Mais il vous faudra beaucoup de talent pour arriver à démontrer à notre Haute Assemblée que les dispositions prévues à l’article 34 du projet de loi ne sont pas un gros cadeau à destination de ceux qui n’en ont pas forcément le plus besoin !
Vous proposez d’accentuer l’attractivité des actions gratuites. Ce dispositif, mis en place par le gouvernement de M. Raffarin en loi de finances pour 2004, permet aux dirigeants d’entreprise de décider la distribution d’actions gratuites dans le cadre d’une nouvelle attribution de capital social de l’entreprise. La mesure était déjà tout à fait favorable aux nouveaux détenteurs, notamment en matière de cessions de plus-values.
Avec l’adoption du présent projet de loi, ce qui était déjà un joli bonus pour les dirigeants les plus importants de l’entreprise – les actions gratuites leur étaient, pour l’essentiel, attribuées – va devenir un véritable cadeau, prélevé sur la collectivité publique !
Sauf erreur de notre part, l’article 34 allège fortement l’impôt dû par les contribuables sur les plus-values ainsi opérées.
Or, je le répète, les personnes concernées n’appartiennent pas aux catégories les plus modestes de la population. Avant la réforme, un contribuable dont les revenus relèvent pour partie de la tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu était exposé à un taux d’imposition de 64, 5 % sur ces actions. Avec cette réforme, le taux d’imposition pourra descendre jusqu’à 31, 8 % en cas de détention d’actes de plus de huit ans. Vous proposez donc très discrètement un avantage fiscal considérable : une réduction de plus de la moitié de l’imposition pour les plus aisés.
Les personnes dont une partie des revenus relève de la tranche à 30 % de l’impôt sur le revenu – ils sont un peu moins riches, mais ils ne sont quand même pas trop malheureux – verront leur taux d’imposition sur ces actions passer de 46, 5 % à 25, 5 %. Est-ce cela que vous appelez « l’égalité des chances économiques » ?
La commission spéciale du Sénat n’est pas trop désagréable avec cet article 34. Elle ne fait que regretter l’absence d’étude d’impact permettant de chiffrer l’incidence budgétaire de la réforme sur l’impôt sur le revenu.
Il est rappelé dans les premières lignes du rapport que le régime fiscal coûte aujourd'hui 33 millions d’euros à la collectivité. Ce n’est que six pages plus loin que l’on apprend que le coût annuel de la suppression de la cotisation sociale est estimé à 25 millions d’euros et que le coût annuel de la réduction de la contribution sociale prévue par l’article 34 est estimé à 100 millions d’euros. Cependant, contrairement à leurs homologues de l’Assemblée nationale, les corapporteurs du Sénat ne précisent pas que, selon l’étude d’impact, le coût total de la mesure était estimé à 75 millions d’euros pour 2015 et à 191 millions d’euros sur l’année 2016.
En réalité, il est proposé de porter à 200 millions d’euros, voire plus, si je comprends bien l’évaluation chiffrée du rapport sénatorial, le coût pour l’ensemble des contribuables d’une mesure qui, chacun le sait, concerne essentiellement les plus hauts dirigeants d’entreprises du CAC 40 !
Comme Mme Karine Berger l’a d'ailleurs indiqué devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale, « l’article 34 ne propose pas autre chose qu’une baisse de l’impôt et des prélèvements sociaux pour les plus gros détenteurs d’actions ». D'ailleurs, notre collègue députée a souligné à plusieurs reprises que cet article est fortement inspiré de la « révolte des pigeons », ce mouvement patronal qui s’était dressé contre toute éventuelle volonté de François Hollande de tenir ses promesses électorales.
À notre sens, l’article 34 ne permet en rien à dynamiser la croissance. Monsieur le ministre, les arguments dont vous usez sur ce point relèvent plutôt du leurre : le seul objectif est de répondre à l’attente de l’actionnariat le plus puissant.
Par conséquent, le groupe CRC s’opposera sans ambiguïté à une telle disposition.