Intervention de Marc Larzillière

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 9 avril 2015 à 14h00
Audition de M. Marc Larzillière président du centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique

Marc Larzillière :

Je vous remercie d'avoir pensé à auditionner le CITEPA. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de témoigner dans le cadre de votre commission d'enquête. Je ferai un bref exposé des activités du CITEPA avant de m'arrêter de manière plus détaillée sur les inventaires que nous effectuons et sur les évolutions de la pollution. Enfin, je terminerai en évoquant les actions qui pourraient être entreprises pour renforcer notre lutte contre la pollution.

Le CITEPA est une association à but non lucratif créée il y a cinquante ans par des industriels, qui ont souhaité, dans le contexte d'une réglementation de plus en plus sévère, créer un organisme purement scientifique à même de donner des avis sur les moyens de lutter contre la pollution, de la manière la plus efficace qui soit. Le CITEPA s'est progressivement vu confier par l'administration un nombre croissant d'études et de missions, et en particulier l'élaboration d'un inventaire national d'émissions, requis par un certain nombre de traités internationaux.

Les inventaires, qui sont devenus de plus en plus complexes, retracent actuellement les émissions de vingt-deux polluants et de six gaz à effet de serre.

Le CITEPA comprend vingt-sept salariés, dont vingt-quatre ingénieurs, et un président bénévole. Nous avons quatre-vingts adhérents, qui sont pour une partie des industriels, mais aussi des bureaux d'étude, des organisations de recherche, des laboratoires et des associations. Le travail d'inventaire représente environ 50% de notre activité. Nous effectuons également des études prospectives. Nous interprétons les données et donnons des indications tendancielles. À titre d'exemple, nous faisons en ce moment une étude pour déterminer ce qui a conduit à l'évolution des émissions de gaz à effet de serre.

Notre positionnement est particulier. Nous ne cherchons pas à concurrencer les bureaux d'études mais nous positionner comme un référent, un expert scientifique, dont les avis sont indiscutables et qui se situe « au-dessus de la mêlée ». Nous préférons, plutôt que de réaliser des bilans de gaz à effet de serre, valider ceux qui sont établis par divers organismes.

J'en viens aux inventaires. Établir un inventaire national est un exercice très complexe qui demande d'analyser des quantités de données de toute nature, comme par exemple le parc automobile, la consommation de carburant, l'activité des différents industriels ou encore des données climatologiques.

Notre inventaire est rigoureusement contrôlé. Nous faisons l'objet d'audits internationaux par d'autres pays. À l'inverse, nous auditons les inventaires d'autres pays, comme les Etats-Unis récemment.

Notre système d'inventaire est reconnu comme particulièrement performant. Sa particularité par rapport à d'autres pays est qu'il regroupe les polluants et les gaz à effet de serre. Les sources de pollutions ou de gaz à effet de serre sont en effet souvent communes. Nous cherchons d'ailleurs à communiquer ce savoir-faire à d'autres pays sous la forme de capacity building. Nous travaillons en ce sens au Mexique, en Serbie ou en Tunisie par exemple.

J'en viens au contenu et aux enseignements de l'inventaire lui-même. Un premier constat s'impose : la pollution a fortement diminué depuis cinquante ans. Deux exemples sont significatifs de cette baisse. Les émissions de dioxyde de soufre (SO2), responsable des pluies acides, sont ainsi passées de 3,5 millions de tonnes en 1973 à une quantité dix fois moindre aujourd'hui et la contribution de l'industrie à ces émissions a considérablement diminué, sous l'effet d'une réglementation très sévère et d'une taxation des émissions. Second exemple, les émissions de plomb, qui autrefois étaient ajoutées aux essences, ont considérablement baissé, ce qui montre l'utilité de la réglementation.

Je souhaite m'arrêter désormais sur deux exemples qui posent encore problème. Premièrement, les émissions d'oxydes d'azote n'ont pas suffisamment baissé. Le transport routier est le principal émetteur. Quant aux particules fines inférieures à dix microns, les PM10, nous peinons à en réduire les émissions de manière significative. Les PM2,5 ne diminuent pas assez non plus. Le principal émetteur de particules fines est le résidentiel tertiaire, et plus précisément le chauffage au bois. Enfin, les PM1 connaissent une tendance analogue. Quant aux nanoparticules, elles ne font pas encore partie des inventaires car on ne sait pas bien les mesurer.

Quel bilan peut-on tirer de ces constats ? Premièrement, que la pollution a nettement diminué, en grande partie grâce aux réglementations, mais aussi que des problèmes persistent, et qu'ils ne sont plus seulement le fait des industriels. Les secteurs en cause sont aujourd'hui les transports, le résidentiel tertiaire et l'agriculture. Tous les citoyens sont aujourd'hui concernés : ils ne sont plus seulement victimes de la pollution mais également acteurs. Nous devons donc agir sur les comportements et la sensibilisation des citoyens.

J'en viens aux émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de CO2 de la France ne connaissent pas une baisse très sensible. Dans les dernières années, la désindustrialisation a d'ailleurs pu jouer un rôle, alors que les émissions liées au transport n'ont pas bougé. Les industriels ne sont pas les seuls émetteurs de gaz à effet de serre : les transports ou le résidentiel tertiaire sont également de gros contributeurs.

Pour finir, j'attire votre attention sur trois points qu'il convient de distinguer en matière de pollution : le niveau d'émissions que l'on mesure dans l'air, la concentration en polluants, qui dépend de plusieurs facteurs, et enfin le facteur d'exposition, très important dans les études épidémiologiques, qui ne peut se résumer au lieu de résidence. D'une manière générale, l'étude de la pollution reste un sujet très complexe sur lequel nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir.

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