Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 16 avril 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Articles additionnels après l'article 35

Emmanuel Macron, ministre :

Cet amendement vise à traduire dans la loi l’annonce, faite par le Premier ministre la semaine dernière, de la mise en place d’un suramortissement pour l’investissement productif industriel.

Il me semble que la Haute Assemblée partage largement les prémisses du raisonnement du Gouvernement, comme l’ont montré vos débats sur les dernières lois de finances. Notre économie souffre d’un manque d’investissement productif. Par rapport aux autres économies européennes, l’investissement total, en particulier l’investissement public, s’est plutôt bien tenu dans notre pays. Cependant, si l’investissement privé se maintient à un niveau assez haut, cela est largement dû à l’investissement immobilier, et insuffisamment à l’investissement dit productif.

Cela pose d’abord un problème d’obsolescence du capital productif et, à terme, un problème de compétitivité. En effet, quand on n’investit pas dans le capital productif, on perd la bataille de la robotisation, de l’automatisation, de la montée en gamme : c’est la recette de la défaite industrielle de demain !

Le défi qui s’impose à nous aujourd'hui est de remédier à nos insuffisances en matière de compétitivité-coût. Ainsi, c’est pour permettre aux entreprises d’améliorer leurs marges que le Gouvernement a décidé la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et du pacte de responsabilité et de solidarité. Compte tenu de notre décrochage en termes de compétitivité-coût par rapport à l’Allemagne durant les années 2000, il importe aujourd'hui de préparer la nouvelle étape de la montée en gamme, et donc l’investissement dans le capital productif.

Pour encourager l’investissement privé, il faut d’abord assurer la stabilité de la politique macroéconomique. C’est l’objectif du pacte de responsabilité et de solidarité. Il faut donner aux acteurs économiques de la visibilité en termes de dépenses publiques et d’allégements fiscaux et sociaux. À cet égard, l’instauration du triennal, innovation décidée par le Gouvernement à la suite des annonces faites par le Président de la République au début de l’année 2014, est l’une des mesures les plus efficaces en vue de la relance de l’investissement privé.

Il faut ensuite enclencher un mouvement de réformes microéconomiques. C’est l’un des objets de ce texte. Il s’agit de montrer qu’une modernisation de l’économie est en marche, qui passe par le déverrouillage de certains secteurs, des simplifications, une modernisation du marché du travail.

Telles sont les mesures structurelles qui permettent de relancer l’investissement. Mais, pour leur donner leur pleine efficacité à court terme, il faut les accompagner d’une mesure de relance conjoncturelle. C’est l’objet du présent amendement, qui vise à créer un mécanisme de suramortissement fiscal : quand on investira 100 dans le capital productif, on pourra amortir 140 sur les durées d’amortissement classiques, qui s’établissent entre trois et cinq ans selon les types d’investissements.

Plusieurs types d’investissements sont visés par l’amendement, qui, comme je viens de l’évoquer, couvre l’ensemble des investissements dits productifs, hors immobilier.

Ayant lu le contraire à plusieurs reprises, je tiens à préciser que les investissements dans l’informatique sont bien évidemment inclus dans le champ du dispositif, lorsqu’ils sont de nature productive. En revanche, les dépenses informatiques courantes – par exemple, un abonnement à un logiciel – ne sont, par définition, pas éligibles à la mesure, puisqu’elles ne constituent pas des investissements et ne s’amortissent pas. Mais les investissements en robotique, en logiciels embarqués dans des investissements productifs, en imprimantes 3D, dans tous les composants de l’« usine du futur » sont inclus dans son périmètre.

Contrairement à l’amortissement accéléré, qui est la solution classiquement adoptée, le dispositif de suramortissement ne constitue pas une mesure de trésorerie, ce qui lui confère une efficacité particulière. Il s’agit d’une subvention à l’investissement, au travers d’une baisse de 13, 3 points du taux de l’impôt sur les sociétés sur le montant investi. Le taux appliqué à celui-ci passe ainsi de 33, 33 % à 20 %, soit une réduction de l’imposition de 40 % correspondant au taux de suramortissement.

Cette mesure est donc particulièrement incitative. Elle concerne toutes les décisions d’investissement qui seront prises entre le 15 avril 2015 et le 15 avril 2016. Il n’est pas nécessaire que le bien ait été acheté ou livré en totalité durant cette période pour que l’investissement soit éligible au dispositif. C’est l’accord sur le prix et la chose qui constitue l’élément déclencheur.

Une fois l’annonce faite par le Premier ministre il y a huit jours, le choix du Gouvernement a été de faire voter au plus vite ce dispositif pour donner toute visibilité aux acteurs économiques et ne pas geler l’investissement. En effet, le risque est que les investisseurs attendent de connaître tous les détails de la mesure avant de prendre leurs décisions. J’ai exposé hier toutes les modalités du dispositif devant la commission spéciale afin qu’il puisse être soumis aujourd’hui au vote de la Haute Assemblée.

Enfin, je tiens à préciser que ce dispositif fera l’objet d’une instruction fiscale qui sera prise dans les toutes prochaines semaines, afin de clarifier totalement les choses et de ne laisser subsister aucune incertitude.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tâché de vous présenter cet amendement avec le maximum de détails, afin de lever tout éventuel malentendu. Bien évidemment, je répondrai à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion