Intervention de Jean-Pierre Cantegrit

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 avril 2015 à 9h00
Renseignement

Photo de Jean-Pierre CantegritJean-Pierre Cantegrit :

D'où proviennent les ressources de Daesh et des autres mouvements terroristes ? On a parlé de produits pétroliers qu'ils revendent à bas prix : qu'en est-il ?

Général Christophe Gomart. - S'agissant des effectifs, un satellite comme Musis multiplie par dix le flux d'images auquel la DRM va avoir accès. Il faudrait donc multiplier par dix le nombre d'interprétateurs d'images si l'on voulait analyser toutes les images.

Il nous faut des outils capables de faire ce tri de façon automatique, mais, au bout du compte, il reste l'homme, avec ses yeux et son cerveau, de façon à mener l'analyse qui apparaît utile.

Si j'ai parlé d'un besoin de recrutement de trois cents personnes, c'est parce que je dois recruter différentes compétences et, tout d'abord, de compétences cybernétiques. J'ai d'excellents liens avec l'amiral Coustilliere. Ce qu'on appelle le renseignement fermé permet de mieux comprendre le renseignement ouvert. Tout cela nécessite du monde, des interprétateurs d'images, des linguistiques, des analystes.

D'où viennent-ils ? Beaucoup sont des contractuels qui sortent de Sciences Po ou qui ont des masters 2 en relations internationales et en sciences politiques. Il n'en est pas moins vrai que la France ne compte pas de filière consacrée au renseignement, même si on trouve, parmi ceux qui suivent des masters dédiés à la défense, des personnes désireuses d'intégrer les services.

La DGSE a cependant un concours dont les annales se retrouvent sur Internet. On peut ainsi devenir soit cadre A de la fonction publique, soit cadre B, soit cadre C. la DGSE utilise moins de contractuels que la DRM, mais la DGSI doit aujourd'hui recruter quatre cents personnes qui ne sont pas des policiers. Cela va constituer une véritable révolution culturelle.

Lorsque j'ai pris la tête de la DRM, j'ai estimé que la composition idéale serait 70 % de militaires et 30 % de civils, sachant que la Defense Intelligence Agency (DIA), aux États-Unis, compte 20 % de militaires et 80 % de civils. Toutefois, ceux-ci ne bénéficient pas des mêmes capteurs que la DRM. J'ai donc besoin de jeunes doués, capables de travailler sur Internet, de linguistes passionnés de telle ou telle région du monde. Il est par exemple très compliqué d'affecter un spécialiste de l'Ukraine à la Libye. Créer de vrais parcours professionnels, avec des débouchés, constitue un vrai problème.

Il faut s'adresser au ministère de la défense, et envoyer des curriculum vitae à la direction des ressources humaines de la DRM, qui les analyse et les trie en fonction des besoins. Sachez que nous ouvrons aujourd'hui des postes.

Comment nos adversaires pratiquent-ils ? Tout comme nous, ils utilisent le renseignement ouvert. Nous sommes, pour ce qui nous concerne, tellement ouverts qu'ils en savent sans doute sur nous bien plus que nous n'en savons sur eux !

Daesh donne des ordres très stricts en termes d'utilisation des moyens de communication. Ils sont donc tout à fait au courant de ce que nous sommes capables de faire.

Les drones MALE sont aujourd'hui un outil indispensable dans une armée moderne occidentale. Lorsque j'étais patron du COS, l'amiral McRaven me disait qu'avant une action, il avait un drone sur zone pendant un long moment.

En termes de prospective, j'ai un lien direct avec la nouvelle direction des affaires générales des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la défense. Je fais de l'anticipation sur environ deux ans ; la DGRIS agit à plus long terme, même si ce que je dis là n'est pas aussi formel. Il y a forcément recouvrement, et je dialogue régulièrement avec Philippe Errera, son nouveau directeur.

Qui lit donc mes notes ? La DGRIS, le CEMA, le Quai d'Orsay, les commandements militaires tout autour du monde. Mes notes sont très lues. Je cible toutefois les destinataires : s'il s'agit d'une note technique concernant les moyens aériens, je l'adresse à l'armée de l'air. Si c'est une note sur les moyens maritimes, je l'adresse à la marine.

Je ne lis pas les 10 000 notes, mais je prends connaissance du plus grand nombre, afin de me rendre compte de leur qualité, et j'interroge mes destinataires pour connaître leur ressenti et améliorer ces mémorandums. Je crois que leur qualité est reconnue très largement à l'extérieur du ministère de la défense. Je fais des notes préalables plus courtes au CEMA, à l'occasion de ses déplacements.

Ces notes vont toutes au cabinet du ministre et au coordonnateur national du renseignement ; une partie, sous format court, va sur le bureau du Président de la République.

Quant au financement de Daesh, il est essentiellement lié au pétrole et aux prises des banques, en particulier à Mossoul. Il est intéressant de constater que d'un côté, Daesh, en Libye, détruit les sites pétroliers et les raffineries, alors que, de l'autre, en Irak, il cherche à les exploiter. Je pense qu'il existe en Irak des débouchés. C'est un de leurs moyens d'acquérir de l'argent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion