifs, puisque l’État a réduit ses dépenses entre 2013 et 2014, vous le savez, de 3, 3 milliards d’euros !
Protestations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Mesdames, messieurs les sénateurs, examinez avec nous la loi de règlement ! Ce sont 3, 3 milliards d’euros de moins ! Les chiffres sont têtus !
Ensuite, vous affirmez certes vouloir aller plus loin, mais nous attendons vos propositions !
J’aurai l’occasion, au cours de cette séance, de revenir sur cette question, car je suis attaché à respecter autant mon temps de parole que le Parlement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
programme de stabilité
Ma question s'adressait à M. le ministre des finances et des comptes publics que je n’aperçois pas dans l’hémicycle.
Alors même que nous examinons et modifions le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit « projet de loi Macron », afin d’en faire un véritable texte en faveur de la croissance, alors même que la France, si j’en juge par l’absence de réformes prévues avant 2017, s’enfonce lentement mais sûrement dans l’immobilisme, je veux me faire le relais du profond mécontentement que le refus du Gouvernement d’organiser au Sénat un débat sur le programme de stabilité européen avant l’envoi de son projet aux instances communautaires suscite.
La Commission européenne invite le Gouvernement à des efforts budgétaires structurels bien précis ? Il en propose d’autres ! Elle réclame des réformes ? Le Gouvernement refuse pourtant tout débat avec le Parlement !
Il s’agit d’une curieuse attitude : l’irrespect à l’égard du processus démocratique le dispute aux imprécisions entretenues sur la trajectoire de nos finances publiques. Ces imprécisions ont d’ailleurs été soulignées par le Haut conseil des finances publiques, même s’il accorde au Gouvernement, c’est sa seule concession, sa prudence en matière d’estimation sur la croissance.
Lors de la réunion de la conférence des présidents, le Gouvernement s’était cependant engagé à satisfaire la demande du Sénat d’organiser un débat sur le programme de stabilité. La Haute Assemblée l’avait programmé aujourd’hui même !
Il s’agit pourtant, vous en conviendrez, d’un débat primordial avant la transmission du projet du Gouvernement aux instances communautaires, au regard du semestre européen ou plus précisément de l’esprit du traité de Lisbonne.
J’avoue être inquiet et soucieux de cette attitude, qui consiste à refuser de débattre au Sénat comme à l’Assemblée nationale.
Je me permettrai de reprendre les propos que M. Sapin a tenus dans le journal Le Monde publié hier dans lesquels il précisait que la transmission du programme de stabilité « permet à la Commission européenne d’exercer un droit de regard, et éventuellement un droit de critique sur la stratégie budgétaire. »
Le Gouvernement accepte un débat sur ses orientations devant la Commission européenne qui, d’après mes informations, aura bien lieu. En revanche, il vient d’en priver la représentation nationale !
Je ne poserai qu’une seule question : pourquoi cette attitude et ce silence ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Monsieur le sénateur, je vous réponds bien volontiers. Christian Eckert vient de répondre à une question proche de la vôtre et aura l’occasion d’intervenir de nouveau sur cet important sujet. Je tiens à mon tour à excuser l’absence de Michel Sapin, car celui-ci participe à une réunion du Fonds monétaire international à Washington. J’estime qu’il est important que le ministre des finances représente notre pays lors des réunions qui se tiennent régulièrement dans ces enceintes internationales.
Tout d’abord, je souhaite vous dire que ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement n’organise pas un vote sur le programme de stabilité.
En 2012, François Fillon, alors Premier ministre, ne l’avait pas fait non plus. Cependant, comme l’a rappelé Christian Eckert voilà un instant…
… et comme l’a dit Michel Sapin hier à l’Assemblée nationale, le Parlement est souverain puisqu’il vote les lois de finances ! Il est donc inutile de créer un faux débat !
En revanche, il me paraît fondamental, monsieur Bizet, de débattre devant les Français des sujets qui les intéressent vraiment, c’est-à-dire de nos actions et propositions pour redresser les finances du pays.
Le Gouvernement a élaboré une stratégie : rétablir l’équilibre des comptes publics, compte tenu de l’état dans lequel vous nous les avez laissés en 2012et réaliser tous les efforts possibles pour relancer la croissance, tout en affichant les priorités suivantes : l’éducation nationale, la sécurité et la justice, et l’emploi !
Au-delà des faux débats, le groupe UMP devrait présenter des contre-projets et des contre-arguments ! Or, pour redresser les finances du pays, vous proposez de baisser les déficits de 100 milliards d’euros à 150 milliards d’euros. C’est du moins la proposition de Nicolas Sarkozy. Pendant la campagne présidentielle de 2012, celui-ci proposait même de réduire de 10 milliards d’euros les dotations aux communes.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Indiquez-leur le nombre de postes de militaires, le nombre de postes de policiers et de gendarmes que vous voulez supprimer !
Mêmes mouvements.
Aujourd’hui, vous nous expliquez pourtant que nos exigences à l’égard des collectivités territoriales sont trop élevées ! Indiquez donc aux Français le nombre de postes d’enseignants que vous voulez supprimer ! §Indiquez-leur enfin le nombre de services publics que vous voulez supprimer dans les départements ruraux !
Au lieu de mener avec démagogie une campagne sur ce sujet, dites-nous enfin la vérité, monsieur Bizet, vous et votre groupe, sur votre programme en matière de réduction des déficits publics !
Quant à nos relations avec l’Union européenne, nous avons toujours dit que nous cherchions à atteindre l’objectif d’une baisse du déficit nominal. La France suit en effet une trajectoire claire en matière de déficit structurel. Toutefois, nous avons clairement annoncé à la Commission européenne que nous ne suivrions pas les préconisations pouvant mettre en cause notre stratégie en matière de croissance.
La parole de la France est forte. Il faut y croire ! C’est vrai tant en termes de réduction des déficits publics qu’en matière d’investissements, comme le montre le plan de 315 milliards d’euros annoncé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.
C’est ainsi, monsieur le sénateur, que nous bâtissons notre stratégie économique et budgétaire.
Je vous demande de faire preuve de plus de clarté devant les Français !
Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Cette question, qui sera sans doute moins partisane et peut-être plus concrète pour les populations que nous représentons, porte sur l’évolution potentielle des politiques de handicap à l’échelon départemental.
Trois lois encadrent actuellement le champ du handicap : la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, la loi en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés du 10 juillet 1987 et la loi pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées du 11 février 2005. Celle-ci a permis la création d’un lieu unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées : les maisons départementales des personnes handicapées, ou MDPH.
Dans chaque département, les MDPH permettent un accès unifié aux droits et aux prestations prévus pour les personnes handicapées. Malheureusement, de trop nombreuses charges administratives pèsent sur leurs personnels. Leur volume d’activité est en hausse depuis 2006 malgré des effectifs constants.
Afin d’y remédier, l’association des directeurs de maison départementale des personnes handicapées a adressé, le 23 mai 2014, onze propositions de simplification des démarches aux autorités publiques et aux différents acteurs du handicap, afin de permettre aux MDPH de mieux remplir leurs missions.
Lors de la conférence nationale du handicap, qui s’est déroulée le 11 décembre 2014 à l’Élysée, le Président de la République a annoncé « des mesures concrètes de simplification pour améliorer le quotidien des plus fragiles ». Il a également promis la dématérialisation des échanges entre MDPH et caisses d’allocations familiales, afin d’accélérer le traitement des demandes d’allocations pour adultes handicapés et de prestations compensatrices du handicap.
Madame la secrétaire d’État, ma question sera simple : quel est l’état d’avancement des travaux annoncés dans le cadre du choc de simplification qui permettraient de dégager du temps humain, autrement dit qui permettraient aux personnels des MDPH de disposer de davantage de temps pour l’accompagnement et la prise en charge adaptée des personnes handicapées ? Plus généralement, quelles sont les adaptations prévues pour accroître le soutien au service public local dans son action quotidienne auprès des personnes handicapées ?
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées de l’UMP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, je voudrais commencer mon propos en vous félicitant pour votre brillante réélection à la tête de votre magnifique département – département que je connais bien –, les Pyrénées-Orientales.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du RDSE.
Je connais votre investissement quotidien au service de nos concitoyens, et l’intérêt que vous avez toujours porté à la politique du handicap. Je ne suis donc pas du tout étonnée que vous m’interrogiez sur les MDPH et leur rôle essentiel dans l’orientation et l’accompagnement des personnes.
Vous l’avez dit, les MDPH constituent des lieux uniques d’orientation et d’accompagnement, qui concentrent les compétences pour l’évaluation et le suivi des personnes handicapées. La création de ce guichet unique, dans la loi de 2005, a constitué une avancée, malgré toutes les difficultés que les MDPH peuvent rencontrer aujourd’hui.
Il y a eu, vous l’avez souligné, une très forte montée en charge entre 2006 et aujourd’hui. Je peux néanmoins vous rassurer, madame la sénatrice : les demandes se stabilisent désormais, et ce depuis 2012. Les délais de réponse sont certes encore trop longs – ils sont d’un peu plus de quatre mois pour les adultes, et de trois mois environ pour les enfants –, mais ils s’améliorent régulièrement.
Comment faire pour diminuer les tâches administratives et améliorer l’accompagnement humain dans ces MDPH ? Nous avons pris un certain nombre de mesures en ce sens.
Nous poursuivons d’abord le travail de dématérialisation que vous avez évoqué, ainsi que de simplification du formulaire de demande dans les MDPH.
Nous venons également d’étendre la durée d’attribution de ce que l’on appelle l’« AAH 2 », l’allocation adulte handicapé de type 2, qui était de deux ans et pourra désormais être prolongée jusqu’à cinq ans.
Nous venons en outre d’allonger la durée de validité des certificats médicaux qui sont adjoints aux demandes ; de trois mois actuellement, elle pourra être étendue à six.
Enfin, les départements peuvent désormais mettre en place le tiers payant pour les aides techniques qui permettra d’éviter aux personnes d’avancer des sommes importantes pour l’acquisition d’un fauteuil roulant, par exemple.
Grâce à l’ensemble de ces mesures, le traitement des demandes sera renforcé, les délais de réponse seront réduits et le travail des agents sera facilité.
Pour terminer, je veux insister sur un point, madame la sénatrice. Les départements sont les premiers acteurs de l’action sociale en France.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Vous qui êtes présidente d’un département, vous le savez bien. C’est vous qui avez la connaissance des territoires ; c’est vous qui avez la connaissance des habitants ; c’est vous qui savez le mieux ce qui est le plus ou le moins efficace. C’est donc ensemble, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous pouvons continuer à améliorer les MDPH.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La réforme du collège, qui se fera pour l’essentiel par décret en 2016, est une impérieuse nécessité. Nous en partageons tous, me semble-t-il, les finalités : favoriser le travail de groupe, permettre davantage d’interventions conjointes et de pratiques interdisciplinaires des équipes enseignantes sont en effet des mesures essentielles.
L’augmentation des heures d’accompagnement nous conduit à nous interroger, dans la mesure où ces aides ne font l’objet d’aucune analyse des pratiques en aval, et de peu de formations permettant de les concevoir en amont, si l’on en croit le référé sur la formation continue des enseignants rendu par la Cour des comptes le 14 avril dernier, ainsi que l’excellent rapport qu’elle a produit sur l’aide individuelle.
La question – de forme comme de fond – se pose de l’articulation de la réforme du collège et des choix curriculaires et interdisciplinaires du Conseil supérieur des programmes, ou CSP. Qu’en est-il ?
Par ailleurs, toutes ces réformes seront vaines si rien ne bouge en matière de « non-mixité sociale » de nombreux collèges, où l’homogénéité des publics scolaires grandit.
En face, des enseignants ont profité, grâce à la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, de quelques formations à la coopération, à la coproduction numérique, au travail en équipe. Un accompagnement des équipes, associant les acteurs éducatifs, pour poursuivre l’apprentissage du travail en commun serait néanmoins le bienvenu.
« Mieux apprendre pour mieux réussir », tel est le slogan choisi pour cette réforme. Pour ce faire, ne faut-il pas d’abord et surtout accompagner au sein même des collèges l’évolution des pratiques pédagogiques ? Ne faut-il pas aussi que les collèges comptent des publics plus mélangés ?
Cette question, mes chers collègues, est dédiée à Claude Dilain, ainsi qu’aux enseignants, aux familles, au personnel et à l’équipe de direction du collège Jean Lurçat d’Angers.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.
Madame la sénatrice, la ministre de l’éducation nationale a lancé cette réforme du collège pour l’année 2016, afin de lutter, justement, contre les inégalités, de consolider les apprentissages fondamentaux, tout en permettant l’interdisciplinarité et un meilleur apprentissage des langues vivantes.
L’accompagnement personnalisé pour tous les élèves est un axe fort de la mise en œuvre de la nouvelle organisation du collège. Tous les élèves jouiront, pendant les vingt-six heures hebdomadaires d’enseignement, de trois heures d’accompagnement personnalisé en classe de sixième, et d’au moins une heure d’accompagnement personnalisé en classe de cinquième, de quatrième et de troisième.
Cet accompagnement leur permettra d’acquérir des méthodes, de progresser dans différentes matières et d’approfondir leurs connaissances.
Mais, vous avez raison, madame la sénatrice, pour que cette ambition se concrétise, un accompagnement des équipes est primordial. Celles-ci pourront ainsi profiter de formations pour les accompagner dans la mise en œuvre de leurs futurs projets tout au long de l’année scolaire 2015-2016. Les principaux, les inspecteurs pédagogiques seront guidés dès ce printemps, de sorte que des formations puissent être organisées sur site, dans les collèges.
Vous le soulignez, vous le préconisez même, l’articulation entre la réforme du collège et les programmes scolaires, entre la forme et le fond, est nécessaire. C’est précisément la mission qui a été confiée au CSP, lequel a publié le 13 avril dernier les projets de contenu des enseignements au collège, dans le cadre de cette nouvelle organisation.
Dans la mesure où cette réforme est globale, nous agissons aussi pour lutter contre la ghettoïsation et pour favoriser la mixité sociale. Sur la base d’un diagnostic partagé avec les collectivités territoriales, grâce à l’appui d’outils mis à disposition par les différents acteurs, notamment le ministère compétent, de nouveaux secteurs de recrutement des collèges pourront être définis avec les conseils départementaux volontaires, pour regrouper plusieurs établissements et favoriser ainsi une meilleure mixité sociale.
Dans ce cas, une procédure d’affectation renouvelée sera mise en place. C’est l’une des mesures fortes qui a été prise lors du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars dernier qui s’est tenu sous l’égide du Premier ministre.
Vous avez eu raison de rendre hommage à Claude Dilain dans votre intervention, car cette mesure est extrêmement importante pour tous les habitants des quartiers populaires, notamment. En tant que secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, je peux vous dire que la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et moi-même travaillons ensemble, et de façon extrêmement forte, en ce sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.
réforme des collèges
Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais j’ai bien compris que Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville y répondrait.
Après la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui donnait la priorité à l’école primaire, le Gouvernement a souhaité réformer le collège, qui constitue le deuxième pilier du socle commun de connaissances, de compétences et de culture de notre système éducatif.
Nous le savons tous, les évaluations nationales et internationales montrent que le collège actuel aggrave la difficulté scolaire, en particulier pour ce qui concerne les disciplines fondamentales.
Ainsi, les études PISA témoignent que, en France, entre 2002 et 2012, les collégiens ont régressé en français, en mathématiques et en histoire-géographie, contrairement à ceux des autres pays de l’OCDE, lesquels, en moyenne, ont progressé. En France, la proportion d’élèves ne maîtrisant pas les compétences de base en français est de 12 % en cours moyen deuxième année et de 25 % en troisième. En mathématiques, cette proportion est de 9 % en cours moyen deuxième année et de 13 % en troisième.
Sans mettre en cause la compétence et l’engagement des enseignants, il faut reconnaître que le collège est profondément inégalitaire, triant les élèves davantage qu’il ne les accompagne dans la réussite. Il est peu adapté au développement des compétences nécessaires à la future insertion des collégiens et, on le constate malheureusement, il reste peu efficace dans la lutte contre l’échec scolaire et le décrochage de trop nombreux élèves.
On peut donc dire que le collège actuel est insuffisamment motivant et efficace pour les élèves, souvent anxiogène pour les parents et parfois frustrant pour les professeurs.
Il fallait par conséquent sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes arrivés, quarante ans après la création du collège unique et l’ambition républicaine dont il était porteur.
Aujourd’hui, il est nécessaire de prolonger la refondation globale de l’école qui est au cœur du redressement de notre pays voulu par le Président de la République. L’enjeu de cette refondation est contenu dans le double défi de rétablir la performance de notre système éducatif en assurant la réussite du plus grand nombre et en luttant contre le déterminisme social, tout en faisant partager les valeurs de la République.
Madame la secrétaire d’État, comment redonner de l’efficacité éducative et réactiver la promesse républicaine en réformant le collège ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.
Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le rappeler, le collège est le maillon faible de la scolarité des élèves français.
M. Éric Doligé s’exclame.
Sans mettre en cause – il est important de le préciser – ni les compétences ni l’engagement des enseignants, force est de reconnaître que le collège est inégalitaire ; il est monolithique dans son approche disciplinaire ; il est inadapté au développement des compétences indispensables à la future insertion des collégiens ; il est peu efficace en matière d’orientation et de lutte contre le décrochage.
C’est pour cela que la ministre de l’éducation nationale a engagé une démarche pragmatique et globale. Pragmatique, parce qu’il faut partir de ce qui marche déjà sur le terrain, et libérer les capacités d’initiative des enseignants. Globale, parce que nous devons repenser en même temps les contenus, les pratiques d’enseignement et l’organisation pédagogique pour répondre aux enjeux du collège de 2016.
C’est cette ambition qui guide la refonte de l’ensemble des programmes, engagée pour que tous les élèves acquièrent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. C’est cet impératif qui doit nous conduire à améliorer la façon de transmettre pour les professeurs, et d’apprendre pour les élèves. Sera donnée aux équipes une marge de manœuvre de 20 % du temps d’enseignement, dans le respect, bien sûr, des horaires disciplinaires : ce temps dédié à un apprentissage différent des savoirs fondamentaux, par le travail en petits groupes, des enseignements pratiques interdisciplinaires, ou un accompagnement individuel particulièrement renforcé est au cœur de la nouvelle organisation du collège.
L’un des problèmes qui se pose au collège, aujourd’hui, c’est l’ennui qui conduit parfois les élèves au décrochage. Le développement du numérique, l’apprentissage d’une deuxième langue vivante dès la cinquième et de la première langue vivante dès le cours préparatoire constituent des réponses décisives.
Enfin, le nouveau collège deviendra un lieu d’épanouissement et de construction de la citoyenneté. Chaque établissement devra notamment inscrire dans son projet de vie, au collège, le civisme et la célébration des symboles de la République. Chaque collège favorisera la création de médias par les élèves pour mieux appréhender l’information et mieux lutter contre les théories du complot, entre autres. La démocratie collégienne sera également développée.
C’est donc, vous le constatez, une réponse globale et cohérente qui est aujourd’hui apportée pour résoudre les problèmes que connaît le collège en France.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour le groupe UMP.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres et secrétaires d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier par anticipation M. le secrétaire d’État chargé du budget des félicitations qu’il ne manquera pas de m’adresser au sujet de ma réélection à la tête du conseil départemental, ainsi que vient de le faire Ségolène Neuville à l’égard de Mme Malherbe.
Mêmes mouvements.
Hier, lors de son audition devant la commission des finances et la commission des affaires européennes du Sénat, Michel Sapin a indiqué que le Gouvernement ferait les 50 milliards d’euros d’économies, tous les 50 milliards, mais rien que les 50 milliards. Cette affirmation ne saurait nous surprendre puisque, depuis son annonce au début de l’année 2014, le programme de 50 milliards d’euros d’économies reste invariable.
Toutefois, cette constance peut déconcerter, alors même que le Gouvernement multiplie les annonces nouvelles en termes de recettes comme de dépenses. Je pense notamment au plan en faveur de l’investissement, qui a été annoncé par le Premier ministre la semaine dernière, et qui a fait l’objet d’un amendement hier au Sénat. Ce plan comprend des mesures dont le coût atteint 3, 9 milliards d’euros pour la période 2015-2019.
À cet égard, en dépit de nos nombreuses demandes – nous en avons fait une hier encore –, vos indications concernant la compensation du coût de ces mesures demeurent particulièrement floues, monsieur le secrétaire d’État. Comment allez-vous financer ces 3, 9 milliards d’euros ? Serait-il possible de nous apporter des précisions à ce sujet ?
Par ailleurs, la Commission européenne nous invite avec insistance à adopter des mesures additionnelles de consolidation des comptes publics, dont le montant approche 60 milliards d’euros pour les années 2015 à 2017. Il faut d’ailleurs rappeler que la Commission n’identifie que la moitié des 50 milliards d’euros d’économies annoncés par le Gouvernement qui restent fort peu documentés, sauf peut-être pour les collectivités territoriales.
Enfin, le projet de programme de stabilité indique que « le Gouvernement serait […] prêt à prendre les mesures complémentaires nécessaires pour assurer le respect des cibles nominales ». N’y a-t-il, pas monsieur le secrétaire d’État, une contradiction avec votre volonté de ne pas aller au-delà des 50 milliards d’euros d’économies annoncés, et celle de respecter votre trajectoire de réduction des prélèvements obligatoires ?
Pour résumer, comment allez-vous financer les mesures nouvelles annoncées en faveur de l’investissement ? Comment ferez-vous pour atteindre vos objectifs budgétaires si la conjoncture économique s’avérait moins favorable qu’espéré ? Doit-on craindre, dans cette hypothèse, une hausse de la pression fiscale ?
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président du conseil départemental d’Eure-et-Loir
Sourires.
, au nom du Gouvernement, je vous présente mes félicitations, ainsi qu’à toutes celles et ceux parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui justifient des mêmes qualités !
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Je vous remercie de votre question. Vous nous interrogez sur la façon de financer les mesures que nous prenons. Je vous éclairerai tout d’abord sur la manière dont nous ne les financerons pas.
Premièrement, nous ne les financerons pas par l’endettement, contrairement à ce que certains ici présents ont fait entre 2002 et 2012, ce qui est clairement inscrit dans les bilans !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Deuxièmement, nous ne les financerons évidemment pas par des hausses d’impôts.
Applaudissements
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rassurez-vous, monsieur le sénateur, tout va bien se passer !
Sourires
Je le disais donc, nous financerons ces mesures non par l’endettement ou par des hausses d’impôts, mais par des économies.
Je citerai quelques exemples et fournirai quelques preuves. Nous avons mis en place depuis le 1er janvier de cette année – c’était d’ailleurs une nécessité – un certain nombre de mesures pour lutter contre le djihadisme et assurer la sécurité de notre pays. Cet objectif a recueilli d’ailleurs un consensus. Le montant de l’ensemble de ces dépenses, plus quelques autres, s’est élevé très exactement à 960 millions d’euros. Nous les avons financées – vous le savez puisque vous avez reçu communication des décrets d’avance – en trouvant des crédits dans d’autres ministères, de façon parfaitement transparente.
Nous devrons réaliser 4 milliards d’euros d’économies. Je vous les ai décrites hier, même si mes réponses ne semblent jamais suffisamment précises à votre goût. Quoi qu’il en soit, je vous renvoie notamment à l’exécution budgétaire de l’année dernière. Nous avons financé, conformément à ce que nous avions promis, 3, 6 milliards de mesures nouvelles en cours d’année, et le déficit s’est révélé moins élevé que prévu.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. N’ayez donc aucune inquiétude à ce sujet, monsieur de Montgolfier, nous travaillons ensemble et vous recevrez toutes les assurances que vous souhaiterez !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
La semaine européenne de la vaccination commence lundi prochain, le 20 avril. C’est l’occasion pour l’ensemble des acteurs du secteur de la santé de mettre en place des dispositifs, afin de favoriser une meilleure compréhension de la protection vaccinale, tant du point de vue de ses atouts que de la maîtrise de ses risques.
Madame la ministre, tout récemment, des événements tragiques ont mis une fois de plus en cause la sécurité des vaccins. Il s’agissait de vaccins contre les rotavirus. Mais c’est en permanence que les autorités et les professionnels de santé doivent rassurer. Pourquoi une telle méfiance ?
Le vaccin est un médicament particulier à plusieurs titres.
Il est tout d’abord un médicament préventif, qui s’adresse en conséquence à des personnes le plus souvent jeunes et en bonne santé. Le vaccin est ensuite un médicament solidaire, dans la mesure où il n’entraîne pas seulement un bénéfice sur la santé sur le plan individuel, mais permet également de protéger l’entourage des personnes vaccinées. Le vaccin présente enfin une dimension politique, parce que l’obligation vaccinale est définie par la puissance publique. La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 20 mars dernier confirme, d’ailleurs, le caractère obligatoire de la vaccination, affirmant ainsi qu’il n’est pas contraire à la Constitution de 1958 et rappelant la compétence du Parlement pour « définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ».
Il convient donc aujourd’hui d’utiliser la vaccination de manière adaptée et acceptable pour la population. Cette semaine européenne est l’occasion de répondre aux questions suivantes. Comment faciliter l’accès aux vaccins ? Comment clarifier le rôle des instances participant à la prise de décision ? Comment personnaliser le suivi ? Comment éduquer à la vaccination ?
L’examen prochain par le Sénat du projet de loi relatif à la santé sera pour nous l’occasion de prolonger le débat. Madame la ministre, quelles réponses le Gouvernement entend-il apporter à cette urgence ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le sénateur, la semaine européenne de la vaccination doit être pour nous, comme vous le soulignez, l’occasion de rappeler avec force l’importance de la vaccination. Cette dernière n’appartient pas au passé. Elle a permis de sauver des millions de vies, d’endiguer la propagation de maladies graves, d’éradiquer, par exemple, la variole.
Nous avons de grandes perspectives ; nous avons bon espoir de disposer d’un vaccin contre la dengue. Notre mobilisation reste cependant nécessaire. En effet, le risque de voir ressurgir des maladies existe. De plus, monsieur le sénateur, nous nous inquiétons de la résurgence de foyers de certaines maladies. Ainsi, un foyer de rougeole a été découvert dans un collège alsacien voilà quelques jours, chez des enfants qui n’avaient pas été vaccinés.
Par ailleurs, je veux vous faire part de l’une de mes préoccupations. Aujourd'hui le taux de vaccination des personnes âgées est insuffisant, et les comportements réfractaires s’expriment publiquement. Si nos concitoyens adhèrent de plus en plus à la vaccination – 61 % des Français y étaient favorables en 2010, contre près de 80 % aujourd'hui –, nous constatons que les personnes âgées et à risque ne se font pas vacciner suffisamment. Trois orientations ont donc été adoptées.
Tout d’abord, j’ai mis en place un programme national d’amélioration de la politique vaccinale, et fait le choix de la simplification et de la clarification du calendrier vaccinal.
Ensuite, le projet de loi de modernisation de notre système de santé, dont nous débattrons dans cette enceinte, comporte plusieurs mesures pour renforcer la couverture vaccinale, notamment l’élargissement de la possibilité de réaliser des vaccins dans les centres de planification et les centres de santé. Les sages-femmes pourront, par exemple, vacciner.
Enfin, le Premier ministre a confié à Mme la députée Sandrine Hurel une mission pour formuler des recommandations visant à améliorer le taux d’adhésion de la population et des professionnels de santé à la vaccination.
Mme Marisol Touraine, ministre. Vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est mobilisé.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe UMP.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le Premier ministre, vous allez peut-être trouver la majorité sénatoriale insistante puisque, après Albéric de Montgolfier, Jean Bizet et Vincent Delahaye, j’aborderai de nouveau dans mon intervention le pacte de stabilité et de croissance et l’équilibre budgétaire.
Mme Fabienne Keller. Vous nous avez très énergiquement indiqué que vous prépariez le pays après dix ans d’échec. Je vous laisse libre de cette analyse. Néanmoins, avec près de 600 000 chômeurs supplémentaires en trois ans, la politique de François Hollande n’est pas à proprement parler une réussite !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
M. le ministre des finances et des comptes publics nous répète à l’envi que les trajectoires de réduction du déficit budgétaire défendues par le Gouvernement correspondent à celles de Bruxelles. À l’en croire, le débat sur des sanctions européennes « est aujourd’hui complètement dépassé ». Pourtant, la France fait partie du petit groupe des quatre pays de la zone euro dont le solde public est le plus dégradé, avec la Slovénie, le Portugal et l’Espagne. Pourtant, sur les 4 milliards d’euros d’économies qui ont été annoncés hier, une moitié seulement est liée à un changement structurel.
L’autre moitié est due à la conjoncture, notamment à la baisse du prix du pétrole et surtout à la diminution de la charge de la dette. Nous vivons là un effet anesthésiant de cette situation favorable. Ces bonnes nouvelles de court terme ne couvrent pas la période d’engagement demandée à Bruxelles et ne correspondent pas à des orientations de structure, de fond, dont a besoin notre pays.
Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos orientations structurelles et durables pour faire face, au cours de la période 2015-2017, à l’effet de la baisse des investissements des collectivités qui entraînera mécaniquement une diminution des recettes de l’État ? Ce paramètre n’est absolument pas pris en compte dans le budget.
Quelles sont également vos orientations pour financer l’amortissement accéléré des investissements des entreprises, même si nous sommes plutôt d’accord avec vous sur cette politique ?
Comment allez-vous financer le montage prévu pour le respect des engagements de la loi de programmation militaire, le tout sans augmenter les impôts, comme nous le promet Christian Eckert ? En matière d’impôt, les Français ne croient que ce qu’ils voient…
Bref, pourriez-vous nous expliquer en quoi les mesures proposées consolideront durablement la structure du budget de la France ?
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la sénatrice, c’est un plaisir de répondre aux questions posées au Sénat. Vous n’ignorez pas la considération que j’ai pour votre assemblée.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Keller, je suis d’accord avec vous sur un point : il n’est pas particulièrement utile que nous nous livrions les uns et les autres à une bataille de chiffres à propos de l’emploi et du chômage, sinon il nous faudrait vous rappeler le million de chômeurs supplémentaires que nous avons trouvés en 2012, citer les 600 milliards d’euros de plus de dette pour le pays, sans parler du niveau de déficit !
Protestations sur les travées de l'UMP.
À un moment où les Français doutent de l’action publique et de la parole publique, je souligne que malheureusement notre pays s’est habitué depuis des années à un niveau de chômage de masse insupportable pour nos compatriotes, ainsi qu’à un niveau de déficit beaucoup trop élevé. La mission de ceux qui gouvernent est de réduire ces déficits – c’est le sérieux budgétaire. La trajectoire du Gouvernement a été rappelée par Christian Eckert : après avoir obtenu un résultat meilleur que prévu, c'est-à-dire 4 % au lieu de 4, 4 % en 2014, abaisser le déficit à 3, 8 % du PIB en 2015, à 3, 3 % en 2016 et à 2, 7 % en 2017. À cette date, nous devrions nous trouver sous la barre des 3 % du PIB. Cette trajectoire a fait l’objet d’un vote unanime de la Commission européenne et du Conseil.
Pour ce qui concerne le déficit structurel, l’objectif est de 0, 5 point en 2016, grâce à un certain nombre de mesures qui seront effectivement d’ordre budgétaire. Bien évidemment, nous intégrons dans nos calculs le niveau de l’inflation, qui est l’un des éléments négatifs de la projection budgétaire. C’est ainsi que nous agissons sans mettre en cause la croissance, qui est désormais de retour. Le rythme du redressement prévu n’est donc pas modifié.
Pour parvenir à nos objectifs, du fait du recul très net de l’inflation qui réduit les rendements des mesures d’économie déjà adoptées, un redressement complémentaire de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2015 et de 5 milliards d’euros en 2016 sera nécessaire. Ces cibles sont exigeantes, mais elles sont réalistes. Nous devons réduire les déficits de 50 milliards d’euros sur trois ans, en tenant compte de l’inflation. C’est ça gouverner sérieusement et gérer sérieusement nos finances locales !
Par ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, nous observons un redressement de la croissance, sans doute encore fragile, tant dans la zone euro qu’en France. Il convient de comparer ce qui est comparable, notamment par rapport à la situation dans les pays du Nord ou en Allemagne. L’Espagne est souvent prise en exemple. Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi de vous rappeler que les Espagnols partent d’un niveau beaucoup plus bas que nous, ce qui explique le rebond qu’ils connaissent aujourd'hui.
Nous devons donc conforter à la fois cet objectif de croissance et nos finances nationales. C’est ainsi que nous préparons l’avenir ! Nous préservons nos priorités. Je les ai rappelées, et Christian Eckert vient également de le faire. Nos priorités, ce sont la sécurité, l’école, mais aussi le soutien aux entreprises ! C’est le sens des mesures en faveur de l’investissement privé que j’ai déjà annoncées et des mesures en faveur de l’investissement public que j’annoncerai à la mi-mai.
Madame Keller, nous attendons vos propositions et celles de vos amis pour la croissance !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Le débat sur le texte présenté par Emmanuel Macron a lieu actuellement. J’attends aussi vos propositions précises en matière de réduction des déficits.
Vous ne pouvez pas affirmer à la fois qu’il ne faut pas réduire les dotations aux collectivités territoriales, qu’il faut augmenter le budget de la défense et qu’il faut préserver nos engagements en matière de sécurité ! Vous avez diminué le nombre de policiers et de gendarmes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ! §Vous ne pouvez pas expliquer qu’il faut baisser les impôts ; vous les avez augmentés de 30 milliards d'euros quand vous étiez au pouvoir !
Madame Keller, il faut mettre de l’ordre dans ses idées pour être crédible auprès des Français !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Elle est doublement d’actualité.
À l’instar de nombreux collègues ayant participé à la campagne des élections départementales, j’ai été interpellé lors de chaque réunion sur la problématique de la téléphonie mobile, des zones blanches, des zones grises, ainsi que sur internet. J’ai même cru un temps que la totalité des zones blanches et des zones grises de la France étaient rassemblées dans mon département !
Sourires.
Le Premier ministre a dû lui aussi entendre ce « ras-le-bol », puisqu’il a proposé un plan de résorption des 170 zones blanches et des quelques zones grises en matière de téléphonie.
Le sujet a été débattu dans le cadre du volet investissement de votre projet de loi, monsieur le ministre de l’économie. Je pensais que tout pourrait être réglé.
Mais, à la lumière des débats, je reste inquiet sur la définition de la « zone blanche ». Si, demain, nous devions avoir les mêmes critères qu’aujourd’hui, l’incompréhension et la colère de la population seraient totales.
Je le rappelle, il suffit qu’un appel passe devant la mairie pour que la zone soit déclarée non blanche. Or, nous le savons bien, de nombreux villages qui répondent à ce critère n’ont pas de couverture satisfaisante.
Nos concitoyens voyagent et observent ce qui se passe dans d’autres pays, parfois beaucoup moins développés que le nôtre. Ils n’admettent plus la situation actuelle.
Je vous pose donc la question suivante, monsieur le ministre : les mesures que vous allez mettre en œuvre ne concerneront-elles que les centres-bourgs ou bien couvriront-elles tout le territoire ? Faudra-t-il encore que les collectivités locales mettent la main à la poche, accentuant ainsi encore le sentiment de nos concitoyens d’une France à deux vitesses ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous connaissons votre volonté de dynamiser l’économie. Mais, vous le savez, cela passe par une accélération de l’investissement.
Je souhaite également aborder l’équipement haut débit internet. Pourrait-on accélérer la mobilisation du Fonds national pour la société numérique, le FSN, et des fonds européens qui peuvent les compléter ? Surtout, pouvez-vous nous assurer que nous aurons votre soutien ?
M. Philippe Adnot. Il y a eu des évolutions positives. Elles devraient permettre que la montée en débit relève du financement du FSN, puisque 95 % des investissements de la montée en débit seront utiles pour le très haut débit FTTH, Fiber to the home, ou fibre optique jusqu’au domicile.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur Adnot, vous l’avez rappelé, nous avons eu ce matin un long débat qui a conduit à l’adoption d’un article important, faisant suite aux engagements pris par M. le Premier ministre au mois mars dernier et à de nombreuses initiatives émanant, me semble-t-il, de l’ensemble des groupes de votre Haute Assemblée.
Je remercie d'ailleurs les intervenants, toutes sensibilités confondues, de la qualité du débat qui a eu lieu ce matin. Tous ont exprimé les besoins en la matière.
Des interrogations persistent. Qu’est-ce qui sera réellement couvert ? Comment le financement sera-t-il réparti ?
La priorité, ce sont les centres-bourgs ; vous l’avez rappelé.
Les engagements seront inscrits dans la loi, et ils auront, pour la première fois, force contraignante. Cela permettra de couvrir l’ensemble des centres-bourgs non couverts à ce jour d’ici à la mi-2017. Cela signifie 170 communes pour la 2G et environ 2 600 communes pour la 3G ou la 4G. C’est une obligation qui s’imposera aux opérateurs. Ceux qui y contreviendront pourront être sanctionnés par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Ce n’était pas le cas jusqu’à aujourd'hui.
Mais, comme vous l’avez souligné, ce n’est pas suffisant.
Au-delà des centres-bourgs, il reste des zones blanches. Ces zones, qui sont imparfaitement mesurées aujourd'hui par les indicateurs – d’ailleurs, ceux qui ânonnent les statistiques selon lesquelles la totalité du territoire serait couverte suscitent souvent l’indignation –, pourront dorénavant faire l’objet d’une demande devant un guichet.
L’organisation est structurée, autour de la mission « Très haut débit ». L’État assure la mise en œuvre de moyens humains et financiers. Ce sera la certitude de couvrir dans la même période les zones concernées de relais complémentaires, afin qu’il n’y ait plus du tout de zones blanches.
Cela suppose un financement. C’est le deuxième volet de votre question.
Le financement relèvera d’abord des opérateurs. Ces derniers seront contraints par l’engagement que je viens d’évoquer. Ils financeront l’entretien.
L’État apportera les financements complémentaires pour les zones blanches hors centres-bourgs avec les collectivités territoriales, en mobilisant 20 millions d'euros du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous apporterons tous ces projets au guichet du plan Juncker et à celui du FSN, pour que la part de l’État et celle de l’Europe soient maximales.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.
Mon rappel au règlement concerne la manière dont il a été rendu compte, notamment par M. le président de la commission des lois, de la réunion de la commission qui s’est déroulée hier matin. Les conclusions qui en ont été tirées sont fallacieuses.
M. le rapporteur du projet de loi relatif à la réforme de l’asile a indiqué que la Cour des comptes avait publié un rapport ou des éléments d’information sur le droit d’asile et que, dès lors, nous ne pouvions pas examiner les amendements.
J’ai pris la parole pour faire observer que la Cour des comptes avait publié un communiqué pour démentir cette assertion ; seuls des travaux préparatoires étaient en cours, et ils ont donné lieu à des fuites. À ce jour, il n’y a donc pas de rapport sur le sujet. Mais M. le rapporteur a maintenu sa position, et nous n’avons pas pu nous prononcer sur les amendements.
Cela constitue un précédent. Va-t-on désormais indexer les travaux du Sénat et du Parlement sur les fuites qui se produiront dans la presse à propos de rapports éventuels, hypothétiques et virtuels ? C’est une véritable question, monsieur le président. Je vous prie de bien vouloir relayer mes propos auprès de M. le président du Sénat.
Je voudrais également évoquer un autre problème, à l’origine d’une mauvaise interprétation.
À la fin de notre séance de travail, nous avons constaté que le projet de loi relatif à la réforme de l’asile était inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat le mardi 5 mai, en fin d’après-midi. Or nous savons que l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ne sera pas achevé.
C’est pourquoi nous avons demandé à M. le président de la commission des lois de saisir la conférence des présidents. Nous ne souhaitons pas nous départir – je parle à tout le moins pour le groupe socialiste – du souci qui est le nôtre de délibérer dans les meilleurs délais. La réforme du droit d’asile n’a que trop attendu. De sérieux problèmes se posent quant à la durée des procédures, sans parler du récent drame humain qui s’est produit en mer Méditerranée.
Or, sous prétexte d’un prétendu rapport de la Cour des comptes, la commission des lois a décidé de reporter sine die l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.
Mais nous n’avons absolument pas formulé une telle demande ! Seul M. le rapporteur a pris une telle initiative, qui pose problème. Et, comme l’a indiqué la Cour des comptes elle-même, le rapport en question n’existe pas.
Nous souhaitons que la Haute Assemblée puisse débattre rapidement de ce texte – je pense qu’une conférence des présidents se réunira bientôt !–, en y consacrant le temps nécessaire pour aborder ces questions avec tout le sérieux qu’elles requièrent.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Nous reprenons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 34.
Section 2
Améliorer le financement
I. –
Non modifié
1° Le I de l’article 80 quaterdecies est ainsi rédigé :
« I. – L’avantage salarial correspondant à la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce est imposé entre les mains de l’attributaire, selon les modalités prévues au 3 de l’article 200 A du présent code. » ;
2° Après le treizième alinéa du 1 quinquies del’article 150-0 D, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° En cas de cession d’actions attribuées dans les conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce, à partir de la date d’acquisition prévue au sixième alinéa du I du même article L. 225-197-1. » ;
3° À la première phrase du 2 du I de l’article 182 A ter, la référence : « L. 225-197-3 » est remplacée par la référence : « L. 225-197-6 » ;
4° Le 3 de l’article 200 A est ainsi rétabli :
« 3. L’avantage salarial mentionné à l’article 80 quaterdecies est retenu dans l’assiette du revenu net global défini à l’article 158, après application, le cas échéant, des abattements prévus au 1 de l’article 150-0 D et à l’article 150-0 D ter. » ;
5° À la quatrième phrase du dernier alinéa du I de l’article 223 A, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
II. –
Non modifié
A. – Le 6° du II de l’article L. 136-2 est ainsi rédigé :
« 6° L’avantage mentionné au I de l’article 80 bis du code général des impôts ; »
B. – Au e du I de l’article L. 136-6, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : «, de l’avantage mentionné à l’article 80 quaterdecies du même code » ;
C. – L’article L. 137-13 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, la référence : « L. 225-197-5 » est remplacée par la référence : « L. 225-197-6 » ;
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette contribution ne s’applique pas aux attributions d’actions gratuites décidées par les sociétés qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création et qui répondent à la définition des petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises, dans la limite, par salarié, du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code. Cette limite s’apprécie en faisant masse des actions gratuites dont l’acquisition est intervenue pendant l’année en cours et les trois années précédentes. L’ensemble de ces conditions s’apprécie à la date de la décision d’attribution. Le bénéfice de cet abattement est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis. » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas d’attribution d’actions gratuites, cette contribution s’applique sur la valeur, à leur date d’acquisition, des actions attribuées. » ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Le taux de cette contribution est fixé à :
« 1° 30 % sur les options consenties dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 du code de commerce. Elle est exigible le mois suivant la date de décision d’attribution des options ;
« 2° 20 % sur les actions attribuées dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du même code. Elle est exigible le mois suivant la date d’acquisition des actions par le bénéficiaire. » ;
D. – Au premier alinéa de l’article L. 137-14, les références : « des articles 80 bis et 80 quaterdecies » sont remplacées par la référence : « de l’article 80 bis » ;
E. – Le 1° de l’article L. 137-15 est complété par les mots : « et de ceux exonérés en application du quatrième alinéa du I du même article ».
II bis. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 225-102 du code de commerce est ainsi rédigée :
« Sont également prises en compte les actions nominatives détenues directement par les salariés en application des articles L. 225-187 et L. 225-196 du présent code dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, de l’article L. 225-197-1 du présent code, de l’article L. 3324-10 du code du travail, de l’article 31-2 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et de l’article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 précitée. »
III. – Le I de l’article L. 225-197-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Les troisième, quatrième, avant-dernière et dernière phrases du deuxième alinéa sont supprimées ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les pourcentages mentionnés au deuxième alinéa sont portés à 30 % lorsque l’attribution d’actions gratuites bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société. Au-delà du pourcentage de 10 % ou de 15 %, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne peut être supérieur à un rapport de un à cinq. » ;
3° Au début du troisième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’assemblée générale extraordinaire » ;
4° à 6°
Supprimés
7° (nouveau) Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les sociétés qui répondent à la définition des petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, la durée de la période d’acquisition mentionnée au cinquième alinéa du I ne peut être inférieure à un an et la durée cumulée de cette période d’acquisition et de l’obligation de conservation mentionnée au sixième alinéa du I ne peut être inférieure à deux ans. »
III bis. –
Non modifié
III ter. –
Non modifié
IV. –
Non modifié
V. –
Non modifié
La « triangulation », cette attitude politique qui consiste à utiliser les thématiques de l’autre camp pour les détourner de leur objet « naturel » et à s’en servir pour renforcer son propre camp, trouve quelque illustration avec cet article 34, qui concerne l’épargne salariale.
Le Gouvernement nous propose de revisiter de fond en comble l’ensemble des problématiques de l’épargne salariale, de la détention du capital de l’entreprise par les salariés, de l’intéressement, de la participation et de l’épargne-retraite.
Nous attendions, entre autres, une démarche volontariste en direction du secteur bancaire, qui n’est pas toujours convaincu du bien-fondé de soutenir l’effort d’investissement des sociétés dites « non financières », mais qui est toujours aussi attentif à la « tenue de marché » et au rendement de produits dérivés, de plus en plus tentants dans un marché obligataire quelque peu souffreteux ces temps-ci.
Nombre de mesures sont destinées à assurer le financement de l’économie, non par mobilisation du secteur bancaire, pourtant favorisé par les récentes initiatives de la Banque centrale européenne, mais par sollicitation et détournement des gains de productivité du travail sous forme d’instruments financiers les plus divers. Le contenu de l’article en témoigne.
Il s’agit clairement ici de substituer à la légitime revalorisation des rémunérations, qui est éventuellement liée au développement de l’entreprise, une politique de distribution d’actions gratuites, qui sont représentatives d’une sorte de hausse des salaires potentielle et se traduisent en plus-values latentes, donc, de fait, en niches fiscales et sociales.
Bien entendu, les actionnaires recherchent la rentabilité financière de l’investissement de départ.
Les entreprises concernées sont les entreprises dites « de la nouvelle économie », les « incubateurs d’entreprise », où l’espace des bureaux est largement ouvert, dans une proximité qui encourage évidemment à la promiscuité, ces sociétés en devenir, où il vous arrive de rester à votre poste de travail jusqu’à vingt-deux heures, voire bientôt le dimanche si nous en décidons ainsi !
Dans ces entreprises, le développement est l’affaire de tous. Tout le monde est sur le même bateau. Le problème, et nous l’avons constaté à plusieurs reprises, c’est que les entreprises de cette « nouvelle économie » sont parfois positionnées sur des créneaux tellement étroits que leur chute est aussi rapide que ne l’avait été leur ascension.
De fait, la question de la distribution des actions gratuites et de leur « potentiel » de rémunération est clairement posée sur la durée. Il suffit ainsi d’observer l’évolution du marché du renseignement téléphonique entre son ouverture à la concurrence et aujourd’hui.
Une action gratuite valant 100 euros et revendue 12 euros quatre ou cinq ans après n’est pas d’un grand intérêt pour le salarié sur la durée !
Vous le savez, nous sommes très réservés et lucides sur le mythe d’un système partagé, où des intérêts contradictoires se fondraient dans une espèce d’« eldorado » commun.
Monsieur le ministre, vous allez devoir faire un important effort de pédagogie !
M. Patrick Abate. Certes, c’est un exercice dans lequel vous êtes plutôt brillant, à défaut d’être convaincant à nos yeux !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Mais il vous faudra beaucoup de talent pour arriver à démontrer à notre Haute Assemblée que les dispositions prévues à l’article 34 du projet de loi ne sont pas un gros cadeau à destination de ceux qui n’en ont pas forcément le plus besoin !
Vous proposez d’accentuer l’attractivité des actions gratuites. Ce dispositif, mis en place par le gouvernement de M. Raffarin en loi de finances pour 2004, permet aux dirigeants d’entreprise de décider la distribution d’actions gratuites dans le cadre d’une nouvelle attribution de capital social de l’entreprise. La mesure était déjà tout à fait favorable aux nouveaux détenteurs, notamment en matière de cessions de plus-values.
Avec l’adoption du présent projet de loi, ce qui était déjà un joli bonus pour les dirigeants les plus importants de l’entreprise – les actions gratuites leur étaient, pour l’essentiel, attribuées – va devenir un véritable cadeau, prélevé sur la collectivité publique !
Sauf erreur de notre part, l’article 34 allège fortement l’impôt dû par les contribuables sur les plus-values ainsi opérées.
Or, je le répète, les personnes concernées n’appartiennent pas aux catégories les plus modestes de la population. Avant la réforme, un contribuable dont les revenus relèvent pour partie de la tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu était exposé à un taux d’imposition de 64, 5 % sur ces actions. Avec cette réforme, le taux d’imposition pourra descendre jusqu’à 31, 8 % en cas de détention d’actes de plus de huit ans. Vous proposez donc très discrètement un avantage fiscal considérable : une réduction de plus de la moitié de l’imposition pour les plus aisés.
Les personnes dont une partie des revenus relève de la tranche à 30 % de l’impôt sur le revenu – ils sont un peu moins riches, mais ils ne sont quand même pas trop malheureux – verront leur taux d’imposition sur ces actions passer de 46, 5 % à 25, 5 %. Est-ce cela que vous appelez « l’égalité des chances économiques » ?
La commission spéciale du Sénat n’est pas trop désagréable avec cet article 34. Elle ne fait que regretter l’absence d’étude d’impact permettant de chiffrer l’incidence budgétaire de la réforme sur l’impôt sur le revenu.
Il est rappelé dans les premières lignes du rapport que le régime fiscal coûte aujourd'hui 33 millions d’euros à la collectivité. Ce n’est que six pages plus loin que l’on apprend que le coût annuel de la suppression de la cotisation sociale est estimé à 25 millions d’euros et que le coût annuel de la réduction de la contribution sociale prévue par l’article 34 est estimé à 100 millions d’euros. Cependant, contrairement à leurs homologues de l’Assemblée nationale, les corapporteurs du Sénat ne précisent pas que, selon l’étude d’impact, le coût total de la mesure était estimé à 75 millions d’euros pour 2015 et à 191 millions d’euros sur l’année 2016.
En réalité, il est proposé de porter à 200 millions d’euros, voire plus, si je comprends bien l’évaluation chiffrée du rapport sénatorial, le coût pour l’ensemble des contribuables d’une mesure qui, chacun le sait, concerne essentiellement les plus hauts dirigeants d’entreprises du CAC 40 !
Comme Mme Karine Berger l’a d'ailleurs indiqué devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale, « l’article 34 ne propose pas autre chose qu’une baisse de l’impôt et des prélèvements sociaux pour les plus gros détenteurs d’actions ». D'ailleurs, notre collègue députée a souligné à plusieurs reprises que cet article est fortement inspiré de la « révolte des pigeons », ce mouvement patronal qui s’était dressé contre toute éventuelle volonté de François Hollande de tenir ses promesses électorales.
À notre sens, l’article 34 ne permet en rien à dynamiser la croissance. Monsieur le ministre, les arguments dont vous usez sur ce point relèvent plutôt du leurre : le seul objectif est de répondre à l’attente de l’actionnariat le plus puissant.
Par conséquent, le groupe CRC s’opposera sans ambiguïté à une telle disposition.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 156 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 29.
L’article 34 a des conséquences graves. Il remet en cause notre système de fiscalité et de cotisations sociales, qui est fondé sur des objectifs de solidarité nationale et d’intérêt général.
Aujourd’hui, les actions gratuites sont soumises à l’impôt sur le revenu selon les règles de droit applicables aux traitements et aux salaires. L’article 34 vise à revenir sur ce système, en prévoyant de simplifier et, surtout, d’alléger les modalités d’acquisition de ces titres.
Ce dispositif, qui est présenté comme un « coup de pouce » aux PME, aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI, et aux start-ups, ressemble plutôt à un cadeau aux grandes entreprises. Les actions gratuites sont, pour l’essentiel, prisées par les entreprises du CAC 40, qui en ont distribué à leurs actionnaires pour 6, 4 milliards d’euros en 2014, soit, selon les révélations du journal Le Canard enchaîné, 90 % des actions gratuites.
D’ailleurs, cette mesure ne pourrait qu’encourager les grandes entreprises à transformer les gros salaires en actions gratuites.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
En réalité, le recours à la distribution d’actions gratuites, qui est encouragé fiscalement et socialement, crée un dangereux précédent à l’encontre des modes collectifs et normaux de rémunération du travail.
Comme le précisait d’ailleurs le député Nicolas Sansu, les traders pourraient être les grands bénéficiaires de votre proposition d’allégement. En vertu d’une réglementation européenne, ils doivent toucher en actions la moitié de leur bonus.
Une telle mesure affaiblirait aussi et surtout les rentrées fiscales de l’État, à hauteur, selon l’étude d’impact, de 191 millions d’euros. Peut-être démentirez-vous ce chiffre, monsieur le ministre ?
Soyons clairs ! Vous nous proposez de défiscaliser une partie de la rémunération des hauts dirigeants du CAC 40 et des traders. Comment pouvons-nous l’accepter alors que les actionnaires du CAC 40 ont déjà accumulé 56 milliards d’euros de profits l’année dernière ? Avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et le crédit d’impôt recherche, ou CIR, vous avez déjà offert plusieurs dizaines de milliards d’euros à des entreprises, dont certaines – je pense à Sanofi – ne se privent pourtant pas de licencier tout en accumulant des profits. Comment justifier un énième cadeau fiscal à la finance alors que les ménages et les salariés souffrent ?
Il n’est pas acceptable de rendre légales de nouvelles mesures d’optimisation fiscale pour ces grandes entreprises. Selon nous, elles doivent, comme chaque ménage et chaque entreprise, contribuer à l’effort de solidarité nationale.
Pour toutes ces raisons, il nous semble que la majorité de gauche de cette assemblée devrait jouer pleinement son rôle, c’est-à-dire défendre le travail, en ne votant pas cet article.
C’est pourquoi nous appelons à la suppression de l’article 34.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 156 rectifié.
Avec ma collègue Gisèle Jourda, nous avons également déposé un amendement de suppression de l’article 34.
Cet article comprend plusieurs dispositions qui ne répondent pas du tout aux priorités économiques du moment. En plus, elles seront coûteuses pour les finances publiques et risquent d’accroître les inégalités dans notre pays.
Tout d’abord, la baisse des prélèvements sociaux patronaux et des prélèvements sur les salaires, ainsi que l’alignement de la fiscalité des actions gratuites sur les mécanismes de plus-values immobilières ne se justifient ni budgétairement ni socialement.
En outre, la baisse de l’incitation à détenir des parts de société à moyen terme ne va pas dans le sens de l’investissement salarié pour soutenir l’entreprise sur le long terme.
Mais je veux insister sur le mécanisme des actions gratuites. C’est ce qui me paraît le plus révélateur.
Vous nous proposez de rompre avec une logique. L’engagement présidentiel avait consisté à taxer les revenus du capital comme ceux du travail ; le Gouvernement issu des urnes en 2012 avait décidé de taxer ces fameuses actions gratuites de la même manière que les revenus salariés. Vous affirmez maintenant que le mécanisme n’est pas incitatif et qu’il faut aligner le régime des actions gratuites sur celui des plus-values mobilières.
L’engagement du Président de la République était essentiel ! Nous le savons, le capital est mieux rémunéré que le travail, et de plus en plus. C’est l’une des raisons des crises structurelles de nos sociétés dans le monde contemporain.
De surcroît, le cadeau que vous faites est extrêmement important du point de vue financier ! Nous n’en avons pas d’évaluation précise, mais il s’établirait autour de 200 millions d’euros. Cela peut vous paraître peu, mais c’est la moitié des aides à la pierre ! Hier, nous parlions du financement des HLM. Sachez que 200 millions d’euros, c’est la moitié de la subvention versée pour la construction de 150 000 logements sociaux ! La construction de 75 000 logements sociaux ne serait-elle pas plus créatrice d’emplois ? Ne serait-ce pas préférable pour la croissance ?
Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le ministre, j’en prends le pari, vous n’arriverez pas à m’expliquer que ces cadeaux à des salariés de haut niveau permettront plus de soutenir la croissance et l’emploi que l’aide à la pierre !
Je vois une autre raison de m’inquiéter. Aucune distinction n’est faite entre les entreprises des nouvelles technologies émergentes, dont nous savons bien qu’elles ne peuvent pas immédiatement rémunérer correctement leurs dirigeants de haut niveau, et les autres.
Sourires.
Aujourd’hui, 98 % des dépenses bénéficient aux cadres du CAC 40.
Monsieur le ministre, je ne peux pas accepter l’argumentaire, que vous avez développé à l’Assemblée nationale, selon lequel les entreprises du CAC 40 doivent bien rémunérer les hauts cadres pour pouvoir continuer à recruter les meilleurs ! Je ne crois pas à cette société de l’argent !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je reprendrai la parole pour explication de vote.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
On ne peut pas expliquer que la République, c’est l’égalité, proclamer que nous sommes tous « Charlie » et, dans le même temps, prendre des décisions qui ne feront qu’accroître les inégalités entre salariés et entre citoyens !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
La commission spéciale a émis un avis défavorable sur tous les amendements visant à supprimer ou à détricoter l’article 34.
L’actionnariat salarié permet d’associer les salariés à la performance et à la gouvernance de leur société. Pour l’entreprise, c’est un moyen de fidéliser et de motiver le personnel salarié.
Surtout, le dispositif des actions gratuites présente l’intérêt évident de permettre aux PME et aux ETI d’attirer des compétences fortes et des dirigeants expérimentés, qu’elles ne peuvent pas encore rémunérer à leur juste valeur.
Cet article vise à revenir sur les différentes hausses d’impôts adoptées ces dernières années par le Gouvernement. Celles-ci ont conduit à un taux marginal d’imposition sur le gain d’acquisition très élevé, jusqu’à 64, 5 %, qui décourage les entreprises.
Je tiens à le rappeler, même en cas d’adoption de l’article 34, le taux marginal d’imposition sur le gain d’acquisition resterait élevé. Pour une durée de détention de sept ans, un contribuable actuellement imposé à 64, 5 % sur le gain d’acquisition le serait encore à 39 % !
À titre de comparaison, en Allemagne ou au Royaume-Uni, les actions gratuites peuvent être totalement exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, sous certaines conditions. C’est précisément ce différentiel qui explique la volonté de ne pas limiter l’allégement du cadre fiscal et social aux seules ETI et PME, afin de limiter les risques de fuite des centres de décision des grands groupes. Toutefois, un dispositif plus incitatif est prévu pour les PME.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec votre permission, je m’exprimerai de manière détaillée sur l’article 34 avant de donner l’avis du Gouvernement sur les amendements.
De grâce, madame Lienemann, ne mêlez pas les événements du début de l’année à ce débat !
Marque d’approbations sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l'UMP.
Ce n’est pas à la hauteur ! Ce que ces événements nous rappellent, c’est que nous avons une responsabilité collective ! Nous pouvons avoir des désaccords, par exemple sur la fiscalité, mais nous avons un devoir moral et politique de ne pas recourir à ce type d’arguments !
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous répondrai sur l’égalité. Mais, encore une fois, ne faites pas ce hors-sujet : c’est une faute !
MM. Francis Delattre et Gérard Longuet applaudissent.
Dans votre intervention, vous avez mélangé le dispositif proposé, la dynamique actionnariale française et les dividendes versés en cours d’année… Ce n’est pas la même chose ! La mesure que nous proposons vise à permettre de verser aux salariés des actions, comme un élément de rémunération. On peut regretter la politique de dividendes des entreprises françaises, mais, vous en conviendrez, ce n’est pas le sujet.
Regardons ensemble avec lucidité quelle est la situation de l’économie française. À défaut, ce débat n’a pas de sens.
Ces dernières décennies, nous n’avons pas été en mesure de développer une base actionnariale « domestique », c’est-à-dire française. Notre tissu économique est composé de très grands groupes. Je ne m’associe pas à leur stigmatisation. Ils font partie de la vitalité de l’économie française et ils tirent les filières ; nous en avons besoin.
Ils sont le fruit de notre histoire industrielle !
Aujourd’hui, la majorité du capital est détenue par des actionnaires étrangers, notamment anglo-saxons.
Cela n’a rien à voir, madame la sénatrice ! À moins qu’il ne faille, selon vous, mobiliser tout le capital public français dans les entreprises…
En France, contrairement à d’autres pays, nous avons été incapables de développer un capital privé domestique ! Il faudrait peut-être s’interroger sur la cohérence de l’ensemble de nos politiques, y fiscales, à cet égard. Si les Allemands ont des grands champions, c’est parce qu’il y a du capital privé allemand !
Notre fiscalité n’est pas étrangère à l’absence de capital privé français. C’est un fait. Si l’on ne regarde pas cette vérité en face, on ne peut avoir de discours cohérent sur le sujet !
Mme Sophie Primas applaudit.
Aujourd’hui, nos entreprises sont majoritairement détenues par des capitaux étrangers. Je souscris à votre constat selon lequel la politique de dividendes des grandes entreprises françaises est excessive. Mais on ne peut pas légiférer au-delà de ce qui a déjà été fait.
Grâce à cette majorité, une différenciation de l’impôt sur les sociétés en matière de dividendes a, pour la première fois, été instaurée. C’était l’objet de la taxe sur les dividendes. Nous débattrons dans quelques instants du suramortissement sur l’investissement productif. Notre dispositif permet de moduler la fiscalité selon que les entreprises investissent ou distribuent des dividendes. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés, l’IS, est de 33, 33 % ; pour la clarté des débats, je mets la surtaxe pour les très grandes entreprises à part. Nous avons ajouté 3 points de fiscalité pour les entreprises qui distribuent des dividendes. Une entreprise qui distribue 100 euros de dividendes payera 36, 33 % de fiscalité. Le suramortissement que, j’espère, vous adopterez tout à l’heure permet un avantage fiscal de 13, 33 points d’IS, ainsi ramené à 20 %. En clair, l’entreprise qui réinvestit 100 % paiera 20 % d’IS ; celle qui verse des dividendes paiera 36, 33 % d’IS. Voilà, me semble-t-il, une politique qui va dans le sens que vous appelez de vos vœux !
Mais, pour aller au bout de la logique, nous devons reconstituer une base actionnariale française, publique et privée. Nous nous sommes dotés de la Banque publique d’investissement pour qu’elle investisse ! Or elle investit aussi en se dégageant d’autres actifs publics où elle est moins importante !
Nous devons collectivement œuvrer pour que cette politique actionnariale se relâche. Il y a aujourd’hui une pression très forte des marchés pour que les dividendes versés soient élevés. Je le déplore avec vous. Je pense qu’il faut mener la bataille, non seulement sur le plan fiscal, mais aussi en montant au capital de certaines entreprises et en incitant nos entreprises à réinvestir dans leur capital productif. Une entreprise qui verse des dividendes, c’est une entreprise qui ne réinvestit pas dans le capital productif. C’est la réalité de la situation actuelle. Considérons l’historique des entreprises françaises : durant la période de reconquête industrielle, elles distribuaient très peu de dividendes ! De même, depuis sa création, le groupe Amazon, dont on parle beaucoup ces jours-ci, ne distribue pas non plus de dividendes. Quand on a des projets d’entreprise, on ne verse pas de dividendes.
C’est un vrai débat politique et industriel ! Mais cela ne relève pas de l’article 34 du projet de loi.
L’enjeu de l’actionnariat salarial, c’est notre capacité à retenir ou à attirer les talents dans l’entreprise. Le sujet, ce n’est pas la politique de dividendes. Nous parlons de la capacité des entreprises à verser des actions à leurs salariés, à hauteur de 10 %. Vous l’avez vu, le dispositif envisagé concerne la totalité des salariés.
Mme Nicole Bricq acquiesce.
Ce n’est pas de la théorie, madame David ! Regardez la Société Générale ou le groupe Eiffage ! Regardez qui a des actions dans ces entreprises ! Regardez qui les sauve quand elles se font attaquer par des groupes extérieurs !
Madame Lienemann, nous avons un profond désaccord. Notre pays est dans une économie ouverte, où les talents bougent. On peut le regretter, mais c’est en ainsi ! Et, de ce point de vue, votre discours est incohérent.
Madame Assassi, je vous entendais hier déplorer ce qui se passe chez Alcatel. Je vais prendre cet exemple pour vous expliquer dans quel monde nous vivons !
Regardons la situation ouvertement !
Alcatel est une grande entreprise française. Voilà encore deux, elle avait un patron, M. Verwaayen, qui n’était pas français ! Et il n’y a pas un Français parmi les numéros deux du groupe ! À ce jour, il y a plus de Français au comité exécutif de Nokia qu’à celui d’Alcatel ! Pourquoi ? Tout simplement parce que nous sommes incapables de les garder en France ! Nous en sommes incapables !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Tous les collaborateurs des comités exécutifs de nos grands groupes partent ! Comparons avec l’Allemagne ou l’Angleterre ! Nous pouvons toujours plastronner la main sur le cœur qu’Alcatel est une grande entreprise française ; les cadres sont partis !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la sénatrice, je me moque de savoir qui m’applaudit ; je vous parle de la situation de notre pays !
Arrêtez de caricaturer !
Madame la sénatrice, si ne nous sommes pas capables de garder les talents en France, ils continueront à partir ! Et ils entraîneront d’autres avec eux ! Des salariés moins qualifiés qui veulent travailler en France seront privés d’emploi ! Un cadre supérieur qui part, c’est, en moyenne, cinq postes moins qualifiés qui sont détruits ! On peut continuer à se bander les yeux et à trouver cela injuste, mais c’est la réalité !
Regardez les chiffres ! Aujourd’hui, pour verser 100 euros à un salarié sous forme d’actions de performance, il faut en débourser 320 euros. Cela vous semble raisonnable ? Le résultat, c’est que ces actions ne sont plus distribuées !
Si l’on s’invective sans cesse, on n’avancera pas beaucoup !
Vous pouvez déplorer le mécanisme des stock-options ! Vous pouvez aussi décider d’avoir un régime soviétique dans un seul pays ; l’Histoire a montré que cela ne marchait pas !
Protestations sur les travées du groupe CRC. – Rires sur les travées de l'UMP. – Brouhaha.
Je ne suis pas en train de vous parler de Singapour ou des États-Unis ! Je vous parle de ce qui se passe à quelques centaines kilomètres de chez nous ! En Allemagne, pour verser 100 euros à un salarié, il ne faut verser que 190 euros. En France, il faut verser 320 euros. Résultat, nos comités exécutifs se délocalisent !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Vous pouvez déplorer le rapprochement entre Lafarge et Holcim. La réalité, c’est que tous les centres productifs et les centres de recherche et de développement restent en France, parce que nous avons le CIR et que nous sommes compétitifs.
J’invite donc à la responsabilité toutes celles et tous ceux qui remettent en cause chaque année le CIR !
Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.
Moi aussi, je peux m’énerver ! C’est de notre économie qu’il s’agit ! Le groupe Lafarge, de manière très pragmatique et cynique, a considéré que son comité exécutif serait mieux en Suisse ! Regarder les grands groupes financiers ou industriels : le comité exécutif d’Alcatel est parti ! Nous pouvons continuer à nous voiler la face, mais nous n’aurons plus une entreprise du CAC 40 !
Mme Nicole Bricq acquiesce.
On peut faire de la démagogie et accuser le Gouvernement de protéger les plus forts au détriment des faibles. Mais il faut regarder la réalité économique en face !
D’ailleurs, ce débat n’est pas nouveau. Le PCF et la CGT n’ont pas toujours tenu les mêmes positions que vous, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC ! Beaucoup sont productivistes. Le productivisme se fait dans la réalité, et non dans les belles idées ! Comme l’a dit Hegel voilà bien longtemps, les belles idées, ce sont des âmes qui errent ! Et elles ne vont pas bien loin…
Si vous croyez au productivisme, si vous croyez que notre pays a besoin d’un projet industriel, si vous croyez qu’il faut embaucher, vous avez besoin de cadres supérieurs, de managers de talent ! Nous devons attirer les meilleurs ! Nous ne pouvons pas avoir un système fiscalo-social deux fois plus lourd qu’en Allemagne et quatre à cinq fois plus lourd que dans certains autres pays. Cela ne fonctionne pas ! La meilleure étude d’impact, elle est dans le réel !
Je suis exigeant à l’égard de nos grandes entreprises lorsqu’elles ne se comportent pas bien ; je crois l’avoir démontré la semaine dernière. Je continuerai à le faire. Mais ne leur donnons pas de prétextes rationnels pour partir ou pour délocaliser les comités exécutifs !
Ce sont des entreprises ouvertes. Aujourd’hui, les talents sont de toutes nationalités. Pour qu’une entreprise réussisse sur tous ses marchés, elle doit garder et attirer les meilleurs. C’est vrai pour les petites entreprises comme pour les plus grandes !
L’amendement du Gouvernement, dont vous serez saisis tout à l’heure, vise à restaurer le dispositif dans toutes ses composantes. Si l’on croit dans l’économie de notre pays, si l’on a une ambition industrielle et productive, il est important de considérer que nous sommes dans une économie où le marché des talents est ouvert. Aujourd’hui, l’économie, elle est faite par les meilleurs. C’est cruel, mais c’est ainsi !
Nous devons être exigeants à l’intérieur. Nous devons avoir une politique de filières exigeante et faire de la justice fiscale. Mais, pour nos entreprises, les petites comme les grandes, il faut au moins restaurer l’égalité de traitement avec nos voisins allemands. Pour qu’un salarié ait 100, il faut que ça coûte 190 à l’entreprise. Je ne vois d’ailleurs pas en quoi ce serait un « cadeau » ; pour l’entreprise, cela coûte quasiment le double ! Nous ne contrevenons à aucune promesse.
La reconquête industrielle et le redressement du pays ne se feront pas sans les grandes entreprises ; ils ne se feront pas sans les meilleurs ! Nous devons être exigeants avec eux. Mais il faut admettre que nous sommes dans un monde ouvert, un monde ouvert qui impose, certes, de la redistribution, mais aussi de lucidité : il faut regarder la réalité en face !
J’assume donc avec conviction ces actions de performance pour les petites, pour les moyennes et pour les grandes entreprises. La France, sans le CAC 40, c’est l’Espagne ! C’est la réalité macroéconomique !
Madame la sénatrice, si l’on vit mieux chez nous, c’est aussi grâce à nos grandes entreprises ! La réussite industrielle ne se fera pas sans les talents, ceux-là mêmes qui font travailler les ouvriers les moins qualifiés et qui tirent les entreprises vers le haut !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Mme Nicole Bricq. Nous entamons l’examen d’une série de dispositions très importantes. Certes, le débat qui s’amorce va peut-être dépasser notre hémicycle pour se poursuivre – si j’ai bien compris, c’est parfois l’objectif – rue de Solférino !
Sourires sur les travées de l’UMP.
Les articles dont nous nous apprêtons à débattre traitent de l’actionnariat salarié, de l’épargne salariale, c’est-à-dire des salariés et de leur rémunération, soit à la performance, soit en raison d’investissements dans des plans épargne-retraite. Nous allons aussi parler du financement des entreprises de notre capacité à trouver des mécanismes performants. Les banques, même françaises, montrent peu d’entrain à y participer.
La ligne politique du Gouvernement consiste à améliorer l’attractivité et la compétitivité de nos entreprises. Améliorer la capacité d’investissement privé et public, c’est aussi permettre à notre tissu productif, qui accuse un retard important depuis de nombreuses années, de se réarmer en vue de la compétition mondiale.
Il a pu y avoir quelques pas de côté. Il est même arrivé que l’on fasse un peu de surplace. Mais le message est clair : la ligne politique passe par le redressement de notre économie, et nous continuons à réformer !
Il serait tout de même dommage de commencer en supprimant l’article 34, qui traite d’une formule d’actionnariat salarié. Nous cherchons à nous replacer dans la compétition européenne. Il est question non pas des États-Unis, mais de l’Europe, notre continent : M. le ministre a démontré avec fougue et conviction que nous n’étions pas dans la course, notamment par rapport aux Allemands et aux Anglais.
Le tissu productif français est fait de telle manière que l’on a besoin de tout le monde : grands, moyens, petits… Notre système capitalistique est vertical, et il s’appuie sur des filières industrielles. Et même si les grands ont pris leur envol international, leurs sièges sociaux restent en France, ils paient des impôts en France, peut-être pas suffisamment aux yeux de certains, et soutiennent toute une filière. Quand on construit des centrales nucléaires en Chine, ce sont quatre-vingts entreprises françaises de la filière, petites ou moyennes, qui travaillent. Or quand on sait faire de la robinetterie pour le nucléaire, on sait en faire pour tout ! D’ailleurs, la Chine a d’énormes besoins en matière d’équipements des ménages.
En Allemagne, le tissu industriel est beaucoup plus horizontal, et les liens avec les banques sont plus forts. En France, il faut que l’État agisse. C’est ce qu’il fait.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste vous apportera bien évidemment tout son soutien, car nous partageons votre ligne politique.
Pour autant, j’accepte complètement le débat. Je ne dirai jamais qu’il n’y a qu’une seule politique possible. Ce que je sais, c’est que, en matière économique, il y a de bonnes politiques et de mauvaises politiques. Je considère que celle du Gouvernement va dans la bonne direction et qu’il y a encore beaucoup à faire.
M. le ministre nous proposera de revenir à la version adoptée par l’Assemblée nationale. Mme le corapporteur, en commission spéciale, vous avez amodié le dispositif sur la durée de conservation. Or, après vérification, il apparaît que le dispositif anglais ne connaît pas de durée obligatoire de conservation.
Monsieur le ministre, nous voterons bien entendu votre proposition et nous nous engageons avec résolution dans ce mouvement en vue d’améliorer la compétitivité de nos entreprises en France. En outre, il ne faut pas l’oublier, des entreprises étrangères qui investissent en France, ce sont des salariés et des emplois à la clé !
Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir placé le débat là où il devait être.
Au fond, cet amendement est un prétexte. Vous avez déclaré vouloir partir du monde tel qu’il est, et non de principes fumeux… Mais, monsieur le ministre, le « monde tel qu’il est », ce n’est pas Dieu qui l’a fait, ou alors il y a très longtemps ! §Le monde tel qu’il est, il résulte d’une politique menée de manière continue depuis une quarantaine d’années par des gouvernants de droite ou des gouvernements dits « de gauche » ! Je ne suis donc pas étonné que vous ayez été largement applaudi du côté droit de cet hémicycle.
Vous posez les enjeux d’une manière telle que nous ne pouvons que vous donner raison ! Pour survivre, il faut aller dans le sens du vent.
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut des salaires de plus en plus bas, des règles de plus en plus laxistes, une libre circulation de l’argent… Je me souviens du débat sur la prétendue séparation des activités bancaires : tout ce qui pouvait faire un peu grincer des dents BNP Paribas ou quelques autres a été évacué !
Mme Annie David acquiesce.
Bientôt, ne pas nous aligner sur le Bangladesh, ce sera aller à contre-courant, agir contre les intérêts des entreprises françaises, donc des Français en général !
Simplement, je commence à m’interroger sur ce qu’est une « entreprise française » ou un « groupe français ». Que sont ces fameuses grandes entreprises, dont certaines pratiquent l’optimisation fiscale et dont le capital est parfaitement international ? Peut-on encore parler d’« entreprise française » ? Je suppose d’ailleurs que la langue véhiculaire au sein des organes dirigeants ne doit pas être le français. En outre, ce ne sont pas forcément celles qui emploient le plus de salariés en France.
Par ailleurs, nous discutons « économie », « relance », mais peut-être faudrait-il aussi s’interroger sur les retombées politiques de cette façon de concevoir l’économie. Quand il y a un malaise, on dit aux gens de se serrer la ceinture ; on dit à ceux qui arrivent de s’intégrer. Mais à quoi doivent-ils s’intégrer ? C’est quoi, la France ?
Je philosophe peut-être, monsieur Carrère. Mais avez-vous vu les résultats des dernières élections ? Et des prochaines ?
Vous, on en reparlera le coup d’après !
J’ai entendu qu’on allait réformer les programmes et enseigner ce qu’est la France ! Mais on n’enseigne pas ce qu’est la France en faisant des prêches ; on l’enseigne en la faisant vivre !
On ne peut pas faire litière des dégâts politiques d’une telle politique économique ! Un certain nombre de pays, par exemple le Danemark, ont réussi à conserver, par des biais juridiques, un capital local.
Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.
Vous pouvez rire, mes chers collègues. Je sais que mes propos vous semblent parfaitement exotiques, vieillots, ringards. Mais regardez ce qui se passe chez nous ! Regardez ce qui se passe dans un certain nombre de pays, par exemple, où les résultats des dernières élections sont vraiment très « encourageants » ! Vous réaliserez que ce que vous considérez comme la « vérité » risque de nous coûter extrêmement cher. Peut-être faudrait-il se réveiller avant qu’il ne soit trop tard !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC . – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.
M. Pierre-Yves Collombat vient de m’ôter les mots de la bouche.
Monsieur le ministre, vous avez en effet placé le débat là où il devait être. Il s’agit d’un débat politique sur le projet de société que nous voulons mettre en œuvre. Comme Pierre-Yves Collombat l’a souligné, il est question des grosses entreprises.
Monsieur le ministre, vous souhaitez « garder les talents ». Or, vous le savez bien, l’actionnariat salarié dont vous parlez concerne seulement certains salariés. Qui sont ces talents que vous ne voulez pas voir partir à l’étranger ? Ce sont les cadres dirigeants d’entreprise !
Je comprends que vous vouliez les maintenir en France. Contrairement aux clichés que certains à la droite de cet hémicycle peuvent véhiculer, nous ne sommes pas contre les grandes entreprises, sous réserve qu’elles se comportent correctement.
J’aimerais d’ailleurs vous interroger sur la responsabilité sociale des entreprises. À quel moment comptez-vous parler de ces grands groupes qui s’installent en France, bénéficient des infrastructures publiques mises en place par les collectivités, utilisent les avantages fiscaux pour faire de l’optimisation et profitent de tout ce que la France a de meilleur à proposer à l’ensemble de ses concitoyennes et de ses concitoyens ?
Ces entreprises-là viennent. Elles prennent ce qui les intéresse et utilisent les salariés pour les jeter ensuite à la rue, une fois qu’elles n’en ont plus besoin ! D’ailleurs, cela ne concerne pas seulement les grandes entreprises françaises. Nous avons évoqué Sanofi, mais il y a d’autres cas. J’ai travaillé dans un grand groupe américain installé en France depuis très longtemps : les dirigeants ont beau avoir de nombreux avantages, ils enchaînent les plans de licenciement dès qu’ils le peuvent !
Malgré ce que chacun pourra bien dire, nous savons tous à qui l’article 34 s’adresse ! Ce qui est en jeu, c’est bien un projet de société pour notre pays. Monsieur le ministre, au groupe CRC, nous refusons votre projet de société. Nous sommes attachés à ce qui a fait la grandeur et la beauté de la France : la solidarité, la fraternité, l’égalité, le fait que chacun contribue à cette solidarité pour pouvoir bénéficier en contrepartie des services publics et de tout ce que notre pays est capable de mettre en œuvre ! Or les entreprises en question ne veulent pas participer à cette solidarité.
Nous maintenons donc notre amendement de suppression. Nous demandons d’ailleurs qu’il soit mis aux voix par scrutin public. Il faut que chacun se positionne sur le projet de société qu’il souhaite pour demain, pour nos enfants, pour nos familles, pour notre pays ! Le nôtre est à l’opposé de la philosophie de l’article 34 !
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Je partage ce qui vient d’être dit par mes collègues Marie-Noëlle Lienemann et Annie David.
Ceux qui, dans notre hémicycle, ont vu avec douleur notre pays s’enfoncer dans un dogmatisme dans ce qui paraît être le chemin absolument indiscutable du bien-être se trouvent sur nos travées !
Monsieur le ministre, chers collègues de droite, vous êtes aussi dogmatiques qu’ont pu l’être les Soviétiques !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Sourires sur les travées du groupe CRC.
M. Patrick Abate. Eux aussi étaient enfoncés dans une croyance absolue qui les rendait aveugles à leurs propres erreurs !
Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.
Qu’on me prouve que le départ de ces « talents », les plus hauts dirigeants de nos entreprises grandes ou moyennes, a posé une seule fois un problème à une entreprise ! Avons-nous dans l’histoire du monde microéconomique en France un seul élément qui le démontre ? Cela n’existe pas !
Nous sommes attentifs aux problèmes des entreprises. Nous savons que la fiscalité ne prend pas suffisamment en compte l’utilisation qui est faite des résultats. Nous ne sommes pas opposés au fait que la fiscalité favorise l’investissement, la recherche, la redistribution. On pourrait même imaginer – je parle de manière très libre, comme nous le sommes tous au sein de notre groupe – de diminuer largement la fiscalité sur les entreprises et les actionnaires lorsqu’ils investissent. Peut-être nous disputerions-nous tout de même un peu ; mais, sur le fond, vous nous trouveriez assez compréhensifs.
Mais votre discours est dogmatique, monsieur le ministre ! Affirmer qu’il faut faciliter la vie fiscale de gens qui n’en ont pas forcément besoin pour éviter qu’ils ne partent à l’étranger et ne mettent en danger nos entreprises, c’est du dogmatisme !
Qui sont les véritables talents dans nos entreprises ? Qui fait de la recherche, travaille, produit, innove ? Les actionnaires ?
Nous sommes très attachés aux grands groupes. Le problème, c’est que le tissu industriel est extrêmement faible, du fait de l’insuffisance du nombre d’entreprises moyennes. Il nous manque de belles PME, ce qui n’est pas le cas des pays anglo-saxons. C’est d’ailleurs là l’une de leurs forces.
Dans ma région, en Lorraine, les actionnaires des belles PME n’ont que faire de la fiscalité qui pèse sur leurs actions ; ils investissent massivement.
À la porte de chez moi, de très belles entreprises de 150 à 200 employés sortent de la crise. Dans ces entreprises familiales, depuis deux ou trois générations, personne ne s’est jamais servi de manière excessive ; on ne recherche pas l’avantage individuel !
Il ne s’agit pas d’opposer les propriétaires aux salariés ; ils ont un intérêt commun. Mais ce n’est pas une raison de demande à ceux qui rencontrent le plus de difficultés de faire encore des efforts, à cause des suppressions ou des réductions dans les services publics, au moment où vous vous inquiétez des prétendus talents qui partiraient à l’étranger !
Cela me fait penser à l’histoire de ce ministre de l’économie qui suggérait au roi d’imposer des efforts aux plus pauvres ; quand le monarque objectait que ces derniers n’en pouvaient plus, le ministre répondait qu’ils présentaient l’avantage d’être les plus nombreux ! Il serait tout de même regrettable d’en rester à une telle vision des choses !
Au demeurant, si les talents s’exportent, ce n’est pas si mal ! C’est l’image de la France qui se diffuse ainsi dans les arts et le management. Ce n’est pas la vraie difficulté de notre économie aujourd’hui.
Monsieur le ministre, j’ai un peu d’expérience politique, et j’ai l’impression que nous venons de vivre votre moment de vérité. Sachez que nous le respectons, d’autant que nous partageons bien des orientations de votre projet de loi et que votre analyse de la situation de notre pays est assez voisine de la nôtre.
La France a effectivement beaucoup de difficultés à financer son économie. Par idéologie, des gouvernements ont refusé les fonds de pension…
… et les outils que de nombreux pays utilisent aujourd'hui. Nous le voyons bien, le financement des PME et des PMI dépend à 90 % ou 95 %, des décisions des banques. Nous avons là l’amorce d’une possibilité nouvelle. Notre camp politique est attaché depuis longtemps à une association des salariés aux résultats de leur entreprise. On appelle cela la participation.
Philosophiquement, nous ne pouvons que voter contre les amendements de suppression de l’article 34.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué l’autre jour que nous avions une attitude « gramscienne ». Aussi, pour parodier Gramsci, je dirai que le vieux monde tarde à disparaître, que le nouveau monde tarde à apparaître et que, dans ce clair-obscur, des dangers surgissent. Ces dangers, nous les voyons bien ; il suffit d’écouter les discours de M. Collombat ou de nos collègues du groupe CRC ! (
Il faudra bien que nous nous rassemblions sur l’essentiel et que nous dressions le bilan des réformes dont le pays a besoin.
L’article 34 ne constitue qu’une toute petite partie du projet de loi. Mais il est révélateur d’un état d’esprit. Et cet état d’esprit, nous le partageons largement.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos propos.
En démocratie, il me paraît essentiel de mettre en œuvre ce que l’on a dit aux citoyens et de ne pas changer de ligne au milieu du gué !
Si vous pensez que les « talents », c’est-à-dire les hauts cadres, doivent être mieux rémunérés parce qu’ils sont compétitifs au niveau mondial et qu’ils risquent de partir ailleurs, si vous pensez qu’il faut revoir la fiscalité, si vous pensez que le chômage est dû à une excessive protection des salariés aux Français, présentez-vous aux élections et dites-le aux citoyens ! Mais il ne me semble pas que nous ayons été élus sur ce thème !
Vous caricaturez la situation ! Bon nombre de vos soutiens d’aujourd’hui étaient des gauchistes quand moi j’étais socialiste ! En 1971, j’étais déjà socialiste, et je le suis toujours !
Le soutien aux grandes entreprises, ce n’est pas le soutien aux cadres ! Pouvez-vous me dire que le patron et les cadres d’Acome, l’un des premiers groupes exportateurs français, qui est une coopérative, ont moins de talents que je ne sais quel haut cadre de ce fonds d’investissement qui a fait du déficit en distribuant plein d’actions gratuites ?
Je ne demande pas la suppression de l’aide aux actions gratuites. Je demande que l’on n’accroisse pas les inégalités et que l’on ne remette pas en cause ce que nous avons voté avec M. Ayrault. Les formes de rémunération gratuites doivent être aidées financièrement de la même manière que le travail ; elles doivent être taxées de la même manière que le travail !
Monsieur le ministre, puisque vous voulez soutenir les talents, utilisez l’argent pour aider nos doctorants et ingénieurs, qui, eux, sont très mal rémunérés ! Financez des programmes de recherche, qui sont bénéfiques aux grandes entreprises françaises, pour leur permettre de rester dans notre pays ! Je préfère financer ceux-là, plutôt que les cadres financiers, qui, la plupart du temps, n’apportent pas vraiment une super-compétence supplémentaire rendant discriminante l’efficacité des grandes entreprises !
Quand il a fallu aller négocier pied à pied à Bruxelles les normes pour les automobiles en matière de pollution ou les normes environnementales, j’ai toujours défendu l’industrie française, parfois avec des retards à l’allumage, toujours pour éviter qu’on désindustrialise notre pays.
Ce n’est pas la même chose de défendre l’industrie et de défendre les hauts cadres ! C’est comme si vous me disiez qu’il fallait rémunérer à mort les traders pour que nos banques soient performantes !
C’est cela que je conteste, surtout au moment où l’on demande des efforts partout et l’où on a du mal à financer la recherche et l’investissement, y compris privé ! J’avais déposé, avec d’autres collègues, des amendements visant à favoriser l’investissement privé. Vous les aviez refusés ; aujourd'hui, vous les jugez nécessaires.
Et ne nous accusez pas de ne pas être attentifs à l’avenir de notre pays ! Dans la République française, le premier moteur, ce n’est pas l’argent ou les inégalités ; en la matière, notre modèle républicain n’est pas optimal… C’est parce qu’il se fonde sur l’humanisme et non pas sur la mise en concurrence des forts, pour écraser les faibles, que notre modèle est le meilleur !
Le Premier ministre vient d’ailleurs de signer un texte dont je n’approuve pas toutes les idées, mais dont bien des éléments philosophiques peuvent nous réunir. Il est notamment écrit ceci : « Les inégalités minent la confiance et la croissance, sans lesquelles un pays ne peut aller de l’avant. […] Activons tous les leviers pour les combattre : la redistribution… » Ce que nous faisons là, ce n’est pas de la redistribution !
M. Dominique Watrin applaudit.
Je ferai cinq remarques.
Premièrement, je suis toujours sceptique quand on nous dit qu’il faut attirer les talents et que, pour avoir les meilleurs, il faut payer. N’y aurait-il donc que la motivation liée à la rémunération ? J’en doute beaucoup ! Nous finirons par fonctionner comme ces grands clubs sportifs professionnels, qui « achètent » des stars internationales pour garantir des résultats et gagner de l’argent. D’ailleurs, ces clubs sont de plus en plus souvent gérés par des actionnaires !
Deuxièmement, et vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre, depuis quelques années, au sein des conseils d'administration des grands groupes, siègent de plus en plus de financiers, et de moins en moins de grands capitaines d’industrie. Cela a une incidence sur les choix industriels et d’investissement qui sont faits. Ces grands groupes, vous les avez évacués fort habilement de votre raisonnement pour ce qui concerne la fiscalité. Or, vous le savez, ils payent proportionnellement moins d’impôts que les PMI-PME, dont l’imposition atteint 33, 33 %, alors que, pour les grands groupes du CAC 40 – c’est le Conseil des prélèvements obligatoires qui l’affirme dans un rapport de 2009 –, elle est, en moyenne, de 8 %, voire moins. Je pense que la situation s’est encore dégradée depuis 2009. Il y a donc là un problème d’égalité de traitement.
Quatrièmement, comme le disait un illustre dirigeant du XXe siècle : « Le capitalisme n’est pas acceptable dans ses conséquences sociales, il écrase les plus humbles. » Le même homme a également écrit : « Comment voulez-vous qu’on aille toujours plus loin vers l’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres ? » Ce n’est pas du Maurice Thorez ; c’est du Charles de Gaulle !
Cinquièmement, j’ai beaucoup de respect pour votre compétence, votre talent et votre fougue à défendre ce texte, monsieur le ministre. Bien que vous l’ayez défendu avec la même fougue à l’Assemblée nationale, ce n’est qu’après le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution qu’il est parvenu jusqu’à nous. Je n’ai donc pas le sentiment que vous ayez convaincu l’Assemblée nationale, y compris votre majorité, avec les arguments que vous déployez aujourd'hui.
Notre collègue Pierre-Yves Collombat l’a rappelé, lors des élections départementales, un certain message a été envoyé. Vous pouvez choisir de ne pas en tenir compte et de faire fi de l’expression populaire. Mais vous en paierez les conséquences. Faites donc preuve d’un peu de sagesse et de modestie !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le ministre, vous venez de nous tenir un discours revigorant et vivifiant, mais sans doute partiel.
Tout d’abord, vous l’avez tenu à propos d’un dispositif particulier visant à distribuer des actions gratuites. Nous attendons de voir, dans la suite du débat, sur d’autres sujets, si nous assistons à la même conversion au réel du Gouvernement, voire de la majorité à l’Assemblée nationale. Sur ce sujet en tout cas – je vous en donne acte, monsieur le ministre –, vous faites des propositions. La commission spéciale va, bien entendu, les examiner.
Ensuite, ce discours de vérité n’engage visiblement pas toute la majorité. Nous l’avons vu à l’Assemblée nationale, et la lecture des motions en discussion pour le congrès du parti socialiste montre bien que ce discours de conversion n’est pas assumé par tous. Vous l’assumez courageusement, monsieur le ministre, mais les Français et les acteurs économiques écoutent l’ensemble de ceux qui s’expriment. Le ministre de l’économie exprime, certes, une voix salutaire, mais le Gouvernement dans son ensemble et le Président de la République gagneraient à tenir un discours plus clair.
En outre, si ce discours est utile et s’il constitue effectivement un bon début, proposer des mesures, c’est encore mieux ! Et puis, nous n’oublions pas qu’il s’agit tout de même d’un revirement.
En tant que maire du Bourget, j’ai plus particulièrement en tête un fameux discours prononcé dans ma commune un certain jour du mois de janvier 2012, …
… où la France entière a appris que l’ennemi, c’était la finance, que le monde économique obéissait à une division binaire avec les bons d’un côté, les mauvais de l’autre et que la présidence de la République était destinée à remettre tout cela en ordre !
Monsieur le ministre, quand je vous entends à présent, j’ai envie de comparer les deux discours. Il fallait sans doute abjurer le discours du Bourget. Vous l’avez fait à l’instant, mais je voudrais que ce soit clair pour tout le monde. Il reste encore du chemin à parcourir, me semble-t-il.
Par ailleurs, quand je parle de revirement, c’est aussi parce que le discours que vous nous tenez prend l’exact contre-pied de la pratique que nous avons connue depuis trois ans.
Mme Nicole Bricq le conteste.
La commission spéciale et la majorité sénatoriale ont proposé d’insérer un certain nombre de mesures dans le projet de loi. Au-delà de la distribution d’actions gratuites, il existe des points de blocage sous-jacents dans ce texte. Des questions se posent, notamment sur la réalité du marché du travail aujourd’hui, avec, là encore, la nécessité d’avoir des points de comparaison avec ce qui se passe en Europe et dans le monde.
Sur certains sujets, comme les seuils ou le temps de travail, la commission et la majorité sénatoriale ont fait des propositions. Sur tous les thèmes, nous allons suggérer des mesures qui constitueront, pour vous, l’épreuve de vérité. Après votre déclaration d’intentions, nous vous invitons donc à passer aux travaux pratiques ! Chiche ?
Sourires.
Mme Lienemann vous a fort justement interpellé tout à l’heure, en vous suggérant de vous présenter aux élections. C’est en effet un moment de vérité, où l’on tient souvent un autre discours.
Vous êtes bien placé pour le savoir, avec votre « président du pouvoir d’achat » !
Tant que le parti socialiste se présentera aux élections en refusant de tenir un discours de réalité, un discours de conversion au monde d’aujourd’hui, le problème subsistera ! En effet, au-delà des batailles qui sont les nôtres, le pays gagnerait à ce que toutes les forces politiques sachent parfois s’unir pour expliquer certains sujets importants à nos compatriotes et moderniser le pays.
Je souhaite que vous arriviez à faire progresser les choses dans les mois qui viennent, monsieur le ministre. Il faut que, au Sénat, nous ayons le courage de tenir un discours de vérité à nos compatriotes. Nous devons proposer des mesures qui contribueront à moderniser le pays. Ces mesures troubleront parfois, interrogeront certainement. Mais nous préférons cela plutôt que d’entendre nos compatriotes penser, à chaque élection, que la classe politique ne sert à rien, parce qu’elle ne pose pas les vraies questions.
Merci donc d’avoir posé les vraies questions, monsieur le ministre. Maintenant, passons ensemble aux actes !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Monsieur le ministre, le groupe UDI-UC a beaucoup apprécié les propos empreints de bon sens que vous avez prononcés tout à l’heure. Bien entendu, nous partageons aussi ceux qu’a tenus à l’instant M. le président de la commission spéciale : nous devons aller encore plus loin.
Le développement économique et la création d’emplois sont essentiels pour notre pays. Nous devons tout mettre en œuvre pour que cela devienne réalité. Avec la délégation aux entreprises du Sénat, présidée par Élisabeth Lamure, nous avons rencontré depuis plusieurs mois un grand nombre de chefs d’entreprises. Tous ont appelé à lever d’urgence un certain nombre de contraintes administratives qui bloquent la création d’emplois dans notre pays.
Parallèlement, dans le cadre de la commission d’enquête sur le CIR, présidée par Francis Delattre, nous avons aussi entendu, de la part de nombreux acteurs économiques, que la France était le pays dans lequel les activités de recherche étaient les plus favorisées et dans lequel les entreprises pouvaient le plus s’épanouir. Le CIR constitue effectivement un outil intéressant pour l’attractivité de notre pays. Nous devons continuer dans cette direction.
Monsieur le ministre, certaines mesures, dont vous n’êtes sans doute pas responsables, allaient toutefois dans un sens différent. Je pense par exemple à la taxe à 75 %, qui incite clairement les talents à aller exercer leur activité à l’étranger et à ne plus siéger au sein des conseils d’administration français. Toutefois, nous ne doutons pas que nous reviendrons sur la voie de la « sagesse », pour reprendre le terme employé par Éric Bocquet tout à l’heure.
Le groupe UDI-UC ne comprend pas les amendements visant à supprimer l’article 34. Il s’agit d’associer les salariés au capital des entreprises et de faire en sorte qu’ils soient également propriétaires de leur entreprise. Toutes ces mesures ne peuvent que favoriser l’implication des salariés dans leur entreprise et la création d’emplois. Nous pensons que tous les salariés doivent pouvoir participer à la conduite du développement de leur entreprise. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du nombre de demandeurs d’emploi dans notre pays. Nous devons tout faire pour réduire le chômage.
Certaines des propositions que vous formulez vont dans ce sens, monsieur le ministre. Mais, comme M. le président de la commission spéciale l’a souligné tout à l’heure, nous devrons aller encore plus loin. Si vous choisissez de le faire, vous nous trouverez à vos côtés !
Je veux tout d’abord saluer l’intervention de M. le ministre. Elle me semble non pas dogmatique, mais, au contraire, pragmatique et réaliste.
Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à être élus depuis un certain nombre d’années et avoir assisté aux mutations économiques de notre pays.
J’ai représenté pendant vingt ans à l’Assemblée nationale une circonscription industrielle. En 1993, lors de mon élection, sur les dix plus grandes entreprises, tous des grands groupes, dans cette vallée de montagne, trois étaient à capitaux étrangers et sept à capitaux français. Aujourd’hui, la proportion s’est inversée.
Nous avons une industrie qui s’est complètement internationalisée, avec des mouvements dans les deux sens. Quelques grands groupes français ont racheté des entreprises étrangères, comme Saint-Gobain ou Placoplatre, et beaucoup d’entreprises françaises sont passées sous pavillon étranger. En vérité, dans tous ces groupes industriels, l’activité se fait à l’international, de même que l’activité du tourisme se fait à l’international dans toutes nos grandes stations.
Nous avons besoin de garder en France les centres de décision, c’est-à-dire non seulement les sièges sociaux, mais aussi les centres de recherche. Si l’on ne prévoit pas un minimum d’intéressement pour celles et ceux qui représentent les talents évoqués par M. le ministre – ce n’est pas honteux de le dire –, s’il n’y a pas un minimum de retour, nous allons bien évidemment perdre de la substance.
Il ne s’agit pas de ne rien vouloir donner aux autres. Mais si l’on ne crée ni croissance ni richesse, il n’y a rien à redistribuer ! Telle est la vérité première, fondamentale. À quoi bon avoir des écoles d’ingénieurs et des centres universitaires de haut niveau si les jeunes que nous formons partent ensuite à l’étranger, parce qu’ils ne trouvent pas en France les conditions pour se réaliser et avoir une existence conforme à leurs espérances ?
J’ai bien entendu la citation du général de Gaulle. Mais, lorsque Charles de Gaulle réfléchissait à Londres à la reconstruction de la France, c’est l’association, et non l’opposition du capital et du travail qu’il envisageait ! Cette association passe justement par l’intéressement et la participation. Dans le monde d’aujourd’hui, la distribution d’actions gratuites et les conditions de la fiscalité des actions ne peuvent pas être dissociées.
Je suis élu d’une collectivité sans doute parmi les plus interventionnistes de ce pays. Nous avons beaucoup œuvré pour le développement économique. Nous avons distribué des actions gratuites pour les personnels d’encadrement des stations de sports d’hiver, parce que des ingénieurs ont innové en développant de nouvelles machines et de nouvelles techniques, que nous avons ensuite exportées. Si nous l’avons fait, c’est parce que nous souhaitions qu’ils restent, et afin de récompenser leur talent.
Je suis donc heureux d’entendre votre discours, monsieur le ministre. Je n’ai aucun état d’âme par rapport à ces dispositions. Bien évidemment, nous devons parallèlement avoir des exigences en matière sociale, d’aide au développement, de formation des salariés et de promotion interne. Mais aucune société ne peut fonctionner en excluant celles et ceux qui sont les plus créateurs, les plus novateurs ! Nous devons leur apporter un retour, qui ne peut pas se limiter à de la considération.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le ministre, si je vous disais que votre intervention a été excellente, cela ne vous aiderait pas, en tout cas au sein de votre camp !
Je me contenterai donc de vous dire que vous mettez le doigt là où ça fait mal.
En effet, tous les partis politiques, tous les parlementaires et tous les élus sont confrontés à la réalité de l’obsession du chômage, la réalité de l’effritement et de la disparition progressive de la classe ouvrière dans notre pays – les mots ne me font pas peur –, la réalité de la délocalisation de nos industries et la réalité de la difficulté de se représenter ce qu’est aujourd’hui l’économie française.
Je suis gaulliste. Il fut un temps où j’ai moyennement accepté l’édification de l’Europe. J’étais eurosceptique, j’ai fait campagne contre Maastricht, …
Sourires.
… en affirmant que l’Europe allait détruire un certain nombre de valeurs ou d’éléments de l’économie française.
Mais, progressivement, nous voyons les évolutions.
Tous les parlementaires, dans leur commune, connaissent des personnes qui viennent leur dire que tout va mal, que leur entreprise ferme. En tant que responsables publics, nous répondons presque toujours que nous n’y pouvons rien, que c’est à cause de l’État, de l’Europe ou de la mondialisation !
Dans la vision gaullienne, gaulliste ou étatiste – peu importe la formule ; pour ma part, je ne renie en rien les citations du général de Gaulle –, l’État est garant de la solidarité ; il assure l’équilibre, afin de faire en sorte que tout Français, quel que soit son rang social, se sente chez lui, et s’y bien.
Mes chers collègues, on peut avoir une vision un peu rousseauiste sur le thème « recentrons-nous, refermons-nous ». Mais la réalité de l’économie a changé. Elle nous a peut-être échappé en grande partie. Nous ne maîtrisons ni les flux de capitaux ni les flux de la recherche et des brevets !
Que nous soyons communistes, socialistes, UMP, UDI-UC, nous voulons tous que l’État intervienne. Mais il n’a plus le pouvoir de tout cadrer, tout encadrer ! C’est peut-être dramatique ; c’est peut-être insupportable pour nous – je suis issu d’une famille pour laquelle l’école publique, l’État et la République, c’était tout –, mais c’est la vérité !
Nous devons tous opérer une espèce de révolution mentale. Exigeons beaucoup de l’État ! Toujours. Parce que la République, c’est cela. Mais ne demandons pas à l’État d’intervenir constamment dans la vie de nos entreprises, d’encadrer tout ce qui n’est pas encadré.
Car le résultat, c’est que les entreprises et les investisseurs préfèrent aller ailleurs au lieu de s’installer chez nous ! Et nous n’avons plus de quoi encadrer l’activité, verser des aides, créer des emplois et des richesses pour organiser la solidarité. Aujourd'hui, on se demande ce que l’on va bien pouvoir faire.
Dans mon département, il y avait autrefois des industries, notamment dans l’automobile et l’aéronautique. Il n’y en a plus une seule ! Il en va de même dans d’autres départements.
Monsieur le ministre, peut-être êtes-vous là pour faire en sorte qu’une partie de votre camp fasse sa révolution. Notre camp doit lui aussi faire la sienne. Dans notre camp, il faut convaincre les plus libéraux de l’importance de l’État et de la solidarité. Dans votre camp, il faut convaincre ceux qui ne croient qu’à l’intervention de l’État qu’ils ne peuvent pas tout encadrer, sous peine de ruiner le pays ! Il faut un équilibre entre une économie qui fonctionne et un État fort. Monsieur le ministre, vous devez d'abord en convaincre votre propre camp.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Le RDSE s’exprime dans sa diversité. Simplement, nous, nous en avons l’habitude.
Sourires.
Il est tout à fait normal que la diversité des opinions s’exprime.
Nous voterons très majoritairement contre la suppression de l’article 34.
C’est peut-être dommage, mais il est normal que nous votions selon notre sensibilité. Vous le faites vous-même, et je me garderai bien de vous le reprocher.
Dans notre beau pays de France, il y a ce qu’on appelle « l’exception culturelle française ». Mais il y a aussi l’exception politique française : nous éprouvons une difficulté considérable à sortir de schémas auxquels nous sommes souvent viscéralement attachés. C’est une réalité.
Regardons ce qui se passe ailleurs. Cela ne signifie pas qu’il faut systématiquement s’y conformer, en adoptant une attitude suiviste. Il s’agit de tenir compte – vous l’avez fait, monsieur le ministre – de réalités profondes que l’on ne peut pas ignorer.
Certains gardent le souvenir d’un temps passé. Regardez ce qui se passe aujourd'hui sur les différents continents. Ce n’est pas la Chine qui nous dira que le capitalisme est une catastrophe ! Le tournant pris est exceptionnel : on peut avoir un parti unique et des comportements ultra-capitalistiques. Un certain rapport à l’économie se développe sur tous les continents. Je comprends qu’on puisse le déplorer, parce que cette évolution se produit souvent au détriment des plus faibles. Sur ce point, il faut être extrêmement prudent, mais aussi extrêmement volontaire. Cependant, on ne peut pas s’enterrer dans des visions passéistes. Nous devons, les uns et les autres, caler davantage nos visions sur la réalité.
Roger Karoutchi le sait, je n’ai jamais été gaulliste, et je ne le serai jamais.
M. Jacques Mézard. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que vous-mêmes soyez restés gaullistes sur tous les sujets…
Approbations sur les travées du groupe CRC.
La construction de l’Europe est indispensable. Elle se fait dans la douleur, et cela continuera. Dire qu’il faut en sortir, ce n’est pas sérieux !
Aujourd’hui, nous avons le vrai débat de fond. Nous devons réaliser des efforts pour que la France continue à être ce qu’elle est, c'est-à-dire un pays où le rôle de l’État existe toujours. Le rôle de l’État, c’est de protéger les plus faibles. Cela implique de permettre à l’économie de se développer.
Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous sur l’essentiel : il faut faciliter la production. Ensuite, le rôle de l’État est de faire en sorte que la distribution soit la plus équitable possible. À mon avis, quand on a dit cela, on a dit l’essentiel. Les vrais clivages idéologiques devraient porter là-dessus.
L’article 34 ouvre un débat de fond légitime. Nous voterons très majoritairement contre sa suppression.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la manière dont vous avez dit les choses. Certes, nous ne sommes pas d'accord avec toutes les dispositions du projet de loi.
Pas seulement, ma chère collègue. Je pourrais aussi évoquer les professions réglementées.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je venais pour présenter un amendement. Mais, au rythme où nous avançons, je pense que cela n’arrivera jamais.
Sourires.
Je suis très intéressé par le débat présent. Roger Karoutchi a dit à M. le ministre qu’il ne souhaitait pas le mettre en difficulté auprès de ses amis. Le président de la commission spéciale a rappelé que des propos sur la finance avaient été tenus lors du discours du Bourget.
Mes chers collègues, la première fois où je me suis présenté à une élection législative, voilà trente-quatre ans, j’ai reçu – je l’ai conservé depuis –un mot de soutien de Pierre Mendès France, qui était venu parler de Jean Zay. À cette époque, j’étais rocardien ; je le suis encore. Je ne voudrais pas que l’on accrédite des caricatures, comme s’il y avait d’un côté les adeptes du tout-État, et de l’autre les partisans du tout-marché ou du tout-entreprise. C’est une vision archéologique ; je ne l’ai jamais partagée.
Lorsque Michel Rocard a déclaré, au sein du parti socialiste, qu’il fallait prendre en compte le marché et que la régulation de ce dernier était globale, de tels propos étaient difficiles à prononcer et à entendre. N’est-ce pas, madame Gillot ?
Mme Dominique Gillot le confirme.
Nous nous battons depuis des décennies pour dire que nous avons besoin de l’État. Je ne désespère pas de l’État. Nous avons besoin de la puissance publique. Aujourd'hui, elle doit être européenne, voire mondiale sur certains sujets, comme internet.
Sourires.
Nous avons besoin de solidarité, et il n’y a pas de solidarité sans puissance publique !
En même temps, si on ne produit rien, on ne peut rien distribuer. Notre socialisme est celui qui permettra au plus grand nombre de citoyens d’entreprendre, de prendre des initiatives, d’être des acteurs, d’être responsables, et non pas d’être seulement des citoyens passifs !
On peut avoir des points de vue divers sur les différentes parties du projet de loi. Mais ce texte réalise une synthèse nécessaire entre la puissance publique et l’esprit d’entreprise et le marché. Partout où l’on a supprimé le marché, on a supprimé la liberté. Pour autant, le marché ne suffit pas à garantir la liberté. Au Chili, du temps de la dictature, il y avait un marché, mais il n’y avait pas de liberté.
Il faut à la fois une régulation du marché, de la liberté pour les entreprises, de la solidarité et un État qui fasse son travail. Il y a des dichotomies, des binarismes, des discours qui sont complètement archéologiques ! Permettez à certains d’entre nous de dire qu’ils ne s’y retrouvent absolument pas.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.
Je voudrais revenir sur le débat qui a eu lieu tout à l'heure sur les rapports entre les élites et la base. Je souhaite faire passer un message à M. le ministre au sujet de nos entreprises.
J’ai entendu beaucoup de remarques de bons sens, y compris sur les travées de mes adversaires politiques. On parle beaucoup des élites et des grandes entreprises. La gestion des finances publiques est aujourd'hui très difficile. Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur un point : le peu d’argent qu’on trouve pour faire des exonérations fiscales ou alléger les charges des entreprises doit absolument être réparti de manière équitable.
Je veux attirer votre attention sur la situation des PME. Tout à l'heure, une chose intéressante a été dite. Cela me permet d’introduire le débat sur la distinction entre le capitalisme familial et le capitalisme financier. On a besoin des deux, mais je préfère de loin le capitalisme familial !
Pourquoi un certain nombre de PME-PMI, TPE et d’entreprises familiales sortent-elles de la crise ? Parce que, pendant quinze ans, elles n’ont pas distribué de dividendes ; elles ont stocké de la trésorerie. Pendant les deux années difficiles, elles ont consommé 50 %, 60 % ou 80 % de leur trésorerie. Elles sortent maintenant de la crise, avec des salariés qui travaillent, grâce à cela.
En revanche, dans les grandes entreprises, on distribue souvent les dividendes à toute vitesse. Du coup, lorsque la crise arrive, la variable d’ajustement n’est pas la trésorerie ; c’est le personnel.
Je ne suis pas devenu socialiste ou collectiviste. Je suis resté gaulliste. Le général de Gaulle disait en substance que le collectivisme et le libéralisme à outrance avaient montré leurs dégâts et qu’il existait une voie moyenne entre les deux : la participation.
Monsieur le ministre, si vous pouvez dégager des moyens budgétaires, n’oubliez pas les PME-PMI, dont on ne parle pas suffisamment et qu’on n’aide pas assez ! Plus de 60 000 d’entre elles ont disparu l’année dernière sans crier gare. Quand une grande entreprise est en difficulté, il y a des manifestations et on en parle beaucoup, mais ces 60 000 PME-PMI ont disparu sans qu’on en parle !
Il y a une réforme urgente à faire : l’allégement des charges. Or, pour alléger les charges, il faut réformer l’État. La réforme qu’on ne fait pas, c’est celle de l’administration centrale. Entre 1995 et 2002 – j’étais alors rapporteur du budget de la sécurité sociale –, les effectifs de la direction générale de la santé ont augmenté de 16 %. Qui paie, sinon le système productif, c'est-à-dire les travailleurs et les entreprises ?
Cela dit, je suis contre cet amendement de suppression.
Enfin, un de nos collègues a parlé du Danemark. Il se trouve que je suis allé dans ce pays pour voir comment les choses s’y passent. Exemplaires en ce qui concerne la flexisécurité, les Danois appliquent en revanche une fiscalité insupportable.
Écoutez bien, mes chers collègues : les cadres européens, notamment français, qui vont travailler au Danemark sont obligés de repartir au bout de trois ans. Pourquoi ? La fiscalité est là-bas tellement élevée que ce pays a été obligé de mettre en place un régime spécial pour les cadres venant de l’extérieur, mais il en a limité le bénéfice dans le temps : au terme d’un délai de trois ans, les grands groupes sont donc obligés de renouveler leurs cadres !
La problématique posée par M. le ministre existe bel et bien : nous devons toujours avoir en tête la compétition internationale.
Pour conclure, je dirai à nos collègues du CRC que je ne suis pas d’accord avec eux lorsqu’ils prétendent qu’il n’y a pas d’exemple de capitaine d’industrie qui aurait sauvé une grande entreprise, même avec une fiscalité attractive.
Hélas, il y a bien des exemples où des capitaines d’industrie, qui n’étaient sans doute pas suffisamment à la hauteur, ont conduit des grands groupes, et leurs salariés, à la catastrophe. Mais on a vu arriver à leur suite d'autres dirigeants pour relever la situation.
Oui, une personne de très haut niveau et de très grand talent peut sauver des dizaines de milliers d’emplois. Ces gens veulent venir travailler en France, nous n’avons pas le droit de les obliger à quitter notre pays par la suite pour des raisons fiscales.
C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas supprimer cet article, mais, en même temps, je demande que ce qui est prévu pour les grands groupes soit aussi possible pour les petites et moyennes entreprises.
Je termine, monsieur le président.
Les PME n’ont pas tellement besoin d’allégement de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur les dividendes. Elles ont surtout besoin de l’allégement des charges qui pèsent dans leur compte de résultat, pour simplement continuer à exister.
La parole est à M. le ministre, pour clore ce débat au cours duquel quinze d’entre vous se sont exprimés, mes chers collègues. Nous passerons ensuite au vote sur ces deux amendements identiques.
Je veux apporter quelques précisions. Au fond, je trouve beaucoup de convergences dans les sensibilités qui ont pu s’exprimer. Si l’on croit à la lutte contre les inégalités, on croit d’abord à la capacité à produire dans le pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cet article n’enlève rien à personne. Il n’alourdit pas les efforts de qui que ce soit.
Pas du tout, madame la sénatrice, c’est là où vous vous trompez, mais je vais y revenir.
Il a seulement pour objet d’aligner le traitement fiscal et social d’un dispositif pour le rendre attractif, opératoire, afin de tenir compte de la situation mondiale et européenne. Il s’agit donc de nous mettre en capacité de produire en France et de conserver la force de production en France.
Je parlais des talents, parce que ce sont les plus mobiles. C’est bien à ce niveau que ce dispositif est un élément d’attractivité et de compétitivité. Pour les PME, comme pour les grandes entreprises, il est nécessaire, mais il n’est pas fléché uniquement sur les cadres supérieurs.
L’entreprise Eiffage, que je citais, a 80 % de ses salariés en France, qui bénéficient de l’actionnariat salarié. C’est la même chose pour le groupe Auchan, qui est aussi largement ouvert à l’actionnariat salarié.
Il n’y a donc pas de fatalité à ce que le dispositif soit réservé aux cadres supérieurs.
L’actionnariat salarié est un élément d’attractivité, mais surtout d’ouverture du capital : telle est sa philosophie, sa logique.
Je voulais également apporter une précision technique importante, qui porte en elle le sens politique profond de cette mesure : si l’on croit à la production, on croit à l’actionnariat de long terme.
Le texte prévoit une durée minimale de détention des actions de deux ans, et la durée est portée à huit ans pour pouvoir bénéficier du plein avantage fiscal. Nous débattions de 195 versus 190, mais celui qui détient l’action doit la garder pendant huit ans pour avoir l’avantage personnel. Il doit de toute façon la conserver pendant au minimum deux ans. C’est donc une incitation à l’actionnariat long.
Enfin, certains ont parlé du coût financier. Je déplore que l’on ait toujours un raisonnement statique sur ces sujets-là. Songez à toutes celles et à tous ceux qui ne créent pas de richesse ici, toutes celles et tous ceux qui quittent le pays pour les raisons que j’évoquais :c’est autant d’impôt sur le revenu de moins, c’est autant d’impôt sur les sociétés qui s’évapore.
M. le président de la commission spéciale applaudit.
L’Inspection générale des finances nous a remis le rapport sur les grands groupes français que j’avais demandé, et les chiffres sont éloquents : quand un cadre supérieur quitte le territoire français, quand un décideur s’en va, ce sont quinze à vingt emplois qui disparaissent !
M. Emmanuel Macron, ministre. Voilà, madame Lienemann, où se trouve la perte fiscale ! C’est autant d’argent que l’on n’aura plus pour financer les doctorats
Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.
Cette mesure a donc un coût net, mais elle représente in fine un gain pour notre économie, car elle permet de produire. Au total, je suis profondément convaincu que ce dispositif rapportera.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 29 et 156 rectifié tendant à la suppression de l’article 34.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 148 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1084, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Sourires sur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, en effet, ce sera le même vote sur cet amendement, mais je vais quand même le présenter.
Vous vous en doutiez, n’est-ce pas ?
Nouveaux sourires sur les mêmes travées.
Par cet amendement, nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 9 de l’article 34.
En préambule, je voudrais revenir rapidement sur l’actionnariat salarié.
Nous sommes toujours sur le même article, mon cher collègue.
Pour compléter ce qui a été dit, je vous fais remarquer que les patrons bénéficient déjà largement de ces actions gratuites, les entreprises du CAC 40 ayant distribué, en 2014, 6, 4 milliards d’euros d’actions gratuites à leurs dirigeants.
En revanche, monsieur le ministre, j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé la somme versée en actions gratuites aux salariés des collèges 1 et 2 des entreprises industrielles, par exemple. Pouvez-vous nous dire combien de salariés en ont bénéficié et pour quel montant ? Cette information nous donnerait une idée du rapport entre les salariés et les patrons à cet égard.
Donc, pendant que les entreprises du CAC 40 versaient 6, 4 milliards d’euros d’actions gratuites à leurs dirigeants, les salariés de ces mêmes entreprises s’entendaient dire que les augmentations de salaires, bien évidemment, n’étaient pas possibles, car elles n’étaient pas bonnes pour la compétitivité.
Au sujet, toujours, de ces entreprises du CAC 40, il faut aussi savoir que les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 30 % l’an dernier, pour arriver à 56 milliards d’euros, qui s’ajoutent donc aux 6, 4 milliards d’euros d’actions gratuites versés aux dirigeants. Après, monsieur le ministre, on vient nous parler de la compétitivité des entreprises…
Je le reconnais, vous vous êtes exprimé, il y a peu, dans la presse, concernant le patron du groupe Vivarte, qui a touché un chèque de départ de 3 millions d’euros, alors que l’entreprise a annoncé 1 600 suppressions.
Je vous ai posé la question, mais vous ne m’avez pas répondu, donc je la pose à nouveau : à quel moment allons-nous mettre le sujet de la responsabilité sociale des entreprises sur la table ? En effet, il me semble que cette responsabilité sociale devrait être un peu plus encouragée, ce qui, pour le coup relève pleinement du rôle de l’État.
J’ai bien entendu M. Joyandet nous parler de la participation, dont je rappelle qu’elle date de 1969…
Mais, comme mon temps de parole est écoulé, monsieur le président, je reviendrai sur le sujet en explication de vote.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
La commission spéciale émet le même avis défavorable que précédemment, monsieur le président, car, si nous ne sommes plus devant une suppression pure et simple, ce que l’on nous propose ici revient cependant à un détricotage de l’article.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
J’ajoute que nous n’avons absolument pas trouvé confirmation du chiffre de 6, 4 milliards d’euros cité par Mme David. En France, le montant des actions gratuites distribuées s’élève à 800 millions d’euros. Par ailleurs, les chiffres de l’ACOSS, qui permettent de ventiler la distribution selon la catégorie d’entreprises, montrent que 3 500 entreprises, dont deux tiers de PME, sont concernées.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Protestations sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du CRC.
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Monsieur le président, je considère que les débats se sont déroulés de manière sereine depuis le début de la discussion de ce texte. Beaucoup d’interventions étaient d’ailleurs très intéressantes.
Le groupe UMP ne défend pas du tout les mêmes positions que le groupe communiste, républicain et citoyen, ce dont, croyez-le bien, je me félicite ! Cependant, nous avons respecté sa volonté d’intervenir sur certains sujets, sans émettre d’objection – nous avons même pu apprendre un certain nombre de choses à cette occasion, reconnaissons-le.
J’en appelle donc au président du groupe UMP : souffrez, monsieur Retailleau, que nous puissions intervenir en toute sérénité sur des sujets dont nous considérons qu’ils revêtent une certaine importance !
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Monsieur le président, vous l’avez rappelé, quinze orateurs sont intervenus ces deux dernières heures, donc quatre seulement appartenaient à notre groupe. Nous ne sommes donc pas les plus nombreux à nous exprimer. En outre, si notre groupe est plus petit que les autres, il n’empêche que nous sommes nombreux à être présents en séance !
Monsieur le ministre, on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres, en positif ou en négatif, selon ce que l’on souhaite démontrer. Vous m’annoncez un chiffre, je vous en annonce un autre : chacun pourra se plonger dans ses sources pour vérifier lequel de ces deux chiffres est le bon !
L’ACOSS est une meilleure source que Le Canard enchaîné !
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 1085, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
Je reviendrai sur le débat de fond en défendant l’amendement suivant.
Nous demandons la suppression des alinéas 11 à 13 de l’article 34, parce qu’ils entérinent une déduction de CSG des revenus imposables qui ne nous semble pas justifiée au regard de la situation des finances publiques.
La CSG est un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale. Il est assis sur l’ensemble des revenus des personnes résidant en France : les revenus d’activité et de remplacement – allocations chômage, indemnités journalières –, les revenus du patrimoine, les produits de placement, les sommes engagées ou redistribuées par les jeux.
Il est possible de déduire une partie de la CSG des revenus imposables. Cette déduction s’opère à hauteur de 5, 10 % pour les revenus d’activité, de 4, 2 % pour les pensions de retraite et d’invalidité et les allocations de préretraite, et de 3, 8 % pour les autres revenus de remplacement. Pour les revenus du patrimoine, la déduction s’opère à hauteur de 5, 1 %.
La déduction proposée ici au profit des distributions d’actions gratuites ne nous semble absolument pas justifiée. Elle constitue en effet une énième niche fiscale qui atteint de plus un niveau élevé : une déduction de 5, 1 %, contre 4, 2 % pour les pensions de retraite et d’invalidité, je le rappelle.
En conclusion, nous pensons que ces alinéas contribuent à la mise en place d’un système fiscal encore plus injuste, alors même qu’il serait urgent de réfléchir à une vraie réforme fiscale pour plus de justice et plus de solidarité.
M. Gérard Longuet. Dans cette affaire de distribution d’actions gratuites, qui fait un effort ? Les autres actionnaires, en acceptant que leur part dans le capital soit diluée. Mais c’est leur choix ! Pourquoi le font-ils ? Un vieux proverbe nous donne la réponse : « Il vaut mieux être plusieurs sur une bonne affaire, que seul sur une mauvaise ».
Sourires.
Les actionnaires choisissent donc de diminuer leurs espérances de gain au profit de l’entreprise. À l’intérieur de l’entreprise, la direction décide un plan de répartition d’actions gratuites.
Pour répondre à votre observation, ma chère collègue, on peut se demander s’il existe un exact rapport de proportion entre la réussite de l’entreprise et le travail individuel de chacun des bénéficiaires de la distribution d’actions gratuites. La réponse est négative, car c’est la synergie de l’ensemble des collaborateurs qui permet un résultat. Il se trouve cependant que les entreprises ont des directions, certes soutenues par les actionnaires, mais qui s’en distinguent, et ces directions estiment que, pour mobiliser l’entreprise, il faut répartir les actions d’une certaine façon.
Nous ne sommes pas dans la logique du contrat de travail, avec un rapport d’autorité, mais nous nous situons dans une logique de projet collectif où prévaut, comme le disait mon collègue Roger Karoutchi, l’association du capital et du travail, où la rémunération n’est pas déterminée à raison d’heures de travail ou d’objectifs précis, qui sont rémunérés par des salaires ou par des primes.
La distribution d’actions gratuites est un sacrifice consenti par les actionnaires existants, décidé et géré par la direction de l’entreprise au bénéfice de salariés qu’elle désigne, à proportion non pas de leur travail, mais d’un engagement global. Tel est le sens même de l’entreprise et de la collectivité.
J’ai profité de notre discussion pour exprimer cet acte de foi, qui explique que je combattrai cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1086, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 15 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
Vous proposez, monsieur le ministre, d’abaisser de 30 % à 20 % le taux de la contribution patronale spécifique.
Cette contribution patronale, qui vient en sus des prélèvements sociaux classiques comme la CSG et la CRDS, porte soit sur la valeur des actions telle qu’elle est estimée pour l’établissement des comptes consolidés, soit sur la valeur des actions à la date de la décision d’attribution. Le taux de cette contribution était de 30 % pour les actions attribuées depuis le 18 août 2012, comme le précise le rapport écrit. La contribution est même supprimée dans certaines conditions pour les PME.
Enfin – mais je me demande si j’ai bien compris le dispositif, tant il me semble exagéré –, la contribution ne serait plus même calculée sur la juste valeur, c’est-à-dire la valeur à l’instant du prélèvement de la contribution, mais sur la valeur de l’action à l’acquisition. Si tel est le cas, ce mode de calcul ne nous paraît pas correct, car on peut, bien entendu, observer des écarts importants de valeurs, la plupart du temps dans le sens de la hausse.
Monsieur le ministre, après avoir porté un coup à la solidarité au niveau de l’impôt sur le revenu, en proposant une forte diminution de ce dernier sur les revenus d’actions gratuites, vous proposez ici de réduire la participation des mêmes contribuables au financement de la sécurité sociale. Il faut le rappeler, chaque fois que l’on abaisse un taux de contribution, on réduit une source de financement de la sécurité sociale : c’est mathématique ! Le coût annuel de la réduction de la cotisation patronale serait, dans le cas présent, de 100 millions d’euros. Ce n’est tout de même pas rien !
À l’Assemblée nationale, devant la commission, vous avez justifié cet article 34 de la sorte : « Bref, il est évident que nous ne sommes plus compétitifs par rapport à l’écosystème qui nous entoure. Ces mesures ne visent qu’à nous remettre dans la norme ». Tel était également le sens du discours que vous avez tenu devant nous.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces explications, car, au-delà des mots, ces mesures s’analysent en réalité comme des actes de dérégulation fiscale et sociale, et nous les désapprouvons, car nous avons une autre conception de l’efficacité de l’économie.
Beaucoup, dans cet hémicycle, nous renvoient à des modèles libéraux appliqués chez nos proches voisins, mais, lorsque l’on cite des modèles libéraux, il faut tout dire.
Ce matin, à l’occasion d’une réunion de la délégation sénatoriale aux entreprises, le modèle anglais nous a été présenté : de plus en plus de flexibilité et de mobilité pour les salariés, deux ans de période d’essai dans les contrats, de moins en moins d’impôt sur les sociétés, une fiscalité sur les plus-values limitée à 10 %, quatre fois moins de contrôles fiscaux qu’en France, et j’en passe.
Mais la médaille a son revers, et il faut aussi le montrer : c’est l’explosion du nombre de salariés pauvres qui ont recours aux organisations caritatives ; ce sont ces jeunes qui subissent des niveaux de salaire minimum différents selon l’âge. Je vais citer ces taux, parce qu’ils figurent dans le document qui nous a été distribué ce matin : pour les moins de 18 ans, 4, 50 euros de l’heure ; pour les jeunes de 18 ans à 21 ans, 6 euros de l’heure, …
… et, pour les plus de 22 ans, 7, 50 euros.
Est-ce ce projet de société que vous défendez ?
L’amendement n° 747, présenté par Mme Lamure, M. Adnot, Mme Billon, MM. Bouchet, Cadic et Danesi, Mme Deromedi, MM. P. Dominati, Forissier, Joyandet et Kennel, Mme Primas et M. Vaspart, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18, première phrase
Après le mot :
procédé
insérer les mots :
soit à aucune distribution de dividendes depuis trois exercices et qui répondent à la définition d’entreprises de taille intermédiaire à l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, soit
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Lors de ses déplacements sur le terrain, la délégation sénatoriale aux entreprises, à laquelle notre collègue faisait allusion à l’instant, a entendu les responsables de plusieurs entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, déplorer que de nombreuses aides soient réservées aux seules PME.
Pourtant, les ETI apportent une contribution privilégiée à la croissance et à l’emploi dans les territoires : ces entreprises sont des leviers de compétitivité et leurs performances en termes de productivité, de taux d’investissement, d’exportations et de création d’emplois dépassent celles des PME ou celles des grandes entreprises. Or la France compte trois fois moins d’ETI que l’Allemagne et deux fois moins que le Royaume-Uni ou l’Italie.
Cet amendement vise donc à permettre aux ETI qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis trois ans de bénéficier de l’exonération de la contribution patronale que le Gouvernement souhaite accorder aux PME qui n’ont pas procédé à une distribution de dividendes depuis leur création, dans la limite du plafond de la sécurité sociale pour chaque salarié.
En effet, si la volonté des pouvoirs publics est de développer l’actionnariat salarié, il n’y a pas de raison objective de réserver ce dispositif incitatif aux seules PME.
De plus, le critère de non-distribution de dividendes depuis trois ans proposé dans cet amendement est pertinent, car il permet de cibler les ETI qui ont privilégié l’investissement et l’emploi pour préparer leur avenir et renforcer leur compétitivité, de préférence au versement de dividendes aux actionnaires. Or les entreprises non financières distribuent désormais 85 % de leurs bénéfices en dividendes.
Il importe de souligner que le coût de cet amendement est bien inférieur à 200 millions d’euros, montant que vous aviez estimé correspondre, monsieur le ministre, à une extension de l’avantage accordé aux PME à l’ensemble des entreprises, et non aux seules ETI.
L’amendement n° 796, présenté par Mme Canayer, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bouchet, Buffet, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes, Cornu, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mmes Hummel et Imbert, MM. Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux, de Legge, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Paul, Pellevat et Pierre, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Raison, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 18, première phrase
Remplacer les mots :
donnée à l’annexe de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises,
par les mots :
et des entreprises de taille intermédiaire donnée à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique,
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… - Le b du 1° du C du II s’applique aux sommes versées à compter du 1er janvier 2016.
… – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Cet amendement permet de faire bénéficier les salariés des ETI de l’allégement de la fiscalité sur les attributions gratuites d’actions dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables aux salariés des PME. Son adoption serait un gage fort donné au développement de ces entreprises et à la fidélisation de leurs salariés.
Par ailleurs, cette nouvelle rédaction fait référence au décret du 18 décembre 2008, qui introduit la nomenclature européenne des entreprises telle que décrite dans la recommandation de la Commission européenne.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1086, et je vous renvoie aux explications données précédemment.
En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 747, dont l’adoption serait bénéfique pour les entreprises de taille intermédiaire, en leur permettant d’attirer des compétences pointues et des dirigeants expérimentés qu’elles ne peuvent pas encore rémunérer à leur juste valeur.
Comme l’a dit Mme Lamure, le coût de cet amendement n’est pas celui qui a été annoncé et est plus que compensé par les modifications apportées par notre commission spéciale au texte issu de l’Assemblée nationale.
Lors de la discussion générale, monsieur le ministre, nous vous avions prédit tout le plaisir que vous prendriez à débattre au Sénat – je pense que c’est confirmé. Nous étions également convenus que, s’agissant d’un texte qui n’est pas un projet de loi de finances, nous ne pouvions pas marcher sur nos deux jambes et que, lorsque nous présenterions des mesures ayant un coût, elles seraient parfaitement équilibrées. Nous vous présenterons la facture, si j’ose dire, à la fin du débat !
En ce qui concerne l’amendement n° 796, je demande à ses auteurs de le retirer, puisque la commission spéciale préfère la rédaction de l’amendement n° 747.
Tout d’abord, je ne suis pas certain d’avoir saisi l’argumentation du groupe CRC sur les travailleurs pauvres en Grande-Bretagne. Je l’ai déjà dit, cela n’a rien à voir avec le dispositif proposé ici.
La modification prévue des prélèvements sociaux sur l’actionnariat salarié est avant tout une réforme de simplification. Cette mécanique étant assez subtile, je rappellerai en quelques mots en quoi elle consiste.
Il s’agit de corriger un archaïsme hérité du passé.
Tout d’abord, nous intégrons les actions de performance dans le droit commun de l’actionnariat salarié en instaurant le forfait social à 20 % et en supprimant la contribution patronale spécifique de 30 %.
Jusqu’à présent, cette contribution spécifique de 30 % ne touchait que les actions de performance, en se substituant aux cotisations sociales, tout comme le forfait social pour les autres compléments de salaires.
Quand ces prélèvements ont été mis en place, le taux du forfait social était en effet de 2 %, ce qui pouvait justifier une taxation spécifique des actions de performance. Ce forfait social ayant été porté à 20 %, cette surtaxe de 30 % n’était plus légitime.
Ensuite, afin de tenir compte de la situation particulière des PME en croissance, qui manquent de liquidités, et compte tenu de leurs besoins d’investissements, le forfait social ne sera pas dû par certaines entreprises ; je pense, en particulier, aux PME n’ayant jamais distribué de dividendes depuis leur création. Cette exonération s’applique dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale par période de quatre ans.
Vous proposez, madame Lamure, d’étendre cette mesure aux ETI. Je comprends votre point de vue, mais j’émettrai deux réserves.
La première est budgétaire. On peut avoir de la sympathie personnelle pour la mesure que vous portez : il est vrai qu’elle permet de clarifier les choses et les ETI constituent une priorité, à tous égards, pour la réussite de nos filières. Mais cette mesure à un coût, et il n’est pas gagé. Il est effet évalué à environ 200 millions d’euros pour l’ensemble des catégories. Par déduction, vous avez raison, c’est cela de moins pour les ETI.
Seconde réserve, si l’on étendait ce dispositif au-delà du seuil reconnu au niveau européen, nous devrions notifier le dispositif à la Commission européenne, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cette contrainte existe, et je tiens à la porter à votre connaissance.
Vous le voyez, madame Lamure, cet avis est défavorable non par principe ou par conviction, mais parce que la mesure que vous proposez n’est pas gagée et à cause de cette contrainte communautaire.
Dans notre mécanique de simplification, après les cotisations sociales sur les actions de performance, il est une seconde mesure, qui concerne l’impôt sur le revenu et permet de coordonner les différents mécanismes avec les plus-values mobilières.
Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons proposé à propos des gains réalisés, lors de la cession, sur les prélèvements sociaux.
Grâce à une disposition spécifique qui existait déjà, et qui est applicable à toutes ces catégories, en sus du forfait, nous harmonisons le système : il n’y a plus qu’un seul prélèvement social sur l’entreprise, au lieu des deux qui existaient jusqu’à présent – l’un au moment de l’attribution, l’autre au moment de la cession –, ce qui était devenu objectivement incohérent.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces trois amendements.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 747.
Quelle déception, monsieur le ministre ! Quand il s’agit de passer à l’acte, vous renoncez...
Pourtant, lorsque vous avez eu cette tirade pour vanter l’économie capitalistique, j’étais littéralement scotché à mon siège ! §Avec tout votre talent, vous êtes parvenu à me convaincre et je pensais que votre discours serait suivi d’actes. Or, quelques minutes plus tard, alors que nous vous proposons une mesure tout à fait concrète, vous passez à côté.
Il faut aller jusqu’au bout ! On ne pas continuer à séparer les types d’entreprises. Ces effets de seuils, vous les combattez, comme nous.
Prévoir différents seuils, avec la perte d’avantages induite lors du passage d’une catégorie à l’autre, cela n’incite pas les entreprises à grossir et à devenir des ETI. Il y a trop de politiques de chiffres dans ce pays !
Nous avons l’occasion unique de passer à l’acte avec cet amendement. Pour cette raison, je le soutiens bien volontiers.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 796 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 1087, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 21 à 24
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement concerne une autre partie de ce long article 34, qui réserve décidément bien des surprises.
Ainsi ses alinéas 21 à 24 prévoient-ils d’abaisser la contribution sociale patronale spécifique, qui passerait de 30 % à 20 % pour les actions gratuites, et qui est maintenue à 30 % pour les stock-options. Elle est supprimée pour les PME qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes.
À propos des stock-options et des actions gratuites, le candidat François Hollande s’insurgeait : « Comment peut-on en France, pays de l’égalité, accepter que celles et ceux qui s’enrichissent en dormant laissent les autres, ceux qui travaillent, être dans la peine ou dans l’inquiétude ? » C’était en 2012, mes chers collègues !
Notre collègue maire du Bourget en a déjà parlé...
Dans la foulée, et dans un élan « de gauche », le Parlement avait voté, en juillet 2012, une taxation accrue des stock-options – sans les supprimer pour autant, malheureusement –, ainsi que le passage de 14 % à 30 % des cotisations supportées par les entreprises sur les attributions gratuites d’actions.
Deux ans et plusieurs défaites électorales plus tard, il nous est proposé de revenir partiellement sur cette décision. Nous ne nous expliquons pas ce revirement. À moins qu’il ne traduise l’influence de certains dirigeants d’entreprise sur Bercy...
Nous nous l’expliquons d’autant moins que le coût annuel de cette disposition est estimé à 100 millions d’euros par an, qui pèseront sur les comptes de la sécurité sociale, alors même que celle-ci affiche un déficit de 10, 5 milliards d’euros.
Tandis que l’on nous répète à longueur de temps quand nous discutons d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale qu’il faut « faire des économies », « réduire les dépenses », revenir sur certaines prestations, telles que les allocations familiales cette année, d’autres reçoivent des cadeaux !
Cette politique du « deux poids, deux mesures » n’est pas acceptable.
D’un côté, on demande aux familles et aux retraités de se « serrer la ceinture », et l’on rejette, entre autres, notre proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires, en invoquant « la discipline budgétaire ». De l’autre, on ponctionne 100 millions d’euros de ressources de la sécurité sociale pour permettre à certains patrons de se distribuer des actions gratuites à moindres frais !
Non seulement nos appels à agir sur le volet « recettes » en taxant davantage les revenus du patrimoine, par exemple, ne sont jamais écoutés, mais les recettes sont continuellement remises en cause par cette politique injustifiable d’exonérations !
Même avis, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 1088, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 25 et 26
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Par cet amendement, nous nous opposons aux deux avantages accordés, en matière de prélèvements sociaux, aux attributions d’actions gratuites.
Les paragraphes D et E de cet article consacrent en effet, d’une part, la non-application de la cotisation salariale de 10 % grevant les distributions d’actions gratuites, et, d’autre part, la non-application du forfait social. Dans tous les cas de figure, il s’agit, de manière manifeste, d’une puissante incitation à la mise en œuvre de ces plans d’attribution d’actions gratuites.
La quasi-absence de prélèvements sociaux constitue, en effet, une perte de recettes non négligeable pour la sécurité sociale et crée, à l’égard du salaire brut conventionnel, une distorsion favorable aux formes atypiques de rémunération. Opposer ainsi salaire et épargne, quelle que soit la forme utilisée, ne peut évidemment recevoir notre assentiment.
En appliquant aux nouvelles distributions d’actions gratuites la fiscalité des valeurs mobilières, et non celle des salaires, le Gouvernement reconnaît de manière implicite que les sommes ainsi distribuées ne sont plus une rémunération directe du travail et que, de fait, elles n’ouvrent pas droit à la moindre prise en compte en termes de congé maladie, de points de retraite ou de tout autre revenu social de remplacement destiné à compenser l’interruption ou l’achèvement de la vie salariale.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1089, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 29 à 36
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Ces alinéas 29 à 36 de l’article 34 ont pour but d’assouplir la procédure d’attribution des actions gratuites.
Premièrement, l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié pourra désormais être supérieur au rapport de 1 à 5 actuellement en vigueur, et ce lorsque le nombre total des actions attribuées gratuitement n’excède pas 10 % du capital social, et 15 % pour les PME non cotées. Notons que la limite de 10 % était déjà prévue en droit.
Selon l’OCDE, la rémunération moyenne d’un dirigeant d’entreprise en France est 104 fois plus élevée que la rémunération d’un salarié ! Le Gouvernement avait promis de revenir sur ce rapport de 1 à 104, en imposant un rapport de 1 à 20...
Pour vous donner un ordre d’idées, selon Les Échos, la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 était de 2, 25 millions d’euros en moyenne en 2013, soit 130 salariés payés au SMIC.
Nous sommes bien dans la réalité !
Courons-nous le risque que les patrons français soient recrutés par de « grandes boîtes anglo-saxonnes », comme je l’ai entendu dire au cours du débat ?
La rémunération moyenne des dirigeants d’entreprise aux États-Unis est de 9 millions d’euros annuels. Mes chers collègues, de deux choses l’une : soit nous choisissons de tendre vers ces rémunérations, soit nous actons le fait – faisons un peu d’humour ! – que nos dirigeants restent en France parce qu’ils l’ont choisi ou parce que personne ne les a recrutés pour émigrer aux États-Unis...
Non, nos patrons ne travaillent pas 104 fois plus et ne sont pas 104 fois plus nécessaires, productifs et efficaces qu’un salarié moyen !
Le propre d’un gouvernement de gauche serait, à notre sens, de lutter contre ces écarts de rémunération totalement scandaleux. Or, non seulement vous ne le faites pas, monsieur le ministre, mais vous adaptez les dispositions relatives à l’attribution d’actions gratuites pour qu’elles aussi puissent être le théâtre d’inégalités flagrantes entre quelques dirigeants et l’ensemble des salariés !
Cette disposition aura aussi un effet certain en termes de gouvernance : les salariés et leurs intérêts seront moins représentés, tandis que quelques-uns, qui disposeront de l’essentiel des actions distribuées, pourront imposer leurs vues, forcément différentes de celles des porteurs minoritaires.
Deuxièmement, le délai de portage est réduit.
Nous considérons que le délai de portage abrégé participe d’un outil d’intégration des salariés à la stratégie générale de l’entreprise, mais ne garantit absolument rien quant à la pérennité de l’actionnariat salarié dans l’entreprise.
L’amendement n° 1092, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. Alinéa 32
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les pourcentages mentionnés au deuxième alinéa sont portés à 50 % lorsque l’attribution d’actions gratuites bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société. Au-delà du pourcentage de 10 % ou de 15 %, le nombre d’actions distribué est le même pour chaque salarié. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Dans son essence, l’article 34 vise à permettre aux salariés de jouer le rôle de « partenaires obligés » des actionnaires de leur propre entreprise. Disposant d’une part minoritaire du capital de leur entreprise, ils viendraient ainsi jouer les utilités lors de l’assemblée générale des actionnaires, se rangeant, de fait – c’est du moins ce que l’on peut supposer –, aux côtés de leur employeur, détenteur du plus grand nombre de parts sociales.
Les actionnaires salariés, dans ce cas de figure, deviennent en quelque sorte la force d’appoint nécessaire pour faire passer en assemblée générale les résolutions que le chef d’entreprise entend faire adopter avec la majorité des autres actionnaires. Les dividendes qu’ils sont autorisés à voter viennent notamment compenser l’absence ou la faiblesse des hausses de salaires.
Nous proposons, avec cet amendement, deux modifications.
La première modification consiste à rendre possible la distribution de 50 % des parts sociales d’une entreprise aux salariés. On pourrait en effet se demander pourquoi une entreprise ne pourrait, pour une part déterminante de son capital, supérieure à la seule minorité de blocage, être détenue par ses propres salariés.
La seconde modification que nous préconisons vise à faire en sorte que les actions distribuées soient équitablement réparties à partir de 10 % ou 15 % du capital, afin qu’aucun salarié ne puisse, comme c’est le cas aujourd’hui, en avoir cinq fois plus ou cinq fois moins qu’un autre.
Un peu de travaux pratiques, maintenant !
Soit une entreprise au capital de 7 500 euros répartis en 75 actions d’une valeur nominale de 100 euros. Cette entreprise enregistre, pour une année, un résultat bénéficiaire de 20 000 euros qu’elle décide, pour une part, de transformer en émission d’actions gratuites aux fins d’accroître son capital social. L’entreprise comptant quinze salariés à temps plein, 7 500 euros sont donc convertis en actions gratuites à la même valeur nominale de 100 euros, soit 75 titres.
On prend donc 75 titres pour quinze salariés et chaque salarié se voit attribuer au total cinq actions, soit 500 euros en valeur nominale, de son entreprise.
Quelles incidences cela peut-il avoir par la suite ?
Tout simplement, cela permet une certaine stabilité du capital de l’entreprise et favorise - c’est là le sens de notre amendement – la prolongation de l’activité de l’entreprise après la retraite éventuelle de son fondateur.
Donnons ainsi un vrai sens à la démocratie actionnariale !
Voilà donc exposés brièvement les motifs pour lesquels nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
L'amendement n° 1569, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 34
Rétablir les 4° à 6° dans la rédaction suivante :
4° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;
5° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « fixe également » sont remplacés par les mots : « peut également fixer » ;
b) À la fin de la deuxième phrase, les mots : «, mais ne peut être inférieur à deux ans » sont supprimés ;
6° Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« La durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne peut être inférieure à deux ans. » ;
II. – Alinéas 35 et 36
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
L’article 34 de ce projet de loi vise à améliorer les régimes fiscal et social des salariés de toutes les entreprises, de les adapter notamment au regard des standards internationaux.
Les gains d’attribution et de cession sont imposés selon les modalités applicables aux plus-values mobilières, qui avaient elles-mêmes fait l’objet, en 2013, d’une réforme prévoyant un abattement progressif en fonction de la durée de détention, entre deux et huit ans.
La contribution salariale spécifique est supprimée, les gains d’acquisition sont soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Pour les entreprises, le taux de contribution patronale passe de 30 % à 20 %.
Les objectifs de fidélisation des salariés et de stabilisation du capital social sont atteints par les abattements pour durée de détention s’appliquant à la fois sur le gain d’acquisition et le gain éventuel de cession, qui incite à conserver les actions sur une longue durée. L’abattement maximal est applicable après une durée de détention de huit ans.
Cet ensemble de mesures permet ainsi d’améliorer substantiellement le droit commun applicable à l’actionnariat salarié, quelle que soit la taille de l’entreprise, même s’il est important de souligner que le Gouvernement cible volontairement les PME, en prévoyant, sous certaines conditions, une exonération de cotisation patronale spécifique.
Le Gouvernement cherche à établir un niveau de fiscalisation modernisé qui permette d’inciter au développement de l’actionnariat parmi les salariés, tout en cherchant à parvenir à une fiscalité plus juste et mieux équilibrée.
Il n’est donc pas envisageable pour le Gouvernement de revenir sur les dispositions adoptées en première lecture à l’Assemblée nationale.
La commission spéciale du Sénat a modifié les durées d’acquisition et de conservation des actions gratuites selon la taille des entreprises, contrairement à l’intention du Gouvernement, qui est de laisser aux assemblées générales extraordinaires une plus grande marge d’appréciation dans la fixation de ces durées, et quelle que soit la taille de l’entreprise.
Cette évolution donne plus de souplesse au dispositif, mais il ne s’agit que de durées minimales et les entreprises peuvent faire le choix de périodes plus longues d’acquisition et de conservation en fonction de leurs spécificités et de leurs intérêts.
À cet égard, il convient de rappeler que les durées minimales respectivement de sept ans, en Allemagne, et de cinq ans, au Royaume-Uni, ne sont pas des durées de conservation obligatoires, mais conditionnent seulement une exonération totale des prélèvements fiscaux et sociaux sur les attributions gratuites d’actions.
Enfin, l’introduction d’une durée d’acquisition et de conservation de deux ans par la commission spéciale du Sénat pour les entreprises hors PME entraînerait une perte d’encaissement de l’ordre de 267 millions d’euros en 2016, de 220 millions d’euros en 2017 et de 90 millions d’euros en 2018.
Sur l’amendement n° 1089, l’avis de la commission est défavorable, comme précédemment.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement 1092. En effet, cet amendement conduirait à surexposer les salariés au risque de faillite de leur entreprise et à imposer des contraintes trop rigides aux entreprises. Le droit en vigueur permet déjà de porter le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué gratuitement de 10 % à 30 % lorsque l’attribution bénéficie à l’ensemble du personnel salarié.
Par son amendement n°1569, le Gouvernement souhaite revenir au texte issu de l’examen par l’Assemblée nationale. La commission a émis un avis défavorable. En effet, l’aménagement qui avait été adopté par la commission spéciale s’inspirait des recommandations de l’Autorité des marchés financiers, qui demande d’encourager une application exigeante des obligations, de façon à satisfaire aux objectifs de fidélisation des salariés et de stabilisation du capital social des entreprises.
Revenir sur cet aménagement réalisé par notre commission spéciale serait contradictoire. Ce serait prendre le risque que le surcroît de motivation des bénéficiaires ne se transforme en fuite en avant, l’équipe de direction recherchant une sortie rapide plutôt qu’une véritable création de valeur à moyen terme.
Vous avez fait des comparaisons internationales : les dispositifs d’attribution d’actions gratuites imposent une durée minimale de détention de sept ans en Allemagne et de cinq ans au Royaume-Uni. Si ces durées ne sont pas respectées, les gains sont alors soumis à l’impôt sur le revenu ou aux cotisations sociales selon les règles de droit commun. Il s’agit donc bien en pratique, de durées de détention quasi obligatoires, car la sanction est extrêmement dissuasive.
En conséquence, la réduction des périodes minimales légales d’acquisition et de conservation ne se justifie, aux yeux de la commission, que pour les PME, qui sont souvent soutenues par des investisseurs dont l’horizon d’investissement est nécessairement limité. Elle nous apparaissait plus discutable pour les entreprises matures et les filières industrielles classiques.
La commission émet donc un avis défavorable.
Sur les deux amendements, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l'amendement n° 1569.
Cet amendement du Gouvernement ne figurait aucunement dans le texte initial du projet de loi et semble être apparu au gré de la discussion tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Il s’agit de laisser toute latitude aux assemblées générales d’actionnaires pour décider de l’importance et des conditions de la mise en œuvre du plan de distribution d’actions gratuites.
À la vérité, le but du Gouvernement apparaît de plus en plus au fil de la discussion : faire de la distribution d’actions gratuites un cadeau plus présentable que les stock-options et intégrer les salariés dans leur ensemble aux objectifs des actionnaires.
Dans les faits, tous les salariés de la même entreprise peuvent être concernés par un plan de distribution d’actions gratuites, ce qui met un terme à la suspicion qui pouvait exister lorsque les plans d’options étaient réservés aux seuls cadres dirigeants et leurs servaient de bonus salarial souvent significatif.
Cependant, le système proposé ici est également source de grosses inégalités. Tirer le meilleur parti possible de la distribution d’actions gratuites sera évidemment réservé à ceux qui pourront porter leurs titres sans avoir besoin, sur huit ans, de liquider l’actif en cédant les actions détenues.
Nous avons d’ailleurs, dans l’affaire, toute la palette des situations. On acquiert plus ou moins d’actions gratuites, on les garde plus ou moins longtemps, on encaisse ou non les éventuels dividendes et l’épargne se trouve récompensée par la quasi-absence de fiscalité au bout de l’exercice.
Enfin, problème de fond, ce traitement favorable à l’épargne et au placement financier met en question le salaire en tant que rémunération et valorisation du travail.
C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1090, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 37 à 40
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1091, présenté par Mme Assassi, M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La mise en œuvre du I est conditionnée à la conclusion d’un accord sur les matières prévues par la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Par cet amendement, nous vous proposons d’empêcher que ces attributions d’actions gratuites ne se substituent aux légitimes évolutions de rémunération. En effet, dans cet article, c’est une baisse de l’impôt et des prélèvements sociaux pour les plus gros détenteurs d’actions qui est proposée, ni plus ni moins.
L’expérience nous montre que les détenteurs de ces actions gratuites sont bien les cadres dirigeants des entreprises et non pas les salariés des collèges 1 ou 2 dans l’industrie, que ce soit dans les PME ou dans les ETI, et encore moins dans les grands groupes.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 34 est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 223 rectifié ter, présenté par MM. Adnot, Bizet et G. Bailly, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Doligé, Lenoir, Laménie, Türk, Mouiller, D. Laurent et Delattre, Mme Lamure et MM. Détraigne, Cigolotti, Longeot, Bonnecarrère et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article 150-0 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... – Aux titres cédés, dont le produit de cession aura été, avant le 31 décembre 2015, intégralement réinvesti en titres dans le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises défini à l’article L. 221-31 du code monétaire et financier, soumis au régime fiscal du plan d'épargne en actions visé au 5° bis de l'article 157 et à l'article 163 quinquies D du présent code, pour le seul impôt sur le revenu de 2015, et sous réserve de la conservation desdits titres ainsi réinvestis, en continu, pendant cinq ans, à compter du réinvestissement. »
II. – Les obligations déclaratives du cédant afférentes à la cession visée au I sont fixées par décret.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, outre cet amendement, j’ai souhaité prendre la parole à ce moment de notre discussion pour souligner l’importance des sujets abordés : le financement des PME et la transmission d’entreprises.
La délégation sénatoriale aux entreprises va depuis janvier à la rencontre des entrepreneurs dans les départements. Parmi les préoccupations récurrentes que les entrepreneurs nous confient à chacun de nos déplacements figurent en effet les difficultés de financement, d’une part, et la complexité de la transmission, d’autre part.
C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement n° 223 rectifié ter qui permettrait de donner un coup de fouet à l’investissement vers les PME et les ETI en exonérant d’impôt sur les plus-values pour 2015 les cessions dont le produit serait intégralement réinvesti au sein d’un PEA-PME, dans la limite d’un plafond de 75 000 euros.
Ce serait une réponse à tous les chefs d’entreprise que nous avons pu rencontrer et qui déplorent la frilosité des banques. Certains ont fait état de l’extrême défiance des banques, qui invoquent les nouvelles normes prudentielles. D’autres nous ont parlé des garanties excessives qu’elles leur demandent pour leur octroyer des prêts.
Le récent rapport du Médiateur national du crédit confirme que le niveau des garanties demandées est plus élevé en France que dans les autres pays de la zone euro. Il atteste aussi que les difficultés de financement sont surtout rencontrées par les PME, puisque 97 % des dossiers traités par le Médiateur national du crédit concernent des sociétés de moins de cinquante salariés.
Autre sujet majeur, la complexité et le coût de la transmission. Ce sujet nous a été signalé dans chacun des trois départements où s’est rendue la délégation sénatoriale aux entreprises. Nous y avons visité de très belles entreprises familiales : en Vendée, l’entreprise de construction modulaire Cougnaud, que font vivre quatre frères, mais aussi la boulangerie industrielle Fonteneau, développée par une famille dynamique ; dans la Drôme, l’entreprise Vignal-Artru, spécialisée dans la petite mécanique de haute précision, qui a contribué à la fabrication du premier cœur artificiel implanté l’an dernier chez un patient ; dans le Rhône, les groupes Cepovett, leader en vêtements d’image, et Saint-Jean Industries, équipementier automobile très innovant.
Les dirigeants de ces entreprises peinent à en organiser la transmission. Certains envisagent même de créer une holding pour diminuer le coût de l’opération. D’autres cherchent par tous les moyens à éviter le rachat par un actionnaire seulement soucieux de son retour sur investissement.
L’objet de mon intervention n’est pas de défendre une quelconque vision patrimoniale de l’entreprise. L’enjeu est bien de garantir un projet industriel d’avenir pour chacune de ses entreprises, qui font vivre nos territoires.
C’est pourquoi j’espère que le Gouvernement prêtera une oreille attentive quand nous défendrons les amendements n° °805 et suivants que j’ai cosignés avec mes collègues du groupe UMP et qui visent à faciliter et sécuriser la transmission d’entreprise.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
L'amendement n° 1455 rectifié bis, présenté par MM. Delattre et Trillard, Mme Imbert, MM. Carle, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Vasselle, Mouiller, J. Gautier, Portelli, D. Laurent et Mayet, Mme Micouleau, M. Bouchet, Mme Lamure, MM. Bignon, Milon et Calvet, Mme Mélot, MM. G. Bailly, Pierre, Doligé et Mandelli, Mme Troendlé, M. Laménie, Mmes Gruny et Duchêne, M. Houel, Mme Primas et MM. Leleux, Béchu, P. Dominati et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article 150-0 A du code général des impôts est complété par un 8 ainsi rédigé :
« 8. Aux titres cédés, dont le produit de cession aura été intégralement réinvesti dans un plan d’épargne en actions, destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, tel que défini aux articles L. 221-32-1 à L. 221-32-3 du code monétaire et financier, avant le 31 décembre 2015, pour le seul impôt sur le revenu acquitté au titre de l’exercice de 2015. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Après une année d’existence, le PEA-PME connaît un succès populaire avec plus de 80 000 plans ouverts, mais la collecte n’est pas supérieure à 300 millions d’euros, soit une somme moyenne de 4 000 euros par plan, alors même que le PEA est plafonné à 75 000 euros. Or, si seulement 5 000 PEA-PME étaient pleinement investis, le montant global de la collecte serait multiplié par deux.
Il s’agit donc d’exonérer d’impôt sur les plus-values pour une durée déterminée, à savoir l’année 2015, les cessions de titres ou parts de FCP ou de SICAV - actuellement conservées à durée indéterminée pour éviter les impacts fiscaux ou données dans le cadre de libéralités, pour éviter ce même impact -, dès lors que les produits des cessions ainsi réalisées, dans la limite d’un plafond de 75 000 euros, seraient intégralement réinvestis dans un PEA-PME. Cela permettrait ainsi de relancer l’investissement vers les PME-ETI.
Cette solution présente trois avantages.
Premièrement, elle est de nature à augmenter considérablement la collecte du PEA-PME, avec toutes les retombées inhérentes, dans un contexte de forte diminution des encours des fonds éligibles - on constate un repli d’environ 100 millions d’euros entre les mois d’octobre et de septembre.
Deuxièmement, elle n’aggrave pas la situation budgétaire. Hors de ce cadre, les plus-values n’auraient de toute façon pas été réalisées. Au contraire, elle provoque une rentrée immédiate de CSG-CRDS dans les caisses publiques, qui, sans le dispositif proposé, n’aurait pas lieu d’être.
Troisièmement, elle donne une nouvelle visibilité à ce dispositif.
L'amendement n° 1722, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Lorsque les conditions prévues au II sont remplies, les gains nets mentionnés à l’article 150-0 A du code général des impôts sont réduits, par dérogation au 1 ter de l’article 150-0 D du même code, d’un abattement égal à :
1° 50 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis moins de quatre ans à la date de la cession ;
2° 75 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans à la date de la cession ;
3° 90 % de leur montant lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession.
II. – L’abattement mentionné au I s’applique lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° La cession est intervenue entre le 1er juin 2015 et le 31 mai 2016 ;
2° Les actions, parts ou droits cédés ne sont pas éligibles au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire mentionné à l’article L. 221-32-1 du code monétaire et financier ;
3° Le produit de la cession est, dans un délai de trente jours, versé sur un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises et investis en titres mentionnés à l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier ;
4° Le contribuable s’engage à détenir les titres mentionnés au 3° de manière continue pour une durée minimale de 5 ans.
III. – Un décret précise les obligations déclaratives nécessaires à l’application du présent article.
IV. – La perte de recettes pour l’État résultant des I et II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Cet amendement vise à instaurer un dispositif d’abattement exceptionnel afin d’inciter à l’investissement au sein d’un PEA-PME, produit qui est actuellement assez peu recherché.
Il s’agirait d’appliquer un abattement majoré aux cessions de titres non éligibles au PEA-PME dont le produit est réinvesti en totalité dans un PEA-PME pour une durée minimale de cinq ans.
Cet abattement majoré tient compte de l’ancienneté de la détention au moment de la date de la cession. La commission spéciale a souhaité prévoir une durée minimale de cinq ans, pour éviter un effet d’aubaine, le risque étant que des titres détenus depuis peu soient cédés fin décembre et réinvestis dès janvier dans le PEA-PME.
Parce que l’objectif est bien d’apporter du financement aux PME, il faut prévoir une durée suffisamment longue.
Il est clairement précisé que les titres dont la cession bénéficie d’un abattement majoré n’étaient pas éligibles au PEA-PME. Sans cette mention, on pourrait redouter des montages de cessions croisées élaborés pour transférer des parts de PME d’un compte-titre vers un PEA-PME, ce qui relèverait de l’abus de droit et serait qualifié comme tel.
Ce dispositif est plus « bordé » que celui que prévoient les autres amendements. En outre, il a une durée un peu plus longue, puisqu’il prendrait fin le 31 mai 2016.
Le sous-amendement n° 1764 rectifié, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Amendement n° 1722,
I. – Alinéa 6
Remplacer le taux :
par le taux :
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État de l’alinéa 6 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Adnot.
Nous sommes en désaccord avec la commission spéciale sur le taux d’abattement. Pour éviter d’inutiles calculs d’apothicaire, il serait plus judicieux de porter ce taux à 100 %.
Si ce sous-amendement était adopté, je me rallierais à l'amendement de la commission spéciale.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 223 rectifié ter et 1455 rectifié bis, ainsi que sur le sous-amendement n° 1764 rectifié ?
La commission spéciale émet un avis favorable sur ce sous-amendement ; ce sera en effet plus simple. Par conséquent, elle demande le retrait des amendements n° 223 rectifié ter et 1455 rectifiés bis.
Il est proposé d’exonérer d’impôt sur le revenu les gains de cessions de valeurs mobilières et droits sociaux des particuliers, lorsque le produit de cession est réinvesti dans un PEA-PME. Cette mesure est justifiée par la nécessité de soutenir l’investissement dans les PME-ETI.
Le Gouvernement n’y est pas favorable.
Tout d’abord, l’adoption de ces amendements conduirait à exonérer d’impôt sur le revenu l’ensemble des gains de cession réinvestis dans un PEA-PME, quelle que soit la nature des titres cédés, et non pas seulement les titres de FCP ou de SICAV, comme il est indiqué dans les exposés des motifs des deux premiers amendements en discussion commune.
Je rappelle l’ensemble des mesures spécifiques qu’a mis en place le Gouvernement pour le soutien au financement des entreprises, en particulier des PME.
Vous voulez aller au-delà de la réforme du PEA de l’année dernière, qui comprend une revalorisation du plafond du PEA, porté de 132 000 euros à 150 000 euros, et, surtout, la création du PEA-PME dédié aux titres de PME et ETI dont le plafond de versement est fixé à 75 000 euros.
Comme vous le savez, les plus-values de cession des titres réalisées dans le cadre du PEA et du PEA-PME sont définitivement exonérées d’impôt sur le revenu lorsque la détention du plan excède une durée de cinq ans. Toutefois, le PEA-PME n’est pas le seul outil fiscal mis au service du financement des PME. La loi de finances pour 2014 a réformé le régime des gains de cession de valeurs mobilières des particuliers pour en garantir l’attractivité et la lisibilité.
L’investissement dans les PME a fait l’objet d’un traitement spécifique, puisque les gains de cessions de valeurs mobilières peuvent bénéficier d’un abattement renforcé pouvant atteindre 85 % lorsque la souscription ou l’acquisition des titres cédés est intervenue à une date où l’entreprise était une PME de moins de dix ans, nonobstant son développement ultérieur.
Je rappelle également l’attachement du Gouvernement aux dispositifs de soutien à l’investissement que sont la réduction d’impôt sur le revenu dite « Madelin » et la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune « ISF-PME ».
Toutes ces mesures visent à favoriser la prise de risque dans les entreprises, dans les PME en particulier. Elles sont donc de nature à répondre à vos préoccupations, mesdames, messieurs les sénateurs, sans qu’il soit nécessaire d’aller au-delà en exonérant d’impôt sur le revenu les gains de cession de titres sous condition de remploi du prix de vente dans un PEA-PME.
De surcroît, l’instauration d’un régime dérogatoire d’exonération des gains considérés, fût-elle conditionnelle et temporaire, nuirait à la lisibilité et à la stabilité de la norme fiscale.
Je pense que, sur le régime des gains de cession de valeurs mobilières, nous avons atteint un point d’équilibre qu’il convient de ne pas remettre en cause trop radicalement, notamment par des mesures du type de celles que vous proposez, qui sont extrêmement complexes en gestion.
Enfin, cette mesure, bien que limitée à une année, engendrerait une perte importante pour les finances publiques – même si elle n’est pas évaluée précisément –, à contre-courant de l’objectif de réduction des déficits publics.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements et du sous-amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Je partage l’avis du Gouvernement, même si, comme souvent, la démarche de Philippe Adnot part d’un bon sentiment : il faut booster le PEA-PME, car, il est vrai, ce nouvel outil ne rencontre pas un grand succès.
Je tenais à dire au Gouvernement que les banques n’étaient pas très allantes sur ce produit. Elles ne le proposent pas spontanément et, quand on leur en parle, elles ne sont pas enthousiastes. De ce point de vue, elles ne font pas leur travail.
Ce n’est pas la proposition de Philippe Adnot qui résoudra le problème, d’autant que le coût fiscal du sous-amendement est élevé.
Par conséquent, le groupe socialiste suivra l’avis du Gouvernement.
La commission spéciale s’est prononcée favorablement sur l’amendement n° 1722 de Mme la rapporteur, mais a rejeté la proposition de Philippe Adnot. Or, en séance publique, Mme la rapporteur s’y rallie et accepte de porter le taux d’abattement à 100 %, et ce sans réunir la commission spéciale.
Ce n’est pas la première fois que Mme la rapporteur émet un avis différent de celui qui a été arrêté par la commission spéciale.
Mme Catherine Deroche, corapporteur, proteste.
Mes chers collègues, je suis membre de la commission spéciale ; celle-ci a été spécifiquement créée pour l’examen de ce texte. Un certain nombre de réunions ont été organisées, qui nous ont occupés longuement et qui ont mobilisé plus longuement encore les trois corapporteurs et le président.
Si, en séance publique, les avis rendus par la commission spéciale ne sont pas respectés, nous donnons du grain à moudre à nos détracteurs et nous agissons contre la démocratie. En effet, que donnons-nous à voir, sinon une institution qui ne respecte pas les travaux des commissions spéciales qu’elle a elle-même mises en place ?
Exclamations sur les travées de l'UMP.
C’est la raison pour laquelle le groupe CRC votera contre ce sous-amendement et contre l’amendement de la commission spéciale.
Je souhaite apporter deux précisions.
En premier lieu, la commission spéciale a adopté l’amendement de Mme le corapporteur.
En second lieu, Philippe Adnot a déposé le sous-amendement n° 1764 rectifié entre la dernière réunion de la commission spéciale et la séance publique d’aujourd'hui. Par conséquent, la commission spéciale n’a pu l’examiner et Mme le corapporteur a estimé, à titre personnel, que ce sous-amendement pouvait recueillir un avis favorable.
Les choses sont donc très claires et il n’y a aucun problème.
L'amendement n° 223 rectifié ter est retiré.
Madame Lamure, l'amendement n° 1455 rectifié bis est-il maintenu ?
L'amendement n° 1455 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 1764 rectifié.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
L’amendement n° 823 rectifié bis n’est pas soutenu.
L'amendement n° 805, présenté par MM. de Legge, Allizard, G. Bailly, Baroin, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Forissier, Fouché et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat, Pierre et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Raison, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Le dernier alinéa du b de l’article 787 B du code général des impôts est supprimé.
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Cet amendement vise à mettre fin à une insécurité fiscale.
L'article du code général des impôts visé par le présent amendement prévoit que l’abattement sur les droits de mutation à titre gratuit ne vaut que si aucune modification n’intervient dans les participations pendant une durée de deux ans. Cela signifie que, pour continuer à bénéficier de cette exonération, aucun changement ne doit avoir lieu.
Cette disposition étant un nid à contentieux, nous proposons de la supprimer.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Comme l’a dit Mme Procaccia, cette disposition est un véritable nid à contentieux. L’assouplissement proposé est bienvenu. Il ne remet en cause ni l’esprit ni l’objet du dispositif Dutreil.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, comme sur tous ceux que nous examinerons à la suite de celui-ci et qui visent à réformer le pacte Dutreil.
Le Gouvernement a confié à une mission parlementaire le soin de formuler des recommandations pour faciliter et accompagner les transmissions et reprises d’entreprises, en particulier des TPE et des PME. Nous souhaitons attendre de connaître ces recommandations, qui seront remises au mois de juin, avant d’envisager toute modification du pacte Dutreil.
Le temps que le projet de loi Macron soit adopté, le rapport que vous évoquez, madame la secrétaire d’État, aura été publié. Je propose donc à mes collègues de voter notre amendement, laissant à la commission mixte paritaire le soin de décider.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
L'amendement n° 804, présenté par MM. de Legge, Allizard, Bignon et Bizet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Des Esgaulx, M. Doligé, Mme Duranton, MM. Forissier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pellevat, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le b de l’article 787 B du code général des impôts est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Dans l’hypothèse où les titres sont détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumis à un engagement collectif de conservation visé au a, ou lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions peuvent être soumis à un engagement de conservation, l’engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les conditions cumulatives ci-après sont réunies :
« - Le redevable détient depuis deux ans au moins, seul ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, les titres de la société qui possède une participation dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement collectif, ou les titres de la société qui possède les titres de la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement de conservation ;
« - Les parts ou actions de la société qui peuvent être soumises à un engagement collectif, sont détenues par la société interposée, depuis deux ans au moins, et atteignent les seuils prévus au premier alinéa du présent b ;
« Le redevable ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins, dans la société dont les parts ou actions peuvent être soumises à un engagement collectif, son activité professionnelle principale ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque la société est soumise à l'impôt sur les sociétés. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Colette Mélot.
L’engagement collectif « réputé acquis » permet au donataire d’une société de bénéficier de l’exonération partielle sur les droits de donation, sans qu’un pacte formel ait été conclu.
Ainsi, au jour de la donation, la période de conservation collective des titres transmis est considérée comme déjà accomplie lorsque le donateur détient, seul ou avec son conjoint ou partenaire de PACS, les titres de la société depuis plus de deux ans, et lorsque le donateur, ou son conjoint ou partenaire de PACS, dirige la société depuis plus de deux ans.
Les holdings non animatrices, qui structurent pourtant de nombreux groupes, ne peuvent pas bénéficier de l’engagement collectif « réputé acquis ». Or tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 787 B laisse entendre qu’il n’est pas applicable aux titres d’une société interposée.
Le refus d’appliquer ce dispositif aux sociétés interposées marque une discrimination inacceptable à raison de la structuration juridique d’un groupe de sociétés et/ou des modes de détention d’une société opérationnelle.
L’assouplissement proposé permettrait de remédier à une différence de traitement injustifiée entre détention directe et indirecte. Dans la mesure où il ne remet en cause ni l’esprit ni l’objet du dispositif Dutreil, la commission spéciale y est favorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 803, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bignon, Bizet, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chasseing, Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Forissier, Fouché, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet, Savary, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa du e de l’article 787 B du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter de la transmission et jusqu'à l'expiration de l'engagement collectif de conservation visé au a, la société est tenue d’adresser, sur demande expresse de l’administration, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b sont remplies au 31 décembre de chaque année.
« À compter de la fin de l'engagement collectif de conservation visé au a, et jusqu’à l’expiration de l’engagement visé au c, les héritiers, donataires ou légataires qui ont bénéficié de l’exonération partielle, sont tenus d’adresser, sur demande expresse de l’administration, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a, b et c, sont remplies au 31 décembre de chaque année. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Lorsqu’une entreprise est transmise sous le bénéfice de l’exonération partielle « Dutreil », les donataires doivent adresser, au plus tard le 31 mars de chaque année, une attestation certifiant que toutes les conditions du régime Dutreil sont satisfaites.
Une simple omission de leur part remet en cause l’avantage fiscal, alors même que les conditions du régime Dutreil sont effectivement respectées.
Cette obligation déclarative annuelle doit être supprimée. Le contribuable serait en revanche tenu de fournir cette attestation sur première demande de l’administration.
Il s’agit d’une mesure de simplification à la fois pour les services de l’État et pour les citoyens.
L'amendement n° 237 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Requier, Mézard, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Arnell, Barbier et Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du e de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« À l’expiration de l’engagement collectif de conservation visé au a, la société doit adresser, dans un délai de trois mois, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été constamment remplies, ainsi que l’ensemble des justificatifs en attestant. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 243 rectifié, dont l’objet est identique.
Les propositions que nous faisons sont un peu plus complètes que celles qui viennent d’être présentées.
Nous pensons que, au lieu d’exiger une attestation annuelle, ce qui est tout de même assez contraignant, nous pourrions prévoir une attestation soit à la demande de l’administration, ce qui paraît tout à fait logique, soit à la fin du délai de garde requis.
L’amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa du e de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« À la première demande de l'administration et dans tous les cas, à l’expiration de l’engagement collectif de conservation visé au a, la société, au cours de l'engagement collectif, ou les bénéficiaires de la transmission, au cours de la période de l'engagement individuel, doivent adresser, dans un délai de deux mois, une attestation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été constamment remplies, ainsi que l’ensemble des justificatifs en attestant. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Même si cette simplification paraît bienvenue – elle aurait même été suggérée dans le rapport Mandon –, elle soulève en réalité deux problèmes.
Une obligation de déclaration in fine ou à la demande de l’administration pose le problème de la prescription lorsque l’administration découvre tardivement qu’un engagement de conservation n’a pas été respecté.
Compte tenu des enjeux fiscaux importants attachés au dispositif Dutreil, l’administration sera encline, dans ces conditions, à réclamer chaque année un justificatif qui lui est pour l’instant systématiquement transmis.
Finalement, la simplification recherchée risque de conduire à de plus grandes difficultés tant pour les déclarants que pour l’administration.
La commission spéciale demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Monsieur Collombat, les amendements n° 237 rectifié et 243 rectifié sont-ils maintenus ?
Je n’en reviens pas !
S’il y a prescription, c’est que l’administration n’a pas fait son travail. Elle n’a donc qu’à le faire ! L’adoption de ces amendements inciterait l’administration à réclamer les pièces dans les délais.
Il ne me semble pas extraordinaire de prévoir la fourniture d’une attestation sur la demande de l’administration et à la fin de la période. Il paraît que l’on est à la recherche de mesures de simplification : en voilà une !
J’ignore qui a bien pu inventer cet argumentaire : est-ce l’administration, afin de se donner le temps d’agir, ou de ne pas agir, d’ailleurs ?
Très franchement, j’avoue ne pas comprendre cette fin de non-recevoir, alors que nous proposons une mesure de bon sens.
Je maintiens les amendements !
Malgré notre loyauté envers la commission spéciale et notre collègue rapporteur, nous maintenons cet amendement.
Non, monsieur Collombat, l’administration n’est pas à l’origine de notre argumentaire.
Même si nous partageons votre souci de simplification, nous pensons, je le répète, que l’administration demandera chaque année un justificatif afin d’éviter l’écueil de la prescription.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34, et les amendements n° 237 rectifié et 243 rectifié n’ont plus d'objet.
L'amendement n° 802, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon et Bizet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Commeinhes et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, M. Houel, Mme Imbert, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Trillard, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le f de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« f. En cas de non-respect des conditions prévues aux a ou c, par suite d'un apport partiellement rémunéré par la prise en charge d'une soulte consécutive à un partage ou d'un apport pur et simple de titres d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à une société dont l'objet unique est la gestion de son propre patrimoine constitué exclusivement de participations dans une ou plusieurs sociétés du même groupe que la société dont les parts ou actions ont été transmises et ayant une activité, soit similaire, soit connexe et complémentaire, l'exonération partielle n'est pas remise en cause si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° La société bénéficiaire de l'apport est détenue en totalité par les personnes physiques bénéficiaires de l'exonération. Le donateur peut toutefois détenir une participation directe dans le capital social de cette société, sans que cette participation puisse être majoritaire. Elle est dirigée directement par une ou plusieurs des personnes physiques bénéficiaires de l'exonération. Les conditions tenant à la composition de l'actif de la société, à la détention de son capital et à sa direction doivent être respectées à l'issue de l'opération d'apport et jusqu'au terme de l’engagement mentionné au c ;
« 2° La société bénéficiaire de l'apport prend l'engagement de conserver les titres apportés jusqu'au terme de l'engagement prévu au c ;
« 3° Les héritiers, donataires ou légataires, associés de la société bénéficiaire des apports doivent conserver, pendant la durée mentionnée au 2°, les titres reçus en contrepartie de l'opération d'apport. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
À la suite d’une donation réalisée sous le bénéfice de l’exonération « Dutreil », le donataire ne peut pas apporter les titres reçus à une société holding tant que l’engagement collectif n’est pas achevé. Il peut en revanche le faire si l’engagement individuel a débuté.
Très souvent, le donateur attribue l’entreprise à l’un de ses enfants, à charge pour ce dernier de dédommager les autres par le biais d’une soulte, via une donation-partage. Pour financer cette soulte, le donataire est souvent amené à constituer une société qui détiendra, à l’actif, les titres reçus, et, au passif, la dette de la soulte.
Au surplus, le code civil prévoit que la soulte due par le repreneur est susceptible d’être réévaluée si, au moment de son règlement, la valeur des biens partagés a augmenté ou diminué de plus du quart.
Cette impossibilité de réaliser un tel apport immédiatement après la donation a donc pour conséquence de fragiliser l’opération de transmission dans son ensemble.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
L'amendement n° 801 rectifié, présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Allizard, G. Bailly, Baroin, Bignon, Bizet, Bouchet et Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon, Commeinhes, Danesi et Dassault, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mme Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Duvernois, Emorine, Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Gremillet, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein et Pellevat, Mmes Primas et Procaccia et MM. de Raincourt, Retailleau, Revet, Savary, Sido, Vasselle, Courtois, Darnaud, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'avant-dernier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Lorsque le donateur est âgé de soixante-dix ans ou moins, les dispositions du présent article s'appliquent en cas de donation avec réserve d'usufruit à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions n’ayant pas pour effet de modifier les statuts sociaux. Lorsque le donateur est âgé de plus de soixante-dix ans, les dispositions du présent article s’appliquent en cas de donation avec réserve d’usufruit à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices ou des pertes. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Cet amendement vise également à encourager les transmissions anticipées, en particulier les transmissions familiales – si elles sont permises dans le droit français, elles sont très compliquées –, en préservant les droits de vote du donateur lorsqu’il se réserve l’usufruit des droits sociaux donnés.
Cet amendement semble contraire à l’objet du dispositif Dutreil, qui est de favoriser la bonne transmission des entreprises, laquelle justifie l’avantage fiscal octroyé.
Le but de cet avantage est de favoriser les transmissions d’entreprises réelles, c’est-à-dire le transfert effectif du pouvoir décisionnel dans l’entreprise. Maintenir le droit de vote du donateur, fût-il usufruitier, revient à faire de ce dispositif un simple montage patrimonial défiscalisant, sans justification économique.
S’il est tout à fait vrai qu’il est souvent utile que le donateur usufruitier accompagne ses successeurs, il peut le faire sans se substituer à eux. Sinon, le transfert n’est que formel et la bonne transmission de l’entreprise n’est pas assurée.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 801 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.