Intervention de Jean-Marie Bockel

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 avril 2015 à 9h00
Audition du général jean-pierre bosser chef d'état-major de l'armée de terre

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

C'est une partie de la réponse à la question de Jeanny Lorgeoux.

Général Jean-Pierre Bosser. - En effet.

Un mot sur le dispositif en Afrique. Face à une menace transnationale, nous avons eu l'intelligence de construire un dispositif transnational. Cette méthode s'est révélée être la bonne. Dispositif d'action transnationale, zone d'action transnationale constituent des procédés très ambitieux diplomatiquement, mais aussi tactiquement. Il s'agit d'un espace très vaste, qui représente quasiment l'Europe. Il convient en outre de parler avec cinq pays africains en même temps et de les amener à dialoguer entre eux. Je pense que c'est une très belle réussite.

Cela permet aussi d'appuyer les forces africaines dans leurs pays. Certaines armées sont montées en puissance, comme au Mali. Ce dispositif militaire, qui donne aujourd'hui entièrement satisfaction, mérite donc d'être cité en exemple. Pendant de nombreuses années, nous nous sommes demandé comment allaient évoluer les relations militaires entre la France et ses partenaire en Afrique ; je crois qu'on en a là un bel exemple !

Vous avez évoqué l'usure des matériels. Nous avons effectué un important travail de régénération au retour de l'Afghanistan. Ce travail n'est pas terminé. Un véhicule de l'avant blindé (VAB) fait, en France 1 000 kilomètres par an ; il faisait 1 000 kilomètres par mois en Afghanistan ; il en fait 1 000 par semaine au Mali. Cela donne un ordre de grandeur de l'usure des matériels.

Je tempérerai la vision négative que l'on peut avoir de l'état de nos matériels en opération. Grâce à l'action de mes prédécesseurs, nos soldats ont le meilleur des équipements ; et si nous devons nous en priver en métropole - car il est vrai qu'on n'a pas besoin d'hélicoptères Cougar dans le cadre de l'opération Sentinelle - c'est parce que leur place est en opération extérieure.

Que signifie être militaire aujourd'hui ? C'est une question difficile. Pour y répondre, je vais laisser parler mes jeunes soldats : ils me disent que les Français n'accepteraient pas d'être mieux protégés à Gao qu'à Paris ! Ce raccourci résume l'évolution récente imposée au militaire d'aujourd'hui. Mais, dans le fond, il s'agit toujours de défendre ce que nous avons de plus cher, au plus loin et au plus près.

Nos soldats se sont engagés pour servir la France et protéger les Français. Ils estiment assez naturellement que, si la menace se situe à Paris, il n'est pas anormal pour eux de s'y trouver. Un soldat reste bien entendu un soldat au sens où nous l'entendons depuis vingt ans. Il assure aussi la défense des Français en combattant au loin au Mali, comme il l'a fait pendant plusieurs années en Afghanistan. Il faut donc rester en mesure de remplir toute la palette des missions, de la protection à la coercition par la manoeuvre interarmes. Le soldat doit être capable de tout faire pour assurer notre défense.

Une armée de terre à deux vitesses n'est pas souhaitable, et je pense que nos soldats ne souhaitent pas non plus être des soldats à deux vitesses.

Quant aux plans de carrière contrariés par les effets des réductions d'effectifs, je voudrais dire que l'armée de terre, comme les autres, a dû dans ce domaine déployer tous ses efforts pour accompagner humainement les trop nombreux départs. Avec un certain succès, d'ailleurs, car nous réussissons à susciter des départ volontaires et à les encourager par des mesures incitatives, nous refusant à les contraindre. Je suis attaché à maintenir cette politique d'accompagnement, qu'il nous faudra poursuivre en raison des objectifs de dépyramidage et de contingentement par grades qui nous imposent de réduire les effectifs dans les hauts de pyramide.

S'agissant de la remontée des effectifs de la force opérationnelle terrestre, nous n'avons pas aujourd'hui une vision assez claire de ses effets. Plusieurs annonces successives ont eu lieu, mais le Président de la République n'a pas encore décidé. Nous sentons toutefois que c'est une tendance qui s'affirme. Elle s'appliquera dans les régiments en portant sur le recrutement initial des engagés volontaires, des sous-officiers et des officiers pour élargir la base.

La question est forcément bénéfique pour le moral. Les militaires disposent d'un nouveau modèle et savent que le scénario est plutôt celui d'une remontée en puissance que d'une compression. Ils savent que nous sommes attachés au régiment : 75 % de l'horizon des soldats est constitué par le régiment. Ils sont donc rassurés.

En revanche, ceux qui pensaient partir s'interrogent. Va-t-on encore les y autoriser l'année prochaine ? L'effet induit a lieu à contretemps...

Pour ce qui est de Louvois, celui-ci est à peu près maîtrisé même si ses effets négatifs perdurent. Je ne vous cache pas que le logiciel continue à bugger, mais on l'a entouré d'une interface homme-machine efficace.

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