Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 17 avril 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 35 bis

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Cet article prévoit un intéressant outil législatif qui appelle plusieurs réflexions et montre, s’il en était besoin, les limites de la triangulation dont nous avons évoqué la teneur.

Cet article modifiant quelques éléments du code général des impôts a été introduit dans le texte par un amendement déposé par deux rapporteurs de la commission spéciale de l'Assemblée nationale. Je ne nourris strictement aucune animosité personnelle à l’encontre de ces deux éminents parlementaires, mais il me semble que, du côté de Châteaulin, de Carhaix-Plouguer, de Forcalquier ou de Seyne, les préoccupations immédiates de la population, en matière fiscale, sont assez éloignées de l’amélioration des dispositifs Madelin et ISF-PME prévue par cet article.

Les salariés de Doux ou de Gad, ceux d’Arkéma et de Sanofi Sisteron seront satisfaits de constater que leurs députés ont ainsi « sanctuarisé » deux niches fiscales qui ne profitent qu’à quelques dizaines de milliers de contribuables « initiés ». Voilà qui ne change pas grand-chose à leur quotidien, fait de licenciements collectifs pour les uns et d’incertitudes du lendemain pour les autres !

Cet article 35 bis rompt avec la règle posée depuis quelque temps dans le débat parlementaire, à savoir que les dispositions modifiant le droit fiscal ne pouvaient trouver place que dans une loi de finances. Or c’est bien de cela qu’il s’agit.

Il est donc étonnant, mes chers collègues, que, peu de jours après l’annonce d’une relative amélioration des comptes publics, avec des déficits ramenés à 4 % du PIB, le Gouvernement nous invite, une fois encore, avec cet article et quelques autres articles de l’« archipel » des mesures de ce titre II, à creuser quelques trous supplémentaires dans les caisses de l’État et de la sécurité sociale, sans garantie de la parfaite efficacité des mesures concernées. À quoi sert en effet l’ISF-PME dans un pays qui a connu, sous le quinquennat précédent, une croissance moyenne d’un dixième de point de PIB ?

Quant au dispositif Madelin, il a certes permis de financer la création d’un certain nombre d’entreprises, ce dont nous pouvons sans doute nous féliciter. Il se trouve cependant, de manière plutôt paradoxale, que la France n’a jamais compté, en temps de paix, autant de chômeurs que depuis qu’elle a un nombre record d’entreprises enregistrées dans les greffes de tribunaux de commerce ! Nous avons même l’impression que plus le nombre de créations d’entreprise est élevé, plus le nombre des personnes privées d’emploi progresse lui aussi !

Je ne vous infligerai pas l’exposé des chiffres qui le démontrent. Je me contenterai de préciser que l’ensemble des dispositifs Madelin et assimilés représente une déperdition de 161 millions d’euros pour les finances publiques, pour moins de 2 milliards d’euros d’engagements financiers. En d’autres termes, une bonne partie des versements ont excédé les plafonds et seront donc défiscalisés les années suivantes.

À ce stade de la discussion, rappelons que le livret A et le livret de développement durable centralisaient, à la fin de l’année 2013, 365 milliards d’euros de ressources disponibles pour une dépense fiscale associée de 650 millions d’euros.

Aussi avons-nous bien l’impression que, en termes d’effet levier, il serait sans doute plus pertinent, plutôt que de renforcer les dispositifs Madelin et ISF-PME, de mettre en œuvre le relèvement du plafond des deux livrets défiscalisés.

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