Intervention de Lorelei Limousin

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 9 avril 2015 à 9h30
Audition sous forme de table ronde de M. Gilles Lacan président d'ecologie sans frontières de Mme Lorelei Limousin chargée de mission climat et transports au réseau action climat de M. Denis Voisin coordinateur du lobby d'intérêt général à la fondation nicolas hulot et de M. Sébastien Vray président de respire

Lorelei Limousin, chargée de mission climat et transports au Réseau Actions Climats :

Notre réseau, qui rassemble seize associations de grande envergure, dont Greenpeace et Oxfam, a été constitué lors des négociations climatiques sous l'égide des Nations Unies. A cet égard, nous sommes très mobilisés pour que le prochain sommet climatique, qui se tiendra à Paris en décembre prochain, soit une réussite. Notre réseau travaille ainsi à plusieurs niveaux.

En tant que réseau expert sur les changements climatiques, nous nous intéressons à la pollution de l'air puisque les causes de la pollution de l'air et du changement climatique sont les mêmes et résultent de l'utilisation des énergies fossiles comme le charbon ou le diesel. Pour preuve, les impacts de l'utilisation du charbon dans un pays comme la Pologne très dépendante de cette énergie pour son électricité. Les solutions à ces problèmes sont connues : la limitation de l'utilisation des énergies fossiles et la promotion des alternatives renouvelables ainsi que la promotion de l'efficacité énergétique. Dans le contexte européen, les derniers rapports démontrent que les émissions des transports routiers, responsables d'une grande partie de la pollution atmosphérique et des émissions de gaz à effet de serre, doivent être régulées en priorité. Les questions de santé et de climat sont très liées, comme en témoigne la multiplication, en France, des allergies. Lutter contre le changement climatique permet ainsi de préserver la santé.

Enfin, le modèle énergétique que nous prônons, dans le contexte de l'examen du projet de loi de transition énergétique, repose sur la sobriété, l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Il est ainsi respectueux du climat et de la qualité de l'air.

La pollution de l'air rend visibles les pressions que le mode de production exerce sur l'environnement. Le moment nous semble opportun pour assurer la mobilisation lors de la prochaine conférence climat et au-delà. Tous les élus devraient ainsi s'emparer de cette question pour agir dès cette année.

Les coûts économiques de la pollution de l'air sont évidemment considérables, d'autant que tout n'est pas pris en compte. Etendre le périmètre de l'évaluation socio-économique est en effet essentiel. S'agissant du changement climatique, les coûts de l'inaction s'avèrent bien plus élevés que ceux de l'action et tout retard dans ce domaine génère de nouvelles externalités.

Quelles mesures faut-il mettre en oeuvre ? Je limiterai mon propos au secteur des transports pour parler, en premier lieu, des normes qui limitent les émissions des véhicules. En effet, diverses normes existent, et leur adoption date d'il y a une vingtaine d'années. D'ailleurs, la norme Euro 6, adoptée en 2007, entre actuellement en vigueur. Une étude réalisée par le King's College de Londres a ainsi démontré l'écart entre les émissions mesurées en laboratoire et celles constatées en situation réelle. Cette étude, qui date de 2013, portait sur 80.000 véhicules et sur les normes Euro 3 et Euro 5, a démontré une diminution de l'ordre de 20 % des émissions de particules fines entre les motorisations respectant les normes Euro 5 par rapport aux normes Euro 3, alors que cette différence aurait dû être de l'ordre de 65 %. Les progrès effectivement réalisés entre ces deux normes doivent ainsi être singulièrement minorés.

La dernière étude sur la norme Euro 6, réalisée en 2013 à partir de dispositifs de mesure embarqués dans quinze véhicules différents, a démontré que les émissions d'oxyde d'azote correspondaient très rarement à la réalité. Seuls deux véhicules sur quinze respectaient les limites ! En moyenne, les émissions réelles sont sept fois supérieures et les dispositifs embarqués ont démontré l'inexactitude des résultats des tests de mesure. S'il est possible, technologiquement, de respecter la norme Euro 6, les mesures politiques manquent cependant pour y inciter réellement. Les organisations non gouvernementales demandent ainsi à la Commission de mettre en oeuvre de nouvelles procédures qui soient plus représentatives de la réalité. Celle-ci a d'ailleurs accepté d'instaurer de nouveaux tests en condition réelle mais les lobbys automobiles sont mobilisés pour en retarder l'entrée en vigueur. Le Gouvernement doit ainsi inciter la Commission à mettre en oeuvre au plus tôt ces nouveaux tests européens et appuyer le fait qu'ils se fassent en situation réelle. Rien n'interdit, d'ailleurs, que dans le même temps, des tests soient conduits au niveau national afin de combler le fossé entre les émissions virtuelles et réelles.

Les mesures de type « zone à basse émission » seront vaines et ne permettront pas de réduire la pollution de l'air si elles reposent sur des données biaisées. Or, la délimitation de telles zones est considérée, dans de nombreuses villes en Europe comme l'un des moyens privilégiés de lutte contre la pollution de l'air. C'est pourquoi, l'adéquation des émissions aux normes s'impose au plus vite !

La prochaine Conférence pour le climat invite les élus à travailler, de manière pragmatique et globale, sur de telles mesures et le projet de loi de transition énergétique prévoit la création de zones restreintes, non seulement à Paris qui réfléchit déjà à leur mise en oeuvre, mais aussi à l'ensemble des villes françaises qui devraient promouvoir les alternatives à la voiture particulière, que sont le vélo et les transports en commun. De telles mesures devraient réduire le coût économique de la pollution de l'air.

Des dispositifs d'accompagnement au changement de véhicules peuvent aussi être imaginés. Mais le prérequis à l'ensemble de ces mesures nous paraît consister à développer des investissements publics dans les modes de transport alternatifs. Des sources de financement sont d'ailleurs envisageables avec la suppression de la niche fiscale dont bénéficie actuellement le diesel et qui représentait, encore en 2013, quelque 6,9 milliards d'euros de manque à gagner pour l'Etat. Depuis lors, ces carburants ont certes été concernés par une hausse de la fiscalité, au total de quatre centimes d'euros dont deux ont pour objet de compenser l'abandon de l'écotaxe poids lourds, mais le manque à gagner généré représente encore près de six milliards d'euros. Si une telle somme venait à être compensée, un milliard d'euros pourrait en être prélevé et servir au financement des énergies alternatives. Un tel financement supplémentaire serait particulièrement bienvenu dans le contexte de rigueur budgétaire qui est celui de l'Etat et des collectivités territoriales.

Une telle mesure interviendrait dans le contexte de baisse des prix du pétrole qui concourt à l'augmentation de la consommation de gazole. Un tel contexte, pour inquiétant qu'il soit de prime abord, peut être saisi par les pouvoirs publics comme une opportunité pour augmenter la fiscalité sur le diesel et intégrer, plus largement, le coût des externalités dans la fiscalité environnementale. Nous préconisons en ce sens l'adoption d'une contribution climat énergie applicable à toutes les énergies en fonction de leurs contenus carbone et énergétique. Une telle contribution représente ainsi une source potentiellement importante de financements qui pourront également contribuer à l'accompagnement des personnes vulnérables.

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