Avec ce chapitre consacré aux entreprises à participation publique, nous abordons, comme hier avec l’article 34 sur les actions gratuites, un débat politique important, fondamental, du même type que celui que nous venons d’avoir sur notre système de santé.
Monsieur le ministre, ce chapitre aurait dû s’intituler : « Organisation concrète de la privatisation des entreprises publiques ». Nous aurions été plus près de la réalité, car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Ce chapitre a trait à la mise en œuvre concrète, au prix de certaines adaptations, de l’ordonnance du 20 août 2014, qui procède, et ce n’est pas rien, à la refonte de l’ensemble du cadre juridique applicable à l’État en tant qu’actionnaire de sociétés commerciales.
Il est inconcevable d’un point de vue démocratique qu’un tel dispositif juridique ait pu s’organiser et prendre force de loi sans le moindre débat au Parlement. La logique autoritaire des ordonnances se trouve ici poussée jusqu’à la caricature : ce sont 1 300 sociétés, filiales incluses, qui sont concernées.
Si l’article 43 A peut apparaître comme un dispositif de simple coordination, il est en fait le préalable à tout ce qui va suivre. Nous entrons donc dans un débat de fond, que le Gouvernement a souhaité confisquer au Parlement.
Vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe CRC le mèneront point par point, quelle que soit l’heure ou le jour. Il y va de la dignité de notre Haute Assemblée et de la démocratie parlementaire ! Monsieur le ministre, le secteur privé, dont vous vous faites le héraut depuis des mois, est-il paré de tant de vertus qu’il faille lui céder petit à petit le bien commun ? Le fait de livrer progressivement l’ensemble de notre économie à l’actionnariat national ou étranger – il s’agit toujours du marché – vous apparaît-il comme une perspective de progrès répondant à l’attente de ceux qui vous ont porté, vous et vos amis, au pouvoir le 6 mai 2012 ?
En 2013, ont été vendus 3, 7 % du capital d’EADS, 7, 8 % de celui de SAFRAN, 9, 5 % de celui d’Aéroports de Paris et, en 2014, 3, 1 % de celui de GDF et 1, 9 % de celui d’Orange. La vente d’Alstom à General Electric et celle de la moitié du capital de l’Aéroport de Toulouse-Blagnac ont couronné le tout !
Les privatisations sont, pour vous, non seulement une méthode de gouvernement, mais aussi un dogme, un objectif de changement de société !
Le souci de l’intérêt général, les valeurs de solidarité, en un mot la République, puisent en partie leur force dans leur capacité et dans celle de l’État à s’appuyer sur des leviers économiques forts. Briser ce socle, c’est exposer notre pays à la déferlante libérale !
Monsieur le ministre, vous tentez de caricaturer nos propos – on l’a encore vu à l’instant –, en faisant notamment référence à l’époque soviétique. Pourtant, notre combat est de la plus grande modernité qui soit : nous voulons faire obstacle à la revanche libérale démarrée sous l’ère Thatcher et Reagan dans les années quatre-vingt !
Le 26 avril 2014, vous avez déclaré à l’AFP : « La gauche est censée changer le réel, mais, compte tenu des contraintes, changer le réel sera compliqué. » Votre aveu de soumission à la réalité libérale est accablant. En connaissez-vous les conséquences ? Les revendiquez-vous ? C’est la précarité pour des milliers de nos concitoyens, une société de concurrence et d’individualisme, et la pauvreté pour une part croissance de la population !
On a parlé de « l’esprit du 11 janvier », des valeurs républicaines, du « vivre ensemble ». Ces valeurs, nous les portons en résistant à votre projet de société aux services des puissants !