Le propos de l'Association Respire se fonde, en partie, sur l'étude conduite par le Commissariat général au développement durable en 2012 qui avait chiffré le coût de la pollution de l'air pour la santé. Cette première étude avait été limitée aux particules fines. Notre association souhaite que votre commission d'enquête s'empare de ce sujet en élargissant à la fois le champ couvert par les indicateurs à la totalité des polluants qui composent la pollution de l'air et la totalité des effets qu'elle induit, comme les dégradations accélérées des bâtiments, la baisse de productivité des récoltes, l'acidification des forêts et, plus généralement, la dégradation de la biosphère. Sur le chiffrage de la pollution dans le secteur des transports, nous recommandons la lecture de l'ouvrage, en langue anglaise, « Handbook of external cost of transports », qui suit une méthodologie de type « pathway approach » et qui dresse des tableaux retraçant les conséquences de l'émission de tonnes de polluants. Selon cette source, une tonne de particules fines en milieu urbain représente un coût de 211 795 euros.
Les dommages sur la santé humaine ont bien été définis. Il nous paraît essentiel de prendre en compte, outre le coût de l'absentéisme provoqué par la pollution de l'air, la baisse de la productivité des personnes qui travaillent au coeur, ou à proximité, des zones de pollution.
Sur les indicateurs autres que les particules fines, nous souhaitons que les oxydes d'azote (Nox) ainsi que l'ozone et les hydrocarbures aromatiques polycycliques, dont le benzopyrène qu'on retrouve dans le bitume ainsi que l'ensemble des perturbateurs endocriniens soient pris en compte.
A titre exploratoire, l'Anses a conduit une étude sur le coût socio-économique de la pollution de l'air intérieur qu'elle a estimé à 19 milliards. On pourrait d'ailleurs évaluer le coût des cancers favorisés par la proximité des lieux de production industrielle ; or, ceux-ci sont assez largement ignorés. En outre, les pouvoirs publics ne disposent pas des moyens humains nécessaires au contrôle de ces sites et notre association a d'ailleurs été, à maintes reprises, sollicitée pour examiner des installations industrielles rejetant des polluants, comme dans le Var ou en Normandie. Malgré l'évidence de certaines pollutions, les autorités succombent au chantage à l'emploi au lieu de se préoccuper de la santé. Il nous paraît aussi nécessaire d'intégrer un chiffrage en termes de bien-être.
Une révision du Paquet-Air est actuellement conduite au niveau européen et concerne les plafonds d'émission. Cependant, un certain nombre de polluants, comme le mercure, ne sont pas pris en compte. La non-application des politiques publiques, surtout lorsqu'elle se fait en pleine connaissance de cause, doit également être chiffrée. Un certain nombre de mesures sont également applicables, sans pour autant être suffisantes face à la situation que nous connaissons.
Il importe ainsi d'inclure, dans le chiffrage, les niches fiscales largement accordées au diesel. Celles-ci avaient d'ailleurs été remises en cause dès 1995 dans le rapport Bellec-Martin-Lépine qui préconisait, en son temps, le rattrapage de la fiscalité appliquée au gasoil sur celle de l'essence et qui avait avancé une première estimation du manque à gagner de cette situation pour les pouvoirs publics. Quel est le coût économique du bonus-malus qui ne vise que la réduction des émissions de dioxyde de carbone et ignore les autres substances polluantes ? Quel est donc le coût du retard de la non-intégration de critères pertinents dans la réglementation ?
Le chiffrage du coût économique des pollutions importées de l'étranger et de celles émises par les engins non routiers, nous semble important. En outre, suite aux préconisations de 2012 émises par le Commissariat général du développement durable, le coût du bien-être, dont la diminution peut notamment être provoquée par l'élimination domestique des déchets verts, pourrait également être estimé ainsi que celui des dérogations concédées aux exploitations industrielles à la technologie déficiente et qui sont soumises à un simple régime déclaratif.
Comment évaluer également le report de la taxe poids-lourds ainsi que l'annulation du décret sur l'interdiction des feux de cheminées à foyer ouvert ? Ne faut-il pas inclure les coûts de rénovation des façades abîmées par la pollution atmosphérique ?
Cette liste est certes longue mais les particules fines ne doivent pas être les seules prises en compte dans l'évaluation des coûts de la pollution atmosphérique. Il faut ainsi étendre les critères et le périmètre de cette évaluation. Une commission d'enquête parlementaire doit pouvoir aller le plus loin possible dans cette voie.