Intervention de Jean-Marc Gabouty

Réunion du 16 avril 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Articles additionnels après l'article 35

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty :

Je reviens brièvement sur le problème des dates que j’ai soulevé tout à l'heure pour vous dire, monsieur le ministre, que ne suis pas convaincu par l’explication que vous avez fournie, car elle est à double tranchant.

S’agissant de la défiscalisation des heures supplémentaires, il est vrai que, dans les entreprises, cette mesure était extrêmement populaire auprès des salariés qui en ont bénéficié et qu’il est évidemment toujours très douloureux de se voir privé d’un avantage qu’on vous a accordé.

Cette mesure pouvait se justifier en 2007, avant la crise de 2008, alors que nous étions dans une conjoncture économique plutôt florissante. Elle pouvait faciliter les choses dans certains secteurs où le marché du travail était particulièrement tendu ; je pense en particulier au BTP et à l’hôtellerie-restauration.

Rétablir aujourd'hui une défiscalisation des heures supplémentaires serait la plus grande des absurdités économiques. Il faut le rappeler, les heures supplémentaires sont gouvernées par les conventions collectives, qui prévoient des règles de déclenchement. Tout cela est très encadré. Un salarié ne peut pas refuser une heure supplémentaire, étant entendu qu’il existe des délais de prévenance. Ce qui détermine le déclenchement les heures supplémentaires, c’est le plan de charge de l’entreprise, et celui qui en décide, c’est le chef d’entreprise, non le salarié.

L’introduction de cette mesure a permis une augmentation aléatoire du pouvoir d’achat. En outre, celle-ci a été relativement injuste vis-à-vis de tous les salariés qui ne pouvaient pas en bénéficier. Dans une même entreprise, certaines personnes font des horaires normaux de huit heures, tandis que d’autres sont en travail posté. Or le travail posté en trois-huit ne permet pas de bénéficier d’heures supplémentaires. Ainsi, le revenu net de salariés faiblement qualifiés s’est rapproché de celui de salariés qui avaient une qualification beaucoup plus élevée, mais qui travaillaient en équipe.

Un tel dispositif avait donc des effets pervers importants.

S’il a pu être un accompagnateur de croissance dans un certain contexte, celui de 2007, il s’est révélé beaucoup moins pertinent les années suivantes.

J’ajouterai, en tant que chef d’entreprise, que la défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas un encouragement à la productivité pendant le temps de travail normal. En effet, il n’y a aucune raison d’accélérer son rythme de travail si l’on bénéficie, à la fin, d’une « heure pactole ». Par conséquent, au regard de la productivité des entreprises, la défiscalisation des heures supplémentaires engendre également un effet pervers.

De plus, cette mesure a représenté une dépense non pas de 2, 5 milliards d’euros, mais de 4 milliards d’euros. Il s’agissait essentiellement d’une relance par la consommation, d’une introduction aléatoire de pouvoir d’achat, certes très populaire. Malgré cet aspect positif, il convient de trouver d’autres moyens pour relancer l’économie.

L’erreur, à l’époque, a été de ne pas avoir un vrai débat permettant de prendre en considération le point de vue des entreprises. Pour celles-ci, ce qui compte, ce sont les charges qui pèsent sur la première heure de travail, et non pas les heures supplémentaires. Si des entreprises font faire des heures supplémentaires, c’est qu’elles sont déjà dans une situation privilégiée, et ce ne sont pas celles-là qu’il faut aider. Je regrette d’ailleurs que la TVA sociale, qui s’applique dès la première heure de travail, n’ait pas été mise en place plus tôt. Elle a été proposée à la fin du quinquennat précédent, puis rejetée par la nouvelle majorité et, enfin, reprise à travers le CICE.

Pratiquant les heures supplémentaires depuis une trentaine d’années, je sais comment elles fonctionnent et j’émets donc des réserves techniques sur le bien-fondé de cette proposition.

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