Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 17 avril 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Articles additionnels après l'article 35 ter B

Emmanuel Macron, ministre :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais clarifier cette position importante, qui est, cela a été dit, de nature doctrinale.

Aux termes de cet amendement, en cas de cession ou de donation partielle à un autre associé partie à l’engagement collectif, l’exonération d’ISF ne serait pas remise en cause pour l’associé qui cède ou donne une partie de ses titres, sous réserve que le cessionnaire ou le donataire s’engage à conserver les titres pendant toute la durée de l’engagement collectif.

On le voit bien, il est ici question de l’articulation entre l’engagement individuel et l’engagement collectif dans le cadre du dispositif Dutreil.

La réponse ministérielle dite « Moyne-Bressand » a précisé les conséquences d’une cession partielle de titres en cours d’engagement collectif. L’exonération d’ISF à hauteur de 75 % des titres placés dans le cadre du dispositif Dutreil est acquise au terme d’un délai de conservation de six ans. Cette mesure est logique, puisque le dispositif a pour objet de garantir la pérennité des entreprises et de permettre à des entrepreneurs, comme à leur succession, de conserver l’outil productif ; elle repose sur des critères de participation à la vie de l’entreprise et à sa direction.

C'est la loi qui a prévu ce long engagement de conservation, assorti d’un avantage d’assiette important, pour stabiliser le capital autour d’un noyau dur d’actionnaires.

Pendant cette période, on parle d’un avantage fiscal global, apprécié au regard du respect d’un engagement qui, lui aussi, est global. Au-delà de cette période, les critères du respect de l’engagement s’apprécient sur une base annuelle.

Il y a donc la période intangible des six ans, puis, chaque année, ce dispositif devenu continu. La période d’engagement de six ans se découpe, vous le savez, en une période d’engagement dit « collectif » d’au moins deux ans et une période d’engagement dit « individuel » de quatre ans a priori.

Ce n’est qu’à la lumière de ces éléments précis qu’il est possible de comprendre la réponse ministérielle que j'évoquais et qui est le sous-jacent de votre question.

En effet, cette réponse ministérielle prévoit que la cession des titres sous pacte par l’un des signataires à un autre signataire n’emporte pas de conséquence sur les autres signataires dudit pacte, ce qui me paraît tout à fait normal. En revanche, elle rappelle que, au niveau individuel, l’avantage tiré des 75 % d’assiette de l’ISF n’est quant à lui acquis qu’au bout de six ans, décomposés dans les deux périodes d’engagement que je viens d’évoquer : quatre ans pour l’engagement collectif et deux ans pour l’engagement individuel.

Dès lors, un contribuable qui céderait une partie de ses titres en cours d’engagement collectif, même à d’autres signataires du pacte, romprait pour lui-même l’engagement qu’il a pris initialement. Et c’est de cette manière, précisément, que sont articulées les deux périodes d’engagement du dispositif dit « Dutreil ».

Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à un amendement qui tend à remettre en cause l’équilibre garanti par le dispositif actuel, qui repose sur un engagement long en échange d’un avantage significatif.

Plus généralement, le débat sur l’ISF, qui s’est cristallisé dès l’année 2012, a conduit à une réforme profonde, avec des équilibres sur lesquels je ne reviendrai pas.

À mes yeux, le débat que nous avons tenu précédemment et que vos amendements ont permis d’éclairer ouvre une réflexion. Toutefois, la clarté du dispositif Dutreil, son caractère pérenne et la clarté apportée par la réponse ministérielle dont je viens, mesdames, messieurs les sénateurs, de rappeler devant vous les termes, doivent être confortés. Le sujet est à mon sens plus large et s’inscrit dans la ligne de la discussion que nous venons d’avoir.

J’estime qu’il n’y a pas lieu, à ce stade, de rouvrir cette question, car nous serions alors susceptibles de déstabiliser l’articulation entre l’engagement collectif et l’engagement individuel, tel qu’il existe dans le cadre du dispositif Dutreil. Partant, nous risquerions de créer alors de l’instabilité normative, voire du contentieux.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

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