Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 15 avril 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 30

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Comme vient de l’expliquer mon collègue Michel Le Scouarnec, cet article généralise l’exemption de recours à un architecte.

La loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture prévoit en effet le principe du recours obligatoire à l’architecte et l’assortit de dérogations strictement limitées par son article 4. Il convient, selon nous, de ne pas élargir le champ de ces dérogations.

Présenté comme une mesure de simplification, l’article 30 modifie substantiellement l’article 4 précité. Il tend à créer une nouvelle dispense de recours à l’architecte en permettant à tout type d’exploitation agricole, et non plus seulement aux personnes physiques ou aux exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique, de ne pas faire appel à un architecte lorsqu’elles déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance.

Or les effets d’une telle modification n’ont pas été évalués puisque aucune étude sur ses conséquences pratiques, économiques et architecturales n’a été réalisée.

Cette nouvelle dérogation est justifiée par la volonté de limiter les coûts qu’entraînerait le recours à l’architecte, mais on ne semble pas s’être soucié du manque à gagner qu’elle ne manquerait pas d’entraîner pour les architectes, alors que cette profession est déjà durement touchée par la crise économique.

Cette dérogation se trouve en outre en contradiction totale avec la loi de 1977, qui dispose dans son article 1er que « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer le permis de construire ainsi que les autorisations de lotir s'assurent, au cours de l'instruction des demandes, du respect de cet intérêt ».

Cette mesure aurait ainsi de nombreuses conséquences négatives, qu’il s'agisse de l’impact sur le paysage et l’environnement des constructions à usage agricole, avec à la clé une dénaturation du paysage, ou de l’impact sur les activités mêmes des agriculteurs, la qualité architecturale d’un bâtiment, son adéquation aux besoins et sa fonctionnalité, qui sont pourtant autant d’atouts pour en augmenter la valeur patrimoniale et améliorer la productivité de l’exploitation. Or, dans de tels projets, l’architecte joue à tous égards un rôle majeur, son intervention permettant de faire en outre des économies à toutes les phases de l’opération, de sa conception à sa réalisation.

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