Monsieur le sénateur, vous abordez le sujet bien connu et très technique du direct et de l’indirect. Vous proposez, en somme, que les investisseurs dans les sociétés de capitaux qui optent pour le régime des sociétés de personnes soient réputés exercer une activité professionnelle dans ces sociétés lorsqu’ils investissent au moins 100 000 euros. De cette manière, la part du déficit catégoriel attribuée aux investisseurs passifs serait déductible de leur revenu global, soumis en particulier à l’impôt sur le revenu.
Le régime de l’article 239 bis AB permet une dérogation au régime applicable aux sociétés de capitaux relevant de l’impôt sur les sociétés. Si une société est constituée d’au moins 50 % d’associés personnes physiques, il lui est aujourd’hui possible d’opter, sur la durée de cinq exercices, pour l’application de l’impôt sur le revenu.
L’introduction, en 2008, de ce droit d’option avait précisément pour objectif de permettre aux associés professionnels personnellement impliqués dans le développement de l’entreprise d’imputer les déficits des premières années d’exercice sur leur revenu global.
Ce que vous cherchez à couvrir par votre proposition me semble donc l’être déjà pour les premières années de la vie de l’entreprise. La capacité à créer des entreprises par ce dispositif fiscal correspond à la disposition de l’article 239 bis AB que j’évoquais.
Les règles déterminant lesquels des associés sont considérés comme professionnels et peuvent donc imputer des déficits de leur activité n’ont, quant à elles, pas été modifiées par la loi de modernisation de l’économie. Aussi, seuls sont déductibles du revenu global les déficits revenant à des associés exerçant leurs activités dans la société.
Pour un investisseur purement financier, ou de type business angel, ce truchement n’est en effet pas le bon, parce qu’il ne permet pas, dans ce cas, de déduire les pertes des premières années. L’activité professionnelle se caractérisant fiscalement, je le rappelle, par la participation personnelle, directe et continue de l’associé à l’activité, la participation indirecte ne rend pas éligible à ce dispositif.
Vous proposez d’aller plus loin en faisant en sorte que l’option des sociétés de capitaux pour l’impôt sur le revenu permette à tout associé d’imputer sur son revenu imposable une quote-part des déficits de l’exercice correspondant à sa part dans le capital, à la seule condition qu’il ait investi plus de 100 000 euros. Cela permettrait, dites-vous, aux investisseurs professionnels de bénéficier du même traitement que les créateurs de l’entreprise qui exercent leur activité. C’est vrai !
Toutefois, en pratique, l’incitation à l’investissement que vous proposez ne me semble pas pleinement opérante au regard des critères légaux. Elle viendrait en quelque sorte à l’appui d’un deuxième objectif, qui est relatif aux business angels. Nous avons traité cette question à travers certaines dispositions relatives à l’impôt sur la fortune.
Le mécanisme que j’évoquais favorise plutôt un co-investissement avec la Banque publique d’investissement, qui permet un effet de levier.
Aujourd’hui – je vous en donne crédit –, pour des investisseurs qui ne prennent pas part à l’activité de l’entreprise, le dispositif français est moins attractif que son équivalent en Grande-Bretagne. Il est vrai également que, ce mode de financement étant moins développé, il est moins dirimant pour le financement de notre économie.
C’est pourquoi mon avis sur cet amendement est défavorable, bien que je ne considère pas que la totalité de son objet, en particulier la base de votre raisonnement, soit erronée.