Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1666. Je justifierai cet avis en comparant sur quelques points les éléments contenus dans la proposition de loi que vous voulez réintégrer par cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, et le texte de ce projet de loi, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale et amendé par votre commission spéciale.
En premier lieu, la proposition de loi de 2011 réaffirmait le principe du repos dominical et définissait des critères larges pour y déroger : la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement et l’importance de la population à desservir. Il me semble à cet égard que le texte proposé aujourd’hui par le Gouvernement est plus précis sur les types de zones et le recoupement des critères qui présideront à leur délimitation.
J’imagine que des points de désaccord se feront jour quand nous parlerons des zones commerciales ou des zones touristiques. Pour autant, la philosophie retenue par le texte actuel est non pas, contrairement à ce que j’ai parfois pu entendre, d’ouvrir de façon déraisonnée le travail dominical, mais bien de clarifier les règles qui encadrent l’exception au repos du dimanche, ainsi que d’apporter plus d’homogénéité dans les compensations dues aux salariés.
En deuxième lieu, cette proposition de loi rappelait le principe du volontariat, ce qui est fait à l’article 80 bis du présent projet de loi pour les dimanches du maire et à l’article 77 pour les autres dispositifs. Je vous rappelle par ailleurs, s’il est nécessaire de citer l’un des progrès permis par ce texte, que le projet de loi étend ce principe aux zones touristiques.
En troisième lieu, l’amendement vise à introduire le principe d’un accord collectif de branche ou interprofessionnel. C’est ce que prévoit l’article 76 du projet de loi, qui, pour la première fois, consacre l’obligation d’un accord préalable.
Nous débattrons plus tard de la dérogation pour les entreprises comportant moins de onze salariés dans les zones touristiques existantes, mais la philosophie de notre texte, qui apporte une sécurité qui n’a jamais existé en droit français jusqu’à présent, consiste à considérer que l’accord collectif n’étend pas la relation déséquilibrée que constitue le salariat.
Là aussi, je tiens à lever un malentendu. Mme Marie-Noëlle Lienemann a dit tout à l'heure que, par sa nature même, le contrat de travail, qui lie un individu à un autre, est déséquilibré. Du reste, on le sait bien : c’est un fait reconnu, et c’est d'ailleurs ce qui justifie l’existence du droit du travail.
Néanmoins, le projet de loi a prévu les garanties nécessaires, avec des accords collectifs définis au niveau soit de la branche, soit de l’entreprise, soit du territoire – c’est la grande différence entre nos propositions –, lesquels peuvent seuls prévoir la possibilité d’ouvrir le dimanche, l’absence d’accord empêchant cette ouverture. Cette possibilité est assumée, parce que l’on ne peut pas avoir de progrès économique sans véritable progrès social.
Je crois que la philosophie de ce texte est d’aller au bout de cette démarche et de refuser et le blocage – en quelque sorte, un conservatisme statutaire – et une espèce d’ultralibéralisme qui renverrait le salarié à cette relation déséquilibrée. Non, il doit y avoir des compensations. À cet égard, la loi ne peut prévoir tous les cas de figure ; elle n’est pas adaptée pour ce faire.
Les interventions des uns et des autres l’ont montré, le « payer double » est une idée que nous pouvons tous trouver séduisante. Toutefois, il tuerait les centres-villes, que vous voulez sauver ! En effet, le payer double est tout à fait soutenable dans les zones commerciales ; c’est d'ailleurs ce qu’avait prévu la loi Mallié, contre laquelle nombre d’entre vous s’étaient battus. Vous pouvez décider de le généraliser. Sachez cependant que le payer double n’est pas possible dans les commerces de centre-ville qui emploient aujourd'hui des femmes et des hommes le dimanche ! Je crois donc que, sur ce point, il faut renvoyer à l’accord collectif. Tel est l’objet de l’article 76 du projet de loi.
Ensuite, vous voulez limiter l’ouverture, le dimanche matin, aux commerces de détail alimentaires d’une surface inférieure à moins de 500 mètres carrés. Ce n’est pas la démarche retenue dans le projet de loi, que l’Assemblée nationale a permis d’enrichir. Nous en débattrons – c’est l’un des points de désaccord avec votre commission spéciale. Pour notre part, nous n’avons pas retenu une interdiction. En revanche, nous avons prévu, au-delà d’une certaine surface commerciale, des compensations pour les commerces alimentaires, qui n’existent pas dans le droit actuel.
Enfin, votre texte interdirait la création de tout nouveau PUCE. C’est là un point de désaccord entre nous. En effet, vous le savez bien, les PUCE ont été constitués au moment de la loi Mallié, en consacrant l’usage, comme le montre le terme même de « périmètre d’usage », alors que les zones commerciales, telles qu’elles sont définies par le présent texte, sont fondées sur le potentiel commercial de la zone et sont donc plus objectivables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, sur nombre de points, notre philosophie est la même, et cet avis m’a permis de dire, en creux, que le texte qui vous est soumis ne ressemblait pas à la caricature qui en est parfois faite. Néanmoins, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne les amendements identiques n° 474 et 1190, j’ai noté précédemment que vous étiez opposés à l’encadrement dans le temps que nous avons introduit – une autorisation limitée à trois ans –, alors même qu’il s’agissait de préciser un texte de loi qui ne prévoyait pas de limitation. Je vois un véritable « paradoxe au carré » dans le fait que vous voudriez maintenant rendre cet encadrement plus fréquent !