Après avoir subi tant de bouleversements, l'armée de terre est-elle capable d'en supporter un à nouveau ? En combien de temps pensez-vous mener à bien la révolution que représente le modèle que vous proposez ?
Général Jean-Pierre Bosser. - Je rends hommage à mes prédécesseurs qui, dans le scénario de compression, ont su conserver la quasi-totalité des savoir-faire et des capacités, parfois en petit nombre, mais qui nous permettent de relancer aujourd'hui l'effort. Si l'on perd certains savoir-faire, c'est définitif.
Par exemple, la livraison par air, qui nous sert à ravitailler les forces en carburant, au fond du désert, les populations, etc., est un savoir-faire aussi particulier que la catapulte pour les marins.
On peut dire que nous n'avons quasiment rien perdu aujourd'hui. On peut donc ajuster les capacités en fonction des besoins. J'avais d'ailleurs prévu, dans l'ancien modèle, des mises en sommeil de ce qui nous sert le moins en opération.
La question aujourd'hui est de savoir comment un système qui, comme le nôtre, a utilisé la marche arrière pendant des années, peut culturellement enclencher, d'un seul coup, la marche avant. C'est un sujet sur lequel les officiers d'état-major travaillent. J'ai vécu la même chose à la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), lorsque je l'ai réorganisée.
Comment faire pour convaincre nos jeunes cadres que l'on peut remonter en puissance, alors qu'ils n'y croyaient pas il y a encore quelques semaines ? Comment rebâtir intelligemment quelque chose de nouveau ? Il nous faudra un certain temps pour faire admettre aux jeunes officiers qu'il est aussi glorieux de défendre les Français à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre territoire. Il y a là toute une pédagogie à mettre en oeuvre. Mais cela peut aller assez vite. L'armée de Serval pourrait être détruite en cinq ans ; je préfère pour ma part, en cinq ans, construire l'armée de demain !
La réunion est levée à 12 heures 10.