Au travers de cet article, je souhaiterais aborder la situation de nos étudiantes et étudiants. La dernière étude de l’Observatoire de la vie étudiante portant sur les conditions de vie de ces derniers montre que plus de la moitié d’entre eux doivent concilier salariat et études. Ce chiffre s’élève à 73 % en comptant les « jobs d’été ».
En effet, le budget moyen d’un étudiant provient à 42 % de revenus professionnels, à 34 % de transferts familiaux et à 24 % des allocations et des bourses. Selon cette même étude, si l’on excluait des ressources étudiantes les revenus du travail, le nombre d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté passerait de 1, 5 % à 50 %.
Le salariat comme contrepartie aux études : voilà une réalité peu avouable. Certains n’ont pourtant pas hésité à dire que cette loi allait favoriser les étudiants. Or, nous le savons bien, le salariat fait souvent échouer nos jeunes dans leurs études, notamment en premier cycle. Les étudiants exerçant une activité salariée ont ainsi deux fois plus de risques d’échouer à leurs examens.
Comment en serait-il autrement lorsque l’on demande aux étudiantes et aux étudiants de dégager du temps pour distribuer des flyers pour une compagnie de téléphone ou s’improviser faiseurs de sandwichs pour de grandes chaînes de restauration rapide ?
Horaires contraignants, calendrier surchargé, stress au travail et dans les amphithéâtres… Le quotidien d’un étudiant salarié n’est pas un long fleuve tranquille, sans compter les absences répétées en cours pour cause de prise de service ou les négociations avec son employeur pour avoir le droit de quitter le travail plus tôt afin de plancher sur ses examens.
Certaines voix s’élèveront pour dédramatiser la situation : « Le temps passé à gagner sa vie, c’est simplement du temps de loisirs en moins, ça ne peut pas faire de mal ! » disent les uns, « en dessous de quinze heures par semaine, c’est supportable !», soutiennent les autres. J’ai également entendu certains, ici même, dire qu’ils en avaient fait autant étant jeunes et qu’ils s’en étaient bien sortis !
Pourtant, vous le savez, le temps qui n’est pas passé en cours, c’est du temps passé à travailler chez soi ou à la bibliothèque pour approfondir les cours ; le temps qui n’est pas passé à approfondir les cours, c’est du temps passé à les réviser ; le temps qui n’est pas passé à réviser, c’est du temps de repos ou de loisir nécessaire pour pouvoir recommencer le lendemain.
Il faut tordre le cou à cette idée saugrenue selon laquelle les étudiants auraient du temps à revendre, puisqu’ils ne sont en cours que vingt-cinq à trente heures par semaine. C’est la faiblesse du taux d’encadrement à l’université française, l’un des plus bas de tous les pays de l’OCDE, qui a poussé les équipes pédagogiques à faire du travail personnel une composante essentielle de la formation.
Pour en être convaincu, il suffit de tourner son regard du côté des filières qui n’ont pas été totalement délaissées par la collectivité. Les classes préparatoires, les BTS et les IUT sont autant de formations chronophages, inconciliables avec toute activité salariée. Or ce sont autant de cursus dont les portes se ferment d’office pour les étudiants obligés de concilier salariat et études, sans parler des concours et autres filières sélectives.
Les exigences n’y sont en général pas plus fortes. Le taux d’encadrement, en revanche, y est plus important et permet un meilleur suivi des étudiants. Il ne faut donc pas confondre le temps libre laissé aux étudiants avec le manque drastique de personnel enseignant et d’encadrement à l’université.
Alors que les étudiants salariés sont les premières victimes des contrats précaires, ils seront la main-d’œuvre prédestinée des patrons du dimanche. Il est grand temps que le Gouvernement tienne ses engagements en faveur de la jeunesse, en accordant un statut social aux étudiants de notre pays et en garantissant leur réussite grâce à l’instauration d’une allocation d’autonomie pour tous les jeunes, afin d’éviter la reproduction des inégalités sociales.