Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 17 avril 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 35 ter A

Emmanuel Macron, ministre :

Monsieur le sénateur, je vais m’employer à vous expliquer pourquoi le Gouvernement s’associait à la demande de retrait de la commission spéciale.

Vous avez défendu votre amendement avec enthousiasme et je salue votre volonté d’aider les entreprises. Vous proposez de modifier la loi pour tendre vers une plus grande flexibilité du capital. Or j’attire votre attention sur le fait que ces règles sont souvent source de contentieux et que leur modification est génératrice d’instabilité. De fait, le remède peut être pire que le mal.

C’est ce qui explique la prudence entourant le recours aux dispositifs du type ISF-PME, qui sont instables au regard du droit communautaire ; nous sommes d’ailleurs actuellement en discussion avec la Commission – cela aurait dû être fait depuis des années – à ce sujet.

Il ne m’appartient pas de juger de votre travail, monsieur le sénateur, et je crois pouvoir dire que tel n’était pas non plus le propos de Mme la corapporteur. Toutefois, compte tenu des risques potentiels, il convient de faire preuve d’une grande prudence, afin d’éviter des contentieux qui nuiraient aux entreprises.

Sur le fond, pourquoi étais-je réservé à l’égard de cet amendement ?

Tout d’abord, il était en partie satisfait. En effet, la loi et la doctrine administrative prévoient d’ores et déjà plusieurs cas de non-remise en cause de la réduction d’impôt, parmi lesquels les fusions, les scissions, les liquidations judiciaires. À cet égard, je vous confirme que, dans ces situations, lorsqu’elles se présentent, ni l’avantage Madelin ni l’avantage ISF-PME ne sont remis en cause. Des ambiguïtés ont pu subsister, qui expliquent que des entreprises ou des investisseurs vous aient saisi, mais, je le répète, celles-ci ont été levées à la fois par la jurisprudence et par la doctrine fiscale.

Ensuite, l’amendement adopté par la commission spéciale tend à légaliser plusieurs exceptions doctrinales et à étendre au dispositif Madelin l’absence de remise en cause en cas de cession forcée par un détenteur parti à un pacte d’actionnaires. C’est là une avancée importante, qui répond à votre préoccupation.

Enfin, vous proposiez d’étendre les cas dans lesquels le contribuable peut céder, sous condition de réemploi, les titres reçus à la suite de son investissement en ouvrant cette possibilité, quel que soit le motif de la cession.

Sur ce point, je suis plus réservé : l’actionnaire qui est parti à un pacte d’actionnaires, en vertu duquel il était obligé de céder ses titres, conserve le bénéfice des avantages fiscaux s’il réemploie dans des sociétés éligibles le prix de cession diminué des impositions dues sur la plus-value de cession. Cette mesure permet d’éviter la remise en cause d’un avantage fiscal dans des situations subies par le contribuable. La cession forcée peut être prévue par le pacte, notamment dans le cas d’une solidarité avec un autre actionnaire qui a décidé de vendre au même moment. C’est le principe du tag along right et du drag along right, que vous devez connaître, puisque vous fréquentez les investisseurs britanniques.

La possibilité que vous vouliez offrir au contribuable de céder ses titres pour n’importe quel motif aurait privé d’effet la condition de conservation des titres, qui est consubstantielle à l’avantage fiscal et en est la contrepartie.

Le risque inhérent à cette logique, c’est de remettre en cause en cascade tout le dispositif. Votre proposition, si elle avait été adoptée, aurait encouragé des arbitrages de court terme en fonction des performances ponctuelles de la société au capital de laquelle le contribuable souscrit, ce qui n’est pas toujours dans l’intérêt de l’entreprise soutenue.

L’aide publique, dans le cas tant de l’ISF-PME que de la réduction d’impôt Madelin, ne se justifie que pour soutenir des investisseurs qui prennent des risques sur le long terme. C’est ce qui a toujours sous-tendu ces deux dispositifs, qui s’inscrivent donc bien dans une logique productive. Par conséquent, il n’y a pas lieu de mobiliser ces aides pour soutenir des investissements de portefeuille de court terme. Or lever la condition de détention des titres pendant cinq ans ferait courir ce risque.

Pour conclure, je comprends ce qui a motivé le dépôt de cet amendement, mais je veux vous dire que nous avons amélioré la situation. Plus largement, ce dispositif est plutôt favorable aux détentions de moyen et de long terme.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement était lui aussi favorable au retrait de cet amendement, auquel je vous remercie d’avoir procédé.

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