Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 16 avril 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Articles additionnels après l'article 35

Emmanuel Macron, ministre :

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements, et ce pour plusieurs raisons techniques.

Je voudrais d’abord préciser la nature des biens mal acquis dont il s’agit ici. Ce ne sont pas forcément des biens mafieux, issus du crime organisé. Ce sont aussi des biens confisqués, parfois à des États étrangers, qui peuvent avoir vocation à être rendus auxdits États. En disposer comme il est proposé par les auteurs de ces amendements ne me paraît donc pas être de bonne méthode.

Je peux souscrire à la finalité de ces amendements, puisqu’il s’agit du financement de l’économie sociale et solidaire. Toutefois, compte tenu de la définition de l’assiette utilisée, je pense que cette solution n’est pas juridiquement robuste. Ce premier point est, à mes yeux, rédhibitoire.

Ensuite, l’AGRASC assure une gestion centralisée, sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts, de toutes les sommes saisies lors de procédures pénales. Elle peut aussi procéder à la vente de biens saisis et donc rendre liquides des actifs qui ne le sont pas par nature. Cependant, attribuer ces sommes, qui plus est au financement de l’économie sociale et solidaire, me semble difficilement faisable.

En effet, l’AGRASC procède aux ventes avant jugement de biens meubles saisis si et seulement si elles sont décidées par les magistrats, lorsque ces biens meubles ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité et s’ils sont susceptibles de dépréciation. Dans ce cas, la somme issue de la vente est consignée sur le compte que je viens d’évoquer, et elle est restituée au propriétaire du bien si celui-ci bénéficie d’un acquittement, d’un non-lieu ou d’une relaxe, ou si le bien ne lui est pas confisqué.

Vous le voyez, ces biens peuvent certes, à un moment donné, être rendus liquides par décision d’un magistrat, mais on ne peut pas les libérer tant que la procédure n’est pas parvenue à son terme puisqu’ils peuvent être restitués in fine.

L’utilisation des autres biens ou sommes non restitués, et donc entrés dans le domaine public, fait encore aujourd’hui l’objet de discussions techniques interministérielles. Cette question a besoin d’être bien bordée pour que le bon fonctionnement de l’AGRASC soit assuré.

En résumé, par rapport à l’ensemble de la masse des biens saisis, il y a d’abord un problème de qualification. Ensuite, il y a un problème tenant au caractère liquide ou non des biens saisis. Enfin, vous l’avez compris, la partie de ces biens saisis rendue liquide par décision du juge doit rester immobilisée, l’hypothèse d’une restitution à l’issue de la procédure ne pouvant être exclue.

La vraie question technique, qui fait encore l’objet, je le répète, de discussions entre les ministères compétents, sous l’autorité de Mme la garde des sceaux, porte donc sur ceux de ces biens qui tombent dans le domaine public à la suite d’une décision de justice.

La somme de ces biens n’équivaut pas au montant qui a été évoqué, mais, en ce qui les concerne, je pense que l’on peut avancer dans le sens que vous suggérez. Toutefois, aujourd’hui, les éléments techniques ne sont pas stabilisés et les rédactions proposées ne sont pas satisfaisantes, car elles n’offrent pas l’ensemble des garanties nécessaires.

Je comprends l’objectif visé, mais qu’il nous faut encore travailler sur la question, compte tenu des contraintes que je viens d’évoquer. Aussi, je ne peux que demander le retrait de ces amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.

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