Notre propos n’est pas d’interdire tout travail le dimanche. Les dérogations déjà existantes suffisent amplement à couvrir les contraintes qu’imposent certaines activités industrielles, notamment, ou la continuité des services publics. En revanche, quels impératifs peuvent justifier réellement l’ouverture le dimanche de commerces de biens et de services ?
Vous nous assurez que le projet de loi développera l’emploi et relancera la consommation. Dans les faits, il prépare seulement plus de précarité pour les travailleurs. Aucune étude à ce jour n’a réussi à établir de corrélation entre la flexibilité du contrat de travail et la création d’emplois. Si un tel lien existait, ça se saurait tant le travail a été précarisé ces dernières années !
Les études attestent, en revanche, de la disparition accélérée des petits commerces. Selon la DARES, 30 000 emplois seront perdus. Il convient également d’écouter l’inquiétude des petits commerçants à ce sujet.
Le recours au travail le dimanche sur la base du volontariat sera un leurre pour les salariés. Dans les faits, peu d’entre eux pourront exercer un libre choix. Afin de garantir leur emploi et de ne pas tomber dans la spirale du chômage, les travailleurs seront contraints d’accepter de travailler le dimanche malgré les difficultés d’organisation qu’ils rencontreront. Leur désir d’un meilleur salaire risque vite d’être rattrapé par un principe de réalité. Dans les futures zones touristiques, comme cela a été rappelé par ma collègue Annie David, la loi ne fixe pas de contreparties minimales en ce qui concerne le salaire ou le repos. Elle les rend obligatoires, mais renvoie leur fixation à des accords d’établissement, de branche ou de territoire, voire d’entreprise. Or, on le sait, les salariés seront en situation d’infériorité et ne parviendront pas à obtenir de véritables contreparties. De plus, aucune majoration n’est prévue pour les entreprises de moins de vingt salariés, majoritaires dans ces zones.
En réalité, ces dispositions risquent de précariser davantage l’emploi des femmes, singulièrement des mères célibataires, qui sont les plus représentées dans les secteurs d’activités des zones touristiques. En outre, les multiples mesures de dérégulation déjà mises en place sont sans effets positifs sur l’économie puisque le chômage continue à progresser. Concrètement, la France compte déjà 17 % d’emplois précaires. Si la précarité aidait à développer l’emploi, cela se saurait !
D’autres pistes de réflexion sont possibles. Dès 2011, ma collègue sénatrice Annie David proposait de revenir sur le texte de loi du député Richard Mallié afin d’apporter de nouvelles garanties et protections aux salariés qui travaillent le dimanche.
Pour aller plus loin dans la modernisation du droit du travail, il conviendrait plutôt de sacraliser ce temps de repos essentiel pour les activités familiales, culturelles ou sportives. Garantir à nos concitoyens ce jour de repos est un objectif qui devrait nous rassembler. Ce sont les valeurs fortes du vivre ensemble, que nous avons rappelées il y a quelques mois à l’unisson, qu’il nous faut ici réaffirmer face à tous les lobbies qui œuvrent en faveur du travail le dimanche, mais uniquement pour les autres !