Le projet de loi dont nous discutons aborde, d’une part, l’économie numérique et la téléphonie, et, d’autre part, la question des privatisations.
Face au développement considérable de ce secteur fortement soumis aux vicissitudes de l’économie de marché, les membres du groupe CRC ont jugé utile de faire un point sur les conséquences de la privatisation de France Télécom sur la société française.
À votre vision dogmatique, monsieur le ministre, d’un secteur privé supérieur par nature au secteur public – je vous rassure, vous n’êtes pas le seul à défendre cette vision ! –, nous opposons une démarche qui place en son cœur l’intérêt général.
Aujourd’hui, l’État ne conserve plus que 26, 7 % du capital de France Télécom, contre 60 % avant 1997 et 51 % en 1997.
Ce sont les tristement célèbres fonds de pension qui détiennent aujourd’hui 65 % du capital de cette entreprise, qui ne s’appelle d’ailleurs plus France Télécom. Il ne faut pas faire preuve de beaucoup de bon sens pour comprendre, d’emblée, que la mainmise de ces institutions financières n’a qu’un seul but : le profit financier.
Dès la perte de la majorité du capital par la puissance publique, Thierry Breton et Didier Lombard, qui ont dirigé successivement l’entreprise, ont insufflé l’esprit de concurrence et décidé la commercialisation de produits et services sous la marque Orange. Peu à peu, l’usager d’un service public est devenu le client d’un groupe privé géré à l’américaine, mais employant encore, de manière paradoxale, quelque 80 000 fonctionnaires.
Nous reviendrons dans un instant sur la conséquence la plus connue et la plus visible de la privatisation : le mal-être et la surcharge de travail, qui poussent de nombreux salariés à des gestes désespérés.
France Télécom était un service public performant, qui, devenu une entreprise privée, officiellement dénommée Orange dans sa totalité depuis le 1er juillet 2013, a comme objectif non plus l’intérêt social, mais de grandes logiques de rentabilité. Un bilan doit être dressé plus de dix ans après la privatisation définitive de France Télécom : bilan humain pour les salariés, bien sûr, mais aussi bilan économique.
L’abandon du nom France Télécom symbolise en outre, selon nous, le déracinement par rapport aux territoires. Avec cette décision, le choix a été fait de sortir d’une logique nationale pour imposer une marque – une dérive marchande.
Quel est le bilan de la réduction de l’implication de l’État ? Est-il vrai que nous sommes en retard en matière de modernisation des réseaux et de prestations ? Ne convient-il pas de constater, monsieur le ministre, que des pays comme le Japon ou la Corée du Sud, où l’État est fortement impliqué dans le secteur des télécommunications, prennent de l’avance ?
C’est tout le sens, mes chers collègues, du bilan dont nous vous proposons d’adopter le principe.