Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 17 avril 2015 à 21h45
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 43 CA

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

L’article dont nous débattons ici a été supprimé par la commission spéciale du Sénat au motif de son imprécision et d’un caractère normatif pour le moins limité.

Selon les attendus du rapport au fond, la notion d’« intérêts essentiels de la Nation », invoquée dans l’article et l’amendement de notre collègue Clotilde Valter, rapporteure de cette partie du projet de loi, souffrirait d’imprécision et pourrait être combattue au plan juridique.

Cependant, s’il fallait trouver une illustration de ce principe, peut-être le pourrions-nous dans le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, élément du bloc de constitutionnalité : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Je rappellerai ici que c’est au motif de ce texte que l’État ne peut, dans la gestion de moyen et long terme de ses participations, décider de se délester de plus de la moitié du capital d’Aéroports de Paris, ou de plus de 70 % de celui d’EDF.

Toujours est-il que la commission spéciale a voulu faire disparaître cette disposition. Pour notre part, si nous n’avons pas souhaité la réinscrire dans le texte, nous en comprenons parfaitement les attentes.

Quoi qu’il en soit, la véritable question au cœur de la controverse est bel et bien d’une autre nature. Sur le fond, la proclamation de l’article 43 CA constituait une sorte d’aveu de reconnaissance sur la nature et les effets d’une cession d’entreprise publique au privé.

Nous l’avons dit, le cadre apparemment protecteur fixé par l’ordonnance d’août 2014 ne concerne in fine qu’un nombre réduit d’entreprises cotées à participation publique, alors même que ces entreprises constituent une part importante du patrimoine industriel et commercial de la Nation.

Pour le reste, nous nous situons presque dans le droit commun, qui viendra à s’appliquer partout ou presque, en fonction du bon vouloir du ministre de l’économie ou des estimations d’une commission indépendante dont les membres seront peut-être d’anciens spécialistes de la gestion d’actifs…

Le recours à la loi, le passage des projets de cession et leur contrôle par le Parlement, tout cela sera secondaire. Et le dispositif d’action privilégiée – ce que les Anglais appellent « golden share » – ne fera pas le compte.

À la vérité, mes chers collègues, nous sommes dans une période où il convient de faire un choix clair.

Les sociétés cotées dans lesquelles l’État dispose de parts ont rapporté l’an dernier 4 milliards d’euros de dividendes, soit un rendement proche de 4 % pour un portefeuille valant environ 100 milliards d’euros et, pour l’essentiel, largement incessible.

Dans le même temps, depuis le 25 août 2014, France Trésor émet des bons du Trésor sur formule dont le taux d’intérêt est négatif, et le TEC 10, le taux à échéance constante à dix ans, se positionne désormais aux alentours de 0, 45 %.

Cela n’est pas sans inspirer – nous l’avons vu – quelques intrépides parlementaires pour faire en sorte que nous assistions à la diversification des placements de l’épargne salariale. Comme les titres d’origine publique ne rapportent plus suffisamment, il faut trouver autre chose !

Mais la vérité est que la France, dans un tel contexte, renforcé par la mise en œuvre du quantitative easing de la BCE – c'est-à-dire la création monétaire –, n’a strictement aucun intérêt à céder son patrimoine pour payer une dette dont le service s’amenuise et la progression se ralentit.

C’est aussi cela qu’il convenait de rappeler ici : la situation actuelle a beaucoup à voir avec les tendances déflationnistes qui affectent l’économie de la zone euro, tendances que les politiques de rigueur budgétaire imposées aux peuples européens conduisent d’ailleurs peu à peu à renforcer, et l’on en voit les effets.

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