L’ajout de la mention visée au code de la recherche résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment du président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPESCT, le député Jean-Yves Le Déaut.
Nous pourrions reprendre ici le débat qui nous a opposés au moment de l’examen de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite loi Fioraso, et de l’article relatif à la définition d’une stratégie nationale de recherche.
L’article 41 A reprend l’idée ressassée de la « méconnaissance » par la communauté scientifique et les « chercheurs » des codes et usages du monde économique. Il s’agit d’une vision pour le moins caricaturale des chercheurs français, qui seraient « enfermés dans leurs labos » !
En tant que rapporteur de la commission d’enquête sur le crédit d’impôt recherche, je peux témoigner que cette vision ne correspond nullement à la réalité. Au contraire ! Nombre d’exemples en France montrent l’existence de solides collaborations et d’un partage quotidien des cultures entre acteurs de terrain, chacun dans son domaine de compétence. Ce travail s’effectue dans le respect des pratiques de chacun, et non en essayant d’inféoder l’activité des chercheurs au monde de l’entreprise. Quelques jours de formation ne sauraient s’y substituer pour les professionnels concernés par des applications de la recherche fondamentale, comme certaines innovations à débouchés de marché.
De plus, une telle proposition ignore l’état exsangue de nos universités et de nos centres de recherche publics, qui peinent déjà à assurer correctement leurs missions faute de crédits suffisants et qui ont vu les budgets dévolus à la formation continue fondre comme neige au soleil. Pourtant, c’est sur ces budgets que les auteurs du dispositif envisagé souhaitent s’appuyer !
L’amendement traduit une vision très réductrice de la recherche. Bien d’autres domaines scientifiques existent ; ils sont tout aussi importants, mais portent sur des questions qui ne sont pas liées aux entreprises. Cela peut d’ailleurs être le cas dans certains laboratoires qui travaillent sur des sujets à potentiel commercial. Or, dans toute l’Europe, des départements de lettres, de langues, de philosophie et d’autres disciplines fondamentales pour la transmission des connaissances disparaissent, du fait de leur moindre engagement dans des domaines liés aux marchés
Cet accent mis sur les « priorités des entreprises », dont était fortement empreinte la loi Fioraso – elle a été suivie de près par l’initiative de notre collègue Jean-Yves Le Déaut – ressemble de plus en plus à une injonction adressée à la recherche publique pour qu’elle se recentre sur des activités potentiellement marchandes. Nous ne nions pas la nécessité des relations entre le monde scientifique et les entreprises ; mais cela ne peut pas devenir l’unique visée de la recherche publique. Je le rappelle tout de même, la mission fondamentale des personnels des organismes de recherche est de faire non pas du commerce, mais de la recherche, en vue de l’élévation du niveau des connaissances !
De la subordination à l’impératif économique découle nécessairement une hiérarchisation des savoirs et des recherches. Une telle vision privilégie la recherche appliquée au détriment de la recherche fondamentale et marginalise les sciences humaines et sociales.
En conséquence, nous proposons la suppression de cet article 41 A, qui a été adopté malgré un avis défavorable de la commission, …