Toute l’après-midi, nous avons cherché à encadrer les recours. À cet égard, trois solutions sont possibles : la première est de limiter le nombre de personnes pouvant exercer un recours ; la deuxième est de réduire les délais pour exercer un recours ; la troisième – c’est celle qui est retenue dans ces amendements – est d’imposer un délai au juge.
Nous avons vu tout à l'heure que la première solution posait problème. Chaque fois que nous déciderons d’empêcher certaines personnes d’exercer un recours, nous nous heurterons au principe général selon lequel tout citoyen a droit à l’accès au juge ; les dispositions que nous adopterons seront donc jugées anticonstitutionnelles ou anticonventionnelles.
La deuxième solution nous offre un large panel d’options, mais il existe tout de même une limite : l’effectivité du droit au recours pour les personnes qui ont un intérêt à l’exercer. Nous avons trouvé tout à l'heure des solutions qui me semblent juridiquement acceptables.
J’en viens à la troisième solution.
Le délai de quatre ou de six mois que, mes chers collègues, vous proposez d’imposer au juge ne sera pas respecté, et cela pour deux raisons.
D’abord, vous ne prévoyez aucune sanction ni aucune conséquence en cas de non-respect du délai : dès lors, le juge ne sera pas contraint de respecter celui-ci. De plus, le juge doit s’assurer, avant de juger, que le débat contradictoire entre les parties a été loyal, complet et sincère, et il est parfois impossible, compte tenu de la nature du contentieux, d’organiser un tel débat en quatre mois ou même six mois. Le juge fera toujours prévaloir le respect du principe fondamental du contradictoire. C’est la première raison, qui est purement juridique.
La seconde raison est très simple. Il suffit d’aller de temps en temps aux audiences solennelles des juridictions administratives pour comprendre que, dans la situation qui est la leur – compte tenu du rapport entre le nombre de magistrats et le nombre de contentieux qui les inondent –, elles ne seront pas capables de respecter le délai que vous souhaitez fixer.
Le problème essentiel, c’est que vous proposez d’imposer un délai sans assortir son non-respect de sanctions. On ajouterait ainsi une demi-page au code de justice administrative, mais elle serait totalement inutile. Ce faisant, le législateur énoncerait expressément les limites de ses pouvoirs. Je ne suis pas sûr que cela soit très opportun.
Le travail a été fait, si j’ose dire : vous avez posé le problème. Cependant, votre proposition ne tient pas sur le plan juridique. Je demande donc le retrait des deux amendements.