Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dimanche
  • dominical
  • dérogation
  • repos
  • touriste
  • touristique

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le procès-verbal de la séance du vendredi 17 avril 2015 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président du Sénat a reçu une lettre de M. Jean-René Lecerf, par laquelle celui-ci s’est démis de son mandat de sénateur du Nord, à compter du mardi 21 avril 2015, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par M. Patrick Masclet, dont le mandat de sénateur du Nord a commencé le mercredi 22 avril 2015, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l’intérieur une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 3 mai 2015, M. Nuihau Laurey et Mme Lana Tetuanui ont été proclamés élus sénateurs de Polynésie française.

Au nom du Sénat tout entier, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Par lettre en date du 22 avril 2015, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat une décision rendue le même jour, par laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté une requête concernant les opérations électorales auxquelles il a été procédé, le 28 septembre 2014, pour l’élection d’un sénateur dans le département du Territoire de Belfort.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom de sénateurs appelés à siéger au sein :

- du Conseil supérieur de l’énergie ; conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter un candidat ;

- de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, comme membre titulaire ; la commission des finances a été invitée à présenter un candidat ;

- du Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, en remplacement de M. Alain Milon ; la commission des affaires sociales a été invitée à présenter un candidat.

Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :

- du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 22 avril 2015 ;

- du projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer, déposé sur le bureau du Sénat le 29 avril 2015 ;

- et du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 avril 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean-René Lecerf, démissionnaire de son mandat de sénateur.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 24 avril 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- la mise en mouvement de l’action publique en cas d’infraction militaire en temps de paix (n° 2015-461 QPC) ;

- et la composition de la formation restreinte du conseil académique (n° 2015-465 QPC).

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 30 avril 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 208 C du code général des impôts (impôts sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales, 2015-474 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.

À la demande de la commission spéciale, nous allons examiner par priorité, au sein du chapitre Ier du titre III, les articles 71 à 82 bis relatifs aux exceptions au repos dominical et en soirée.

TITRE III

Travailler

Chapitre Ier

Exceptions au repos dominical et en soirée

(Non modifié)

I. – L’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigé : « Autres dérogations au repos dominical ».

II. – L’article L. 3132-21 du même code est ainsi rétabli :

« Art. L. 3132 -21. – Les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans, après avis du conseil municipal et, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre de métiers et de l’artisanat, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées de la commune.

« En cas d’urgence dûment justifiée et lorsque le nombre de dimanches pour lesquels l’autorisation prévue à l’article L. 3132-20 n’excède pas trois, les avis préalables mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas requis. »

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons les dispositions du chapitre Ier du titre III du présent projet de loi, qui portent sur les « exceptions au repos dominical et en soirée ».

Depuis 1906 et la loi Sarrien, une loi républicaine, humaniste et laïque sur le repos dominical, de nombreuses modifications ont été apportées à ce droit, souvent de manière peu ordonnée, du reste, jusqu’à la loi de 2009, dite « loi Mallié », dont chacun ici a connaissance.

Ainsi, cohabitent actuellement, comme l’ont souligné les auteurs du rapport de la commission spéciale, des dérogations permanentes, lesquelles sont de droit, des dérogations conventionnelles, prises sur la base d’un accord d’entreprise, et des dérogations temporaires, accordées par le préfet ou le maire.

Néanmoins, les sénateurs communistes affirment que l’objectif visé reste d’actualité : garantir aux salariés et aux travailleurs le droit au repos et à la famille. L’enjeu est non pas de faire du dimanche un jour de repos en tant que tel, mais bien de garantir à tous nos concitoyens le droit de jouir d’un même jour chômé par semaine.

C’est pour nous, de même que pour une grande majorité des salariés, qui reste opposée au travail du dimanche, la garantie d’un temps commun pour soi, pour ses proches, pour la vie sociale, culturelle et sportive. Ce droit au repos dominical est d’ailleurs l’un des marqueurs de notre société, le dimanche étant devenu au fil du XXe siècle la journée consacrée à la famille, ainsi qu’à l’exercice des pratiques culturelles, sportives, touristiques et cultuelles.

Notre collègue Patricia Schillinger n’hésitait pas à dire, en 2011, lors de l’examen de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical déposée par le groupe CRC, et d’ailleurs adoptée par la Haute Assemblée, que « le travail du dimanche conduit à un délitement des liens humains et à une perte des valeurs, au seul bénéfice de la recherche du profit. » Elle ajoutait « qu’il ne représente en aucune façon une solution pour relancer la consommation » et qu’« il ne fait que fragiliser les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces ».

Pour autant, le principe du repos dominical a toujours été assorti de dérogations, je l’ai dit, qui se justifient soit par la nécessité d’assurer la continuité de nos services publics, soit par les contraintes techniques de certains secteurs industriels, qui doivent fonctionner en continu, soit pour répondre aux besoins de la clientèle, ainsi que le font certains des commerces de proximité.

À ce sujet, je précise bien qu’il n’a jamais été question pour nous de revenir sur ces dérogations, puisque, portant atteinte à la vie de ces salariés, à leur famille et à leur santé, elles sont strictement encadrées par le code du travail. Or cet encadrement permet de moins en moins aux salariés de profiter de contreparties en rapport avec leurs astreintes.

De plus, la loi Mallié a introduit des inégalités dans l’application de ces dérogations, en fonction de la zone dans laquelle travaillent les salariés concernés. Dès lors, ces salariés n’ont, de fait, pas les mêmes droits : selon qu’ils travaillent en zone touristique ou dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE, leurs droits, ainsi que leurs compensations, sont différents. En zone touristique par exemple, les salariés ne peuvent prétendre ni au volontariat ni aux contreparties financières.

Du reste, même au sein d’un PUCE, les salariés sont soumis à des inégalités de traitement. En effet, si la loi Mallié a prévu des contreparties légales, celles-ci peuvent être inférieures à la loi en cas d’accord collectif.

Par les amendements que nous défendrons au cours de l’examen du présent chapitre, nous vous proposerons, mes chers collègues, de remédier à cette inégalité, sans pour autant renoncer aux valeurs qui nous sont chères, notamment le maintien du droit au repos dominical.

Nous ne pouvons vous suivre, monsieur le ministre, lorsque vous prétendez que ces dispositions reviennent justement sur les inégalités issues de la loi Mallié. Sur le fond, en effet, les arguments énoncés en 2011 restent criants de vérité.

Nous souhaitons non seulement « assurer une protection équivalente aux salariés employés dans ces deux catégories d’établissement », c’est-à-dire dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel et dans une zone touristique, ainsi que le préconise la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, instance de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, mais également garantir un véritable droit au repos dominical, ainsi qu’il a été voulu à l’origine par le législateur, afin de préserver tant la santé et la vie quotidienne des salariés que les valeurs qui nous sont chères, ici, à gauche de l’hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous abordons le volet du projet de loi consacré à l’élargissement des conditions du recours au travail le dimanche.

Vous le savez, nous sommes opposés à ces dispositions. Nous considérons en effet que le travail du dimanche doit demeurer une exception. Nous ne souhaitons donc pas que plus de salariés travaillent ce jour-là. Je rappelle en effet qu’ils étaient déjà plus de 6, 5 millions à le faire en 2011, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, et que le travail du dimanche est une mesure dérogatoire au code du travail.

Il y a donc, selon nous, une certaine hypocrisie à affirmer que le travail dominical doit demeurer une exception et à ouvrir dans le même temps cette possibilité à près d’un quart des dimanches de l’année, soit un dimanche par mois, voire à tous les dimanches de l’année et à une partie de la soirée pour les futures zones d’intérêt touristique.

Le repos dominical est un acquis social essentiel, un vecteur de cohésion sociale qui ne peut être mis sur le même plan qu’un hypothétique « droit à consommer » – hypothétique, oui, car il n’a échappé à personne que le pouvoir d’achat de nombre de nos concitoyens est en berne, y compris celui des salariés qui acceptent de travailler le dimanche pour améliorer leur salaire, actuellement très bas. Or ce pouvoir d’achat, nous le savons tous, ne deviendra pas extensible par la seule ouverture des commerces le dimanche !

Pour justifier cette banalisation du travail du dimanche, on argue que les consommateurs seraient en quelque sorte avides de faire les magasins le dimanche, lesquels deviendraient alors un lieu de promenade. On prétend également que les touristes étrangers fortunés seraient empêchés d’arpenter le dimanche les grands magasins du boulevard Haussmann ou les boutiques du boulevard Saint-Germain ou des Champs-Élysées.

On parle peu, en revanche, des salariés qui se verront privés de leur repos dominical. Les rapports des commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont d’ailleurs très peu penchés sur les conséquences de ces dispositions en matière d’organisation sociale et familiale.

Or une note de la DARES sur le travail du dimanche, parue en 2012, le souligne : « Travailler le dimanche va presque toujours de pair avec le travail du samedi, et souvent avec des horaires tardifs ou variables d’une semaine à l’autre ».

Les femmes, très présentes dans le secteur du commerce de détail, secteur où le temps partiel subi est très développé, seront donc particulièrement concernées. Or, nous le savons, les charges des familles monoparentales, lesquelles sont de plus en plus nombreuses – c’est un fait de société –, sont majoritairement assumées par des femmes, qui auront donc des difficultés pour faire garder leurs enfants.

Vous me direz, monsieur le ministre, que votre texte prévoit désormais que « l’accord fixe les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants pour les salariés privés du repos dominical ». Encore faudra-t-il que ces salariés réussissent à trouver un mode de garde ce jour-là, une gageure compte tenu du manque de places de garde en France, singulièrement en Île-de-France.

Je ne partage pas non plus l’optimisme de Mme Anne Perrot, la présidente de la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, pour qui – je cite les propos qu’elle a tenus lors de son audition devant la commission spéciale du Sénat – « on peut […] imaginer que cette mesure, contrairement à ce qu’on a beaucoup entendu ici et là, puisse être favorable au travail féminin et aux personnes qui n’ont qu’un emploi à temps partiel, celui-ci pouvant être complété ».

Le travail du dimanche comme remède à la précarité du travail des femmes, admettez, mes chers collègues, que c’est un comble ! Au travail du dimanche, nous préférons, nous, l’égalité salariale et la fin du temps partiel imposé.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne partageons pas votre vision idéalisée de ce texte, qui serait selon vous vecteur de progrès. Il revient en effet, au final, à ce que des salariés, employés dans un secteur déjà mal rémunéré et peu considéré, aient pour seul horizon, s’ils veulent voir progresser leur pouvoir d’achat, le travail du dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous voici en troisième semaine !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ce n’est pas que je n’ai pas plaisir à discuter avec vous, monsieur le ministre de l’économie, mais on aurait pu penser que les dispositions que nous abordons, relatives au travail le dimanche, seraient examinées avec M. le ministre du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Son absence aujourd'hui signifie qu’une partie importante du problème a été oubliée.

Au travers de ces articles 71 à 82 bis, le projet de loi prévoit de réformer les règles concernant le travail dominical et nocturne.

Concernant le travail dominical, le droit actuel comprend trois types de dispositions qui permettent déjà de déroger à la règle du repos le dimanche.

Je veux parler, tout d’abord, des dérogations permanentes, prévues à l’article R. 3132-5 du code de travail et valables pour les hôtels, les hôpitaux et les entreprises de transport ; cela paraît naturel.

Je songe, ensuite, aux dérogations conventionnelles, lesquelles requièrent un accord collectif, avec une majoration de rémunération d’au moins 50 % ; cela paraît également naturel.

Je pense, enfin, aux dérogations accordées par voie administrative, soit dans le cas des « dimanches du maire », soit dans le cas des PUCE à Paris, Lille et Marseille, soit par autorisation préfectorale.

Le Gouvernement souhaite créer trois nouvelles zones dans lesquelles le travail dominical serait permis sous conditions : les zones touristiques internationales, à Paris, Deauville, Cannes et Nice, bénéficiant d’un afflux de touristes étrangers ; les zones commerciales, remplaçant les PUCE de la loi Mallié et permettant leur généralisation sur le territoire ; les zones touristiques, regroupant les « communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente ».

Il prévoit également d’augmenter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire », de fixer la durée des autorisations d’ouverture administratives à trois ans – nous y reviendrons – et d’autoriser l’ouverture toute la journée des commerces dans l’emprise des grandes gares.

En un mot, ce qui nous est proposé ici, c’est la diffusion et la généralisation du travail dominical sur le territoire. À quelle fin ? L’emploi, nous dit-on… On nous promet des milliers d’emplois créés, une « libération » des énergies et plus de « souplesse » – le mot revient souvent, à droite comme à gauche – donnée aux entreprises.

Toutefois, pour qu’il y ait de l’emploi, il faut qu’il y ait de la consommation ! Il faut des gens pour acheter et faire vivre les entreprises. Certes, je peux concevoir que des touristes chinois consomment dans les zones touristiques internationales ou que des touristes russes fassent des emplettes à Nice le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. Oui ! À Nice !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Pour le reste, si les commerces destinés aux consommateurs français sont désormais ouverts, les personnes qui achèteront un bien le dimanche ne l’achèteront pas en semaine. Il s’agit simplement d’un autre rythme de consommation.

Les écologistes sont pour la réduction du temps de travail. Travailler moins, c’est accorder plus de temps à ses proches ou à sa famille ; c’est avoir plus de temps pour s’occuper de l’éducation de ses enfants, pour s’instruire, pour aider les autres. Généraliser le travail du dimanche, c’est briser ces rythmes de vie communs, qui fondent notre société ! Où sera la vie commune quand les travailleurs récupéreront leurs jours travaillés le dimanche à travers toute la semaine ? Où seront les temps d’échange et de partage dans la famille ?

Vous vous plaignez d’un manque d’éducation au sein de certaines familles. Mais comment les personnes qui travailleront le dimanche pourront-elles éduquer leurs enfants sans les voir ? Soyez logiques ! Vous ne pouvez pas demander une chose et son contraire.

C’est le même esprit qui est à l’œuvre pour le travail nocturne. Aujourd’hui, celui-ci commence à vingt et une heures. Il nous est proposé de repousser le seuil à minuit dans les zones internationales, soit encore trois heures de moins pour soi, sa famille et ses amis !

Au demeurant, et cela a déjà été souligné, le travail de nuit comporte des risques réels et avérés pour la santé des travailleurs : troubles digestifs et déséquilibre nutritionnel, désadaptation et isolement social, risques cardiovasculaires accrus, probabilité plus élevée de cancers, notamment du sein et colorectal, et, chez les femmes enceintes, risque plus élevé de prématurité et fausses couches. Ce n’est pas moi qui le dis ; cela figure sur le site du ministère du travail. D’ailleurs, le ministre concerné n’est pas là, et de telles informations ne figurent naturellement pas sur le site du ministère de l’économie !

À nos yeux, inciter les salariés à se mettre en danger pour leur travail ne constitue pas une réponse satisfaisante au problème du chômage.

Dédier sa vie à la consommation, briser les rythmes partagés de travail et de repos, parfois au mépris de la santé des travailleurs, voilà ce qui nous est proposé dans ce chapitre du projet de loi. C'est pourquoi les écologistes demanderont la suppression de la plupart des articles qui le composent !

M. Pierre-Yves Collombat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Nos collègues Annie David, Dominique Watrin et Jean Desessard ont déjà avancé beaucoup d’arguments en défaveur de l’élargissement du travail du dimanche. L’opposition à cet élargissement est une vieille bataille de la gauche, une vieille bataille du monde du travail. Je ne reviens pas sur ces éléments. Simplement, j’en appelle à la fidélité et aux engagements que nous avons pris devant les Français !

Lorsque M. Sarkozy a voulu augmenter le nombre de dimanches travaillés, le parti socialiste, auquel j’appartiens, a réalisé un tract particulièrement explicite.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

On pouvait notamment y lire ceci : « Cette décision sera inefficace sur le plan économique, dangereuse pour les salariés et néfaste pour la vie sociale. » Les arguments étaient clairs : « un effet nul sur la croissance », « une fausse liberté pour les salariés », « une décision destructrice d’emplois », « un modèle de société inacceptable » ! Son titre était : « Pour une société plus juste, refusons la généralisation du travail le dimanche. »

Puis, lors des élections de 2012, le candidat François Hollande, interrogé sur ce sujet, avait expliqué qu’il ne voulait en aucune manière élargir le travail du dimanche, reprenant l’argumentaire historique de la gauche et du parti socialiste.

Enfin, le 11 avril dernier, Mme Martine Aubry, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Manuel Valls et l’ensemble des membres du Gouvernement qui militent au parti socialiste ont signé une motion qui porte le beau nom de Renouveau socialiste et dans laquelle on peut lire :

« Troisième exemple : le repos dominical. Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche. C’est d’abord un choix de société : la consommation ne peut être l’alpha et l’oméga de nos vies. Le dimanche doit être d’abord un moment du vivre ensemble. C’est une question de protection des salariés les plus fragiles pour lesquels la liberté de choix n’existe pas réellement, de protection des petits commerces qui restent souvent les dernières activités présentes dans les quartiers en difficulté et dans les zones rurales désertifiées. »

Le texte dit bien : « Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche. » Cela ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, la loi dont nous discutons aujourd'hui n’est pas votée. Le travail du dimanche est donc régi par la loi actuellement en vigueur, et non par celle que nous sommes en train d’examiner.

Monsieur le ministre de l’économie – j’aurais souhaité que M. le ministre du travail soit présent aussi –, il faut faire preuve de cohérence : dès lors que M. Valls, le Premier ministre, et un grand nombre de membres du Gouvernement ont pris l’engagement de ne pas procéder à une nouvelle extension, êtes-vous prêt à supprimer les articles augmentant le nombre de dimanches travaillés ?

En plus d’être cohérente avec les textes signés par M. Valls, Mme Aubry et tant d’autres, une telle mesure serait, me semble-t-il, attendue par nos concitoyens, par les hommes et les femmes de gauche, et ce serait, effectivement, l’un des leviers du « renouveau socialiste » !

M. Éric Bocquet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est bien de se faire applaudir par les communistes quand on évoque le congrès du parti socialiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 780 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 65.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous l’aurez compris, cet amendement tend à supprimer l’article 71. Nous avons une opposition de principe à cet article, ainsi, évidemment, qu’aux articles suivants.

Monsieur le ministre, votre position consiste à dire que le droit du travail, tel qu’il a été modifié, notamment, par les différents textes de la droite, place les salariés travaillant le dimanche dans les commerces dans des situations inégales. Vous l’avez rappelé, trois situations existent.

Premièrement, pour les salariés qui travaillent dans les établissements bénéficiant d’une dérogation au repos dominical ou dans une commune ou zone touristique, il n’y a pas d’obligation légale de contrepartie.

Deuxièmement, pour les salariés qui travaillent dans des établissements bénéficiant d’une dérogation temporaire accordée par le préfet dans les PUCE ou pour les dérogations au titre du préjudice au public et de l’atteinte au fonctionnement normal de l’établissement, la loi a fixé le minimum d’un doublement de la rémunération et d’un repos compensateur en l’absence d’un accord collectif meilleur.

Troisièmement, pour les salariés qui travaillent l’un des cinq dimanches du maire, la loi fixe le doublement de la rémunération et le repos compensateur en contrepartie.

Vous auriez pu améliorer la situation existante et encadrer le travail dominical en limitant les dérogations existantes et en établissant les contreparties dans la loi, c’est-à-dire une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, à moins qu’un accord collectif ne prévoie des dispositions plus favorables.

Or vous avez préféré généraliser les dérogations au repos dominical en renvoyant uniquement aux accords collectifs, sans contrepartie minimale. Cela a été rappelé, l’ensemble de la gauche sénatoriale avait approuvé notre proposition de loi visant à garantir le droit au repos dominical, qui retenait justement la première option.

Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article, qui s’inscrit dans une perspective de libéralisation du travail du dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 780 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 65 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Les auteurs de l’amendement n° 65 estiment que l’article 71 vise à étendre les exceptions au repos dominical et en soirée.

Or cela ne correspond pas à la réalité. L’article 71 introduit au contraire un plafond de durée à trois ans pour les dérogations individuelles au repos dominical accordées par le préfet. Il y aura donc une remise à niveau tous les trois ans. C’est plutôt une amélioration par rapport à la situation actuelle ; cela va dans le sens d’un meilleur contrôle des dérogations.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous reviendrons sur ce sujet article par article, et je répondrai sur tous les points qui ont été soulevés.

Simplement, l’article 71 porte sur une mesure très ponctuelle : les autorisations accordées par le préfet, par exemple pour permettre de procéder à un inventaire le dimanche ou pour ne pas léser un magasin qui serait à la périphérie d’un PUCE. Il s’agit d’organiser ces autorisations et de fixer un plafond de trois ans, alors qu’il n’en existe aucun actuellement. Si l’article était supprimé, comme le réclament les auteurs de l’amendement n° 65, les autorisations préfectorales continueraient à exister, comme c’est le cas aujourd'hui, mais sans limitation de durée.

Je doute que cela soit votre objectif, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC. Je comprends l’opposition qui est la vôtre – vous l’avez d’ailleurs très bien rappelée – à la démarche d’ensemble du texte. Néanmoins, le dispositif en question est plutôt protecteur ; il s’agit d’encadrer les autorisations préfectorales. De surcroît, l’article 71 précise les modalités de consultation des parties intéressées par le préfet.

Je pense donc que la suppression de cet article ne serait même pas conforme à l’esprit de votre opposition générale au texte.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

J’y insiste : l’article 71 concerne simplement l’existant. Il n’en étend pas la portée, mais il précise les modalités de consultation et introduit une limitation dans le temps.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le ministre, vous venez d’apporter des éléments de réponse à la question que je comptais vous poser sur les « cas d’urgence » pour lesquels l’autorisation préfectorale serait sollicitée. En l’occurrence, les deux exemples que vous venez de mentionner nous laissent sceptiques.

Nous reconnaissons bien le caractère indispensable des dérogations pour assurer la continuité des missions de service public ou de certaines activités. Toutefois, nous ne pensons pas qu’il soit indispensable ou urgent d’aller acheter du papier peint ou des chaussures, voire des imitations de Tour Eiffel en plastique, le dimanche !

Je voulais également intervenir sur les femmes salariées. Comment les femmes, qui sont majoritaires dans le secteur du commerce et qui élèvent souvent leurs enfants seules, pourront-elles les faire garder le dimanche alors que les crèches, les accueils et les activités encadrées ne fonctionnent pas ? Elles devront faire appel à une assistante maternelle, dont la prise en charge pourra, selon les cas, être assurée par leur employeur. Encore faudra-t-il trouver une personne disponible le dimanche ou en soirée, la rémunérer avec ce qui aura été gagné le dimanche, alors que rien ne garantit le niveau de compensation salariale. Est-ce bien cela que l’on appelle « sécuriser les salariées » ?

En augmentant les possibilités de dérogation au repos dominical, vous mettez en cause un principe fondamental, sur lequel nombre de vos collègues, nombre de parlementaires de votre famille politique, ici présents dans l’hémicycle, s’étaient pourtant engagés – cela vient d’être rappelé – voilà très peu de temps encore !

Aujourd'hui, l’économie prime le social ; les consommateurs priment les salariés. Pourtant, l’Histoire a montré que ces deux notions pouvaient fort bien aller de pair.

Nous n’avons pas la même vision de la société. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 71.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nos collègues qui se sont exprimés, notamment sur l’article 71, ont fait mention, comme M. Bocquet à l’instant, d’une vision différente de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’était la vôtre il n’y a pas si longtemps !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Franchement, il me paraît très excessif de parler d’un choix de société ou d’un bouleversement de civilisation. Il faut savoir raison garder ! C’est d'ailleurs notre rôle ici.

L’objet de ce texte n’est pas d’obliger l’ensemble des commerces à ouvrir tous les dimanches. Il n’est pas non plus de contraindre nos concitoyens à faire leurs courses ce jour-là. La France ne va pas se transformer en une vaste zone commerciale. Il convient donc de bien lire le texte, afin de comprendre précisément ce qu’il prévoit.

Certes, dans notre pays le dimanche n’est pas un jour anodin. Le fait de travailler le dimanche induit effectivement pour les personnes concernées une organisation différente. La vie familiale, amicale, sportive, culturelle, ainsi que les loisirs s’en trouvent en quelque sorte différés. C’est un point auquel nous devrons être attentifs au cours de l’examen du texte.

Oui, le fait d’augmenter le nombre potentiel de personnes, notamment de salariés, qui sont amenées à travailler le dimanche n’est pas anodin. La législation se doit donc de prendre en compte notamment la situation des femmes et des familles monoparentales, très souvent dirigées par des femmes, qui sont nombreuses dans les professions du commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il convient également de veiller aux garanties en matière de volontariat et de revenus, qui doivent être préservées.

Deux principes me paraissent essentiels dans cette partie du texte dont l’examen nous mobilisera deux jours et peut-être également deux nuits.

Le premier est le suivant : pas d’accord, pas d’ouverture. Ce point est fondamental. Le dialogue social est un axe important dans le projet du Gouvernement, par branches, par entreprises ou par territoires. Nous, sénateurs, qui assurons la représentation des collectivités territoriales, nous savons pertinemment que le territoire n’est pas uniforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le second principe est la prise en compte du zonage, dont il est toujours possible de discuter, car il comporte une part d’arbitraire. Cependant, il importe de reconnaître qu’il existe des zones touristiques internationales et des zones commerciales. Ce projet de loi se situe dans le prolongement du texte Mallié, ne l’oublions pas ! Le Gouvernement ne légifère pas à partir de rien. Il est donc très important de faire attention, en fonction des territoires, à ne pas déséquilibrer les formes de commerce qui existent, en particulier le petit commerce, comme certains l’ont souligné.

Par ailleurs, il convient d’être attentif également aux services publics. Certains d’entre eux pourront être amenés à fonctionner le dimanche. Or nous savons que les agents publics travaillant le dimanche bénéficient souvent de compensations pécuniaires et de temps de repos inférieurs à ce que les accords actuels et à venir permettront d’obtenir dans le privé. Il se peut donc que ces salariés du public revendiquent des avantages similaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mon cher collègue, c’est la vie qui décide, la loi ne fixe pas tout !

Voilà pourquoi le groupe socialiste est opposé à la suppression de cet article 71. Il me semble qu’il est utile de discuter des compensations salariales et des zonages, mais aussi de savoir qui décide et avec qui. De nombreux amendements ont d’ailleurs pour objet de déterminer qui est garant, entre la commune, l’intercommunalité et l’État, de l’équilibre du territoire. Cela mérite que nous en discutions pendant deux jours et deux nuits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Les écologistes voteront l’amendement présenté par le groupe CRC. Aujourd'hui, il est possible au préfet d’accorder une dérogation pour un temps déterminé. L’article 71 du projet de loi prévoit de fixer ce délai à trois ans, afin de limiter les abus. Mais quels sont-ils ? J’aimerais le savoir !

Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, vous avez avancé comme argument qu’il s’agissait de réaliser un inventaire. Mais s’il dure trois ans, c’est l’inventaire du siècle !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mme Bricq a soulevé le problème de la philosophie du texte. Elle a souligné que le groupe socialiste n’était pas opposé à ce que le dimanche conserve son caractère spécifique. Mme Lienemann a d’ailleurs redit que ce point figurait dans la motion majoritaire du congrès du parti socialiste, ce qui n’est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Il est inscrit dans le texte qu’il s’agit d’une exception !

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, la parole est à M. Jean Desessard et à lui seul !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’ai entendu également que le Premier ministre voulait retenir du 1er mai le progrès social. Je m’en réjouis, car cela signifie que Manuel Valls se situe encore dans la perspective de la conquête des droits sociaux.

Certes, madame Bricq, ce texte ne remet pas en cause partout sur le territoire le repos dominical, mais il constitue une érosion des droits ! Si l’on institue le travail le dimanche pour certains travailleurs, pourquoi par exemple ne pas ouvrir également des crèches ce jour-là, ou d’autres secteurs de l’économie ? C’est un processus qui ne s’arrêtera pas !

On ne peut pas s’accommoder d’un principe sans que cela coûte. Souhaitons-nous une société où tous les jours sont les mêmes ? Souhaitons-nous une uniformisation des territoires ou des villes ? Nous sommes pourtant déjà en train d’assister à une standardisation à l’échelle mondiale. Que l’on soit en Asie, aux États-Unis, en France ou dans n’importe quel autre pays d’Europe, on trouve partout les mêmes boutiques ! À part pour consommer et comparer les prix, quel plaisir y aura-t-il bientôt à visiter d’autres pays ?

Mme Catherine Procaccia s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Voulons-nous que le dimanche soit un jour comme les autres ? Personnellement, je ne le souhaite pas, car c’est le jour des échanges sociaux et des pratiques communes, c’est le jour où les parents peuvent passer du temps avec leurs enfants. Nous devons préserver cet acquis. Si nous acceptons que des commerces ouvrent à Nice, par exemple, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est une obsession !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… pour gagner un peu plus d’argent, la ville voisine de Marseille protestera, car elle aussi accueille des touristes. Idem pour toutes les villes proches. Tout le monde souhaite développer le tourisme et tout le monde voudra ouvrir le dimanche ! Tout le monde suppliera : accordez-moi une dérogation, c’est important pour la vie économique de mon village !

En levant les barrières pour banaliser le travail le dimanche, vous vous placez sur une pente glissante. Mieux vaut perdre un peu d’argent quand il s’agit de préserver un choix de société. Comme l’a rappelé le Premier ministre le 1er mai, il faut continuer à préserver les acquis sociaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je rebondirai sur les propos de Jean Desessard.

Monsieur le ministre, l’article 71 de votre texte, que vous défendez avec passion, prévoit de fixer une exception au repos dominical d’une durée maximale de trois ans.

Néanmoins, il existait déjà des dérogations temporaires. Ce qui nous inquiète, c’est qu’initialement le chapitre du code du travail dans lequel s’inscrivait le titre dont nous débattons aujourd'hui s’intitulait « Dérogations temporaires au repos dominical ». Vous transformez cet intitulé en « Autres dérogations au repos dominical ». Le caractère temporaire de la mesure est donc gommé. Voilà pourquoi nous nous interrogeons.

Par ailleurs, ce point a déjà été souligné, le texte n’apporte aucune précision sur la façon dont seront renégociées les garanties pour les salariés, ni sur les éléments d’évaluation ouvrant droit à une dérogation pour trois ans. Nous n’avons donc pas la même lecture que vous de cet article.

Certes, le texte prévoit que, en l’absence d’accord, l’ouverture dominicale ne sera pas possible. Or nous savons tous qu’il pourra s’agir d’accords locaux, d’accords qui dérogent au droit du travail aujourd'hui déjà minimaliste, sans parler des accords qui se feront de gré à gré avec les salariés. En effet, il sera possible de demander au salarié lui-même s’il est d’accord, ou non, pour travailler le dimanche !

Certains salariés, face à la situation actuelle de l’emploi et au chômage – celui-ci, loin de décroître, continue au contraire à augmenter –, face également à la pression qui s’exerce en faveur du travail temporaire, pourront accepter de travailler le dimanche. Pour autant, il ne s’agira pas d’un véritable volontariat. Certes, un accord sera trouvé, mais de quoi s’agira-t-il exactement, puisque la loi ne prévoit aucune contrepartie minimum légale ? On pourra, par exemple, conclure un accord prévoyant une majoration de 10 % des heures travaillées, ce qui est pour moi inacceptable !

Cet article prévoit donc de réécrire toute une société.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Quel projet de société voulons-nous pour demain ? Quelle société souhaitons-nous pour nos jeunes ? Le dispositif proposé sera-t-il une bonne solution pour les étudiants, qui sont la cible privilégiée du travail le dimanche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ne serait-il pas préférable, comme le Gouvernement s’y était d'ailleurs engagé, de leur donner un statut, afin qu’ils puissent se consacrer totalement à leurs études ? Une telle loi de progrès social et de préservation des acquis aurait pu emporter notre assentiment. Avec cet article, nous sommes loin du compte. C’est la raison pour laquelle nous n’en voulons pas.

Nous maintenons donc notre amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

M. Michel Bouvard. Mes chers collègues, pardonnez-moi de m’immiscer dans un débat interne à la majorité, à l’approche d’un congrès il est vrai important…

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ce sujet mérite néanmoins tout notre intérêt, car il soulève de véritables interrogations. Chacun en est conscient, il est important de préserver le repos dominical, de conforter la vie de famille, de maintenir des liens sociaux et de favoriser la vie associative. Si le texte prévoyait purement et simplement la suppression du repos dominical, ce qui n’est pas le cas, nous serions très peu nombreux ici à l’approuver !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Pour ma part, je comprends ce projet comme un aménagement, une prolongation de dispositions qui ont été adoptées durant les mandatures précédentes par une autre majorité, à laquelle j’appartiens, et qui avaient d'ailleurs été très critiquées à l’époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Cependant, ces dispositions et ces adaptations se révèlent aujourd'hui indispensables, non seulement pour susciter de la croissance, ce qui est un point important, mais aussi parce que nous ne vivons pas dans un univers fermé et qu’il y a des territoires frontaliers, où l’on regarde ce qui se passe de l’autre côté de la frontière.

Voilà une semaine, j’étais en déplacement pour des raisons à la fois professionnelles et familiales à Turin, une grande ville industrielle qui est en même temps une grande cité touristique. Or l’ensemble des commerces y est ouvert le dimanche, même si Turin est sans doute une ville moins touristique que ne le sont Paris ou Nice. Nous devons donc prendre en compte cette évolution.

Certes, un certain nombre de dispositions de cet article méritent d’être discutées. Je pense aux majorations de rémunération obligatoires. Il existe sur notre territoire des zones touristiques où l’ensemble des activités ont un caractère saisonnier – c’est le cas, par exemple, de certaines stations qui fonctionnent durant l’hiver – et les rémunérations prennent déjà en compte cette spécificité, ce que le texte, dans sa version initiale, avait d'ailleurs oublié.

Il conviendra d’y apporter les adaptations nécessaires, mais je ne pense pas qu’on puisse purement et simplement considérer qu’il n’y a pas lieu de débattre et que l’article n’a pas d’utilité. On ne peut pas rester sur une situation figée ni faire comme si un certain nombre de jurisprudences qui ont été établies depuis le vote de la loi Mallié et qui ont abouti aux surprises et aux incohérences que chacun a constatées ne devaient pas être corrigées par le législateur.

Parce que ce débat est nécessaire, parce que nous devons le mener en assumant nos responsabilités, en y apportant les équilibres souhaitables entre le repos dominical et la réalité économique, notamment celle qui est liée aux activités touristiques, nous devons être capables de discuter de cet article de manière sereine et réaliste.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Comme le débat sur ce sujet va être long et compliqué, je souhaiterais que nous fassions tous preuve d’esprit de rigueur.

Sans lancer le débat que nous aurons à propos des jours du maire et des zones touristiques, entre autres, je souhaite insister sur l’objet de cet article 71, qui vise à préciser les dispositions de l’actuel article L. 3132-20 du code du travail, lequel dispose : « Lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être autorisé par le préfet, soit toute l’année, soit à certaines époques de l’année seulement suivant l’une des modalités suivantes : 1° Un autre jour que le dimanche à tous les salariés de l’établissement ; 2° Du dimanche midi au lundi midi ; 3° Le dimanche après-midi avec un repos compensateur d’une journée par roulement et par quinzaine ; 4° Par roulement à tout ou partie des salariés. »

Voilà le droit existant. Nous le précisons, en ajoutant que les autorisations prévues à cet article sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans.

Par conséquent, je vous rassure, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas uniquement de l’exemple que j’ai donné tout à l’heure, à savoir de revoir un dépôt ou autre ; il peut s’agir d’une autorisation préfectorale qui est donnée pour une partie de l’année, comme le prévoit l’article L. 3132-20, ou pour toute l’année s’agissant d’un commerce, c’est le droit actuel.

Ce que, nous, nous prévoyons, c’est que ces dérogations qui sont données par le préfet, en vertu du droit en vigueur, aient une durée limitée à trois ans. Il faut en effet, tous les trois ans, revoir la situation et évaluer l’intérêt de renouveler la dérogation. Voilà le point que nous introduisons. Il faut donc lire les textes ensemble, sinon on reste vague.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Je rappelle que, aux termes de cet article L. 3132-21, les autorisations prévues à l’article L. 3132-20 sont accordées pour une durée qui ne peut excéder trois ans et que nous introduisons des avis qui n’existent pas aujourd’hui dans le droit, puisque sont prévus l’avis du conseil municipal et, le cas échéant, celui de l’EPCI à fiscalité propre, de la chambre de métiers et de l’artisanat, etc. J’y insiste : ces avis, nous les ajoutons à l’existant.

Par ailleurs – cela me permet de répondre à M. Bocquet –, le deuxième paragraphe prévoit que « en cas d’urgence dûment justifiée et lorsque le nombre de dimanches pour lesquels l’autorisation prévue à l’article L. 3132-20 n’excède pas trois, les avis préalablement mentionnés au premier alinéa du présent article ne sont pas requis. » Le cas d’urgence ne vaut que pour les avis que nous ajoutons, mais il ne change rien et n’enlève rien à l’existant.

Le droit actuel permet des autorisations préfectorales. Or nous les encadrons de deux façons, en prévoyant des avis préalables, qui n’existent pas aujourd’hui, et en limitant la durée de ces autorisations à trois ans. Et nous ajoutons que, pour des urgences dûment justifiées – ce sont typiquement les cas que j’évoquais tout à l’heure – et, dans ces cas seulement, on peut déroger aux avis que nous introduisons.

Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous supprimez cet article 71, vous en restez au droit actuel, c’est-à-dire que les autorisations préfectorales ne feront l’objet d’aucun avis des conseils municipaux et autres et ne seront pas limitées dans le temps.

Pardonnez-moi de vous le dire, mais une telle position est un tantinet incohérente avec l’ensemble de votre argumentation sur ces sujets... Je voulais simplement attirer votre attention sur ce point. Si nous voulons discuter de textes, qui sont compliqués, parce que l’état du droit l’est aussi, il faut les articuler les uns avec les autres.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous n’avez pas entendu ce qu’a dit Mme David !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il fallait venir au Sénat échanger avec nous !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Tel est l’état d’esprit dans lequel, aujourd’hui, nous ajoutons des éléments à l’article L. 3132-20 du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Par-delà les problèmes techniques, c’est-à-dire la question du degré de grignotage du repos dominical auquel ce texte nous convie, après d’autres et avant d’autres – la modernisation étant en marche, autant continuer, au nom bien sûr de l’amélioration de la compétitivité ! –, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, monsieur le ministre, sur deux sujets d’étonnement qui justifient que je vote cet amendement.

Le premier est lié au fait que, depuis déjà quelques siècles et surtout depuis cinquante ans, la productivité du travail a littéralement explosé ; vous le savez comme moi. Il s’en est suivi pendant bon nombre d’années une diminution du temps de travail des salariés. Or, depuis quelque temps, on assiste au mouvement inverse. Aussi, plus le travail est productif, plus on doit travailler ! Je trouve tout de même cela paradoxal, comme je trouve étrange le système qui nous conduit à une telle situation.

La question se pose depuis longtemps. Ainsi, Aristote disait, à propos de l’esclavage, que, quand les métiers tisseront d’eux-mêmes et que les plectres – c'est-à-dire la petite baguette servant à pincer les cordes de la lyre – joueront tout seuls, il n’y aurait plus besoin d’esclaves.

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La situation est donc paradoxale, et à trop se perdre dans les détails techniques, on finit par oublier ce que peut avoir d’incongru cette évolution de notre société.

Le second point sur lequel je voudrais attirer votre attention, c’est le présupposé selon lequel il suffit de produire pour avoir des débouchés.

Même les touristes – je reprendrai l’argument développé par mon collègue Desessard – ont un budget limité. Ce qu’ils ne peuvent pas dépenser un jour, ils le dépenseront le lendemain, d’autant que la plupart de ces touristes sont si bien encadrés qu’on sait les amener aux bons endroits pour les rançonner en toute honnêteté !

Voilà où on en est. Je sais bien que se poser, dès le lundi matin, des questions métaphysiques aussi vaseuses peut paraître incongru, mais quelle société est-on en train de fabriquer ? On est en droit de se poser la question.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

J’ai écouté avec attention les différentes interventions, notamment celles de Mme la corapporteur.

Les autorisations en question sont normalement de type dérogatoire. Or une dérogation qui dure trois ans pour des situations exceptionnelles, puisque telle est bien l’idée ici, est tout de même un peu particulière.

Comment justifier de donner une autorisation d’une durée de trois ans à un commerçant pour faire un inventaire ? Un inventaire n’a rien de difficile. J’avoue ne pas très bien comprendre la motivation d’une telle demande.

J’ai examiné attentivement la question. Mme la corapporteur nous dit que, selon les informations qui lui ont été communiquées pour Paris, la très grande majorité des ouvertures ponctuelles peuvent apporter une solution aux difficultés rencontrées par des commerces qui, voisins d’une zone dérogatoire au repos dominical, subissent un préjudice en raison de la concurrence des commerces qui y sont ouverts le dimanche.

On voit bien ainsi que l’ouverture le dimanche fragilise les activités commerciales installées dans les zones proches de celles qui bénéficient de dérogations. En augmentant les possibilités de régime dérogatoire sur trois ans, on est probablement en train d’étendre les zones de demandes dérogatoires qui seront formulées par ceux dont les activités sont situées à proximité de ces zones touristiques particulières.

Étant maire, donc sollicitée chaque année par les commerçants sur les ouvertures le dimanche, je peux vous dire qu’il a fallu s’organiser au sein de notre intercommunalité, de façon que les mêmes enseignes n’ouvrent pas dans des communes différentes et n’accumulent pas les ouvertures.

On voit bien que le contournement de la loi est permanent, et je ne suis pas sûre qu’une simple demande d’avis soit suffisamment contraignante pour limiter, comme vous le dites, monsieur le ministre, la proposition qui nous est faite. C'est pourquoi je pense que notre amendement est totalement justifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. Jean-Marc Gabouty. Personnellement, dans une perspective laïque, je suis moins attaché au repos dominical qu’au repos hebdomadaire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les fêtes carillonnées ont la vie dure en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je me permets cette réflexion, car on part bien de la notion de repos hebdomadaire. Faut-il que ce jour soit, dans la mesure du possible, le même pour tous ? La réponse, bien entendu, est oui, pour des raisons familiales, sociales ou religieuses, puisqu’on doit tenir compte aussi – je fais amende honorable, si j’ose m’exprimer ainsi – de notre culture et de notre histoire, y compris religieuse. Admettons donc le dimanche comme jour de repos.

Je ferai tout de même remarquer que l’ensemble des activités familiales, amicales, sportives, culturelles et associatives se pratique aujourd'hui beaucoup plus le samedi après-midi que le dimanche après-midi. C’est un constat. Le dimanche après-midi est plutôt consacré au repos, alors que les activités sociales et sportives se déroulent plutôt le samedi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il y a des rencontres sportives le dimanche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Le dimanche soir, il y a rarement des matchs de foot ou de rugby ; ils ont lieu plutôt le samedi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce n’est pas ce que l’on voit à la télévision !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Madame Bricq, c’est vrai, il y a exceptionnellement des matchs le dimanche pour des raisons mercantiles liées à la retransmission à la télévision, mais les jeunes pratiquent beaucoup plus le samedi au sein des clubs.

Pour ma part, je ne tranche pas la question, mais au vu de certains sondages – qui valent ce que valent tous les sondages – on peut effectivement s’interroger : si quelque 70 % des Français sont favorables à l’ouverture le dimanche et souhaitent pouvoir faire leurs courses ce jour-là, une proportion équivalente des salariés ne souhaite pas travailler le dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

C'est la contradiction dans laquelle vit notre société et qu’il faut essayer de gérer.

La position de notre groupe se veut pragmatique : nous souhaitons conserver ce jour de repos hebdomadaire qu’est le dimanche et apporter un assouplissement partout où il est possible d’augmenter l’activité économique, et non de la transférer.

En effet, l’augmentation de l’activité économique et son transfert sont deux choses différentes : le report des achats de la semaine vers le dimanche ne présente pas un grand intérêt. C'est tout à fait différent dans les zones touristiques.

Là où l’on peut augmenter l’activité économique, donc créer des emplois, il faut apporter le maximum de souplesse. Ailleurs, il suffit d’accorder des facilités, comme c'est le cas actuellement pour la période de Noël, pendant laquelle l’ouverture des magasins le dimanche arrange tout le monde, y compris d’ailleurs les salariés eux-mêmes.

Je vous demande, par ailleurs, de prêter attention à un sujet sur lequel je présenterai des amendements. Aujourd’hui, lorsqu’on traverse les zones commerciales ou industrielles, voire tout simplement les centres-villes, on constate que la loi n’est pas respectée. On ne l’a fait pas respecter. Nous sommes plutôt favorables à l’assouplissement de la loi, mais là où il n’y a pas lieu d’ouvrir le dimanche, il faut que celle-ci soit strictement respectée. Or, aujourd'hui, des magasins ouvrent le dimanche en contournant totalement la loi et ne sont pas sanctionnés.

Tel est l’équilibre qu’il faut chercher à atteindre : une loi assouplie, qui permet de faciliter les choses, et le maintien du principe d’un jour de repos le dimanche, tout en faisant respecter la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je voudrais intervenir au nom de salariés qui travaillent le dimanche depuis déjà plus de vingt ans. J’ai entendu parler d’érosion et de grignotage des droits. Toutefois, aujourd’hui, le débat me donne plutôt l’impression qu’il s’agit de confirmer et de préciser des droits difficilement acquis et auxquels tiennent des salariés, notamment ceux qui travaillent, dans mon territoire, dans les zones de périmètre d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE.

L’arrêté du préfet expire en juin prochain : le responsable du centre commercial ne cesse de me demander si la dérogation sera bien reconduite pendant la durée de la mise en application de la loi Macron. Il y a une grande inquiétude aujourd’hui chez les salariés, qui craignent de revivre ce qui s’est passé il y a six ans.

À cette époque, les magasins ouvraient le dimanche depuis vingt ans – le centre commercial dont je vous parle est ouvert sept jours sur sept, de dix heures à vingt heures – et le travail du dimanche était encouragé. Les salariés de cette partie de l’Île-de-France appréciaient cette possibilité qui leur était offerte de travailler le dimanche. Néanmoins, les magasins étaient régulièrement menacés de fermeture en raison de contentieux engagés par un syndicat, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

… qui trouvait là l’occasion d’obtenir des compensations. Les menaces d’astreinte financière journalière préjudiciables au maintien de l’activité ont failli avoir raison de cette belle expérience économique.

Je comprends la surprise de certains dans cet hémicycle, puisque j’ai déjà dû batailler il y a six ans, au moment de l’élaboration de la loi Mallié, pour défendre les droits des salariés du centre commercial Art de vivre à Éragny. Je puis témoigner de cette expérience durable, qui permet à des salariés de travailler comme ils le souhaitent, sans aucune contrainte.

Je le dis avec certitude, puisque je l’ai moi-même vérifié. Maire de cette commune jusqu’en 2014, je voyais passer tous les ans les contrats et la charte de fonctionnement de ce centre commercial, laquelle garantissait le volontariat du travail du dimanche pour les salariés en contrat à durée permanente ou à durée temporaire, la valorisation de leur salaire et l’absence d’utilisation de la contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Ma chère collègue, il est proposé d’abaisser la durée de la dérogation à trois ans. Dans les zones de PUCE, cette durée est actuellement de cinq ans. Pour le centre commercial dont je vous parle, le décret du préfet qui va expirer bientôt datait d’il y a cinq ans.

Je vous assure que les salariés sont très attentifs à nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Moi aussi, je les connais ! Et je pense qu’on a le droit de s’exprimer librement, sans subir un quelconque terrorisme.

Tous les chefs d’entreprise sont très attachés à ces assouplissements, qui permettent de témoigner de leurs bonnes pratiques. Ils sont même amenés – je tiens à le dire – à organiser une sorte de turn-over pour le travail du dimanche, notamment pour les salariés à temps complet.

En effet, si tel n’était pas le cas, un groupe d’habitués phagocyterait le travail du dimanche, parce qu’il est mieux rémunéré et très apprécié, notamment par les parents isolés qui ont été précédemment évoqués : le week-end où c’est à l’autre parent de garder les enfants, le salarié est libre de travailler le dimanche. Et s’il y a des difficultés pour faire garder les enfants, il peut recourir aux grands-parents.

Il y a aussi des couples avec enfants qui s’organisent pour travailler chacun leur tour le dimanche afin d’augmenter leurs revenus. Il s’agit là non pas d’un substitut à la précarité, mais de l’usage de la liberté de travailler pour améliorer leurs conditions de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

J’ajoute qu’il y a dans ma ville de nombreux étudiants salariés qui travaillent deux jours par semaine pour financer leurs études. Cela leur permet d’acquérir une expérience, qu’ils pourront valoriser dans leur vie professionnelle ultérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Bien sûr, le McDonald’s, c'est merveilleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Mme Dominique Gillot. Je puis vous l’assurer, à Éragny, à Cergy-Pontoise, nos débats sont très suivis : il y a des salariés qui tiennent beaucoup à leur liberté de travailler le dimanche !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je comprends bien les arguments de ma collègue, qui est l’élue d’un secteur où il y a un centre commercial qui est ouvert sans arrêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

En tout cas, il est ouvert le dimanche.

Il se trouve que j’ai été moi-même élue d’une commune où il y avait de tels centres commerciaux. Que demandaient les commerces voisins de ces grandes surfaces ? D’avoir les mêmes possibilités d’ouverture ! En effet, pourquoi la clientèle captive d’un secteur irait-elle dans le grand centre commercial voisin plutôt que dans les plus petits centres commerciaux locaux ou dans les commerces de proximité ?

Comme nous sommes dans un système concurrentiel, cette logique induit une demande toujours croissante. Et pour quel bilan ? Il a été démontré que, pour une large part, l’ouverture de certains secteurs le dimanche n’était pas rentable. Cela suscite même une perte sèche pour certains, qui ne parviennent pas à couvrir les frais fixes et les frais salariés de l’ouverture le dimanche.

Mme Dominique Gillot proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

De nombreux patrons de grande surface nous ont d’ailleurs dit que si aucun commerce n’était ouvert, il n’y avait pas de problème. C’est à partir du moment où certains ouvrent que tous les autres ont besoin de pouvoir les concurrencer « à armes égales ». Personnellement, j’estime que c’est une logique à haut risque.

Quant à l’argumentaire bien compris et bien connu sur la liberté et le volontariat des salariés garantis par les chartes de bonnes pratiques, il doit être rapporté aux millions de chômeurs que compte notre pays : quand vous avez le choix entre travailler le dimanche et n’avoir rien à la fin du mois, quelle est votre liberté ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

À la limite, si le travail du dimanche créait de nouveaux emplois sans en déstabiliser d’autres, s’il était une véritable extension de l’activité réelle, on pourrait en discuter et évoquer des contreparties. Toutefois, la réalité n’est pas celle-là !

Il faut appeler un chat un chat : ce projet de loi s’inscrit – M. Bouvard a raison – dans la filiation de l’élargissement du travail du dimanche voulu par M. Sarkozy. Seul point positif, le texte dont nous discutons prévoit d’améliorer certaines compensations, même si, pour ma part, j’estime que ces progrès sont insuffisants.

Or quel a été le gain de croissance apporté par la réforme voulue par M. Sarkozy ? A-t-on pu voir une amélioration des conditions d’emploi ? La même thèse nous est en permanence resservie : il faut déréguler le travail pour créer de la croissance. Et pendant que vous dérégulez pour les petits salariés, vous donnez à ceux qui sont en haut de l’échelle de nombreux privilèges et avantages au nom de la compétitivité !

Moi qui suis social-démocrate, je pense, à l’instar d’Olof Palme, que la société doit être exigeante pour les forts et douce pour les faibles. Le travail du dimanche pseudo-volontaire représente non pas une douceur pour les faibles, mais une exigence pour la grande distribution et les grandes enseignes, qui sont les seules bénéficiaires de cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Après une heure et quart de débat sur cet amendement, je voudrais rappeler, pour ceux qui seraient arrivés en retard, la position de la commission sur cet amendement de suppression : son avis est défavorable, puisque cet article relève de la régulation, avec une limite de trois ans, ce qui constitue plutôt une amélioration par rapport à la situation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix l'amendement n° 65.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 162 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1666, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 3132-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

« Aucune dérogation à ce principe n’est possible à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. » ;

2° L’article L. 3132-27 est abrogé ;

3° Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :

« Sous-paragraphe 3

« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche

« Art. L. 3132 -27 -1. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-26, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.

« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.

« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« Art. L. 3132 -27 -2. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26, bénéficie de droit d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.

« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.

« Art. L. 3132 -27 -3. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-2, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26 doit présenter à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnel, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.

« Art. L. 3132 -27 -4. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.

« Le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie au premier alinéa.

« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.

« Art. L. 3132 -27 -5. – Aucune sanction financière ou administrative prononcée à l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 est ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. » ;

5° L’article L. 3132-23 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. » ;

6° L’article L. 3132-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.

« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;

7° L’article L. 3132-25-3 du même code est abrogé ;

8° L’article L. 3132-25-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -25 -4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. »

II. – Les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-3 du code du travail sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions.

III. – Aucun nouveau périmètre d’usage de consommation exceptionnel ne peut être délimité après l’entrée en vigueur de la présente loi.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Le 20 septembre 2011, toute la gauche sénatoriale votait en faveur de la proposition de loi alors déposée par le groupe communiste, républicain et citoyen, dont cet amendement vise à reprendre le texte.

Mme Bricq nous parlait à l’instant de garanties et de vigilance. Or cette proposition de loi visait précisément à corriger les excès et les injustices de la loi Mallié, contre laquelle nous nous étions alors insurgés ensemble, il n’y a pas si longtemps. Elle était aussi empreinte d’un très grand pragmatisme, puisqu’elle prenait en compte la nécessité de certaines dérogations au repos dominical pour la continuité de nos services publics ou le maintien de la compétitivité de certaines entreprises industrielles.

Concrètement, ce texte proposait, pour les autorisations délivrées par les communes, ainsi que pour les zones touristiques, d’inscrire dans le code du travail deux principes de bon sens : tout d’abord, limiter le droit à déroger à la règle du repos dominical aux seuls établissements qui mettent à la disposition du public des biens ou des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de loisirs ; ensuite, n’accepter ces dérogations que pendant la saison touristique.

Concernant les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les PUCE, il était proposé qu’aucune autorisation ne soit plus délivrée après le 1er janvier 2012 ; comme les autorisations étaient accordées pour une durée limitée, cette disposition avait pour conséquence de faire disparaître le travail dominical dans les PUCE après quelques années ; par ailleurs, les autorisations délivrées aux commerces qui ouvraient illégalement le dimanche avant l’adoption de la loi Mallié devaient leur être retirées.

La loi Mallié créait une différence de traitement entre salariés selon qu’ils étaient employés dans les PUCE ou dans les communes et les zones touristiques. En réponse, notre proposition de loi apportait trois grandes garanties aux salariés.

Tout d’abord, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit pourraient travailler le dimanche ; un refus ne saurait être pris en considération pour ne pas embaucher un candidat ni justifier de mesures discriminatoires contre un salarié ; le salarié pourrait revenir sur son accord et bénéficier d’un droit de priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail dominical.

Ensuite, l’autorisation de déroger au principe du repos dominical serait subordonnée à la conclusion d’un accord de branche ou d’un accord interprofessionnel.

Enfin, la loi garantirait aux salariés le bénéfice d’un repos compensateur et d’un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.

Toutes ces dispositions ont été adoptées ici en 2011 ; à l’époque, la gauche sénatoriale tout entière condamnait le tournant libéral ouvert par la loi Mallié, qui répondait d’ailleurs aux desiderata d’un centre commercial, Plan-de-Campagne, entre Aix et Marseille.

Aujourd’hui, pour répondre aux mêmes difficultés que celles qui avaient été constatées à l’époque, à savoir notamment la différence de traitement entre les salariés, la gauche gouvernementale s’apprête à voter avec la droite une loi qui multiplie les possibilités de dérogations et qui, tout comme la loi Mallié, répond aux besoins de quelques grandes enseignes, tel le magasin Sephora des Champs-Élysées.

Pour notre part, nous ne pouvons accepter ce revirement et nous proposons par conséquent de voter cet amendement de réécriture, qui vise à reprendre la proposition de loi votée en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 474 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 1190 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

trois ans

par les mots :

un an

La parole est à M. Jean Desessard pour présenter l’amendement n° 474.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans le droit actuel, il est possible de déroger au repos dominical par autorisation préfectorale. Le préfet peut en effet autoriser l’ouverture le dimanche dans les cas où une fermeture serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement concerné. Il s’agit de cas exceptionnels, par exemple lorsqu’une entreprise souhaite effectuer une mise à jour ou une migration de son système informatique.

L’article 71 du présent projet de loi propose de limiter la durée de telles autorisations à trois ans. Nous ne comprenons pas pourquoi une durée si longue a été retenue et, au vu des situations qui donneront lieu à de telles dérogations, nous estimons qu’une durée d’un an est largement suffisante ; tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 1190.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ce troisième amendement du groupe CRC sur l’article 71 est un amendement de repli. Après la discussion que nous venons d’avoir, nous espérons qu’il sera adopté. Soyez en tout cas certain, monsieur le ministre, que notre groupe aborde cette partie du projet de loi avec beaucoup de passion et de détermination.

Après les transports et les professions réglementées, nous l’avons bien compris, vous entendez libéraliser le travail, selon vous afin de stimuler la croissance et l’économie.

Travailler le dimanche serait ainsi, à vous entendre, un moteur, pour ne pas dire une solution miracle aux maux économiques que connaît notre pays. Nous ne voyons pas ce qui, sinon, motiverait une telle décision... Nous sommes nombreux dans l’hémicycle à douter ne serait-ce que de l’efficacité économique d’une telle mesure, qui n’est pas obligatoirement favorable pour l’emploi. L’Allemagne, partenaire privilégié que vous citez si souvent comme référence, est loin d’avoir opté pour de larges ouvertures dominicales ; bien au contraire, sa législation est relativement stricte.

Je crois que, en tant que législateur, nous devons nous poser la question suivante : aux besoins de qui souhaitons-nous répondre ?

Malheureusement, au vu des déclarations du Premier ministre, on ne peut que s’inquiéter. Ainsi, lors de son récent déplacement en Chine, il annonçait aux entrepreneurs et touristes chinois qu’ils pourraient bientôt venir visiter le château de Versailles le samedi avant d’aller faire leurs achats le dimanche, comme si on ne pouvait pas faire le contraire. Quelle belle philosophie ! Je n’invente rien, je cite ses déclarations. Une certaine vision de la société, que nous avons dénoncée, est ici à l’œuvre, qui laisse la porte ouverte à de nombreuses dérogations et à d’autres abus.

Pour notre part, nous continuons de considérer que le dimanche n’est pas un jour comme les autres. Notre modèle économique et social est fondé sur un rythme hebdomadaire, le septième jour permettant de se reposer et de faire collectivement autre chose, comme partager en famille ou entre amis un temps précieux et attendu.

Certains, comme Mme Gillot, nous peignent des expériences idylliques, mais elles nécessiteraient d’autres structures et des services publics moins cassés qu’ils ne le sont aujourd’hui, notamment pour la garde d’enfants. Il faut donc raison garder.

Sans m’étendre plus longtemps sur d’autres aspects déjà abordés, je soulignerai simplement que ces dérogations au repos dominical sont à nos yeux un véritable recul social, pour les droits des salariés, mais aussi pour la cohésion sociale : quels choix ont en effet ces salariés, notamment les femmes, face au chômage ?

Nous proposons donc a minima de limiter à un an la durée de ces fameuses dérogations au repos dominical avant qu’elles ne soient, ou non, renouvelées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 1769, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

et, le cas échéant,

insérer les mots :

de l’organe délibérant

La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements n° 1666, 474 et 1190.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

L’amendement n° 1769 est un amendement de clarification. Nous voulons préciser que c’est bien l’organe délibérant de l’EPCI qui doit être consulté. En effet, le texte ne faisait mention que de l’EPCI, et ce problème a été soulevé lors de la réunion de la commission.

Avant de donner l’avis de la commission sur les autres amendements, je voudrais rappeler le contexte dans lequel la commission a travaillé, sur mon initiative et sur celles de mes collègues. Notre objectif était de trouver un équilibre entre la nécessité économique d’élargir les possibilités d’ouverture le dimanche et la préservation indispensable du repos dominical, dont le principe est partagé par une large partie des membres de notre groupe.

L’ouverture dominicale est une possibilité et non une obligation : il nous a semblé qu’il y avait des précisions à apporter à la suite de la loi Mallié et qu’il existait des possibilités d’ouverture un peu plus larges dans certaines conditions.

Nous avons tenu à laisser au pouvoir local, c’est-à-dire au maire et aux EPCI, la liberté de délimiter les zones touristiques ou commerciales, sauf pour les ZTI, qui relèvent du domaine de l’État, et de fixer le nombre annuel de dimanches du maire, entre zéro et douze, ce qui reste un chiffre relativement modéré. On ne peut donc pas dire qu’on généralise ainsi l’ouverture dominicale !

Ce pouvoir est plus précisément octroyé aux maires avec leur conseil municipal ou aux présidents d’EPCI avec leur organe délibérant lorsque l’on va au-delà de cinq dimanches ou que la zone commerciale concerne plusieurs communes. Les maires connaissent en effet mieux que quiconque leur tissu commercial, le risque concurrentiel et les attentes des habitants – à cet égard, la région parisienne constitue sans doute une exception –, et il nous a semblé conforme aux positions défendues par le Sénat de laisser ce rôle important au pouvoir local.

Le deuxième principe que nous avons défendu est celui du volontariat : nous le maintenons pour les zones touristiques, les zones commerciales et les ZTI, et nous l’étendons aux dimanches du maire. Par ailleurs, nous avons voulu non pas fixer dans la loi le montant des contreparties financières, mais le laisser au dialogue social. Nous avons simplement conservé le doublement existant pour les dimanches du maire et les conditions de contrepartie qui ont été fixées pour le travail en soirée en ZTI.

Pour ma part, je n’ai pas souhaité modifier la réglementation pour les commerces alimentaires, qui actuellement peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures quelle que soit leur taille, ni élargir l’accord obligatoire qui doit fixer les contreparties : faute d’accord, la décision revient à l’employeur, avec référendum des salariés concernés.

En effet, si le projet de loi a pour objectif d’harmoniser le régime applicable à l’ouverture des commerces, il ne doit pas avoir pour résultat d’ouvrir des possibilités qui pourraient rester virtuelles du fait du blocage du dialogue social dans une branche, une entreprise ou un territoire contre l’avis majoritaire du personnel, sachant que cette décision de l’employeur sera soumise aux mêmes obligations de contrepartie que les accords ; nous avons également voulu maintenir en zone touristique la réglementation actuelle pour les commerces de moins de onze salariés. Nous aborderons ces trois points plus en détail lors des amendements à venir, mais je voulais rappeler ce contexte.

J’en viens à l’avis de la commission sur les différents amendements en discussion. L’amendement n° 1666 vise à reprendre la proposition de loi du groupe CRC qui avait été adoptée par le Sénat en décembre 2011, mais contre laquelle la majorité sénatoriale d’aujourd’hui s’était prononcée. Or notre position n’a pas changé à ce sujet. De plus, le texte de l’amendement contredit certains points du projet de loi.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Les amendements identiques n° 474 et 1190 visent à abaisser à un an la durée maximale des dérogations individuelles. Comme nous l’avons souligné lors de la discussion de l’amendement n° 65, l’article 71 apporte déjà une restriction par rapport au droit actuel en fixant cette durée maximale à trois ans.

Il ne nous a pas semblé opportun de descendre plus bas, d’autant plus que ces dérogations sont très majoritairement ponctuelles et que leur nombre est réduit : ainsi, à Paris, environ 150 demandes par an sont formulées et seulement une cinquantaine d’établissements bénéficie d’une dérogation sans terme précis. Il peut s’agir d’une librairie ou d’un commerce situé en bordure d’une zone touristique et qui subit sa concurrence ; la durée de trois ans nous semblait plus adaptée à de telles situations.

L’avis de la commission est donc également défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1666. Je justifierai cet avis en comparant sur quelques points les éléments contenus dans la proposition de loi que vous voulez réintégrer par cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, et le texte de ce projet de loi, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale et amendé par votre commission spéciale.

En premier lieu, la proposition de loi de 2011 réaffirmait le principe du repos dominical et définissait des critères larges pour y déroger : la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement et l’importance de la population à desservir. Il me semble à cet égard que le texte proposé aujourd’hui par le Gouvernement est plus précis sur les types de zones et le recoupement des critères qui présideront à leur délimitation.

J’imagine que des points de désaccord se feront jour quand nous parlerons des zones commerciales ou des zones touristiques. Pour autant, la philosophie retenue par le texte actuel est non pas, contrairement à ce que j’ai parfois pu entendre, d’ouvrir de façon déraisonnée le travail dominical, mais bien de clarifier les règles qui encadrent l’exception au repos du dimanche, ainsi que d’apporter plus d’homogénéité dans les compensations dues aux salariés.

En deuxième lieu, cette proposition de loi rappelait le principe du volontariat, ce qui est fait à l’article 80 bis du présent projet de loi pour les dimanches du maire et à l’article 77 pour les autres dispositifs. Je vous rappelle par ailleurs, s’il est nécessaire de citer l’un des progrès permis par ce texte, que le projet de loi étend ce principe aux zones touristiques.

En troisième lieu, l’amendement vise à introduire le principe d’un accord collectif de branche ou interprofessionnel. C’est ce que prévoit l’article 76 du projet de loi, qui, pour la première fois, consacre l’obligation d’un accord préalable.

Nous débattrons plus tard de la dérogation pour les entreprises comportant moins de onze salariés dans les zones touristiques existantes, mais la philosophie de notre texte, qui apporte une sécurité qui n’a jamais existé en droit français jusqu’à présent, consiste à considérer que l’accord collectif n’étend pas la relation déséquilibrée que constitue le salariat.

Là aussi, je tiens à lever un malentendu. Mme Marie-Noëlle Lienemann a dit tout à l'heure que, par sa nature même, le contrat de travail, qui lie un individu à un autre, est déséquilibré. Du reste, on le sait bien : c’est un fait reconnu, et c’est d'ailleurs ce qui justifie l’existence du droit du travail.

Néanmoins, le projet de loi a prévu les garanties nécessaires, avec des accords collectifs définis au niveau soit de la branche, soit de l’entreprise, soit du territoire – c’est la grande différence entre nos propositions –, lesquels peuvent seuls prévoir la possibilité d’ouvrir le dimanche, l’absence d’accord empêchant cette ouverture. Cette possibilité est assumée, parce que l’on ne peut pas avoir de progrès économique sans véritable progrès social.

Je crois que la philosophie de ce texte est d’aller au bout de cette démarche et de refuser et le blocage – en quelque sorte, un conservatisme statutaire – et une espèce d’ultralibéralisme qui renverrait le salarié à cette relation déséquilibrée. Non, il doit y avoir des compensations. À cet égard, la loi ne peut prévoir tous les cas de figure ; elle n’est pas adaptée pour ce faire.

Les interventions des uns et des autres l’ont montré, le « payer double » est une idée que nous pouvons tous trouver séduisante. Toutefois, il tuerait les centres-villes, que vous voulez sauver ! En effet, le payer double est tout à fait soutenable dans les zones commerciales ; c’est d'ailleurs ce qu’avait prévu la loi Mallié, contre laquelle nombre d’entre vous s’étaient battus. Vous pouvez décider de le généraliser. Sachez cependant que le payer double n’est pas possible dans les commerces de centre-ville qui emploient aujourd'hui des femmes et des hommes le dimanche ! Je crois donc que, sur ce point, il faut renvoyer à l’accord collectif. Tel est l’objet de l’article 76 du projet de loi.

Ensuite, vous voulez limiter l’ouverture, le dimanche matin, aux commerces de détail alimentaires d’une surface inférieure à moins de 500 mètres carrés. Ce n’est pas la démarche retenue dans le projet de loi, que l’Assemblée nationale a permis d’enrichir. Nous en débattrons – c’est l’un des points de désaccord avec votre commission spéciale. Pour notre part, nous n’avons pas retenu une interdiction. En revanche, nous avons prévu, au-delà d’une certaine surface commerciale, des compensations pour les commerces alimentaires, qui n’existent pas dans le droit actuel.

Enfin, votre texte interdirait la création de tout nouveau PUCE. C’est là un point de désaccord entre nous. En effet, vous le savez bien, les PUCE ont été constitués au moment de la loi Mallié, en consacrant l’usage, comme le montre le terme même de « périmètre d’usage », alors que les zones commerciales, telles qu’elles sont définies par le présent texte, sont fondées sur le potentiel commercial de la zone et sont donc plus objectivables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, sur nombre de points, notre philosophie est la même, et cet avis m’a permis de dire, en creux, que le texte qui vous est soumis ne ressemblait pas à la caricature qui en est parfois faite. Néanmoins, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Pour ce qui concerne les amendements identiques n° 474 et 1190, j’ai noté précédemment que vous étiez opposés à l’encadrement dans le temps que nous avons introduit – une autorisation limitée à trois ans –, alors même qu’il s’agissait de préciser un texte de loi qui ne prévoyait pas de limitation. Je vois un véritable « paradoxe au carré » dans le fait que vous voudriez maintenant rendre cet encadrement plus fréquent !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous renvoie à vos propres turpitudes, sur lesquelles il ne m’appartient pas de m’interroger. Il faut dire que j’ai déjà assez à faire avec le présent texte !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

En revanche, il me semble que, compte tenu de la procédure que nous avons mise en place – demander des avis multiples et prévoir que l’autorisation sera renouvelée tous les ans – est de nature à créer de la complexité et des redondances qui ne paraissent pas souhaitables. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Enfin, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 1769, qui est rédactionnel.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 474 et 1190.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je tâcherai d’être brève, même s’il y a ici des explications fondamentales à apporter, car on touche ici au cœur de bien des questions, du code du travail et même d’un projet de société.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je remercie les sénatrices et les sénateurs qui sont présents dans l’hémicycle, d’autant que, il faut le dire, nous ne sommes pas très nombreux depuis l’ouverture de la séance ce matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Puisque nous sommes en train de disserter de l’extension du droit à travailler le dimanche, certains affirmant que cela ne pose aucun problème aux salariés concernés, je me souviens que l’éventualité que le Sénat siège un samedi pour examiner ce projet de loi a suscité un tollé général dans cette enceinte, nos collègues préférant travailler la nuit plutôt que de revenir un samedi.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

À cause de l’interruption des travaux parlementaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous le voyez, l’indignation est à géométrie variable selon que l’on est concerné, ou non ! Je voulais signaler cette contradiction.

Nous débattons ici d’un sujet qui touche à l’organisation des conditions de vie de millions de salariés et de leurs familles. Nous ne nous pouvons pleurer sur les liens sociaux qui se distendent de plus en plus et, en même temps, créer les conditions mêmes de cette évolution en ouvrant de plus en plus la porte au travail du dimanche !

Au reste, j’aimerais que ceux qui me parlent de volontariat ou de compensations soient beaucoup plus précis : n’oublions pas que nous sommes dans une société en crise, où le taux de chômage est extrêmement élevé et où beaucoup de femmes sont soumises à de terribles temps partiels morcelés, qui ne leur permettent pas de toucher des salaires décents.

J’entends dire que les salariés qui travailleront le dimanche auront un peu plus de moyens : la première préoccupation devrait être plutôt de donner un coup de pouce, et même plus, aux salaires, notamment au SMIC ! Faisons en sorte que les salaires soient à la hauteur du travail accompli, à l’heure où la majorité des travailleurs, en particulier les femmes, perçoivent des salaires de misère.

C’est pourquoi je trouve que les amendements que nous avons proposés, notamment l’amendement n° 1666, qui vise à reprendre un texte voté par le Sénat il n’y a pas si longtemps, sont extrêmement importants afin de garantir au salarié des conditions de travail décentes. N’ouvrons pas la porte à des évolutions qui, compte tenu de ce que nous observons par ailleurs, ne pourront que s’étendre. Il n’y aurait bientôt plus de limites, et la philosophie et la visée de notre société en seraient totalement transformées !

C’est pourquoi les amendements que nous avons déposés méritent amplement d’être votés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, je veux saluer votre sens de l’écoute et votre finesse, puisque vous avez corrigé mes propos de manière très juste.

Pour autant, j’étais favorable à la suppression de l’article 71 de votre texte, qui limitait la durée de l’autorisation à trois ans. Vous affirmez que cet article institue une garantie, parce qu’il permettra un contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En effet, ma chère collègue ! Actuellement, le texte prévoit que l’ouverture le dimanche peut être accordée pour une année, ou moins, suivant les circonstances. La possibilité d’accorder une dérogation de trois ans revient à banaliser la dérogation. Trois ans, c’est un bail !

Puisque l’article n’a pas été supprimé, j’estime qu’il vaut mieux revenir à une durée qui ne peut excéder une année.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, reprenons ensemble le texte de l’article L. 3132-20 du code du travail. Que le préfet donne une autorisation valable « toute l’année » n’impose pas que celle-ci soit renouvelée chaque année !

L’article L. 3132-20 ne fixe pas de limitation. D'ailleurs, dans les faits, aujourd'hui, les autorisations préfectorales en la matière ne sont pas renouvelées chaque année. Le texte vient donc simplement préciser qu’elles doivent être renouvelées tous les trois ans.

Aujourd'hui, je le répète, l’article L. 3132-20 prévoit que l’autorisation préfectorale peut valoir soit toute l’année, soit à certaines époques de l’année seulement. D'ailleurs, s’il n’en avait pas été ainsi, l’article 71 ne figurerait pas dans le projet de loi. Nous avons voulu encadrer l’autorisation dans le temps, en prévoyant qu’elle ne peut être accordée pour une durée supérieure à trois ans.

Le droit actuel me semble donc faire l’objet d’une lecture erronée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Absolument ! C’est une avancée du droit du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Tout à l’heure, M. le ministre a élargi son propos, mais il n’a pas répondu à ma question sur le texte dans lequel le Premier ministre s’est dit opposé à une nouvelle extension du travail du dimanche. J’ai compris, dans sa réponse, qu’il ne voulait pas remettre en cause l’extension en cours d’examen par le Parlement.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

J’y reviendrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Les propos que M. le ministre a tenus sur la question des négociations en vue de l’ouverture le dimanche nous ont également interpellés.

Tout d'abord, on peut s’interroger sur la part de ce qui est protégé par la loi et de ce qui procède de la négociation collective. S'agissant du travail le dimanche, il est tout à fait possible que, sous la menace et compte tenu de la concurrence entre différentes zones, soient arrêtés des choix non conformes à l’intérêt général et qui, à terme, réduiraient les protections sociales globales du monde du travail.

Pour ma part, j’estime que, s’il y avait des accords de branche au niveau national, on pourrait encore discuter des parts respectives de la négociation collective et de la loi. En revanche, permettez-moi de vous le dire, les accords d’entreprise ou de territoire et les conditions dans lesquelles ces accords seront signés ne sont qu’une tromperie !

Vous avez vous-même pris l’exemple, très révélateur, des petits commerces de centre-ville. Vous savez très bien quelle pression sera exercée sur tous les salariés de ces commerces, à qui l’on opposera la concurrence de la grande surface voisine ! Le rapport de forces ne sera donc pas en faveur des salariés dans ce cadre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les syndicats ne sont pas des enfants de chœur !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Vous avez raison, ma chère collègue ! Néanmoins, je m’interroge : pourquoi, quand il s’agit du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, l’avantage est-il donné à toutes les entreprises, sans obligation d’un accord de branche ou d’entreprise ? Pourquoi les vannes sont-elles alors ouvertes et des milliards d’euros déversés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Pourquoi est-ce la loi qui fixe alors le cadre, quand, lorsqu’il s’agit de protéger les salariés, on se contente d’un accord d’un territoire ou d’entreprise ? Est-ce fonction du pouvoir des syndicats ? Pourquoi toutes ces aides distribuées, au nom de l’intérêt général, à ces entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Nous pourrions débattre de ce sujet toute la matinée, toute la journée et même toute la nuit…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Simplement, monsieur le ministre, si vous voulez vraiment que l’on puisse vous entendre sur l’article 71, pourquoi voulez-vous modifier l’intitulé du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail ? Vous n’avez pas répondu à cette question !

Jusqu’à présent, ce paragraphe visait des « dérogations temporaires au repos dominical ». Il devrait maintenant s’intituler « Autres dérogations au repos dominical ». Nous considérons que la disparition de l’adjectif « temporaire » implique que cette dérogation vaudra en permanence.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas complètement vous faire confiance ! Pour nous, le caractère temporaire du dispositif a une très grande importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Je suis nouvellement arrivée au Sénat, et j’ai déjà entendu bien des choses. Cela m’a fait penser à ma ville, Aubervilliers, où le PUCE a été refusé pour Le Millénaire, un centre commercial situé à la porte d’Aubervilliers. De fait, aujourd'hui, celui-ci n’ouvre pas le dimanche, ce qui a conduit à la suppression de nombreux emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Moi aussi, chère collègue, je connais bien mon département de la Seine-Saint-Denis ! Et je pense que M. Capo-Canellas le connaît aussi.

Porte d’Aubervilliers, afin de créer de l’emploi, nous avions négocié avec des entreprises locales pour qu’elles viennent s’installer dans les locaux préparés par Icade. Malheureusement, comme le rappelait M. le ministre voilà quelques instants, le préfet nous a refusé le PUCE, ainsi que les ouvertures le dimanche.

Tout cela fait que nous voyons les rideaux des boutiques de cet énorme – et magnifique – centre commercial se baisser peu à peu. À l’époque, nous avions même ouvert des négociations pour permettre aux petits commerçants d’installer leurs enseignes à l’intérieur de ce centre. Nous n’y sommes pas parvenus et nous n’avons pu créer les emplois que nous aurions souhaités à Aubervilliers, qui est la deuxième ville la plus pauvre de France et qui souffre d’un taux de chômage, notamment des jeunes, très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Mme Evelyne Yonnet. Chère collègue, je vous ai écoutée très attentivement sans vous interrompre. À votre tour, souffrez de m’écouter ! Je ne supporte pas que l’on me qualifie de « sarkozyste ». Cela m’horripile au plus haut point !

Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Je suis de gauche, comme vous, et je l’assume entièrement, même s’il ne s’agit pas de la gauche que vous voulez !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Roger Karoutchi et Pierre Charon ironisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Pour avoir travaillé toute ma vie dans une entreprise, je sais que les conventions collectives sont issues d’une négociation paritaire. Par ailleurs, les syndicats ont un poids non négligeable dans la conclusion d’accords d’entreprise ; certes, sans doute davantage dans les grosses entreprises que les moyennes, celles de moins de cinquante salariés, que vous n’avez pas défendues dernièrement.

Des accords soit de branche, soit à l’intérieur de l’entreprise concernée, doivent garantir que le salarié qui s’est engagé par écrit à travailler le dimanche peut revenir sur cette décision. À cet égard, le syndicat joue un rôle très important. Il y va de la protection du salarié.

Par ailleurs, en tant qu’élue aujourd’hui d’opposition, je me demande s’il ne serait pas possible de demander au maire de soumettre au conseil municipal – avec ou sans vote – un bilan annuel ou trisannuel des accords conclus et des avis des élus locaux et des acteurs économiques consultés.

Enfin, j’ai entendu qu’Aubervilliers ne serait pas une ville touristique. Détrompez-vous, chère collègue : Plaine Commune, la communauté d’agglomération dont nous faisons partie, dispose d’un office du tourisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Mme Evelyne Yonnet. Par ailleurs, on trouve à Aubervilliers une église classée du XVe°siècle. Les gens sont très heureux d’y travailler le dimanche des Journées du Patrimoine. Pour eux, c’est un jour de fête ; ils mangent en famille sur la place de la mairie, puis visitent cette église que j’ai évoquée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

L'article 71 est adopté.

Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Le sous-paragraphe 2 devient le sous-paragraphe 3 ;

2° Il est rétabli un sous-paragraphe 2 intitulé : « Dérogations sur un fondement géographique » et comprenant les articles L. 3132-25 à L. 3132-25-6 ;

3° Au début du sous-paragraphe 2, tel qu’il résulte du 2°, il est ajouté un article L. 3132-24 ainsi rétabli :

« Art. L. 3132 -24. – I. – Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.

« II. – Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats.

« II bis. –

Supprimé

« III. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Dans ce débat printanier, je voudrais évoquer ici une espèce particulière d’oiseau migrateur. Il s’agit du bruant à gorge blanche, qui a la particularité de pouvoir voler jusqu’à sept jours d’affilée sans dormir.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Le département américain de la défense s’est intéressé à cet oiseau, qui vit sur la côte ouest des États-Unis, et a consacré des crédits importants pour mener une étude. L’idée serait de réussir à adapter les capacités du bruant à gorge blanche aux êtres humains – aux soldats d’abord, aux travailleurs ensuite.

Pour mieux saisir le rapport avec le texte dont nous débattons, je vais vous donner lecture d’un extrait d’un petit ouvrage consacré à ce sujet fort intéressant :

« Dans les cas où il ne sera pas possible d’utiliser des drones armés de missiles, on aura besoin d’escadrons de la mort, de commandos sans peur et sans sommeil pour des missions à durée indéterminée. C’est dans cette perspective que l’on a cherché à étudier les bruants à gorge blanche, en les coupant des rythmes saisonniers qui sont les leurs dans l’environnement de la côte pacifique : à terme, il s’agit d’imposer au corps humain un mode de fonctionnement machinique, aussi bien en termes de durée que d’efficacité. Comme l’histoire l’a montré, des innovations nées dans la guerre tendent nécessairement ensuite à être transposées à une sphère sociale plus large : le soldat sans sommeil apparaît ainsi comme le précurseur du travailleur ou du consommateur sans sommeil. Les produits sans sommeil, promus agressivement par les firmes pharmaceutiques, commenceraient par être présentés comme une simple option de mode de vie, avant de devenir, in fine, pour beaucoup, une nécessité.

« Des marchés actifs vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, des infrastructures globales permettant de travailler et de consommer en continu – cela ne date pas d’hier ; mais c’est à présent le sujet humain lui-même qu’il s’agit de faire coïncider de façon beaucoup plus intensive avec de tels impératifs. »

Il s’agit d’un texte à visée de long terme, d’une étape vers la société 24-7, c'est-à-dire « vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ». Monsieur le ministre, est-ce bien la logique dans laquelle le Gouvernement s’est engagé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet article, qui vise à créer des zones touristiques internationales, ou ZTI, introduit dans le code du travail de nouvelles dérogations au repos dominical et au travail de nuit. Il s’agit toutefois de dérogations permanentes : le travail le dimanche sera la règle, et non plus l’exception ; le travail jusqu’à minuit sera possible tous les jours dans les commerces situés dans ces futures zones.

Ces dernières seront définies par les ministres du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales des salariés intéressés.

Quels sont les critères retenus ? Il s’agit du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. Ces critères, ajoutés par l’Assemblée nationale, restent flous. À quelle aune mesurera-t-on ce rayonnement ? Quand une affluence de touristes, de surcroît résidant hors de France, sera-t-elle jugée exceptionnelle ? Comment sera quantifiée l’importance des dépenses ?

Paris est évidemment visé : nous savons tous que cet article permettra de contourner le refus du Conseil de Paris, réaffirmé encore récemment, d’étendre les actuelles zones touristiques.

Ces futures ZTI pourraient ainsi couvrir non seulement l’avenue des Champs-Élysées, la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la place de l’Opéra, la place Vendôme, la rue des Franc-Bourgeois, l’avenue Montaigne et le quartier Saint-Germain, mais aussi les grands magasins du boulevard Haussmann. Ces derniers seront les grands gagnants d’une disposition taillée sur mesure, eux qui réclament depuis longtemps cette possibilité, mais qui se heurtent, en interne, à l’opposition des syndicats des personnels. Voilà donc levé un deuxième obstacle !

J’ajouterai que cette vision ne correspond pas à la réalité du tourisme international à Paris, où les étrangers extra-communautaires ne restent pas qu’une seule journée : du fait de la fermeture des musées le mardi, les tour-opérateurs consacrent souvent cette journée aux activités de shopping.

On nous dit que le nombre de ces zones sera limité, mais les destinations touristiques du bord de mer – nombreuses en France – sont également évoquées. On peut donc craindre un phénomène de « contagion » et de mise en concurrence des communes.

Le projet de loi prévoit que ces zones seront déterminées après avis des acteurs concernés, notamment des communes et des organisations syndicales. Reste qu’il s’agit seulement d’un avis, c’est-à-dire que celui-ci n’a aucun caractère contraignant.

Vous le voyez, mes chers collègues, les arguments en faveur de la création de ces ZTI, que l’on pourrait requalifier en « zones de travail intensif », ne sont pas convaincants. Les conséquences en sont bien trop lourdes, non seulement en termes de déséquilibre entre vie au travail et vie familiale et sociale, mais aussi pour la santé des salariés concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Au travers de cet article, je souhaiterais aborder la situation de nos étudiantes et étudiants. La dernière étude de l’Observatoire de la vie étudiante portant sur les conditions de vie de ces derniers montre que plus de la moitié d’entre eux doivent concilier salariat et études. Ce chiffre s’élève à 73 % en comptant les « jobs d’été ».

En effet, le budget moyen d’un étudiant provient à 42 % de revenus professionnels, à 34 % de transferts familiaux et à 24 % des allocations et des bourses. Selon cette même étude, si l’on excluait des ressources étudiantes les revenus du travail, le nombre d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté passerait de 1, 5 % à 50 %.

Le salariat comme contrepartie aux études : voilà une réalité peu avouable. Certains n’ont pourtant pas hésité à dire que cette loi allait favoriser les étudiants. Or, nous le savons bien, le salariat fait souvent échouer nos jeunes dans leurs études, notamment en premier cycle. Les étudiants exerçant une activité salariée ont ainsi deux fois plus de risques d’échouer à leurs examens.

Comment en serait-il autrement lorsque l’on demande aux étudiantes et aux étudiants de dégager du temps pour distribuer des flyers pour une compagnie de téléphone ou s’improviser faiseurs de sandwichs pour de grandes chaînes de restauration rapide ?

Horaires contraignants, calendrier surchargé, stress au travail et dans les amphithéâtres… Le quotidien d’un étudiant salarié n’est pas un long fleuve tranquille, sans compter les absences répétées en cours pour cause de prise de service ou les négociations avec son employeur pour avoir le droit de quitter le travail plus tôt afin de plancher sur ses examens.

Certaines voix s’élèveront pour dédramatiser la situation : « Le temps passé à gagner sa vie, c’est simplement du temps de loisirs en moins, ça ne peut pas faire de mal ! » disent les uns, « en dessous de quinze heures par semaine, c’est supportable !», soutiennent les autres. J’ai également entendu certains, ici même, dire qu’ils en avaient fait autant étant jeunes et qu’ils s’en étaient bien sortis !

Pourtant, vous le savez, le temps qui n’est pas passé en cours, c’est du temps passé à travailler chez soi ou à la bibliothèque pour approfondir les cours ; le temps qui n’est pas passé à approfondir les cours, c’est du temps passé à les réviser ; le temps qui n’est pas passé à réviser, c’est du temps de repos ou de loisir nécessaire pour pouvoir recommencer le lendemain.

Il faut tordre le cou à cette idée saugrenue selon laquelle les étudiants auraient du temps à revendre, puisqu’ils ne sont en cours que vingt-cinq à trente heures par semaine. C’est la faiblesse du taux d’encadrement à l’université française, l’un des plus bas de tous les pays de l’OCDE, qui a poussé les équipes pédagogiques à faire du travail personnel une composante essentielle de la formation.

Pour en être convaincu, il suffit de tourner son regard du côté des filières qui n’ont pas été totalement délaissées par la collectivité. Les classes préparatoires, les BTS et les IUT sont autant de formations chronophages, inconciliables avec toute activité salariée. Or ce sont autant de cursus dont les portes se ferment d’office pour les étudiants obligés de concilier salariat et études, sans parler des concours et autres filières sélectives.

Les exigences n’y sont en général pas plus fortes. Le taux d’encadrement, en revanche, y est plus important et permet un meilleur suivi des étudiants. Il ne faut donc pas confondre le temps libre laissé aux étudiants avec le manque drastique de personnel enseignant et d’encadrement à l’université.

Alors que les étudiants salariés sont les premières victimes des contrats précaires, ils seront la main-d’œuvre prédestinée des patrons du dimanche. Il est grand temps que le Gouvernement tienne ses engagements en faveur de la jeunesse, en accordant un statut social aux étudiants de notre pays et en garantissant leur réussite grâce à l’instauration d’une allocation d’autonomie pour tous les jeunes, afin d’éviter la reproduction des inégalités sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’article 72 du projet de loi porte sur la création de zones touristiques internationales comportant une dérogation au repos dominical.

Je me demande pour ma part quelles sont les véritables raisons qui vous poussent à vouloir mettre en place ces zones touristiques. Je l’ai dit voilà quelques instants, il ne s’agit certainement pas d’une mesure tournée vers les salaires, qui n’ont toujours pas augmenté, ni vers les ménages, qui ont perdu 3, 3 % de leur pouvoir d’achat entre 2010 et 2013.

Le débat n’a pas porté sur toutes celles et tous ceux qui créent la richesse de notre pays, c’est-à-dire les salariés, mais sur les touristes, singulièrement sur les touristes chinois, dont j’ai appris, par la presse, qu’ils préféraient aller effectuer leurs achats à Londres, le dimanche, plutôt que de venir en France.

Ce qui est certain, c’est que cet argument est pour le moins fallacieux. Les touristes chinois ne peuvent tout simplement pas se rendre à Londres sur un simple coup de tête. Londres et le Royaume-Uni ne faisant pas partie de l’espace Schengen, il leur faudrait en effet un visa.

M. Roger Karoutchi rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Notre pays n’a pas besoin du travail du dimanche pour être la première destination touristique mondiale. Et si tous les touristes chinois se rendent en France, c’est aussi parce que les dimanches y sont agréables et qu’on peut y trouver une certaine tranquillité.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que ce projet de loi est destiné à encadrer les choses, et donc à protéger les salariés. Toutefois, nous constatons que ce texte, et notamment son article 72, vise à encadrer les dérogations, et donc à généraliser le travail du dimanche. Il s’agit donc d’une loi tendant à encadrer la généralisation du travail du dimanche.

En réalité, chacun le sait, cette mesure est destinée aux grandes enseignes, en particulier dans les domaines de l’hôtellerie et du luxe. Ainsi le Gouvernement se plie-t-il aux desiderata de ces multinationales.

La création de zones touristiques internationales n’a donc qu’un seul but : servir les intérêts particuliers de grands groupes, qui dictent leur volonté à court terme aux gouvernants de ce pays. Tout cela se fera au détriment non seulement de l’intérêt général, des familles, de celles et de ceux qui veulent passer du temps avec leurs proches le dimanche, mais aussi du pouvoir d’achat des ménages, des conditions de travail des salariés et des salaires.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, au nom de l’intérêt général du pays, supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je tiens à apporter deux précisions concernant le contour des futures ZTI, les zones touristiques internationales, créées à Paris par le présent article.

L’article 72 ne prévoit pas d’intégrer aux ZTI l’ensemble des grands magasins parisiens. Dans ces conditions, il convient d’être clair sur un point : la Samaritaine devra en faire partie, soit grâce à la création d’une ZTI ad hoc pour cette enseigne, soit par une intégration aux ZTI déjà prévues pour le BHV et les Halles. Il serait par exemple possible de créer une ZTI étendue « rue de Rivoli ».

De même, il est nécessaire que la future ZTI créée pour la rue du Faubourg-Saint-Honoré se poursuive jusqu’à l’église Saint-Roch, et ce afin d’assurer un juste traitement des différentes enseignes qui y sont établies.

Tout cela sera bien sûr précisé par décret. Toutefois, il convient que les travaux parlementaires mentionnent ces points.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Sincèrement, si même dans les zones touristiques internationales il est compliqué d’ouvrir les commerces le dimanche, mieux vaut fermer le pays !

J’ai entendu Mme Cohen nous dire que les touristes chinois ne peuvent de toute façon pas, une fois en France, se rendre sur un coup de tête au Royaume-Uni, car ce pays n’appartient pas à l’espace Schengen et qu’il faut donc un visa. Ne croyez-vous pas que cela suffit comme cela ? Sans compter qu’une motion vient d’être envoyée au gouvernement français affirmant que, pour des raisons de sécurité, la Chine et le Japon envisagent de ne plus recommander à leurs ressortissants de venir à Paris…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Pour le moment, rien n’est arrangé ! Les organisations touristiques asiatiques, à chaque fois que nous les rencontrons, nous font part de leurs grandes inquiétudes quant à la venue de leurs ressortissants à Paris.

Faites un tour dans les zones touristiques les plus fréquentées, par exemple dans les grands magasins, et vous verrez que le tourisme asiatique y représentera bientôt près de 50 % des achats !

Alors que nous sommes en concurrence avec Londres, où tout est ouvert le dimanche, comment peut-on continuer de dire que la fermeture des magasins parisiens ce jour-là ne pose pas un vrai problème ? Il fut un temps – c’était le cas quand j’étais étudiant – où tout était fermé le dimanche à Londres ! Aujourd'hui, tout y est ouvert, et c’est la même chose à Barcelone et à Moscou ! Toutes les capitales internationales ouvrent le dimanche, et Paris voudrait s’obstiner à ne pas ouvrir ses commerces, y compris dans les zones touristiques !

Alors que nous sommes candidats pour l’Exposition universelle de 2025 et les jeux Olympiques de 2024, nous continuons à envoyer les touristes chez nos voisins ! Savez-vous ce qui se passera, ma chère collègue ? Les touristes chinois, bien qu’il soit plus compliqué pour eux de se rendre au Royaume-Uni, qui n’appartient pas à l’espace Schengen, ne viendront plus à Paris ! Ils iront directement à Londres, à Barcelone… et ils passeront à la limite une journée à visiter les monuments à Paris, sans faire de shopping.

Et quand les grandes marques françaises, que nous défendons tant, ne vendront plus ou vendront moins parce que les touristes en provenance d’Asie et du reste du monde seront ailleurs, quand leurs ventes enregistreront des baisses de 20 % ou de 30 %, c’est l’emploi qui sera menacé.

Certes, je veux bien croire qu’il faille trouver des garanties et des assurances. Par pitié, ne condamnons pas Paris à une activité économique réduite, à une activité de musée. Essayons ensemble de faire en sorte qu’elle devienne une métropole-monde. Chacun n’a d’ailleurs que ces derniers termes à la bouche ! Dès que j’évoque la métropole du Grand Paris, on me chicane sur des stupidités, et on me dit que c’est la « ville-monde ». Et elle n’ouvrirait pas le dimanche dans les zones touristiques ?

Si l’on veut une ville-monde, si l’on veut une dynamique et une croissance économiques dans cette région capitale pour entraîner le pays, ouvrons les commerces le dimanche, par pitié !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 160 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.

L'amendement n° 475 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 781 est présenté par MM. Rachline et Ravier.

L'amendement n° 945 est présenté par M. Collombat.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 66.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’article 72 vise à créer, à côté des zones touristiques et des zones commerciales, une nouvelle catégorie, à savoir les zones touristiques internationales, où les commerces de vente au détail seront ouverts sept jours sur sept et jusqu’à minuit tous les jours.

La délimitation de ces zones n’est prévue à aucun moment, aucune étude d’impact n’étant par ailleurs requise.

C’est pourquoi il nous semble indispensable de définir précisément ce qui relève des ZTI, et surtout de préciser les contreparties pour les salariés.

(Mme Catherine Procaccia et M. Roger Karoutchi s’exclament.) Il y a quand même les monuments et les animations culturelles ! L’attractivité de Paris va donc bien au-delà de la question très limitative du commerce et n’est pas liée à l’achat de quelques souvenirs sur les Champs-Élysées.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

La création des zones touristiques internationales est censée répondre à l’affluence exceptionnelle de touristes, notamment ceux qui résident hors de France, et à l’importance de leurs achats. À cet égard, je rappelle tout de même que, si des touristes chinois ou japonais viennent en France, leur unique objectif n’est pas d’y faire des achats ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Je ne partage donc pas du tout ce qui a été dit. Vous êtes d’ailleurs sorti du sujet qui nous occupe, monsieur Karoutchi. Nous évoquons ici les zones touristiques internationales, caractérisées par le prestige et la renommée de certaines enseignes, lesquelles bénéficient – vous ne l’avez pas dit – d’une profitabilité importante.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Ainsi l’avenue des Champs-Élysées est-elle devenue, en 2013, la troisième artère la plus chère du monde…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

… – la misère n’est quand même pas un risque encouru dans ce genre de secteur à affluence touristique exceptionnelle… –, avec un prix de location annuel au mètre carré s’élevant à plus de 13 200 euros, qui a d’ailleurs bondi de presque 40 % en une année.

Dès lors que l’ouverture des commerces dans ces zones hyper profitables serait autorisée par la loi cinquante-deux dimanches par an et également pendant la période dite « de soirée », il serait nécessaire que la loi garantisse aux salariés un plancher de droits et de contreparties à la hauteur des bénéfices escomptés par les entreprises.

Telles sont les raisons pour lesquelles il convient à notre avis de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je plaide aussi en faveur de la suppression de cet article, et ce pour deux raisons.

Premièrement, il existe déjà des zones touristiques. Dès lors, pourquoi créer des zones touristiques internationales ? Il s’agit tout d’abord de contourner l’avis des collectivités locales et, en l’occurrence, celui du Conseil de Paris. Je considère que, dans un pays décentralisé, les élus d’un territoire sont plus à même que les services de Bercy d’évaluer ce qui est bon pour le rayonnement touristique de ce territoire !

Ainsi notre collègue Olivier Cadic a-t-il déposé un amendement visant à faire bénéficier la Samaritaine, en plus des Galeries Lafayette, d’un tel dispositif. Ensuite, on se demandera pourquoi un centre commercial situé en périphérie ne pourrait pas également y être éligible. Par exemple, pourquoi Aubervilliers serait-il exclu, alors que la ville est contiguë à Paris ? De fil en aiguille, aucun schéma ne définira un équilibre territorial en matière de zones touristiques, lesquelles peuvent avoir besoin d’un soutien particulier ou de dérogations spécifiques.

Deuxièmement, les dispositions dont il est question visent à élargir le travail dit « de soirée » : on ne parlera plus de travail de nuit, alors que les salariés pourront travailler jusqu’à minuit.

Selon moi, ces conditions seront extrêmement préjudiciables aux salariés concernés et n’amélioreront pas les chiffres d’affaires des entreprises ni l’attractivité de la ville.

Dans les grands magasins, aux Galeries Lafayette ou à la Samaritaine, les employés sont massivement des femmes, qui habitent le plus souvent en banlieue. Leur retour chez elle, à minuit, par le RER, dans des conditions qui ne seront pas forcément vécues comme très sécurisantes, risque de ne pas être très plaisant. Et quelle sera leur vie de famille ? Je le rappelle, dans ces milieux, de nombreuses femmes élèvent seules leurs enfants.

Dernier point, M. Roger Karoutchi a raison : nous devons réfléchir à l’attractivité de nos territoires. Mais évoquons les vrais sujets. Oui, la question de la sécurité est un vrai sujet, tout comme celle de l’accueil dans les aéroports, tel Roissy.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si, déjà, on s’attaquait à ces vrais sujets-là, pour rendre plus attractif encore notre pays, qui reste fort heureusement – et pourvu que cela dure –, l’un des premiers lieux touristiques mondiaux ! L’ouverture des magasins le dimanche n’est pas déterminante à cet égard, et j’en veux pour preuve les études réalisées à la demande de la ville de Paris. Les tour-opérateurs contactés ont ainsi indiqué que la durée des séjours des touristes étrangers était au minimum de quatre jours à Paris. La plupart du temps, les touristes restent même cinq ou six jours.

Marques de dénégation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Des visites de musées, de lieux particuliers et de grands magasins sont toujours programmées. Les visites de musées peuvent être prévues le dimanche, et les achats peuvent être réalisés le jour de fermeture des musées !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Pourquoi ne ferme-t-on pas les musées le dimanche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 475.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous pourrons discuter un jour des bienfaits du tourisme, mais aussi de ses méfaits, qui existent également.

Au demeurant, je ne consacrerai pas mon temps de parole à cette question et me contenterai de rappeler les loyers élevés, obligeant les gens à se loger loin de leur lieu de travail, ainsi que les effets sur la consommation. Finalement, les habitants de ces territoires ne s’y retrouvent pas toujours. Un équilibre doit donc être trouvé en matière de tourisme.

Mme Marie-Noëlle Lienemann a raison, le concept de zones touristiques existe déjà. Je pense notamment aux communes d’intérêt touristique ou thermales, ainsi qu’aux zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Avec cet article 72, il s’agit de réaliser quelque chose de nouveau, de plus général et de plus facile à mettre en place.

L’article 72 du projet de loi prévoit la création de zones touristiques internationales permettant de déroger à la règle du repos dominical. Il est prévu que ces zones soient mises en place par arrêté des ministres compétents, à savoir les ministres chargés du travail, du commerce et du tourisme, après simple avis du maire, de l’intercommunalité et des syndicats intéressés, selon des conditions renvoyées à un décret futur.

Concrètement, ces zones seront celles que les touristes étrangers visitent en grand nombre – Aubervilliers en fait peut-être partie ! – et qui disposent d’une offre commerciale importante. L’argument justifiant la création de ces zones est le suivant : si les magasins n’ouvrent pas, les touristes chinois, japonais et américains, qui viennent dans notre pays pour faire du shopping, iront faire leurs achats ailleurs.

M. Roger Karoutchi proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Concernant le périmètre de ces zones, il est aujourd’hui prévu qu’elles soient déployées sur certains quartiers de Paris – boulevard Haussmann, avenue des Champs-Élysées, rue du Faubourg Saint-Honoré... –, de Deauville, de Cannes et de Nice. Mais qu’en est-il des commerces implantés juste en dehors de ces zones ? Les touristes ne sont pas tous enfermés dans des circuits, ils se promènent dans les rues adjacentes, et les commerçants pourront invoquer le fait qu’ils se situent dans une zone frontalière et subissent une concurrence déloyale, comme l’ont dit MM. Bouvard et Cadic. Ils demanderont alors l’extension de ces zones.

Et quand tout Paris sera couvert, les communes voisines, comme Pantin ou Aubervilliers, demanderont à bénéficier de ce régime, puisqu’elles reçoivent aussi des touristes. §Mais si, nous savons très bien que c’est la logique qui finira par s’imposer !

En résumé, nous risquons de voir, à terme, la majeure partie du territoire parisien et des grandes villes touristiques passer sous le régime des zones touristiques internationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Avec cet article 72, il nous est proposé de transformer nos villes et nos lieux de tourisme en gigantesques centres commerciaux à ciel ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Tel n’est pas le souhait des écologistes, et c’est pourquoi ces derniers proposent de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 781 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 945.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Pour faire simple, un problème d’attractivité se pose effectivement pour la ville-capitale, voire la ville-monde. Pourtant, si l’on en croit une étude assez récente de la chambre de commerce et d’industrie, il semblerait que le problème soit plutôt dû à la fuite des centres de décision…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… qu’à l’attractivité touristique, puisque nous pouvons nous enorgueillir du fait que notre capitale soit l’une des destinations touristiques les plus prisées au monde.

Si ces touristes souhaitent vraiment faire du shopping, je pense qu’ils feraient mieux d’aller au Qatar ou dans les pays du Golfe : ils pourront y acheter tout ce qu’ils voudront à des prix absolument imbattables !

Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, à trop vouloir prouver, on ne prouve rien ! À la limite, vous craignez que les touristes ne viennent plus qu’une journée à Paris pour ne voir que les monuments. Au contraire, si les commerces sont fermés le dimanche, les touristes peuvent visiter les musées ce jour-là et faire leur shopping le samedi ! C’est ce que je fais quand je voyage : je commence par regarder quand les monuments, les musées et les commerces sont ouverts, et je m’organise ensuite.

Pour justifier l’adoption de cette mesure, on nous dit que la durée moyenne d’un séjour est de quatre jours. En tout cas, même avec un séjour de deux jours, les touristes pourront faire leurs achats en dehors du dimanche !

Enfin, ce n’est pas parce qu’il y aura plus de zones touristiques que les gens auront plus d’argent à dépenser.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Il s’agit d’attirer les touristes ! On ne parle pas des Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tout à fait ! Je le répète : ce n’est pas parce qu’il y aura plus de zones touristiques que les touristes auront plus d’argent à dépenser !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

La commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques. En effet, elle soutient la création des zones touristiques internationales qui contribuent à l’attractivité internationale de la France, et de Paris en particulier, puisque cette ville est la plus concernée.

S’il existe déjà des zones touristiques ou des zones commerciales soumises à la décision du maire, il nous semble important que, dans certaines zones, la décision de création puisse être prise au niveau national. Nous aurons d’autres débats sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Permettez-moi d’expliquer rapidement ce qu’il entend faire dans ce domaine.

Tout d’abord, le statut des zones touristiques internationales se distingue du statut des zones touristiques classiques. En effet, il concerne tout d’abord le travail en soirée, en prévoyant un niveau de compensation supérieur à celui qui existe actuellement pour le travail de nuit dans la plupart des branches – j’attire votre attention sur ce point – et en créant des éléments de contraintes à l’égard des employeurs pour la reconduite à domicile des salariés, y compris avec des compensations matérielles. Il s’agit là d’éléments de protection forts. En ce qui concerne le travail dominical, ensuite, des éléments de compensation sont également prévus.

Ce régime des zones touristiques internationales concerne des zones géographiques extrêmement limitées dans l’espace : principalement trois villes. On ne peut donc pas dire que notre modèle social se trouve soudain bousculé ni que cette réforme touche la totalité de notre territoire. Seules sont concernées quelques rues de Paris, où se trouvent des grands magasins connus que je pourrais vous citer – j’ai déjà eu l’occasion de le faire et je peux recommencer si vous le souhaitez… – et une partie de Nice et de Deauville.

Ces zones touristiques internationales sont déterminées par rapport à un potentiel clairement identifié qui dépend du flux de touristes et des montants dépensés, en accordant une attention particulière aux achats bénéficiant de la détaxe.

Il me semble donc que l’ouverture de ces commerces en soirée et le dimanche permettra une réelle création de valeur ajoutée. En effet, il s’agit non pas de la zone de chalandise locale qui ne reçoit jamais aucun touriste étranger – nous en reparlerons peut-être tout à l’heure en évoquant les zones commerciales ou les dimanches du maire –, mais de zones qui accueillent massivement des touristes étrangers.

En ce qui concerne le nombre de touristes étrangers, d’autres zones pourraient bénéficier demain de cette mesure, et il faudra en discuter – je sais que cette question reste très sensible, et d’autres amendements seront discutés tout à l’heure à ce propos. Quoi qu’il en soit, nous savons pertinemment que, dans les zones aujourd’hui déterminées, il y a un afflux de touristes étrangers qui viennent en France non pas pour dépenser dans les grands magasins – vous avez raison de le dire –, mais pour visiter le patrimoine. Or les statistiques montrent bien que la France est l’un des pays tirant le moins profit du tourisme des étrangers : c’est une réalité commerciale, économique ! La question qui se pose est donc de savoir comment donner la possibilité de dépenser leur argent à des touristes qui viennent pour des raisons culturelles.

Si nous comparons notre situation avec celle de pays comme l’Italie, le Royaume-Uni, les États-Unis, nous sommes parmi les moins bons pour ce qui est de tirer profit de l’afflux de touristes, …

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

… notamment si l’on se penche sur le montant moyen dépensé par touriste. C’est cette faiblesse que nous voulons corriger en vous proposant cette mesure.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

On pourrait en trouver d’autres pour améliorer le système, mais, en l’espèce, si le magasin est fermé, il peut toujours baisser les prix ou offrir des produits de meilleure qualité, le touriste n’a pas la possibilité d’acheter. La finalité des ZTI est donc de permettre aux touristes étrangers d’acheter.

J’en viens enfin à la situation des étudiants, puisqu’elle a été évoquée – je pense que cette problématique est d’ailleurs transversale à toute la discussion que nous avons. J’entends évoquer de manière récurrente la question du recours au travail par les jeunes. Si l’on examine les statistiques disponibles – vous les avez d’ailleurs rappelées –, on constate que le travail des étudiants contribue de manière importante à éviter leur paupérisation. Faut-il s’en réjouir ou non ? Il n’en demeure pas moins que c’est un fait !

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Parfois même, le travail des étudiants permet à ces derniers d’accéder à un emploi après la fin de leurs études. Il ne faut jamais oublier, somme toute, que l’on fait des études pour s’émanciper de sa condition, apprendre des choses, évoluer dans la vie, mais aussi pour avoir un travail.

Une chose est sûre, madame la sénatrice, le travail du dimanche est bien meilleur pour les résultats des étudiants que le travail pendant les heures de cours. En effet, la principale cause de l’échec étudiant est due à l’obligation, pour certains étudiants, de travailler pour assurer leur quotidien et, du coup, de travailler pendant leurs heures d’études. Ces étudiants préfèrent donc travailler en soirée, ce qui est déjà moins bon, et pendant le week-end…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ils préféreraient surtout ne pas être obligés de travailler et avoir un statut d’autonomie !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Interrogez les étudiants qui sont dans cette situation, et vous verrez qu’ils préfèrent travailler le samedi et le dimanche, avec des majorations et les compensations telles qu’elles sont prévues dans ce texte, plutôt que de travailler pendant leurs heures de cours sans majoration !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Voilà ce que je souhaitais rappeler au sujet du contexte dans lequel s’inscrivent ces zones touristiques internationales. Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le groupe socialiste votera contre ces amendements de suppression.

Revenons-en à la réalité, c’est-à-dire à l’innovation que représentent les zones touristiques internationales. Nos collègues députés ont précisé, par voie d’amendement, la nature de ces zones touristiques internationales, à ne pas confondre avec les nombreuses autres zones touristiques qui existent dans notre pays. Ils ont retenu trois critères : le rayonnement international, qui peut être apprécié objectivement, l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers et l’importance de leurs achats – M. le ministre vient d’y faire référence. Grâce à ces critères, on peut savoir exactement ce qu’est une zone touristique internationale et ce qui la distingue des autres zones touristiques.

Je voudrais rappeler à nos collègues que, s’il est vrai que la France accueille beaucoup de touristes – avec 80 millions de touristes par an, nous sommes les champions du monde –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… du point de vue des recettes, nous sommes derrière l’Espagne, parce que nous n’avons pas la capacité de retenir nos touristes. Circulez dans certains quartiers de la capitale ou de grandes villes attractives le dimanche, c’est un désert !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je ne veux pas faire de publicité pour tel ou tel magasin, mais si votre projet de loi est adopté tel quel, monsieur le ministre, l’État va devoir définir des périmètres importants ! On peut encore discuter de l’avis du maire et de la consultation du conseil municipal – nous allons le faire, du reste, les élus parisiens sont là et vont s’en charger, et leurs demandes sont sans doute légitimes.

Tout à l’heure, une enseigne a été citée : la Samaritaine – c’est M. Cadic qui a commencé le bal. Ce projet est encalminé depuis dix ans ! Je pense qu’une zone touristique internationale serait justifiée dans ce quartier.

Enfin, je vais défendre l’industrie du luxe, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. … notamment les entreprises présentes au sein du comité Colbert. Grâce à elles, les résultats de notre commerce extérieur sont moins mauvais qu’ils ne pourraient l’être. En même temps, ces groupes créent des emplois en France, sinon ils ne font pas partie du comité !

M. Michel Bouvard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je ne veux pas faire de publicité pour un grand groupe qui se reconnaîtra, mais je tiens à rappeler qu’il a recréé des ateliers permettant à un savoir-faire français qui s’était perdu de retrouver du dynamisme, dans une région que je connais bien, appelée à devenir la grande Aquitaine, dans des départements comme la Dordogne ou la Charente. Il a ainsi créé des emplois…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous devons penser à la nature du projet de loi que nous examinons : c’est un texte de portée économique. La France pourrait sans doute être un peu plus attractive et créer des emplois et de la croissance.

En moyenne, la durée de séjour des touristes n’est pas supérieure à trois jours : nous perdons donc une clientèle. Nous n’avons pas la capacité de retenir, le week-end et le dimanche, le tourisme d’affaires, qui est le plus lucratif. Si nous pouvons le faire dans les grandes villes de renom international, nous devons le faire, et c’est l’objet même de la création de ces zones touristiques internationales.

Il faut aussi reparler de la compensation salariale, à laquelle nous tenons énormément. Nous aurons la possibilité d’échanger sur ce point, et vous verrez que ce projet de loi ne représente pas une régression et qu’il pourrait même avoir un effet d’entraînement. Je me souviens du temps où la signature d’un accord collectif à la régie Renault avait des répercussions dans l’ensemble de l’économie française. Les accords signés dans ces zones touristiques internationales pourront entraîner des mouvements ailleurs. Dans la compétition internationale, il faut avoir des bannières, et ces zones touristiques peuvent jouer ce rôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, je ne peux pas laisser dire que la solution au problème économique des étudiants passe par le travail du dimanche !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Je n’ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Si, vous l’avez dit !

Je ne peux pas accepter une telle affirmation de la part d’un ministre d’un gouvernement de gauche. J’en déduis que, si vous êtes ministre, vous n’êtes pas ministre d’un gouvernement de gauche !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

On peut être de gauche ou de droite mais il faut au moins être rigoureux quand on écoute les gens, monsieur le sénateur ! Je n’ai pas dit cela, j’ai simplement dit que quand on s’indigne du travail des étudiants le dimanche, il faut d’abord s’indigner du travail des étudiants pendant leurs heures de cours.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

C’est une chose, mais on préfère des étudiants qui travaillent que des étudiants pauvres.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Quant à votre dernière remarque, je n’entrerai pas dans votre jeu. Il y a eu un grand Président de la République qu’on a très longtemps accusé de ne pas être socialiste : il s’appelait François Mitterrand.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Non, on ne l’a jamais accusé de ne pas être socialiste !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

Il n’y a personne qui donne de brevet de socialisme ! À la fin des fins, c’est le peuple qui en décide, ce n’est ni l’un ni l’autre !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce que j’essaie de dire, c’est que le socialisme, ce n’est pas l’idée d’un certain patrimoine que quelques-uns détiendraient.

Applaudissementssur la plupart des travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Avoir pour objectif de faire travailler des étudiants : c’est cela un gouvernement de gauche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Aujourd'hui, après des années de croissance et de progrès, comme le rappelait Dominique Watrin, les dérogations au repos dominical sont si nombreuses que 30 % des Françaises et Français déclarent travailler régulièrement ou occasionnellement le dimanche.

Si le travail du dimanche se justifie notamment pour la continuité de certains de nos services publics, comme la SNCF, pour prendre un exemple que je connais bien, d’autres dérogations, particulièrement celles qui se pratiquent dans le commerce, se traduisent surtout par la spirale infernale dans laquelle elles nous entraînent, aboutissant à la mise en cause du repos dominical. Cela a été rappelé tout à l’heure, la loi Mallié était d'ailleurs déjà allée dans ce sens pour couvrir des ouvertures non autorisées que l’on a petit à petit légalisées.

Aujourd’hui, il nous est proposé un nouveau type de dérogation, définie sur un critère géographique : les zones touristiques internationales.

Ces zones seront délimitées par un travail interministériel, le maire et les autorités locales n’ayant qu’un rôle consultatif. En effet, dans l’article 71 comme dans l’article 72, on ne parle que d’avis, y compris pour les organisations salariales. Comme l’accord n’est pas nécessaire, comme il ne s’agit que d’un avis, cela veut dire qu’on peut passer outre. §Je le vis assez régulièrement en tant que maire dans les débats : si sont recueillis les avis d’un certain nombre d’organisations salariales, ces avis ne représentent pas obligatoirement la position de la totalité des syndicats représentés dans le secteur concerné. De toute façon, à partir du moment où l’accord n’est pas exigé, on peut déroger à l’avis qui a été émis.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous vivons une période où malheureusement notre démocratie aurait besoin d’être revivifiée. Si l’on veut que notre démocratie vive véritablement mieux, il me paraît important d’aller au-delà du rôle consultatif.

Les zones touristiques internationales sont définies à partir de critères que notre collègue Nicole Bricq trouve précis. J’avoue ne pas en être convaincue car je me demande comment l’on peut estimer le rayonnement international. Quel est le seuil de nationalités de touristes représentées pour affirmer que le tourisme revêt réellement un caractère international ?

Autres critères, « l’affluence exceptionnelle de touristes » et « l’importance de leurs achats ». Là aussi, y a-t-il un nombre à partir duquel on va considérer que l’ouverture des magasins le dimanche est justifiée ? Pour le moment, c’est tout de même encore flou !

Sur le sujet d’ensemble de l’ouverture des magasins le dimanche, on nous parle toujours, outre de l’attrait touristique, de la création d’emplois. Demande-t-on aux employeurs, en contrepartie de la possibilité qui leur est donnée d’ouvrir le dimanche, de s’engager en termes de création d’emplois ?

La part du chiffre d’affaires de l’activité touristique liée au commerce de détail est estimée à 5, 8 milliards d’euros, ce qui doit engendrer à peu près 18 000 emplois. Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre d’emplois créés dans ce secteur précis grâce à l’ouverture des magasins un jour supplémentaire ? Nous aimerions également savoir combien d’emplois seraient supprimés dans d’autres secteurs d’activités. Rappelez-vous qu’il n’a pas suffi au magasin Virgin des Champs-Élysées d’ouvrir sept jours sur sept jusqu’à minuit pour maintenir son activité !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous sommes, me semble-t-il, en droit de nous poser de véritables questions sur la capacité de ce texte à nous ouvrir d’autres possibilités de développer l’emploi. D’autant que, nous l’avons rappelé tout à l’heure, le principe de concurrence déloyale sera très présent par rapport aux périphéries de ces secteurs.

Je terminerai, monsieur le ministre, par une question. Nicole Bricq l’a souligné il y a quelques instants, s’agissant des zones touristiques, les contreparties ne concerneraient pas que les salariés du commerce. Est-ce à dire que dans des secteurs tels que l’hôtellerie-restauration, cette idée du principe du repos compensateur et du doublement de la rémunération s’appliquerait également ? Rien ne nous a été dit sur ce sujet.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cette intervention vaudra explication sur l’ensemble des votes que j’ai l’occasion d’émettre sur ce débat relatif au travail du dimanche. J’ai choisi de m’abstenir sur les propositions du Gouvernement, comme, d'ailleurs, sur celles qui visent à supprimer ces dispositifs.

Pourquoi ? Pas tellement en raison du contenu même du texte. À la différence de certains de mes collègues qui expriment ici un très vif enthousiasme contre ce texte dans lequel ils voient des reculs considérables, j’ai tendance à ne voir, quant à moi, qu’un texte au fond assez modeste et qui ne mérite pas peut-être ces emportements.

Ce qui me gêne dans ce projet de loi, c’est moins son contenu que les arguments avancés pour le défendre, et là, je suis un peu dans l’embarras. Je reprendrai ce que disait tout à l’heure mon collègue Collombat, qui a réagi avec la passion qu’on lui connaît lorsque le mot « gauche » a été évoqué.

« La gauche », on peut évidemment en avoir des définitions très variables. Je suis persuadé que sur ces travées, pour ceux en tout cas qui s’y reconnaissent, nous pourrions tous en donner des définitions différentes, mais nous avons tous le sentiment qu’elle se reconnaît néanmoins à certains éléments de repère, à certaines références.

Je prendrai un exemple sur l’argument qui a été évoqué ici au sujet de la durée du travail. Cet argument, j’avais coutume de l’entendre par le passé sur d’autres travées et venant d’un autre gouvernement qui nous expliquait qu’il fallait que les Français travaillent plus longtemps. S’il faut travailler le dimanche, c’est pour travailler plus longtemps et c’est par ce travail plus long que les Français amélioreront leur pouvoir d’achat. Cet argument, je l’ai entendu tant de fois !

Or, nous le savons, ce dont notre pays a besoin, c’est d’avoir plus de gens qui travaillent. §Et en voyant le chômage augmenter, on peut se demander si le travail du dimanche est une véritable réponse. En tout cas, c’est une réponse que la gauche peut proposer de manière sérieuse.

Lorsqu’on entend dire que le travail du dimanche va permettre d’apporter des réponses aux questions sur le pouvoir d’achat, on peut aussi se demander en quoi la gauche travaille aujourd'hui pour améliorer la qualification de nos emplois. En effet, ce que l’on sait, et nous l’avons dit pendant dix ans dans l’opposition, c’est que la faiblesse de ce pays, c’est non d’avoir trop d’emplois peu qualifiés, c’est de ne pas avoir assez d’emplois qualifiés. Cela demande de faire une véritable réforme de la formation et d’accompagner l’évolution du pouvoir d’achat par l’amélioration des qualifications. Ces réformes, elles ne sont pas à l’ordre du jour. Je ne suis même pas sûr qu’on les ait envisagées.

Quand j’entends la gauche, ou une partie de la gauche – je ne sais pas en quoi elle se définit – nous dire que c’est la liberté qui doit primer sur le terrain du droit du travail, là encore, je ne m’y reconnais plus ! La gauche, c’est sans doute la négociation, ce sont les références à un droit du travail qui protège, mais c’est l’idée qu’on s’appuie d’abord sur les syndicats et le dialogue social, en amont, et pas en aval, de la démarche.

Nous nous sommes battus pendant des années à l’Assemblée nationale et au Sénat contre des dispositions visant à augmenter, au nom de la liberté, les quotas d’heures supplémentaires, tout comme on nous disait qu’il fallait, au nom de la liberté, travailler plus pour gagner plus. Cette liberté, on sait qu’elle n’est pas juste et que, par conséquent, elle ne peut pas incarner la gauche.

Monsieur le ministre, vous avez fait référence tout à l’heure – et j’en ai été extrêmement heureux – à François Mitterrand, pour dire qu’on lui a reproché longtemps de ne pas être socialiste. Je ne sais pas si ce procès était justifié, je ne sais pas s’il a été conduit longtemps, mais ce que je sais, c’est que François Mitterrand avait un double souci.

Il avait ce souci, qui vous anime sans doute et qui anime le Président de la République aujourd'hui, de la modernisation de notre économie et de la société, souci parfaitement légitime. Mais il avait aussi le souci, qui vous manque aujourd'hui, d’associer à ce souci de modernisation un souci de justice. François Mitterrand, c’est sans doute l’homme qui a dû régler la question de la sidérurgie, c’est l’homme qui, avec Jacques Delors, a mis un terme à l’indexation des salaires sur les prix – on pouvait en discuter –, des décisions difficiles et fortes à l’époque, mais c’est aussi l’homme qui a su faire la cinquième semaine de congés payés, la retraite à soixante ans et qui a enclenché d’autres réformes.

Ce qui manque malheureusement dans votre démarche, monsieur le ministre, et dans la démarche de ce gouvernement, c’est que l’on voit ce qu’il a de libéral, mais on ne voit pas ce qu’il a de social ; on voit en quoi il veut moderniser, on ne voit pas en quoi il veut favoriser la justice.

S’il y avait un reproche que l’on puisse vous faire, monsieur le ministre, indépendamment de toute autre considération, c’est que, au fond, vous ne regardez pas ce qu’est ce pays, et cette gauche, qui a besoin, pour s’y retrouver, sans doute de pragmatisme mais aussi de conviction et d’idéal.

Et la conviction et l’idéal, ce ne sont pas simplement des déclarations dans un texte comme celui-ci. Cela se traduit de manière forte par des réformes d’ensemble qui font avancer notre société dans l’esprit de la justice, pas simplement par des coups de menton en disant vouloir faire bouger les choses parce qu’il y a des résistances. Bouger, ce n’est pas changer ! Changer, ce n’est pas forcément réformer ! Changer et réformer, c’est mener du même mouvement un progrès économique et un progrès social !

Aujourd'hui, nous avons du chômage, un déficit de nos comptes extérieurs, une incertitude sur l’avenir de notre industrie. Je prends l’exemple de l’industrie de la construction dans la Nièvre : depuis quatre ans, 40 % des emplois ont été supprimés dans ce secteur. Où est la justice pour les salariés de ces petites entreprises ? Où est la justice pour ces territoires ? Où est la gauche, monsieur le ministre ?

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC. – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean Desessard applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

On n’est pas à un congrès du parti socialiste ! Vous réglerez vos affaires en juin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Dans le débat qui a lieu ici au Sénat, organisé afin de nous laisser beaucoup de temps pour échanger, évoquer chaque point du texte et discuter en détail de chaque amendement et article, je trouve, je vous le dis très franchement, que certains viennent semer quelque confusion en mélangeant plusieurs questions.

La question du travail du dimanche en général est une vraie question politique. Elle concerne la société, le vivre-ensemble. Aujourd’hui, on ne peut pas défendre sérieusement le fait que cette loi remet en cause cette exception qu’est la traditionnelle sanctuarisation du repos du dimanche, élément important pour notre société. Ce dont il s’agit de discuter aujourd’hui, ce sont des exceptions, des dérogations, ce dont il s’agit, c’est d’encadrer les dérogations dans une société qui a vécu avant ce texte et qui continuera par la suite.

Avant cette discussion, le travail du dimanche donnait déjà lieu à des dérogations, un petit peu dans l’anarchie, et il existait donc un manque d’encadrement. En effet, quand on ne légifère pas à temps sur des phénomènes de société, des évolutions ou des particularismes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ce sont les tribunaux qui décident à la place du Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. … on laisse s’installer sur le terrain les rapports de force et le rapport de force économique s’impose dans la société, et donc les choses se font sans aucune régulation. J’estime que cette loi apporte des régulations là où il n’y en avait pas. Et on ne peut pas parler de régression quand elle ouvre, au contraire, des possibilités, notamment en prévoyant des accords majoritaires.

Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tous les autres débats sont légitimes, notamment pour savoir si les encadrements et dérogations sont suffisants. Mais il serait faux – personne ne peut être convaincu de cela ! – de laisser croire que c’est un débat de civilisation qui se déroule ici, au seul motif de justifier le refus d’entrer dans le débat, de préciser et d’amender le texte. On essaye de caricaturer, ce qui n’aide en rien !

Et puis, on confond ce qui est effectivement le débat interne à un certain nombre de partis, au mien, en tout cas, et ce qui est en jeu dans cet hémicycle §où il y a une gauche et une droite. Tous les débats montrent que la droite n’est pas d’accord avec cette loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ce n’est pas vrai ! Nous l’avons beaucoup améliorée !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. … et ce n’est donc pas une loi de droite, sinon, je pense qu’elle serait pour et elle veut justement autre chose que la régulation.

Exclamations sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Où est la République dans tout cela ? Droite, gauche, on s’en fout ! La République, ce n’est pas la gauche, ce n’est pas la droite !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

D’ailleurs, je ne me suis pas beaucoup exprimé : il me reste en effet deux minutes de temps de parole.

Je veux ensuite dire à ma collègue Mme Marie-Noëlle Lienemann qu’une fois ce préalable posé, il ne faut pas le mélanger avec un point qui va venir en discussion et qui concerne les conditions pour déterminer les zones touristiques.

Pour moi, il est une évidence que j’ai déjà défendue et que je défendrai de nouveau cet après-midi : on ne peut pas admettre de s’asseoir sur l’avis d’un maire ! Je le dis d’autant plus fort que nous sommes au Sénat ! Et je m’adresse à l’ensemble de mes collègues : nous sommes aussi une chambre de représentation des territoires, on ne doit pas s’asseoir sur le pouvoir des élus locaux !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et je le dis, à Paris, il est évident que cela a des conséquences. Les zones touristiques revêtent bien entendu une dimension nationale. Il faut donc que l’État soit là et fasse la proposition, mais, selon moi, l’avis conforme est complètement légitime.

Encore une fois, l’avis conforme du maire est totalement légitime, compte tenu des conséquences pour la commune des décisions relevant du pouvoir propre du maire, par exemple les mesures prises en matière de sécurité, mais surtout de propreté, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… ou la définition du plan local d’urbanisme.

Ne pas prévoir que l’avis du maire doit être conforme signifierait que l’on peut s’asseoir dessus !

Nous aurons ce débat ultérieurement, et il ne faut pas le confondre avec celui, général, que nous avons en ce moment sur les zones touristiques.

Par mon intervention, je souhaitais également prévenir que, cet après-midi, nous demanderons à cet égard des précisions et quelques garanties supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je veux revenir sur les propos du ministre relatifs au travail du dimanche des étudiants et lui apporter tout mon soutien. Il était très important qu’il fasse ce rappel.

Mieux vaut, en effet, que les étudiants travaillent le dimanche plutôt que pendant les heures de cours. Pour beaucoup de personnes, cela semble une évidence.

Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je tiens aussi à dire, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas aussi isolé qu’il y paraît. On entend, en effet, toujours les mêmes...

M. Roger Karoutchi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Avec les zones touristiques internationales, nous ouvrons la voie, pour l’avenir, à un amendement de simplification fort : la France dans son ensemble devra être une zone touristique internationale, de façon à pouvoir lutter à armes égales avec d’autres grands pays. Ces derniers se font fort, en effet, de récupérer ces touristes dont nous ne voulons pas, puisque nous refusons de leur ouvrir nos commerces et de leur permettre de faire des achats tandis qu’ils visitent notre pays.

J’ai l’impression, en écoutant certains de mes collègues, qu’ils sont les représentants d’une culture politique en voie d’extinction, en quelque sorte les derniers dinosaures, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

... qui veulent faire de notre pays une sorte de Jurassic Park. Or telle n’est vraiment pas l’image que nous voulons en donner !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard.Jurassic Park, c’est comme un musée, ça se visite !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Il est dommage que ce débat sur l’économie touristique de notre pays – véritable sujet économique, qui mériterait une discussion de bien plus grande ampleur ! – soit posé uniquement à travers le prisme de l’industrie du luxe et du travail du dimanche.

Je reconnais que le secteur du luxe est en forte expansion, ce qui suscite de nombreuses réactions et attise bien des convoitises. Mais pourquoi connaît-il une telle croissance ? Parce que le nombre de riches augmente et que les riches sont de plus en plus riches, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ce sont des touristes, pas des Français ! Tant mieux si les Chinois sont plus riches !

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

… et ils ont donc beaucoup d’argent à dépenser dans les produits de luxe. Voilà pourquoi nous abordons ce sujet aujourd’hui !

Il est vrai que l’industrie du luxe est un atout pour notre pays et qu’elle contribue à son attractivité. Prenons garde, cependant, à ne pas perdre de vue nos responsabilités !

J’en viens au débat inépuisable, et que je connais bien, sur le rapport entre le nombre de touristes accueillis et le niveau de nos recettes touristiques.

Il faut tout de même rappeler que notre pays se classe au troisième rang en termes de recettes touristiques. Ce n’est pas négligeable...

Il y a un fait que l’on ne pourra jamais changer : la France étant située au carrefour de l’Europe, nombre de touristes ne font qu’y passer §ou n’y restent pas longtemps, parfois une seule nuit, contrairement à ce que nous souhaiterions.

On ne va pas demander à un touriste néerlandais qui traverse la France pour se rendre en Espagne de rester plus longtemps dans notre pays ! Nous connaîtrons donc toujours un déficit de recettes à cause de notre situation géographique.

Il est dommage, j’y insiste, d’aborder ce débat sur l’économie touristique à travers l’unique prisme du luxe et du travail du dimanche, car il y a bien d’autres moyens d’améliorer nos recettes touristiques et – cet argument a aussi été évoqué – d’augmenter l’emploi dans ce secteur.

Nous ne devons en effet pas oublier que, sur notre territoire, tous les touristes ne sont pas des étrangers.

Mme Nicole Bricq opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

N’oublions pas, pourtant, que 80 % des Français choisissent aussi la France comme destination touristique : c’est exceptionnel !

Notre pays est l’un des seuls d’Europe que les touristes nationaux choisissent majoritairement pour passer leurs vacances. Or j’attire votre attention sur la baisse de ce chiffre, dans la mesure où le nombre de Français qui peuvent partir en vacances est aujourd’hui en nette diminution.

Si nous abordions la question de l’économie touristique sous cet angle, nous pourrions identifier d’autres moyens d’accroître les recettes touristiques de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Sur la question du travail des étudiants, on marche sur la tête !

J’entends des élus, des sénateurs, dire dans cet hémicycle que mieux vaut pour les étudiants travailler le dimanche plutôt que pendant les heures de cours. J’ignore si le présent débat fait la part belle aux dinosaures, mais je sais, en revanche, que de tels propos sont tenus par des réactionnaires ! §Pourquoi dis-je cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cela n’a jamais tué personne de travailler pendant ses études !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Laissez-moi parler, ma chère collègue ! Si vous vous sentez visée, c’est votre problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La question qui nous est posée est importante : hélas ! de plus en plus nombreux sont les étudiants conduits à trouver des petits boulots…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… parce qu’il est difficile de se nourrir, de se loger, et parce que leurs familles ne peuvent pas suivre ! Ces jeunes ont, du coup, beaucoup de mal à suivre un cursus normal.

Par ailleurs, tous les étudiants ne sont pas à égalité, car tous ne sont pas obligés de travailler

Mme Nicole Bricq opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le groupe CRC fait partie – en cela, il est moderne ! – de ceux qui veulent l’égalité pour toutes et tous, mais par le haut, et non par le bas ! Il ne s’agit pas, selon nous, de faire « trimer » quelques-uns…

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… au profit d’une minorité de plus en plus aisée. Il faudrait remettre ce débat à l’endroit !

Enfin, lorsque Nicole Bricq dit qu’elle veut défendre l’industrie du luxe, j’adhère à son propos.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je ferai cependant deux remarques.

Rosa Luxemburg disait, et je fais miens ses propos

M. Roger Karoutchi proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

En parlant de luxe, j’ai vu récemment un très bon documentaire télévisé montrant que plus aucun soutien-gorge n’était fabriqué en France. Même les grandes marques de lingerie font fabriquer leurs pièces ailleurs. §Je vous engage à voir cette émission, ma chère Nicole Bricq ! Quant aux atelières françaises, elles ont été laminées et n’ont pas pu continuer à travailler, à fabriquer des produits français. Voilà un débat qu’il serait intéressant d’avoir dans cet hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, je suspendrai la séance à treize heures, que le vote ait eu lieu ou non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je suis d’accord avec le président : il faut suspendre à treize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Madame Cohen, vous avez cité Rosa Luxemburg. Je ferai de même, bien que je ne partage pas toutes ses idées politiques. Elle a en effet dit une phrase très intéressante : « Il n’y a de liberté pour personne s’il n’y en a pas pour celui qui pense autrement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous sommes mieux placés que vous pour le savoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. Permettez-nous donc de penser autrement !

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 66, 160 rectifié, 475 et 945.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 163 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.