La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.
La séance est reprise.
Nous reprenons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 72.
Les amendements n° 1191, 1192, 1193, 1196, 1197, 1198, 1199 et 1200 ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 161 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Claireaux et Jourda, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – L'initiative de la demande de délimitation ou de modification des zones touristiques internationales appartient au maire ou au président de l'établissement public de coopération intercommunale, lorsque celui-ci existe.
II. – Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – La demande de délimitation ou de modification de ces zones est transmise au représentant de l’État dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d'impact justifiant notamment de l'opportunité de la création ou de la modification de la zone.
« Ces zones sont délimitées ou modifiées par le représentant de l’État dans la région après avis :
« 1° Du conseil municipal ;
« 2° Des syndicats d'employeurs et de salariés intéressés ;
« 3° Des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu'elles existent ;
« 4° Du conseil municipal des communes n'ayant pas formulé la demande mentionnée au II et n'appartenant pas à une communauté de communes, une communauté d'agglomération, une métropole ou une communauté urbaine dont la consultation est requise en vertu du 3°, lorsque la zone sollicitée est située en tout ou partie sur leur territoire ;
« 5° Du comité départemental du tourisme.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Cet amendement, déposé par mes collègues Karine Claireaux et Gisèle Jourda ainsi que par moi-même, vise à rendre aux élus locaux, c’est-à-dire au maire ou, le cas échéant, au président de l’établissement public de coopération intercommunale, le pouvoir d'initiative de demande de délimitation ou de modification d'une zone touristique internationale.
Nous avons déjà évoqué ce sujet. Au travers de cet amendement, nous confirmons qu’il nous paraît tout à fait essentiel que ce soient les élus locaux qui fixent le périmètre et le contenu de ces zones.
L'amendement n° 162 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Claireaux et Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre délimite les zones touristiques internationales après avis des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il s’agit de confier la définition du périmètre des zones de rayonnement international et d’affluence exceptionnelle de touristes au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale et non, comme le prévoit ce projet de loi, aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce.
Cet amendement et l’amendement n° 161 rectifié sont complémentaires et c’est le même mécanisme qui prévaut. Ils tendent tous deux à veiller à ce que la définition de ces zones relève bien de la compétence des élus locaux.
L'amendement n° 791 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1204, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Les zones touristiques internationales sont établies par le préfet sur proposition du maire, après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent.
La parole est à M. Éric Bocquet.
L'amendement n° 890 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Kern et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsque celui-ci existe, compte tenu de leur rayonnement international et de l’affluence exceptionnelle de touristes notamment résidant hors de France.
La parole est à M. Olivier Cadic.
La procédure de création des nouvelles zones touristiques internationales doit être simplifiée. Cet amendement vise donc à réduire la liste de consultation, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France, en la limitant aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du président de l’établissement public de coopération intercommunale, lorsque cette structure existe.
L'amendement n° 1201, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce
La parole est à M. Éric Bocquet.
L’alinéa 6 donne aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce le pouvoir de délimitation des zones touristiques internationales après un simple avis consultatif du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale.
Cette vision de la démocratie n’est pas la nôtre. Nous comprenons d’autant moins ce choix que les élus territoriaux sont à nos yeux les plus légitimes pour connaître la réalité du terrain et les enjeux quand il s’agit de créer des zones touristiques internationales. C’est pourquoi nous demandons que soit supprimée la tutelle des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 273 rectifié bis est présenté par MM. Madec et Assouline et Mmes Lienemann et Khiari.
L'amendement n° 1202 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié bis.
Pour donner aux élus locaux un pouvoir d’appréciation de l’opportunité de créer des zones de rayonnement international et d’affluence exceptionnelle de touristes, cet amendement tend à introduire dans la procédure de création du zonage délimité par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, qui n’est pas ici remise en cause, la nécessité d’obtenir un avis conforme du maire.
J’avancerai deux arguments pour justifier cette position. J’y reviendrai en explication de vote, si nécessaire.
En premier lieu, le rapport Bailly, qui est à la base de nombreuses dispositions de ce projet de loi, a pointé la critique de l’absence de « dialogue territorial soutenu » dans la définition des zones touristiques. Comment y remédier ? Certes, cet article prévoit une concertation avec les organisations de salariés et les élus locaux. Pour ma part, je comprends cette expression comme la nécessité de tenir compte de l’avis émis par les élus locaux. C’est pourquoi il faut prévoir un avis conforme du maire, ce qui s’inscrit d’ailleurs tout à fait dans l’esprit des lois de décentralisation.
Malgré le renforcement du rôle des régions, malgré l’affirmation des métropoles, il faut aujourd’hui conforter le maire dans ses prérogatives, notamment en matière d’aide et de maîtrise du développement économique du territoire dont il est l’élu.
Une fois la zone touristique internationale délimitée, quel meilleur expert que l’élu local sur les conséquences, y compris sur les zones limitrophes, d’une telle décision ? Celui-ci est en effet en prise avec le territoire, en connaît le passé et les projets urbains en gestation pour l’avenir.
J’en termine, monsieur le président.
L’avis de l’élu local doit donc être vécu non pas comme un blocage, mais au contraire comme un encouragement, une aide à la décision publique.
En second lieu, de façon tout à fait factuelle, l’attraction de touristes et de citoyens en nombre supplémentaire au moment de l’ouverture de ces zones touristiques internationales impose également de prendre des mesures relatives à la sécurité, à la propreté, voire au transport. Or toutes ces décisions incombent au maire. C’est la raison pour laquelle son avis conforme est essentiel.
Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, notamment en répondant à Mme Sandrine Mazetier, vous avez affirmé que ce débat n’était pas encore mûr, mais que vous étiez sensible à cette préoccupation. Je vous demande de faire honneur au Sénat en émettant un avis favorable sur cet amendement dont l’adoption permet d’aller dans ce sens.
Le présent amendement et l’amendement n° 273 rectifié bis sont identiques, preuve en est que nos points de vue se rejoignent parfois, mon cher collègue.
Sourires.
Il en est ainsi de la nécessité de prévoir un avis conforme du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale.
Sans relancer le débat que nous avons eu ce matin, monsieur le ministre, je rappelle qu’un avis, c’est une chose, mais qu’un avis conforme, qui plus est un avis conforme respecté, c’est autre chose ! C’est ce que nous demandons.
Il est beaucoup question de la ville de Paris depuis ce matin, puisque c’est elle qui est directement concernée par ce dispositif. Toutefois, s’il était envisagé de généraliser le travail du dimanche, il faudrait s’assurer que l’ensemble des maires de notre pays puissent avoir leur mot à dire et que leur avis soit conforme.
L'amendement n° 1203, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’importance des achats est caractérisée au-delà de 5 000 euros par touriste lors d’un séjour.
La parole est à M. Éric Bocquet.
L’alinéa 6 dispose que les périmètres des zones touristiques internationales seront délimités par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire, le cas échéant du président de l’établissement public de coopération intercommunale, ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés, compte tenu du rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. Cela justifierait que le travail du dimanche soit totalement banalisé au sein de telles zones dans les conditions que nous avons examinées ce matin.
Il s’agit là d’enjeux économiques et sociaux importants.
Or les seuls critères de délimitation du périmètre des zones touristiques internationales seraient « leur rayonnement international », « l’affluence exceptionnelle de touristes, notamment résidant hors de France » et « l’importance de leurs achats », critères peu précis, mais suffisamment larges pour ouvrir la possibilité de création de telles zones dérogatoires au repos dominical et au travail de nuit dans un grand nombre de villes.
En effet, comment mesurer le rayonnement international d’une zone touristique ? Au nombre de touristes, en fonction de leurs origines ? À partir de quand une affluence devient-elle exceptionnelle ?
Le travail du dimanche et le travail de nuit seraient peu à peu généralisés, ce qui représente bien entendu un préjudice pour les salariés, mais aussi une charge pour les collectivités locales concernées qui ne seront que consultées, la décision revenant au Gouvernement.
L’impact de la création de ces zones sera réel en matière d’aménagement, d’accessibilité, d’entretien, de mobilité, de sécurité... Les élus des zones touristiques n’ignorent pas le coût des charges qui leur incomberont en la matière et ce sont les habitants de ces zones touristiques qui en subissent les éventuels inconvénients et qui en paient parfois la facture.
Aussi, il nous semble juste et équitable que les salariés et les habitants de ces zones soient assurés de bénéficier des retombées économiques, juste retour sur investissement.
Le critère de la consommation est le plus aisément quantifiable. Aussi proposons-nous de fixer à 5 000 euros le montant des dépenses effectués lors d’un séjour par touriste pour qualifier le caractère « important » des achats qui justifierait une dérogation au respect du repos dominical.
L’amendement n° 161 rectifié vise à confier au maire l’initiative de la délimitation d’une zone touristique internationale. La commission spéciale a déjà souligné ce matin l’intérêt de ces zones pour l’attractivité internationale de la France et la promotion du tourisme, laquelle doit, selon elle, davantage être pilotée à l’échelon national. Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement n° 162 rectifié pour les mêmes raisons.
L’amendement n° 1204 tend à prévoir que la délimitation des ZTI sera établie par le préfet, sur proposition du maire. Il s’agit d’appliquer les modalités de définition des zones commerciales et des zones touristiques aux ZTI. La commission spéciale s’est déjà prononcée sur ce sujet et n’a jugé cette disposition ni souhaitable ni acceptable. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable.
L’amendement n° 890 rectifié bis vise, à l’inverse des amendements précédents qui complexifieraient le dispositif, à simplifier la procédure de délimitation d’une zone touristique internationale. Pour la commission spéciale, il ne faut pas supprimer l’avis du maire. Le maire doit être consulté et son avis pris en compte par le Gouvernement, tout comme doit l’être celui des partenaires sociaux locaux, qui connaissent la situation économique et sociale locale. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 1201 tend à supprimer la tutelle des ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce sur la délimitation des ZTI, sans pour autant proposer de solution de remplacement. Son adoption nous laisserait donc face à un vide juridique. C’est pourquoi la commission spéciale émet un avis défavorable.
Les amendements identiques n° 273 rectifié bis et1202 visent à soumettre la délimitation des ZTI à l’avis conforme du maire. Comme je l’ai déjà expliqué, la mise en place des ZTI relève d’une politique nationale de valorisation de l’attractivité touristique des lieux les plus prestigieux de notre territoire. La consultation des maires est prévue. Elle aura lieu et permettra, dans le cadre d’un dialogue avec le Gouvernement, de faire évoluer utilement le projet initial si des objections en lien avec l’objectif poursuivi étaient soulevées. Je rappelle également que les maires disposent de la possibilité de demander la délimitation de zones touristiques et de zones commerciales. Il existe d’ailleurs déjà plusieurs zones touristiques à Paris ; la maire pourrait donc demander leur élargissement. Par conséquent, l’avis est défavorable sur ces deux amendements.
L’amendement n° 1203 tend à préciser les critères de définition d’une ZTI. Il prévoit que le critère de l’importance des achats des touristes étrangers se trouve remplit lorsque ses achats dépassent 5 000 euros par touriste et par séjour. Ce n’est pas d’une telle manière que ce critère peut être calculé, puisque la définition de la ZTI reposera non pas sur le séjour global d’un touriste en France, mais, par exemple, sur la part des touristes étrangers fréquentant les commerces de la zone, ce qui peut être mesuré en regardant les achats réalisés par carte bancaire.
Le seuil proposé de 5 000 euros semble par ailleurs très élevé lorsque l’on sait que la dépense moyenne par jour à Paris des touristes japonais, qui sont, selon les études, les plus dépensiers, est de 214 euros.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 161 rectifié reviendrait à préserver les zones touristiques telles qu’elles existent aujourd’hui
Mme Marie-Noëlle Lienemann sourit.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 162 rectifié, qui relève de la même logique. En effet, l’idée, c’est bien sûr quelques zones géographiques spécifiées, avec le critère « pas d’accord, pas d’ouverture » et avec des garanties spécifiques en termes de compensations, en particulier pour le travail en soirée. Il s’agit de permettre, en raison de la nature économique de ces zones que nous avons débattue ce matin, d’ouvrir. Ce dispositif est donc différent de celui des zones touristiques telles qu’elles sont définies aujourd’hui dans la loi et pour lesquelles nous allons apporter des améliorations dans quelques instants.
Le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 1204, puisque celui-ci relève de la même philosophie. En effet, le dispositif prévu par cet amendement reviendrait en quelque sorte à écraser les ZTI sur les zones touristiques.
Concernant l’amendement n° 890 rectifié bis, le Gouvernement émet un avis défavorable. Puisqu’il convient d’informer, d’éclairer la décision ministérielle, l’article 72 prévoit le recueil de l’avis du maire et, le cas échéant, du président de l’EPCI ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressés. Il est légitime que ces dernières puissent exprimer leurs souhaits d’ajustement des projets de délimitation des ZTI, dans le cadre qui est défini par les ZTI. Il me semble que supprimer ces alinéas et donc ces consultations contreviendrait à ce qui a inspiré ce projet : même lorsqu’il s’agit de zones dont la nature, l’activité économique justifient qu’elles relèvent d’une décision ministérielle, celle-ci doit être éclairée par les réalités syndicales et locales.
Par cohérence, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 1201. En effet, la suppression de la compétence ministérielle pour la délimitation des zones reviendrait à supprimer la réforme.
Les amendements n° 273 rectifié bis et 1202 relèvent d’une logique quelque peu différente. En effet, ils prévoient que l’avis du maire soit non pas un simple avis, mais un avis conforme. Vous avez tout à fait raison de pointer la différence qui est faite : il ne s’agit pas de redonner l’initiative au conseil municipal, mais d’obtenir un avis conforme du maire.
Lorsque je me suis exprimé sur ce sujet à l’Assemblée nationale il y a quelques mois, j’ai dit qu’il fallait trouver les voies et les moyens d’un équilibre dans la discussion. À ce jour, cette discussion n’a pas abouti. Par conséquent, le Gouvernement maintient un avis défavorable.
En effet, introduire un avis conforme du maire représenterait le risque de continuer de bloquer, sur ces zones touristiques internationales, l’initiative locale dans Paris et les trois autres communes concernées, où des zones touristiques auraient déjà été créées si un consensus avait été obtenu.
Nous nous trouvons aujourd’hui dans des situations qui peuvent être complexes. On sait qu’une tension locale peut exister.
Mme Nicole Bricq s’exclame.
Aussi, je pense que le débat doit continuer. Il ne s’agit pas de mettre ici un point final, je vous en saurai gré. Néanmoins, à ce stade, je ne peux émettre un avis favorable sur ces deux amendements, je maintiens donc un avis défavorable, mais en espérant que nous pourrons continuer cette discussion et trouver des accords.
En ce qui concerne l’amendement n° 1203, qui précise le panier moyen par touriste durant son séjour, les critères fixés dans la loi à ce sujet me paraissent clairs. En effet, les ZTI sont délimitées compte tenu de leur rayonnement international, de l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers et de l’importance de leurs achats. Le décret d’application déterminera les données qui permettront de qualifier les projets de ZTI au regard de ces critères. J’en ai d’ailleurs fourni la liste il y a quelques mois.
En tout état de cause, le montant de 5 000 euros par touriste et par séjour ne correspond pas à une réalité aujourd’hui identifiée. Par conséquent, je ne saurai le retenir comme un élément probant qui permettrait d’encadrer cet article. J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 890 rectifié bis.
La parole est à M. Olivier Cadic.
Je remercie Mme le rapporteur d’avoir bien noté que l’objet de l’amendement n° 890 rectifié bis était de simplifier la procédure. Monsieur le ministre, je pensais que vous seriez sensible à cette volonté. Cependant, afin de faciliter les choses, je retire cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 273 rectifié bis et 1202.
Je constate que M. le ministre n’a pas donné d’argument de fond contre l’amendement n° 273 rectifié bis. En effet, il acte qu’il est légitime d’intégrer et même d’encourager le dialogue avec les élus locaux en ce qui concerne la délimitation des ZTI. Nous sommes donc tout à fait d’accord sur ce point.
En réalité, monsieur le ministre, votre argument principal est un argument de négociation : vous dites que tant qu’il n’y a pas d’accord sur l’ouverture des zones, notamment à Paris, vous voulez avoir le moyen de l’imposer.
Vous imaginez bien que l’élu local parisien que je suis ne peut accepter cela. En effet, je peux vous retourner l’argument en disant que s’il n’y a pas d’accord c’est peut-être parce que dans les débats, notamment à l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat, ce que vous proposez revient à dire : soyez d’accord sinon par la loi on peut vous l’imposer.
À partir du moment où l’avis doit être conforme, on est obligé de parvenir à un accord et cela change l’état d’esprit et la responsabilité des uns et des autres. Je ne doute pas, d’ailleurs, de celui de l’actuel maire de Paris, sans penser aux autres villes concernées.
Vous ne m’opposez donc aucun argument de fond, vous admettez qu’il serait tout de même fou d’imposer à un maire aussi important que le maire de Paris une délimitation qui irait contre sa volonté. Par conséquent, cela doit être prévu par la loi. Vous dites que la situation n’est pas mûre et qu’il y a un blocage. Pour ma part, je sais pourquoi il y a des blocages. Ces blocages viennent du fait que nous voulons discuter sur un pied d’égalité en vous laissant, à vous et à l’État, le soin de proposer. Nous ne retirons rien à votre proposition, l’initiative émane bien des ministres concernés, mais nous voulons juste introduire l’avis conforme.
Je tiens à souligner que lorsque nous légiférons nous nous plaçons dans une perspective qui n’est pas forcément immédiate. Les interlocuteurs au niveau de l’État changent : c’est normal, cela est dû aux alternances politiques. Nous devons tous ici juger ce qui est bon, notamment pour aller dans l’esprit des lois de décentralisation, afin de pas régresser par rapport à ce que nous avons tous encouragé. Je le dis indépendamment de la bonne volonté ou de la confiance que l’on peut avoir envers tel ou tel ministre, quel qu’il soit d’ailleurs, certains ministres, dans d’autres majorités, s’étant montrés plus à l’écoute que d’autres. Quelles que soient les majorités, nous parlementaires et élus locaux, nous devons faire en sorte de mettre en place ce qui est juste peu importe le moment, de façon que l’esprit de la décentralisation et de la responsabilisation soit toujours présent et impose à l’État et à la collectivité territoriale l’obligation de parvenir à un accord en ce qui concerne le développement économique.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement, même si j’entends ce que vous dites, monsieur le ministre. J’espère que lorsque ce projet de loi reviendra à l’Assemblée nationale, le débat aura encore avancé. Vous avez répondu à l’Assemblée nationale à Mme Mazetier que le débat n’était pas mûr. Ce n’est pas encore complètement mûr, mais je sens que cela chauffe.
M. Roger Karoutchi sourit.
Sourires.
M. David Assouline. Si mon intervention aura aidé, ne serait-ce qu’un peu, à ce que le débat puisse aboutir à l’Assemblée nationale, j’en serai très heureux, monsieur le ministre.
Mme Nicole Bricq sourit.
Nous comprenons tout à fait l’esprit dans lequel nos quatre collègues parisiens ont déposé cet amendement.
Je l’avais dit au moment du début de polémique sur la circulation alternée, depuis 1983 Paris – car il s’agit de cela – a retrouvé une capacité qu’elle n’avait plus, puisque auparavant c’était l’État qui décidait de tout dans la capitale. Néanmoins, il est vrai qu’elle peut parfois avoir le sentiment de ne pas être une collectivité à part entière. Mais dans ce cas, je le dis à nos collègues et amis parisiens, il faut aller au bout de la logique.
Si on est pour la décentralisation, on tient compte aussi du fait que Paris est maintenant au cœur d’une métropole.
On peut aussi demander que le conseil municipal se prononce.
Mme Nicole Bricq. Je comprends donc l’argument selon lequel il y a une légitimité pour la ville à défendre ses intérêts. Néanmoins, lorsque l’on crée une zone touristique internationale à Paris, on défend évidemment l’intérêt de Paris. Nous en avons discuté ce matin. À cela s’ajoute un autre raisonnement, que M. le ministre a sans doute préempté. En effet, lorsque l’on se situe dans le cadre d’une zone touristique internationale, le problème n’est pas que local
M. David Assouline opine.
Monsieur le ministre, il me semble que notre collègue David Assouline vous a appelé à la négociation. Je n’imagine pas un instant que l’État puisse prendre une décision concernant la délimitation de la zone touristique internationale à Paris ou à Nice – celle-ci est aussi une grande ville très touristique – qui ne soit pas en accord avec la ou le maire.
Franchement, ce n’est pas la loi qui va régler ce problème, le succès dépendant plutôt de la manière dont l’État abordera le dialogue avec ces deux grandes villes, dont l’une, excusez du peu, est la capitale de la France.
Pour l’instant, il nous semble qu’il convient de suivre le Gouvernement
M. Roger Karoutchi fait un signe de dénégation.
À ce stade de nos discussions, les problèmes doivent être mis à plat. Nous avons bel et bien un débat politique, qui divise essentiellement la majorité présidentielle et gouvernementale.
Depuis ce matin, j’entends diverses prises de position quant à l’utilité de ce projet de loi pour renouer avec la croissance et l’emploi dans notre pays. Et nombre de sujets tournent autour de notre capitale, Paris.
À Paris, il y a d’abord, au sein de la majorité, un désaccord politique de plus en plus criant sur ce texte. Tout comme Roger Karoutchi ce matin, le parisien que je suis s’interroge sur la volonté de certains d’assumer le rôle de capitale internationale de Paris, lequel implique des exigences d’accueil, mais aussi un surcroît de croissance économique. Nous voyons bien, à travers nos débats, qu’il existe un certain nombre de difficultés.
Je suis partisan de l’amendement de M. Assouline. En effet, trop souvent, par le passé, dans l’histoire institutionnelle, sous prétexte d’un statut dérogatoire pour la capitale, la ville de Paris fut maltraitée par un pouvoir français historiquement jacobin. Il a fallu attendre le président Valéry Giscard d’Estaing pour qu’il y ait un maire à Paris. Je vous rappelle aussi que, dans un premier temps, le président Mitterrand a voulu démanteler la capitale, avant que Gaston Defferre n’élabore dans un second temps les lois de décentralisation.
L’évolution de la démocratie à Paris est très lente, mais l’on progresse peu à peu et il faut combattre les mauvais réflexes. Je suis heureux qu’un certain nombre d’élus parisiens de gauche s’insurgent lorsque le Gouvernement veut prendre la main sur des sujets somme toute assez mineurs. En effet, s’agissant du travail le dimanche à Paris, on pourrait aller beaucoup plus loin ! Sur ce plan, monsieur le ministre, je tiens à vous rassurer : contrairement à ce que j’ai entendu ce matin, vous êtes bien un ministre de gauche ! Vous avez incontestablement une volonté de réforme, mais vous êtes bloqué par la pesanteur des partis politiques qui composent votre majorité, et qui ont voulu graver dans le marbre un certain nombre de concepts et de principes.
Pour Paris, j’aimerais que le même discours soit tenu dans le domaine des transports. On a pu voir en effet, dans le cadre des mesures d’exception pour lesquelles le Gouvernement a sollicité une autorisation à agir par voie d’ordonnance, au début de l’examen de ce texte, qu’il fallait, comme d’habitude, que l’État régisse les transports.
De même, Paris est la seule commune de France où le pouvoir de police municipale est exercé par l’État, et non par le maire, quelle que soit au demeurant la couleur politique de ce dernier – nous aurons l’occasion d’en discuter dans quelques semaines lors de l’examen d’une proposition de loi.
Sur un certain nombre de sujets régaliens, l’évolution institutionnelle n’est pas assez rapide, et c’est pourquoi je comprends le sens de l’amendement défendu par notre collègue David Assouline.
J’attends surtout du Gouvernement des mesures concrètes – nous aurons l’occasion d’en développer certaines dans quelques instants.
Pour moi, ce projet de loi est très en deçà de ce qu’il aurait dû être si l’on avait voulu donner une véritable impulsion économique, notamment à travers l’ouverture des commerces et d’un certain nombre de services le dimanche. Néanmoins, l’application concrète, au niveau de la ville, des dispositions de ce texte permettra peut-être de clarifier la situation dans un certain nombre de quartiers.
Je pense que le mécanisme de la ZTI, avec les zones qui sont définies, est mauvais. Incontestablement, l’article additionnel qui sera proposé après l’article 72, qui consiste à étendre la ZTI sur la totalité du territoire de la commune parisienne, correspondrait mieux à l’esprit de la loi.
Quoi qu’il en soit, je voulais attirer l’attention du Gouvernement sur ce point : on ne peut pas avoir deux attitudes différentes selon que l’on parle des transports, de la police ou d’un certain nombre d’autres sujets, tantôt en étant girondin, tantôt en refusant de traiter de manière pragmatique certains sujets.
Monsieur le ministre, parfois, on aimerait un peu plus de clarté ! Je participais ce matin, avec un certain nombre de nos collègues, dont vous-même, monsieur le président, à une réunion sur la métropole du Grand Paris avec le préfet de la région Île-de-France.
Au passage, monsieur Assouline, je ne sais pas si le Gouvernement peut définir le périmètre de ZTI, mais je sais qu’il a défini le périmètre de la métropole sans notre accord, sans l’accord des villes et des départements.
M. Roger Karoutchi. Cela ne l’a pas empêché de faire voter la loi sur la métropole !
M. Jacques Gautier applaudit.
On ne peut pas dire qu’il s’agisse de l’exemple le plus flagrant du respect des communes et des collectivités !
J’en reviens à la réunion à laquelle j’ai participé ce matin : on nous a expliqué très savamment que l’une des compétences que le Gouvernement souhaitait attribuer à la métropole du Grand Paris était le tourisme. À l’occasion de la deuxième lecture de la loi NOTRe au Sénat, un ou plusieurs amendements viseraient donc à attribuer à la métropole du Grand Paris la compétence en matière de tourisme et à créer un office du tourisme métropolitain, avec les pouvoirs y afférents. On nous a même proposé de défendre nous-mêmes ces amendements !
Franchement, il faudrait quand même clarifier un peu les choses ! On ne peut pas nous demander, tous groupes confondus – le président Christian Favier était présent également ce matin –, de défendre des amendements visant à attribuer la compétence en matière de tourisme à la métropole du Grand Paris – il était sous-entendu qu’il faudrait ensuite demander aux offices départementaux de Paris, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine de disparaître au profit de l’Office métropolitain du tourisme –, puis venir nous expliquer qu’il faut absolument respecter l’autorité des différentes collectivités !
À un moment donné, un peu d’ordre et d’organisation pourraient ne pas être inutiles !
Le développement des zones de tourisme ne doit pas devenir un point d’achoppement entre le Gouvernement et les collectivités. Car en matière de respect de celles-ci, je doute que l’on puisse réellement s’en tenir à l’action du Gouvernement depuis plusieurs mois. Que ce soit au niveau financier, au niveau institutionnel ou au niveau de l’organisation des pouvoirs, les collectivités en Île-de-France ne sont pas respectées dans leur autonomie et leur indépendance.
M. David Assouline proteste.
Essayons au moins de faire un peu mieux dans le texte actuel, et l’on verra bien ensuite ce qui se passera pour la métropole du Grand Paris. En effet, monsieur Assouline, le jour où le Gouvernement décidera de la création d’un office du tourisme métropolitain, on sera dans une situation totalement différente de celle d’aujourd’hui, puisque c’est à lui qu’on demandera le cas échéant de donner un avis.
Monsieur Karoutchi, si vous n’êtes pas favorable à ce que le tourisme devienne une compétence intercommunale – je ne suis pas loin de partager ce point de vue –, alors vous êtes partisan de rendre la main aux élus locaux, en l’occurrence au maire de Paris, …
… pour définir les zones touristiques.
Si l’on pousse votre raisonnement jusqu’à son terme, vous devriez, comme M. Dominati d’ailleurs, être favorable à notre amendement.
Ce matin, vous parliez même de Paris comme d’une ville monde. Évidemment, c’est notre capitale, une ville que chaque Français porte dans son cœur.
Mais dans l’article 72 de ce texte, il n’est pas seulement question de Paris. J’aimerais donc que, dans nos discussions, on parle aussi de l’ensemble des villes qui pourraient être amenées à être transformées en zones touristiques internationales. Au sein de leurs territoires, les maires des communes et les élus des intercommunalités et des EPCI concernés doivent participer à la discussion et à la définition de ces zones touristiques internationales.
Nous maintenons donc notre amendement n° 1202, au travers duquel nous demandons que l’avis visé à l’article 72 soit conforme, pour que la parole des élus locaux soit entendue lors de la définition de ces zones touristiques.
Nous demanderons en outre un scrutin public sur cet amendement.
Je m’attendais à ce que le Gouvernement adopte une position plus ouverte sur la proposition de notre collègue David Assouline.
En effet, dans l’esprit de la décentralisation, je ne peux imaginer que l’on considère que l’État puisse définir seul les contours de ces fameuses zones touristiques internationales.
Je ne suis pas favorable à ces zones, mais, dès lors qu’elles existent, si l’on n’impose pas une obligation de compromis entre les territoires, les collectivités locales et l’État, alors on ignore, voire on méprise les élus, en pensant qu’ils n’ont pas une vision d’intérêt général et de développement de leur territoire.
Il me semble donc que cette proposition de repli aurait dû être acceptée par le Gouvernement.
Ensuite, M. Karoutchi a ouvert un débat pour savoir si ces décisions devaient être prises par la métropole ou par la commune directement concernée.
Je souligne tout d’abord que la métropole n’est pour l’heure pas compétente en matière de tourisme.
En outre, cette question ne relève pas seulement du domaine du tourisme. Il existe en effet une articulation entre les zones touristiques, qui ne sont pas uniquement fréquentées par les touristes, et l’ensemble de la politique de développement commercial du territoire concerné. Le plus souvent, l’impact le plus fort s’opère vers la proximité de ces zones délimitées, donc plutôt vers la collectivité locale de référence, en l’occurrence la commune s’agissant de Paris.
Troisièmement, je voudrais interroger M. le ministre. On nous donne souvent l’exemple de Milan, qui serait une ville particulièrement attractive. Comment analyse-t-il dès lors la position de la fédération patronale italienne Confesercenti, qui affirme, après une étude détaillée, que l’ouverture des grandes enseignes le dimanche en Italie depuis le 1er janvier 2012 a conduit à la fermeture de 32 000 entreprises et à la perte de 90 000 postes de travail. Il ne s’agit pas d’une analyse syndicale, il s’agit d’une analyse patronale, que l’on ne peut pas a priori suspecter de considérer que la mise en cause du droit du travail constituerait, en soi, un problème. Aujourd’hui, manifestement, des questions se posent sur le terrain économique.
Au regard de cette exigence économique, a minima, l’avis conforme de la municipalité concernée me semble indispensable.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 273 rectifié bis et 1202.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission spéciale et, l'autre, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 164 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1203.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 411 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard et Charon, Mme Deromedi et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« II bis. – La création des zones touristiques internationales ne doit pas aboutir à placer, au sein de la même localité, des établissements de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale en situation de concurrence déloyale à l’égard d’établissements exerçant la même activité à destination d’une clientèle comparable.
« II ter. – Lorsqu’un nouvel établissement de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale est créé ou rouvert, il forme de plein droit, le cas échéant avec les établissements de vente au détail situés à proximité, une zone touristique internationale pendant une durée de trois ans. Au terme de cette durée, si les critères mentionnés au II sont remplis, il est procédé à la délimitation de la zone touristique internationale dans les conditions de droit commun. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
Comme je l’ai précédemment souligné, la définition des zones touristiques internationales pose problème dans de nombreux quartiers de la capitale. L’activité peut se développer très rapidement en fonction de la nature des commerces qui s’implantent. En outre, les quartiers sont très diversifiés, très différents par leur activité. Ils peuvent avoir une activité commerciale particulièrement importante sans avoir nécessairement de vocation internationale. Un quartier pourrait par exemple être spécialisé dans l’informatique et les produits numériques. En réalité, c’est la diversité de Paris qui est en cause dans l’établissement de ces zones touristiques internationales.
Un problème de droit se pose : comment garantir l’égalité et la loyauté concurrentielles entre les commerçants qui sont dans une zone touristique internationale et ceux qui sont à proximité ? Il s’agit peut-être même d’un problème de constitutionnalité. La première partie de l’amendement n° 411 rectifié vise à faire en sorte que le périmètre des zones touristiques internationales puisse être modifié pour en tenir compte.
La seconde partie de l’amendement a trait à l’implantation de nouveaux établissements. Ce matin, l’exemple de la Samaritaine a été évoqué. Le bâtiment est situé au cœur de Paris, dans la rue de Rivoli. Cette rue commerçante a-t-elle une vocation internationale ? Cela dépend du niveau, et parfois même du trottoir. Un projet de rénovation est en cours depuis plusieurs années, mais il règne un certain flou artistique dans la zone située à proximité du forum des Halles.
Ce matin, l’une des questions était de savoir combien d’emplois pouvait créer l’autorisation du travail dominical. Monsieur le ministre, à Paris, nous savons combien son interdiction peut en supprimer. À Bercy Village, où les Parisiens étaient habitués à l’ouverture des commerces le dimanche, l’activité a baissé de 40 % ; la zone est aujourd'hui totalement sinistrée.
Je souhaite obtenir des assurances du Gouvernement sur la concurrence loyale entre les grandes enseignes dans un contexte international. C'est pourquoi j’aurais préféré une vision étendue à l’ensemble de la capitale de la notion de zone touristique internationale. Par ailleurs, comment peut-on faire en sorte que les nouvelles enseignes ne soient pas défavorisées, qu’elles puissent obtenir les mêmes conditions que les autres ? J’ai évoqué le cas de la Samaritaine, mais un grand magasin des Champs-Élysées est vide : une enseigne pourrait se trouver dans cette situation.
L'amendement n° 412 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, G. Bailly et Charon, Mme Deromedi et M. Duvernois, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. – La création des zones touristiques internationales ne doit pas aboutir à placer, au sein de la même localité, des établissements de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale en situation de concurrence déloyale à l’égard d’établissements exerçant la même activité à destination d’une clientèle comparable.
La parole est à M. Philippe Dominati.
L'amendement n° 1206, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. – Deux ans après la délimitation d’une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Cet amendement vise à rétablir la disposition prévoyant que le Gouvernement remettra au Parlement une évaluation économique et sociale des zones touristiques internationales.
Nous connaissons la logique des corapporteurs, qui sont défavorables à la quasi-intégralité des demandes de rapport, mais nous sommes convaincus que, sur un sujet aussi essentiel – il suscite d'ailleurs d’importants débats, comme nous le voyons depuis ce matin – que celui de la création de zones dérogeant au principe du repos dominical, il est inconcevable de laisser aux seules commissions parlementaires le soin de l’évaluation.
Mes chers collègues, vous en êtes tous conscients, l’inflation législative réduit le temps que nous pouvons consacrer à nos missions d’investigation. Nous avons même parfois du mal à mener correctement les débats parlementaires ; l’examen du présent projet de loi en est un exemple. C'est la raison pour laquelle nous estimons, dans un souci de transparence et de démocratie, qu’il revient au Gouvernement de soumettre à la représentation nationale un rapport évaluant les conséquences des zones touristiques internationales pour les salariés et leurs familles – on peut les imaginer – ainsi que leur impact sur notre économie.
Si je devine l’avis de la commission, j’espère que le Gouvernement ne sera pas défavorable à l’idée de présenter les résultats objectifs d’une mesure pour le moins contestée et sujette à débat.
L'amendement n° 1796, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. - Trois ans après la délimitation d'une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d'ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 411 rectifié, 412 rectifié et 1206.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président, conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande que l’amendement n° 1796 soit mis aux voix par priorité.
M. Roger Karoutchi rit.
Sur les amendements n° 411 rectifié et 412 rectifié, je comprends votre préoccupation, monsieur Dominati : il ne faut pas qu’un commerce soit défavorisé de manière injustifiable par la définition d’une ZTI. Néanmoins, la rédaction que vous proposez me semble insuffisamment sécurisée sur le plan juridique.
Ces amendements visent à éviter toute concurrence déloyale entre les commerces situés dans une ZTI et les commerces avoisinants. Les critères de définition des ZTI devraient permettre d’éviter une telle situation. Les zones seront définies au coin de rue près, de manière chirurgicale, en fonction de caractéristiques objectives. On ne définira pas de grandes zones dont certains commerces pourraient être exclus.
Le Gouvernement considère que l’ensemble des dispositifs ouvrant des dérogations, qu’elles soient géographiques ou sectorielles, ne doivent pas aboutir à des situations de concurrence déloyale. C’est d'ailleurs l’objectif des mécanismes de régulation que nous avons évoqués ce matin.
Par ailleurs, l’amendement n° 411 rectifié vise à permettre à tout établissement situé à proximité d’une ZTI de bénéficier de la dérogation. Pour des raisons juridiques, il est préférable que les zones soient définies en prenant en compte ces réalités. Le cas de la Samaritaine a été évoqué à plusieurs reprises. Le magasin étant actuellement fermé, on ne peut pas prendre en compte le commerce international qui pourrait potentiellement se développer après sa réouverture. La zone pourra cependant être étendue à ce moment, en fonction des critères objectifs définis par la loi et déclinés par le décret. Il faut avancer étape par étape.
Rien n’empêche les élus locaux – nous clarifierons ce point lors de l’examen des articles suivants – d’autoriser de leur propre initiative de nouvelles ouvertures dominicales, en plus des « dimanches du maire », au titre des dispositions relatives aux zones touristiques ou commerciales. En revanche, ils ne peuvent pas autoriser les ouvertures en soirée, car cette possibilité ne concerne que les ZTI.
Même si les enjeux que vous soulevez sont réels, nous ne souhaitons pas étendre le dispositif prévu à l’article 72. Les limitations propres à la définition des zones touristiques internationales et, donc, les critères que j’ai évoqués ce matin nous semblent satisfaisants.
À Paris, les zones touristiques internationales incluront certains secteurs qui réalisent 40 % à 60 % de leur chiffre d'affaires grâce au tourisme. La carte est connue ; je pourrais d'ailleurs vous la présenter à nouveau. Cette carte a été réalisée au commerce près, en fonction de critères objectifs. On ne peut pas l’étendre a priori à des magasins qui ne sont pas encore ouverts. Le droit relatif aux zones touristiques et commerciales permettra de répondre aux problèmes.
Je demande donc le retrait des amendements n° 411 rectifié et 412 rectifié ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
J’en viens à l’amendement n° 1206. Je suis sensible à votre volonté que des évaluations soient réalisées ; je me suis toujours prononcé en faveur de ce principe. Vous souhaitez que le Gouvernement remette un rapport au Parlement deux ans après la délimitation d’une zone touristique internationale. J’ai une réserve sur ce délai.
Le Gouvernement avait proposé un délai de trois ans pour la mise en œuvre de la réforme. Les ZTI se conformeront à la règle « pas d’accord, pas d’ouverture ». Or il faut parfois du temps pour qu’un accord soit conclu. Il n’est donc absolument pas certain que les ouvertures dominicales seront massives dès la promulgation de la loi.
Cette responsabilité totalement assumée par le Gouvernement fait que ce dispositif est beaucoup plus restrictif que ce que nombre de défenseurs de l’ouverture des commerces le dimanche proposaient.
En effet, certains de ces commerces ne seront peut-être pas en mesure de définir immédiatement des accords avec les compensations obligatoirement prévues par la loi. Pendant six mois ou un an, il pourra donc y avoir un temps de négociation sociale imposé.
À mon sens, il faut accepter de prendre ce temps, car toute l’architecture de ce texte, qui est, je crois, un texte d’équilibre et de progrès social assumé, en dépend.
Nous avons eu un long débat ce matin, qui avait parfois un caractère théorique, mais, pour ma part, je considère que, quand on se préoccupe du progrès social, il faut le faire en se confrontant au réel. Or quelle est la situation actuelle ? Il y a 640 zones touristiques qui ne sont pas couvertes par des accords. Je ne veux pas que ces ZTI soient dans ce cas. Elles seront donc couvertes par des accords.
Vous le voyez, il y aura un temps de latence, et le délai de deux ans me semble un peu court. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement n° 1206 au profit de l’amendement n° 1796, qui a pour objet de rétablir le rapport d’évaluation au bout de trois ans. Cette solution me semble plus réaliste pour être éclairé sur la réforme, qui aura alors pu porter ses fruits.
Ce faisant, j’ai présenté l’amendement du Gouvernement.
J’ai été saisi par le Gouvernement d’une demande de priorité de mise aux voix de l’amendement n° 1796.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
Il n’y a pas d’opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 411 rectifié, 412 rectifié, 1206 et 1796 ?
M. le ministre s’est déjà expliqué sur les amendements n° 411 rectifié et 412 rectifié, sur lesquels la commission avait sollicité l’avis du Gouvernement. Les problèmes soulevés par notre collègue Dominati sont très clairs, notamment s’agissant de la concurrence déloyale qui pourrait toucher la Samaritaine, pour parler clairement, au moment de sa réouverture, par rapport à d’autres grands magasins qui se trouveront dans une ZTI.
Monsieur le ministre, vous dites que, pour l’instant, l’emplacement de la Samaritaine ne peut pas bénéficier d’un classement en ZTI au regard des critères définis par le texte. Vous ajoutez qu’il y a la possibilité de bénéficier du statut de zone touristique. Or, pour l’instant, les critères de définition du périmètre de la zone touristique ne le permettent pas.
Il faut donc avoir l’assurance que, lorsque de telles situations vont se présenter dans certaines zones de Paris, le classement en ZTI pourra être assez rapidement effectif. Or votre réponse me laisse un peu sur ma faim à cet égard.
En revanche, il est vrai que la seconde partie de l’amendement n° 411 rectifié pose des problèmes juridiques en ce qu’elle tend à prévoir que l’ouverture ou la réouverture d’un magasin entraînerait automatiquement la définition d’une zone touristique internationale. On ne peut pas inverser le processus : une ZTI se définit par des critères bien précis et ce n’est pas le commerce qui fait la délimitation.
La commission a donc émis un avis de sagesse sur ces deux amendements, mais je souhaiterais que M. le ministre reprécise comment les choses se passeront concrètement lorsque le cas se présentera.
J’en viens aux amendements suivants, notamment l’amendement n° 1796. Il est vrai que la commission a systématiquement décidé de refuser les demandes de rapport. Néanmoins, en l’occurrence, nous sommes sur un sujet un peu particulier et, au vu des explications données lors du débat que nous venons d’avoir sur la difficulté de délimiter les périmètres de zones touristiques internationales, notamment à Paris, même si d’autres villes comme Nice ou Deauville peuvent être concernées, il me semble qu’une évaluation au bout de trois ans de ces périmètres, éventuellement en vue d’un élargissement, car il ne s’agit pas de les fermer, est intéressante. Aussi, même si la commission n’a pas eu l’occasion de se prononcer, j’émettrai en son nom un avis de sagesse sur cette demande de rapport ; à titre personnel, j’y suis favorable.
Permettez-moi de repréciser les choses, pour être très concret, sur le cas de la Samaritaine, à la suite de la préoccupation exprimée par M. Dominati et qui a été réitérée.
Les ZTI sont définies par trois critères qui sont inscrits dans la loi : le rayonnement international, en se plaçant d’un point de vue commercial sur la base de plusieurs éléments ; l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers ; l’importance des achats.
À partir de ces critères, nous avons pu cibler, à ce stade, un certain nombre de zones, qui devront faire l’objet d’une déclinaison par décret. Quelles sont ces zones éligibles d’un point de vue objectif ? Il y a les zones touristiques actuelles des Champs-Élysées et d’une partie de l’avenue Montaigne. Ces zones, qui concentrent 21 magasins de luxe, sont indiscutables. De plus, une majorité des achats qui y sont réalisés sont le fait de touristes étrangers.
Seraient aussi concernées la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la rue de la Paix, la place Vendôme, la rue Saint-Honoré jusqu’à la rue Royale : 10 magasins dans la zone Madeleine, 22 dans la rue Saint-Honoré, 32 d’Opéra au sud de la rue Royale.
Par ailleurs, il y a la zone qui va du Bon Marché au marché Saint-Germain, avec, au nord, le boulevard Saint-Germain et, au sud, la rue de Sèvres, la rue de Grenelle jusqu’au boulevard Raspail et les parties incluses de la rue des Saints-Pères et de la rue du Vieux-Colombier, ainsi que la place Saint-Sulpice, ce qui correspond à une quarantaine de magasins.
Enfin, il y a aussi le boulevard Haussmann et l’arrière de l’Opéra, avec la rue de Caumartin et le passage du Havre.
En revanche, à Paris, il y a d’autres zones touristiques et commerciales qui ne sont pas couvertes par ce zonage.
Par définition, compte tenu du caractère objectif des trois critères définis par le texte, on ne peut pas couvrir une zone qui n’est pas ouverte aujourd’hui et qui, par définition, ne peut donc pas se voir appliquer ces critères.
Si elle ouvre et qu’elle correspond aux critères, elle sera évidemment éligible au dispositif. C’est d’ailleurs l’engagement que je prends devant vous : toutes les zones éligibles de manière objective pourront bénéficier de ces règles.
Après, si le souhait des collectivités est de les traiter en zone touristique ou en zone commerciale, rien ne les en empêche. Toutefois, aujourd’hui, je ne peux pas étendre les engagements pris par le Gouvernement de manière objective sur la base du texte de loi avant l’ouverture réelle de ces commerces.
Je m’engage à ce que le Gouvernement, bien sûr quand elles seront effectivement ouvertes et si elles correspondent aux critères, prenne ces zones en considération et qu’elles puissent être incluses dans le dispositif. Néanmoins, à ce stade, compte tenu de la situation, je vous invite à retirer vos amendements, à la lumière de ces explications.
Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 411 rectifié. J’ai parlé de ce sujet ce matin à l’occasion de la discussion d’un autre amendement, mais vous n’étiez pas là, monsieur Dominati…
Eh oui, nous le savons, les ministres passent et trépassent !
Il ne s’agit pas de focaliser le débat sur la Samaritaine, car il concerne la rue de Rivoli, qui comprend beaucoup d’enseignes dans cette partie, pour ceux qui connaissent bien le quartier.
J’admets votre argument juridique qui consiste à dire que vous ne pouvez pas engager le législateur s’agissant d’un établissement, qui, pour l’instant, n’est pas ouvert.
Après dix années d’attente, la Samaritaine devrait être ouverte, je crois, au mois de juin, à moins qu’il n’y ait encore des manœuvres dilatoires. La réouverture est donc proche et, à l’évidence, les trois critères contenus dans le texte s’appliqueront, puisque cet établissement va donner une impulsion positive à l’ensemble de la zone, qui connaît déjà une grande affluence. Par ailleurs, il y a des enseignes « bon marché » qui profitent aussi de cette affluence de visiteurs étrangers. Il suffit de se promener pour le constater.
Monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement. J’ai bien compris, à l’instar de Mme la rapporteur, qu’il y avait un problème juridique, mais, sur le fond, il est évident que la Samaritaine doit entrer dans une zone touristique internationale.
Toutefois, comme vous allez discuter du sujet avec Mme la maire de Paris – c’était l’objet du débat précédent –, je suppose qu’elle fera tout pour que, le moment venu, il y ait une zone touristique internationale §pour encadrer la montée en puissance de la rue de Rivoli, qui en a bien besoin.
Je rappelle que nous sommes sur l’amendement n° 1796, puisqu’il sera mis aux voix par priorité.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
Comme Mme la rapporteur, nous sommes favorables à l’amendement n° 1796, parce qu’on ne peut pas reprocher à un gouvernement de s’engager effectivement à remettre une évaluation d’une politique mise en place. C’est plutôt l’attitude inverse qui prévaut dans notre pays habituellement, c’est-à-dire qu’on a tendance à élaborer des politiques publiques que l’on n’évalue pas, tout en continuant à dire qu’elles sont bonnes, même si ce n’est pas tout à fait exact et que l’on n’a pas pris toute la mesure d’un problème. Je ne peux donc qu’aller dans le sens de cet amendement.
J’en profite pour donner ma position sur les amendements présentés par M. Dominati, ce qui m’évitera de reprendre la parole.
Son analyse est parfaitement exacte et met en lumière les problèmes tenant au zonage. En deçà ou au-delà de la frontière, on n’est pas au même régime, donc où faut-il placer la limite ? À mon sens, la seule solution est d’instituer une certaine souplesse et une certaine réactivité dans les passerelles entre les différentes zones commerciales, les zones touristiques internationales et le non-zonage, afin de modifier la carte. En effet, les situations ne restent pas stables ; elles évoluent. Il serait sage d’adopter une telle attitude, car, , il est difficile de trancher dans un milieu urbain continu.
La question posée est bonne, la proposition également, mais la solution n’existe pas, si ce n’est dans la souplesse, notamment dans le temps, afin de pouvoir rectifier les choses en fonction des réalités.
Il s’agit d’un débat très ciblé, sur un cas très précis soulevé par M. Dominati. D’ailleurs, mon cher collègue, si vous aviez soulevé le problème de manière plus générale, la situation aurait été inextricable. En effet, à partir du moment où l’on se place dans une logique de zonage territorial, la question devient plus complexe. Concrètement, vous abordez donc le cas de la Samaritaine.
Nous avons eu précédemment un échange sur la nécessité d’arriver à un accord sur la définition des zones touristiques avec les élus locaux, en l’occurrence Mme la maire de Paris, s’agissant d’un problème qui se pose depuis dix ans. De surcroît, un décret devra être pris, donc vous pensez bien que ce n’est pas uniquement par la loi que nous allons régler le cas que vous soulevez. En tout cas, le texte, tel qu’il est conçu, n’a pas forcément pour vocation à le faire, puisque la logique de zonage territorial n’est pas remise en cause.
Vous soulevez, certes, un vrai problème avec la Samaritaine. Il doit être traité en tant que tel, mais j’ai tendance à préconiser, comme je le fais depuis le début du débat, que la collectivité territoriale en question soit un partenaire indispensable pour prendre des décisions.
Pour compléter la réflexion, je précise que, si la Samaritaine n’a pas cette possibilité ouverte aux autres magasins au moment de la définition des ZTI selon la méthode évoquée par M. le ministre, il est évident qu’elle devra l’exiger au regard des distorsions de concurrence qu’une telle situation entraînerait.
Elle pourrait ainsi exiger une dérogation exceptionnelle. Nous n’en arriverons pas là, je pense, mais il faudra une vraie concurrence loyale entre l’ensemble des magasins du même type sur Paris, d’autant que la Samaritaine est située non pas dans un quartier « paumé », mais dans une rue plutôt touristique et fréquentée de la ville.
Monsieur le ministre, je voudrais une précision. Vous avez parlé du marché Saint-Germain, qui, si j’ai bien lu, doit devenir un Apple store. Ce dernier sera-t-il ouvert ou non le dimanche ? Bénéficiera-t-il d’une dérogation comme la Samaritaine ?
L'amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 411 rectifié, 412 rectifié et 1206 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 72, modifié.
L'article 72 est adopté.
L’amendement n° 705, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Lefèvre et Mme Primas, est ainsi libellé :
Après l’article 72
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3132-24 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 72 de la présente loi, il est inséré un article L. 3132-24-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -24 -1. –I. – Les établissements de vente au détail situés dans la commune de Paris peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Ce matin, l’excellent Pierre-Yves Collombat confiait ne pas comprendre comment se ferait la délimitation des zones dans Paris. Plusieurs orateurs, à droite comme à gauche, ont d’ailleurs fait remarquer que le commerce évolue et que les secteurs où il se fait aussi. Or on ne fait pas la loi pour un an ou deux seulement !
Personnellement, vous le savez, je souhaite aider la maire de Paris §; je souhaite également, tout comme Philippe Dominati, que la capitale retrouve tout son lustre. C’est pourquoi je fais une proposition simple.
Paris est candidat à l’organisation des jeux Olympiques et de l’Exposition universelle. Qu’on ne vienne pas me dire que les touristes qui se rendront à Paris à l’occasion de ces événements ou lors de leur préparation vont rester cantonnés dans certains quartiers et n’iront pas dans d’autres comme s’il y avait une espèce de ségrégation, de discrimination absolument insupportable !
Monsieur le ministre, puisque vous reprenez l’expression de « ville-monde », puisque la maire de Paris n’arrête pas de déclarer vouloir restaurer l’attractivité de la capitale, …
M. Roger Karoutchi. … ne faisons pas de discrimination ou de ségrégation à l’intérieur des quartiers de la capitale et autorisons l’ouverture le dimanche pour l’ensemble des commerces dans la ville de Paris.
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Ce serait plus simple que de découper les quartiers ou de couper en deux la rue de Rivoli !
Quand on habite à Paris, on voit bien que certains quartiers ont complètement changé en deux ou trois ans.
Certains quartiers populaires sont devenus « bobos » et très commerciaux, et ce à un rythme faramineux. Or, je le répète, on ne fait pas la loi pour un an ou deux. Dès lors, ayons le courage de faire de Paris un seul bloc, une seule ville, un seul ensemble, dans le cadre très strict, bien sûr, des dispositions du présent projet de loi.
Notre collègue Karoutchi l’a bien dit, les habitudes de consommation à Paris ne sont pas les mêmes qu’en province. Le dispositif de cet amendement ne s’applique d’ailleurs qu’à la capitale. Je rappelle cependant que nous venons d’instituer les ZTI, qui pourront être créées à Paris.
Lorsque j’ai reçu l’auteur du rapport sur le travail dominical et nocturne à Paris, j’ai pu constater que les maires de certains arrondissements étaient favorables à l’ouverture de leurs commerces sur leur territoire. Malheureusement, le système de gouvernance de la capitale ne leur permet pas d’en décider. J’ai également pu constater que les blocages étaient très forts et que des incohérences existaient.
Je le répète, les ZTI ont été créées. Tout le reste – zones touristiques et zones commerciales – relève du pouvoir local du maire. Désireuse de rester dans cette logique, la commission a émis un avis défavorable.
Je perçois bien votre volonté de tout ouvrir, monsieur le sénateur, …
Le problème que pose le dispositif de cet amendement est qu’il tend à établir un traitement spécifique pour la ville de Paris, qui exclurait les autres métropoles d’une façon tout à fait injustifiée.
Il est possible de définir les ZTI par la loi, à l’aide de règles claires. De même, les zones touristiques et les zones commerciales peuvent être délimitées sur l’initiative des élus locaux et sur la base d’éléments objectifs. Il y a également toute une partie de Paris qui ne relève pas de ces critères et qui ne justifie pas plus que certains quartiers de Lyon, Marseille ou Lille, pour ne prendre pour exemple que des métropoles, d’obéir à un tel régime d’ouverture. C’est le premier biais que je vois dans votre approche.
Votre volonté de simplifier par l’abandon de tout critère pourrait tendre à créer une distorsion entre métropoles. Or il me semble que la spécificité de Paris est prise en compte par les zones autorisées par le projet de loi : les ZTI, les zones touristiques et les zones commerciales. Exclure de votre schéma les autres métropoles me semble donc lui faire courir un risque d’inconstitutionnalité.
Pour les ZTI, nous venons d’en débattre, il convient d’établir des règles objectives, qui permettent de distinguer ces zones des autres. Quel élément justifierait, dans votre proposition, que Paris soit traité différemment des autres métropoles ? J’ajoute qu’un tel système ne protégerait pas le petit commerce de proximité. De nombreux petits commerces n’auraient pas la possibilité, en effet, d’assumer la charge et les contraintes d’une ouverture dominicale durant des plages horaires larges.
Pour ces deux raisons – la distorsion juridique qu’entraînerait, au contraire des dispositions que nous défendons, l’adoption de ce dispositif et le risque de déséquilibre qu’elle ferait peser entre les petits commerces et les autres –, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Il semble en effet que les clarifications qui viennent d’être apportées en matière de ZTI, et qui le seront dans un instant pour les zones touristiques et les zones commerciales, sont la réponse adaptée aux défis auxquels est confronté Paris.
Je remercie M. Karoutchi, car son amendement a au moins le mérite de rappeler à ceux qui le contestent que deux visions, l’une de gauche, l’autre de droite, s’affrontent bien dans cet hémicycle.
Vous voulez, mon cher collègue, que l’exception s’applique à tout Paris. Or le cœur du projet de loi, c’est de défendre, d’un point de vue politique comme social, un projet de vie, un projet de société : le dimanche doit être un jour de repos compensateur pour ceux qui travaillent, un jour où de nombreuses activités – citoyennes, sportives, familiales – peuvent se tenir, nécessaires à la vie en société.
Ne pas travailler le dimanche, c’est la règle ! Pour vous, Paris doit faire exception. Comme si n’y habitaient que des zombies, des citoyens différents des autres ! Je suis élu du XXe arrondissement, un arrondissement de 200 000 habitants, qui compte des quartiers populaires. Je sais très bien qui y vit. Nous, nous sommes attachés à ce que le dimanche reste un jour de repos, à ce que les citoyens ne soient pas que des consommateurs.
C’est vrai que Paris est une ville attractive et touristique. On vient par exemple dans le XXe arrondissement pour visiter le cimetière du Père-Lachaise, qui figure parmi les endroits les plus touristiques de Paris, même si on n’y vient pas pour acheter… Mais, en quelques stations de métro, en cinq minutes de transport, on se retrouve dans des quartiers où il est possible de consommer.
Dès lors, outre les arguments mobilisés par M. le ministre et relatifs à l’impossibilité de faire de Paris une exception, ce qui conduirait en réalité à appliquer cette dernière plus largement, je tiens à rappeler que nous discutons de dérogations et de leur encadrement, et non pas de la libéralisation absolue du système, ce que vous souhaitez, mon cher collègue. C’est d’ailleurs une conception sociale et politique que la droite assume parfaitement. Je vous remercie donc d’avoir rappelé qu’un débat gauche-droite a bien lieu dans cet hémicycle.
Le dispositif de cet amendement répond à une logique politique assumée, ce qui est bien normal. Dès lors qu’on multiplie les dérogations, qu’on promeut la philosophie de la consommation, notamment le dimanche, pour les villes attractives comme Paris ou d’autres, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ne soyons donc pas étonnés que certains veuillent aller encore plus loin en offrant la possibilité d’ouvrir le dimanche à tous les commerces de Paris, voire de toutes les métropoles. C’est une conception que le groupe communiste républicain et citoyen rejette.
Depuis ce matin, nous vous alertons sur les dangers que de telles dispositions entraîneront pour les salariés, qui n’auront pas vraiment leur mot à dire. Attention, mes chers collègues, nous sommes en train de décréter que le loisir se résume à la consommation !
Un des arguments avancés par M. le ministre m’a particulièrement choquée : le problème posé par le dispositif de cet amendement est qu’il tend à exclure de son champ les autres métropoles.
Ce n’est donc pas d’élargir cette dérogation à tout Paris qui pose problème ; c’est de ne pas l’élargir à toutes les métropoles !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes complètement en désaccord avec cet argument.
Pour terminer sur une note plus légère, je vous encourage tous à lire le livre de Paul Lafargue Le Droit à la paresse, qui nous rappelle que la liberté d’employer son temps est une liberté fondamentale. §Je constate que, dans cet hémicycle, tout le monde n’a pas d’humour…
M. Roger Karoutchi s’esclaffe et applaudit.
S’il fallait démontrer la rigidité du système proposé par le Gouvernement, s’il fallait prouver que l’évolution est marginale, pour ne pas dire minime, qu’elle joue sur l’épaisseur du trait, vous venez de le faire à l’article 72, monsieur le ministre.
Vous avez dû reprendre la parole à deux reprises pour répondre à une question concrète, pragmatique, que je vous avais posée. Vous l’avez fait en nous présentant un catalogue de rues, et cela afin de tenter de délimiter le périmètre des ZTI sur le territoire parisien. En réalité, ces zones ne correspondent absolument en rien à la réalité quotidienne des Parisiens. M. Assouline a raison, les positions doivent être assumées : la mairie de Paris veut-elle créer des emplois, de la croissance, du dynamisme ou rester figée dans le passé ?
Je regrette votre solitude sur ce sujet. Le ministre du tourisme, M. Fabius, qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur cette question, n’a pas eu l’occasion, depuis que nous avons entamé les débats, de venir nous en dire quelques mots. Le ministre du travail, M. Rebsamen, n’a pas eu non plus l’occasion d’exprimer sa sensibilité. On vous laisse seul !
Nous le voyons bien, les avancées obtenues sont comprises dans l’épaisseur du trait. La rigidité des textes demeure. Vous êtes engoncé dans un glacis. Vous ne pouvez pas convaincre votre majorité. Surtout, vous ne pouvez pas convaincre le pouvoir économique, les chefs d’entreprise, les consommateurs, les Parisiens ! Ils réclament plus de « liberté » : cette notion, qui était quasiment absente des débats de la matinée, fait cruellement défaut dans votre texte ! C'est la raison pour laquelle le projet de loi ne peut pas me convenir.
C’est parce qu’il me paraît nécessaire de faire sauter un certain nombre de carcans que je voterai avec plaisir l’amendement de mon collègue Karoutchi.
Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.
Les propos de notre collègue Karoutchi sont souvent pleins de bon sens, mais, pour une fois, je ne souscris pas à son analyse.
Certes, je le rejoins quand il déplore le manque de clarté des zones de délimitation à Paris. Venant de province, mais vivant également à Paris, je vois bien les évolutions : des quartiers qui tournaient hier au ralenti revivent.
La délimitation des zones n’est donc pas chose aisée. Cependant, l’ouverture dominicale de tous les magasins parisiens aurait pour conséquence d’attirer toute la province, immédiate ou plus lointaine, sur Paris. Or il n’y a pas que Paris ; il y a un certain nombre de villes autour !
Voyez les magasins d’usine. D’ailleurs, vous savez comme moi que ce sont de faux magasins d’usine. Les produits que l’on y vend sont souvent fabriqués au Maroc ou ailleurs. Là aussi, il faudrait légiférer.
Vous l’aurez compris, je crains que la capitale n’attire toute la province dans ses boutiques, au détriment des commerces des autres villes.
Je n’ai rien inventé. Ce que je propose, c’est simplement un alignement sur le régime en vigueur à Londres.
Restez calme, monsieur Assouline !
Le régime londonien a été conçu par l’ancien maire de la ville, celui que l’on surnomme « Ken le rouge ». À ma connaissance, il n’est pas spécialement de droite ! Plus généralement, l’ouverture commerciale de Londres est le fait d’élus qui n’étaient pas particulièrement de droite ou de gauche.
D’après M. Assouline, l’enjeu principal serait de récréer un clivage entre la gauche et la droite. Honnêtement, pour défendre l’attractivité de Paris et en faire une ville-monde, je ne vois bien pas quelle est l’utilité de savoir si l’on est de gauche ou de droite.
M. Roger Karoutchi. De deux choses l’une : soit le système fonctionne, et tout va bien ; soit il ne fonctionne pas, et nous avons un problème. Or force est de le constater, aujourd'hui, il ne fonctionne pas ! Nous perdons des parts de marché au profit de Londres, de Barcelone et des capitales qui ont fait le choix de l’ouverture dominicale.
M. David Assouline s’exclame.
Le débat pour savoir si les mesures envisagées sont de gauche ou de droite est proprement surréaliste !
Je souhaite rassurer mon collègue Alain Fouché. Je n’imagine naturellement pas que tous les magasins de Paris ouvrent le dimanche. Dans certaines boutiques, dans certains quartiers, ce ne sera évidemment pas utile. Le fait d’étendre l’autorisation d’ouverture dominicale permettra simplement à un commerçant ayant la capacité de vendre plus et de créer des richesses et des emplois d’ouvrir son magasin lors du passage de touristes, même s’il n’est pas dans une zone délimitée. Mais, dans les quartiers ou les secteurs d’activité où l’ouverture dominicale ne présente pas d’intérêt, elle n’aura évidemment pas lieu. Arrêtons de faire comme si c’était tout ou rien !
Laissons la possibilité d’ouvrir les magasins partout, et pas seulement dans les zones délimitées ! D’ailleurs, elles ne sont délimitées que pour l’instant. On nous parle d’un rapport pour évaluer le dispositif dans trois ans. Mais, dans deux ou trois ans, les zones touristiques ne seront plus les mêmes ! À Paris, tout bouge très vite ! Vous aurez bientôt des commerçants de quartiers en pleine expansion touristique qui viendront se plaindre de ne pas pouvoir ouvrir leur magasin le dimanche.
Arrêtons de faire de la politique politicienne ! En l’occurrence, cela n’a pas de sens.
M. le ministre souhaite que l’ouverture dominicale s’accompagne d’un encadrement et de contreparties, par exemple des augmentations. Nous sommes d'accord ! Ce n’est pas le sujet. Mais n’empêchez pas les commerçants de quartiers qui se développent d’ouvrir leur magasin le dimanche sous le seul prétexte qu’ils ne sont pas en zone délimitée ! Laissez-les choisir : vous verrez qu’il n’y aura pas d’ouverture dominicale là où cela n’a pas d’intérêt.
Mon collègue Philippe Dominati a parlé de « liberté ». Honnêtement, je ne comprends pas que ce mot puisse faire peur à certains. Nous avons besoin de liberté, pas de ségrégation entre les quartiers !
L’objectif réel des auteurs de cet amendement, même s’ils invoquent l’argument du tourisme, c’est la banalisation du travail le dimanche.
M. Karoutchi vient encore une fois d’affirmer que le travail le dimanche serait encadré dans la loi. Mais il n’y a aucun encadrement !
Le texte mentionne juste des compensations salariales, mais en ne fixant aucun plancher.
Une compensation salariale, cela peut être une augmentation de 3 % pour les heures travaillées le dimanche ; cela peut être une heure de récupération ; bref, cela peut n’être pas grand-chose ! Tout dépendra d’un accord, et pas forcément d’un accord de branche : il pourra s’agir d’un accord d’entreprise ou local.
En réalité, le projet de loi ne fixe aucune compensation pour les salariés.
Le texte pourrait prévoir un doublement du salaire, une augmentation de 20 % ou même des heures de repos compensateur, mais il n’y a rien de tout cela. Le seul élément qui figure dans le texte est le fait que l’accord devra effectivement comporter des compensations salariales.
Mais ces compensations salariales pourront être minimales, voire minimalistes.
M. Karoutchi fait référence aux accords qui seront conclus à Paris pour l’ouverture des magasins le dimanche. Mais, entre deux rues, voire entre deux boutiques d’une même rue, les accords pourront être différents, selon les capacités respectives de négociation des salariés dans leur magasin. Parfois, il y a aura des compensations ; parfois, il n’y en aura pas. En matière d’inégalités, le texte se pose là !
Nous le voyons bien, derrière cet amendement, il y a la volonté de généraliser le travail le dimanche à toutes les grandes villes, à toutes les métropoles, à toutes les boutiques, et sans compensation garantie par la loi. C’est vraiment détestable pour les salariés, qui seront obligés de venir travailler dans ces boutiques dès lors qu’elles seront ouvertes.
J’entends bien les arguments de notre collègue Karoutchi, mais les propos de Mme David ne sont pas inexacts.
À mon sens, le cas de Paris ne doit pas être traité à part. Il y a une continuité urbaine qui ne s’arrête pas aux limites de la capitale. De l’autre côté du périphérique, il y a des communes, comme Boulogne-Billancourt ou Neuilly-sur-Seine.
Nous risquons d’ouvrir la boîte de Pandore. Toute métropole dans une position similaire aura nécessairement la même revendication. On ne peut pas favoriser seulement Paris ; il y a aussi des lieux attractifs, par exemple sur le plan sportif ou culturel, autour. Il paraît difficile de modifier les limites seulement à Paris, sans tenir compte du reste.
Il paraît plus logique de s’en tenir à la position sage de la commission. Telle sera notre attitude.
Le débat est fourni et intéressant. Je souhaite apporter trois précisions à ce stade.
D’abord, comme cela a été souligné, d’autres métropoles pourraient être concernées et, en cas d’adoption de cet amendement, il y aurait deux régimes distincts. Or la situation créée serait sans doute très compliquée à gérer. La possibilité d’ouverture dominicale de tous les magasins parisiens aurait également des conséquences extrêmement fortes sur le commerce en petite couronne et en grande couronne.
En tant qu’élu de la petite couronne, j’y suis particulièrement sensible. D’ailleurs, comme le soulignait ce matin M. Karoutchi, nous ne pourrons pas, à mon avis, faire l’économie d’une réflexion à l’échelle métropolitaine lorsque la métropole existera. Il n’est pas possible d’avoir un régime très libéral sur Paris et de ne rien faire en petite couronne, dont le commerce déclinerait alors.
Ensuite, l’amendement me semble en totale contradiction avec l’article 72, que nous venons d’adopter. Le dispositif que nous avons voté définit clairement la possibilité pour l’État de créer des ZTI. Il serait donc pour le moins incohérent d’insérer un article additionnel indiquant que la ZTI, c’est Paris !
Enfin, les auteurs de l’amendement indiquent eux-mêmes que l’adoption d’un tel dispositif aurait pour effet de limiter les ouvertures dominicales à la tranche horaire de dix heures à dix-huit heures. Or, nous le savons tous, pour s’adapter au tourisme, notamment international, il faut aller au-delà de dix-huit heures.
Par conséquent, l’adoption d’un tel amendement, dont je comprends bien la logique, aurait trois effets collatéraux dommageables.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
Les deux premiers alinéas de l’article L. 3132-25 du code du travail sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. »
Cet article vise à remplacer dans le code du travail les « communes d’intérêt touristique ou thermales » et les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » par « des zones touristiques » dont la caractéristique commune est de recevoir « une affluence particulièrement importante de touristes ».
Si l’objectif était de simplifier, il n’est, me semble-t-il, pas atteint. La notion d’« affluence particulièrement importante de touristes » reste à définir, d’autant que rien n’est indiqué quant à la possible saisonnalité de la présence touristique.
Si la simplification n’est pas avérée, le risque d’élargissement des zones dans lesquelles les commerces seront autorisés à ouvrir le dimanche est particulièrement fort. En effet, auparavant, la liste des communes d’intérêt touristique ou thermales et le périmètre des zones d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente étaient établis par le préfet sur proposition du maire, mais aussi après recueil des avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, des communautés de communes ou d’agglomération, des métropoles et communautés urbaines. Ce n’est plus le cas dorénavant : la décision revient au préfet, sur demande du maire. Il semble que votre volonté de simplifier se fasse trop souvent au détriment de la démocratie, surtout de la démocratie sociale et locale.
Comme pour les zones touristiques internationales, l’ouverture dominicale des commerces est soumise à la conclusion d’un accord collectif. Or, en l’absence d’un tel accord, au lieu de se référer à un accord de branche, c’est la décision unilatérale de l’employeur qui prévaudra, après avis des instances représentatives du personnel – si elles existent – et approbation par référendum. Là encore, comment penser que des salariés précaires prendront le risque, même collectivement, de s’opposer à une décision de leur employeur, surtout s’il s’agit de petites structures ?
Il y va de même pour la notion de volontariat, dont nous ne cessons de répéter qu’elle est illusoire. Le salarié et l’employeur, encore plus dans la situation actuelle de chantage à l’emploi, ne peuvent pas traiter sur un pied d’égalité. Le lien de subordination est réel : l’ignorer relève soit d’une véritable incompréhension du monde du travail, soit d’une approbation tacite du fait que des salariés devront travailler le dimanche contre leur gré et contre leur intérêt.
Par ailleurs, la solidarité et le tissu associatif qui font l’attrait de la France valent mieux qu’un dimanche après-midi de shopping dans un centre commercial, qu’il soit situé en zone touristique ou non.
Ces zones sont touristiques pour bien d’autres raisons que pour leur activité commerciale. Elles le sont, par exemple, pour leur patrimoine architectural, pour leurs paysages, pour leur dynamisme culturel, qui repose bien souvent sur l’action de bénévoles, laquelle s’exerce le dimanche justement. C’est ce que le groupe communiste républicain et citoyen choisit de valoriser en s’opposant à l’ouverture des commerces le dimanche et donc à l’article 73 du projet de loi.
L’article 73 est inscrit dans le titre III du présent projet de loi et porte sur les exceptions au repos dominical et en soirée. Son principe, comme l’a rappelé notre collègue députée Jacqueline Fraysse, reste trop flou. On peut légitimement se poser la question de son objectif. Ne s’agit-il pas, en réalité, de banaliser tout simplement le travail le dimanche ?
Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous entendez écrire une nouvelle page de notre histoire du droit du travail. En réalité, le gouvernement auquel vous appartenez, au travers des propositions de transformation du code du travail que contient ce texte, s’engage dans une phase de recul social, car le principe même du repos dominical inscrit dans la loi du 13 juillet 1906 est l’une des pierres angulaires de notre pacte social. Comme le précise, à juste titre, l’historien Robert Beck, « cette loi reste en vigueur parce qu’elle est fondée autour de deux valeurs : le repos et la famille ».
Nous estimons que ce principe doit être préservé et non pas remplacé par une culture consumériste. D’ailleurs, les Français sont attachés à leur pause dominicale. Selon une récente enquête réalisée par BVA, si 60 % d’entre eux sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche, ils sont 62 % à être opposés à l’idée de travailler eux-mêmes ce jour-là.
Notre propos n’est pas d’interdire tout travail le dimanche. Les dérogations déjà existantes suffisent amplement à couvrir les contraintes qu’imposent certaines activités industrielles, notamment, ou la continuité des services publics. En revanche, quels impératifs peuvent justifier réellement l’ouverture le dimanche de commerces de biens et de services ?
Vous nous assurez que le projet de loi développera l’emploi et relancera la consommation. Dans les faits, il prépare seulement plus de précarité pour les travailleurs. Aucune étude à ce jour n’a réussi à établir de corrélation entre la flexibilité du contrat de travail et la création d’emplois. Si un tel lien existait, ça se saurait tant le travail a été précarisé ces dernières années !
Les études attestent, en revanche, de la disparition accélérée des petits commerces. Selon la DARES, 30 000 emplois seront perdus. Il convient également d’écouter l’inquiétude des petits commerçants à ce sujet.
Le recours au travail le dimanche sur la base du volontariat sera un leurre pour les salariés. Dans les faits, peu d’entre eux pourront exercer un libre choix. Afin de garantir leur emploi et de ne pas tomber dans la spirale du chômage, les travailleurs seront contraints d’accepter de travailler le dimanche malgré les difficultés d’organisation qu’ils rencontreront. Leur désir d’un meilleur salaire risque vite d’être rattrapé par un principe de réalité. Dans les futures zones touristiques, comme cela a été rappelé par ma collègue Annie David, la loi ne fixe pas de contreparties minimales en ce qui concerne le salaire ou le repos. Elle les rend obligatoires, mais renvoie leur fixation à des accords d’établissement, de branche ou de territoire, voire d’entreprise. Or, on le sait, les salariés seront en situation d’infériorité et ne parviendront pas à obtenir de véritables contreparties. De plus, aucune majoration n’est prévue pour les entreprises de moins de vingt salariés, majoritaires dans ces zones.
En réalité, ces dispositions risquent de précariser davantage l’emploi des femmes, singulièrement des mères célibataires, qui sont les plus représentées dans les secteurs d’activités des zones touristiques. En outre, les multiples mesures de dérégulation déjà mises en place sont sans effets positifs sur l’économie puisque le chômage continue à progresser. Concrètement, la France compte déjà 17 % d’emplois précaires. Si la précarité aidait à développer l’emploi, cela se saurait !
D’autres pistes de réflexion sont possibles. Dès 2011, ma collègue sénatrice Annie David proposait de revenir sur le texte de loi du député Richard Mallié afin d’apporter de nouvelles garanties et protections aux salariés qui travaillent le dimanche.
Pour aller plus loin dans la modernisation du droit du travail, il conviendrait plutôt de sacraliser ce temps de repos essentiel pour les activités familiales, culturelles ou sportives. Garantir à nos concitoyens ce jour de repos est un objectif qui devrait nous rassembler. Ce sont les valeurs fortes du vivre ensemble, que nous avons rappelées il y a quelques mois à l’unisson, qu’il nous faut ici réaffirmer face à tous les lobbies qui œuvrent en faveur du travail le dimanche, mais uniquement pour les autres !
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 67 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 706 est présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Lefèvre et Mme Primas.
L'amendement n° 782 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 1445 est présenté par M. Bouvard.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 67.
L’article 73 vise à permettre aux établissements situés dans des zones caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes d’ouvrir le dimanche. Au-delà des arguments déjà exposés par mes collègues, les critères énoncés sont extrêmement flous. À partir de quand pourra-t-on considérer que l’affluence est particulièrement importante ? Le critère déterminant est-il fonction du nombre de touristes, des périodes de consommation ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises ? Encore une fois, il n’y a aucun critère objectif.
Comme pour les zones touristiques internationales dont nous venons de débattre, nous craignons que l’absence d’éléments d’appréciation objectifs et chiffrés ne nuise à la pertinence des délimitations. Pour notre part, nous aurions souhaité, afin de garantir les droits des salariés et réduire les inégalités de situation, en revenir à une logique analogue à celle qui prévalait avant la loi du 10 août 2009, la fameuse loi Mallié, en recherchant prioritairement une proportionnalité entre les dérogations au repos dominical et les droits des salariés.
Pour permettre d’accueillir la clientèle touristique dans de bonnes conditions, nous avions proposé en 2011 de retenir les critères de mise « à disposition du public des biens et services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ». Voilà des critères qui nous semblent adéquats à la réalité d’une zone touristique ! Telle est la raison pour laquelle nous voulons supprimer cet article.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 706.
Cet amendement est identique au précédent, mais les motivations qui le sous-tendent ne sont pas les mêmes.
Aujourd'hui, dans un certain nombre de zones, ceux qui travaillent le dimanche obtiennent des majorations de salaire ou éventuellement des congés supplémentaires. Si l’article 73 était adopté, ces avantages ne leur seraient plus accordés, car le régime commun s’appliquerait. Dans les trois ans à venir, si les commerçants en question ne sont pas couverts par une convention collective, ils se retrouveront dans une situation extrêmement difficile. Ils seront conduits soit à fermer le dimanche, pour ceux d’entre eux qui ouvrent aujourd'hui leur commerce, soit à ne plus recourir à l’emploi saisonnier.
Il est assez curieux de prévoir une évolution somme toute assez positive en ce qui concerne le travail le dimanche tout en adoptant dans le même temps une réaction restrictive sur les majorations de salaire aujourd'hui accordées à ceux qui n’ouvrent qu’un certain nombre de dimanches par an, en accord avec le chef d’établissement. Selon moi, le signal envoyé n’est pas extrêmement positif.
Je précise que si l’article 73 était adopté, l’amendement n° 1665 rectifié que j’ai déposé à l’article 76 deviendrait sans objet.
Je souhaite approfondir la difficulté qui a été évoquée à l’instant par Roger Karoutchi. L’intelligence du texte est de considérer que le tourisme n’est pas uniforme sur le territoire et de gérer les dérogations et les exceptions.
Le texte comporte de nombreuses mesures positives, que nous approuvons, bien évidemment. Néanmoins, il ne prend pas suffisamment en compte certaines situations. Je pense notamment aux stations touristiques, singulièrement aux stations dont l’activité est saisonnière. C’est toute la différence avec le tourisme urbain. Paris est une ville touristique toute l’année, contrairement à certaines stations de montagne ou du littoral qui ne le sont qu’une partie du temps.
Depuis des décennies, nous sommes organisés autour d’un modèle qui fait appel soit à des pluriactifs, soit à des saisonniers – la différence étant que le pluriactif se trouve en général sur place et cumule deux activités complémentaires en fonction des saisons, alors que le saisonnier est souvent issu de l’extérieur et se rend sur le territoire uniquement pour effectuer la saison. Dans ces stations touristiques, en particulier dans les stations de sports d’hiver, le travail est continu, avec des jours de repos. La loi Mallié a étendu, à l’époque, à l’ensemble des commerces de détail la possibilité de reporter le repos dominical des salariés, possibilité précédemment réservée aux seuls collaborateurs des magasins liés aux activités sportives ou directement touristiques.
Se pose le problème des conséquences de votre texte, à savoir respecter durant trois ans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 du code du travail, avec les compensations financières qui s’imposent. Dans la pratique, lors de l’embauche d’un saisonnier, la rémunération prend en compte cette situation. Prévoir d’appliquer le régime de droit commun dans ces stations touristiques, c’est pénaliser en quelque sorte ceux qui ont été les plus vertueux, c’est fragiliser l’organisation du travail et l’économie même de ces zones, notamment dans les stations de sports d’hiver qui supportent des charges annualisées, ne serait-ce qu’en termes de fiscalité, pour une activité qui n’est exercée que durant six à huit mois de l’année en fonction des situations et des territoires.
Je ne prétends pas que la situation des saisonniers est idéale. Nous savons, Michelle Demessine, Annie David et moi-même, les combats qu’il a fallu mener au sujet du douloureux dossier du logement des saisonniers et les conquêtes auxquelles nous sommes parvenus. C’est un problème crucial pour lequel nous avons créé des dispositifs d’accompagnement.
Nous n’ignorons pas qu’il y a, ici ou là, certains excès. Mais nous considérons que, en l’état, ce texte aboutira à fragiliser l’économie touristique, alors qu’il a pour objet affiché de la soutenir.
L’article 73 regroupe, sous la dénomination unique de « zones touristiques », dont le point commun est l’affluence particulièrement importante des touristes qu’elles reçoivent, des zonages existants, qui sont les communes d’intérêt touristique, les communes thermales, les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. Ce regroupement sous un seul vocable de « zones touristiques » permet une simplification.
Si cette formulation peut, il est vrai, paraître imprécise, c’est parce qu’elle recouvre des situations extrêmement variées et qu’elle est le reflet de la grande diversité des communes touristiques et des attractions culturelles, ludiques ou balnéaires qu’elles offrent. Il s’agit donc d’un article de simplification. Je rappelle que ces zones touristiques sont décidées sur l’initiative du maire. C’est le pouvoir local qui demande la délimitation d’une zone touristique, et c’est le préfet qui, au regard des arguments qui seront présentés par la collectivité, accepte ou non le zonage.
L’article 73 nous apparaît opportun dans la mesure où il simplifie ce qui était l’accumulation de différentes zones. Reste que je partage tout à fait l’inquiétude de nos collègues sur les commerces situés dans ces zones touristiques, qui, jusqu’ici, n’étaient pas soumis à une obligation de contrepartie pour le travail dominical. C'est pourquoi, à l’article 76 du projet de loi, la commission a opéré des modifications en supprimant l’obligation de contrepartie pour les commerces de moins de onze salariés situés dans ces zones. C’était une préconisation du rapport Bailly.
Il a semblé à la commission que, au-delà de ce seuil, des commerces de plus grande taille pouvaient s’inscrire dans un accord collectif de branche, d’entreprise ou territorial. Par ailleurs, j’ai prévu, en l’absence d’un tel accord, la possibilité pour l’employeur, sous réserve que sa décision soit approuvée par référendum organisé auprès de la moitié des salariés, d’établir ces contreparties.
Donc, au-delà de onze salariés, les entreprises devront offrir des contreparties, qui peuvent être de tous ordres, notamment salariales. Souvent, le fait de travailler le dimanche dans ces zones se traduit par des contreparties qui sont déjà prévues dans les contrats de travail. Je pense que la commission spéciale, en fixant la limite à onze salariés pour les entreprises, en limitant cette dérogation aux zones touristiques et en rétablissant à trois ans le délai d’adaptation qui a été fixé, est parvenue à un équilibre.
Pour les autres, les contreparties existent. Donc, elles entreront forcément dans le cadre des accords.
L’article 73 apporte une vraie définition, une vraie simplification par rapport aux quatre zonages existants. C'est la raison pour laquelle la commission l’a adopté sans modification et qu’elle est donc défavorable aux amendements tendant à sa suppression.
L’article 73, comme vient de le dire Mme la rapporteur, vise à simplifier l’article L. 3132-25 du code du travail. Il supprime les quatre catégories existantes pour les regrouper en une seule : les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes.
Les établissements actuellement situés dans ces zones touristiques continuent à être couverts, comme nous le verrons à l’article 76, qui vise à modifier l’article L. 3132-25-3 du code du travail, puis à l’article 77, qui vise à modifier l’article L. 3132-25-4. Ces articles fixent les conditions dans lesquelles ces ouvertures se feront. L’article 75, quant à lui, tend à modifier l’article L.3132-25-2 et continue de préciser qu’il appartient au maire de demander la délimitation ou la modification d’une telle zone touristique, sur laquelle le préfet de région doit ensuite statuer.
Je demande à M. Karoutchi, dont la critique m’a semblé plutôt porter sur l’article 76 que sur l’article 73, de bien vouloir retirer son amendement n° 706.
Pour répondre à Mme la sénatrice David comme à M. le sénateur Bouvard, je veux ici dire que nous voulons simplifier les quatre régimes existants. Il ne s’agit pas de réévaluer ou de revisiter, au titre de cet article 73, l’éligibilité de certaines communes, qui est aujourd'hui acquise. Les critères définis au niveau réglementaire et qui seront pris en compte pour la détermination de ces zones seront établis de façon à correspondre en fait aux périmètres actuels.
À ce jour, rappelons que l’article R. 3132-20, par exemple, dispose que les critères notamment pris en compte pour le classement en commune d’intérêt touristique ou thermale sont : le rapport entre la population permanente et la population saisonnière ; le nombre d’hôtels ; le nombre de gîtes ; le nombre de campings ; le nombre de lits… Tous ces éléments, évidemment, seront maintenus. Il ne s’agit pas de déclasser des communes qui sont aujourd'hui touristiques et qui sont éligibles à ces critères. En tout cas, ce n’est pas l’intention du Gouvernement, je veux ici le préciser et vous donner un plein engagement.
L’objet de l’article 73 est bien de simplifier la dénomination des zones touristiques, de la rendre plus lisible, de l’inscrire dans le mécanisme que je viens de décrire, avec l’initiative du maire, le pouvoir du préfet et la soumission à un accord collectif et au volontariat, ainsi que nous aurons à en discuter à l’article 76, et de renvoyer, comme c’est aujourd'hui le cas, la définition à un décret. Je tiens à redire qu’il n’y aura pas de fragilisation ou de déclassement. On examinera par ailleurs, à l’article 76, la question des accords collectifs, qui peut être un sujet de préoccupation pour celles et ceux qui sont aujourd'hui ouverts. Nous avons fait le choix de laisser un délai d’adaptation. Le choix de votre commission a été différent, puisqu’elle a prévu qu’en dessous d’un certain seuil il n’y aurait pas d’accord collectif mais un référendum. Nous en discuterons ultérieurement.
L’article 73 vise véritablement à simplifier, à harmoniser la définition des zones touristiques. C’est pourquoi, dans ce contexte, je demande le retrait de ces trois amendements, auxquels, à défaut, je donnerai un avis défavorable.
Ces amendements identiques procèdent, ce n’est pas la première fois et on le verra peut-être encore ultérieurement, de motivations contradictoires, mais ils aboutissent au même résultat : conserver le régime actuel. Or je tiens à faire remarquer à leurs auteurs que, dans le régime actuel, les salariés n’ont aucune garantie, alors que le projet de loi prévoit un certain nombre d’avancées importantes. Ainsi, les salariés des zones touristiques pourront bénéficier de contreparties salariales, de la garantie du volontariat, de la réversibilité et de toutes les protections juridiques qui s’appliquent obligatoirement aujourd'hui dans des zones, des périmètres d’usage de consommation exceptionnelle. Je vous demande de réfléchir, chers collègues, car, si on votait vos amendements, tout cela disparaîtrait.
Par ailleurs, vous vous inquiétez de la situation des salariés dans des zones qui sont déjà classées comme touristiques. Ainsi que Mme la rapporteur et M. le ministre l’ont déjà évoqué, nous allons parler à l’article 76 des contreparties.
Un autre défaut que je trouve à ces amendements de suppression, mais on le retrouve très souvent dans la discussion, c’est la défiance qu’ils marquent à l’égard des partenaires sociaux. Moi, je fais plutôt confiance à ceux qui vont négocier, notamment quand ils négocient au niveau des territoires. Les employeurs vont prendre en compte leur modèle économique ; les salariés, eux, sont capables de comprendre que, parallèlement à leurs légitimes demandes sociales, il faudra aussi tenir compte de la situation économique ; puis tout le monde prendra en compte la capacité des zones de chalandise concernées.
Nous, nous sommes a priori favorables à la négociation. C’est le fil rouge qui nous guide depuis le début de la discussion de ce texte. Je suis donc tout à fait opposée à la suppression de l’article 73. C’est pourquoi, si vous maintenez vos amendements, le groupe socialiste votera contre.
Au bénéfice des explications du ministre et compte tenu du fait que les problèmes qui avaient motivé mon propre amendement pourront être traités lors de la discussion de l’article 76, sur lequel le Gouvernement a une position moins hermétique que la commission, qui a fixé le seuil guillotine de onze salariés, lequel pose de vrais problèmes pour les activités saisonnières, je retire mon amendement.
L’amendement n° 1445 est retiré.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Compte tenu des arguments de la rapporteur, du ministre et de Mme Bricq, je retire également l’amendement.
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Nous ne retirons pas notre amendement. Si la discussion sur les accords aura bien lieu à l’article 76, l’article 73 ne peut pas être appréhendé isolément des autres articles du titre III et fait partie d’un ensemble que nous rejetons en bloc.
Pour nous, ce qui est en jeu, même si, ce matin, certains ont semblé ignorer cet aspect, c’est la société que nous voulons offrir, demain, à nos concitoyennes et à nos concitoyens. Nous refusons la marchandisation à outrance, nous voulons préserver des droits et des acquis sociaux pour les salariés. Je trouve également dommage que nous réduisions Paris, notre belle capitale, ville-monde, à son seul aspect commercial et marchand, en oubliant fortement son aspect culturel.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l’amendement n° 67.
Je voudrais, pour ma part, revenir sur les travaux de la commission d’étude des effets de la loi pour la croissance et l’activité, qui a constitué l’étude d’impact de ce projet.
Cela a été fait très rapidement, peut-être cette commission n’a-t-elle pas disposé d’assez de temps pour travailler. En tout cas, si l’une de ses conclusions est que l’ouverture dominicale a favorisé la création d’emplois dans certains pays, rien n’est dit sur les conséquences en matière de lien social et de vivre ensemble, sur l’effet de cascade – le travail dominical des uns entraînant nécessairement le travail dominical pour d’autres –, sur la santé, le volontariat, les coûts induits pour les salariés, le commerce de proximité et la désertification des territoires, l’isolement des personnes âgées, les économies d’énergie ou encore sur la captation de chiffre d’affaires par les magasins implantés dans les zones autorisées à ouvrir le dimanche.
Ainsi que l’a souligné notre collègue Dominique Watrin, la libéralisation du dimanche en Italie a conduit à la fermeture de 32 000 entreprises et à la perte de 90 000 postes de travail. Il est vraiment curieux que cela n’éveille pas l’attention. Je vous renvoie également à l’étude du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, sur les destructions d’emplois liées à l’ouverture des grandes surfaces le dimanche.
Je voudrais ensuite rappeler que l’ouverture dominicale a des incidences sur les activités des associations sportives, culturelles, sur les activités de loisirs, mais aussi sur les activités cultuelles. Le temps passé en famille était un temps protégé, on va désormais le passer dans les magasins, à faire des achats.
Il est dommage qu’on n’ait pas pris tout cela en compte, car, petit à petit, le lien social, qui était un temps fort dans notre société, risque de se déliter.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 98 rectifié quater est présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Kennel, Lefèvre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mme Lamure et MM. Laménie, Perrin, Gremillet et L. Hervé.
L'amendement n° 205 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4
La parole est à M. Bernard Fournier, pour présenter l'amendement n° 98 rectifié quater.
Cet amendement vise à préserver la législation actuelle dans les zones touristiques, afin d’éviter la fermeture des petits commerces en stations, dont la situation économique est déjà fragile.
Le système actuel, reposant sur l’octroi de repos compensateurs, constitue un équilibre satisfaisant entre les différents acteurs dans les communes touristiques, notamment au regard des conditions de rémunération. Une modification de cet équilibre risque d’entraîner la fermeture des commerces qui sont à la source de l’attractivité des communes touristiques et, par voie de conséquence, la suppression d’emplois.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 205 rectifié.
Les commerces qui sont situés dans les zones touristiques sont aujourd’hui libres d’ouvrir le dimanche sans obligation de contreparties. L’article 73 tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale impose, pour ouvrir le dimanche, d’être couvert par un accord collectif et d’offrir des contreparties aux salariés.
La commission spéciale, dans la rédaction qu’elle propose de l’article 76, a souhaité exclure de ce dispositif les commerces de moins de onze salariés. C'est un progrès, …
… mais il est pour nous insuffisant. Conditionner l’ouverture dominicale à la conclusion d’un accord collectif peut engendrer, dans certains cas, des difficultés importantes pour les commerces qui participent largement à l’attractivité de ces zones touristiques, avec – cela a déjà été dit – la possibilité d’entraîner non pas des créations, mais des suppressions d’emplois.
Je rappelle aussi que, dans la plupart des communes touristiques, l’activité est concentrée sur quelques mois. Il est important de rappeler à nouveau que les salariés ayant choisi de travailler en station de montagne ou en station balnéaire bénéficient déjà de contreparties.
Nous proposons donc simplement de supprimer la référence aux deux articles visés dans l’alinéa 2 et, ainsi, de préserver la législation actuelle dans les zones touristiques.
Monsieur le ministre, on nous parle de dialogue social : nous sommes tous, ou la plupart d’entre nous, favorables au dialogue social. Mais vous voyez déjà les difficultés que rencontre le Gouvernement pour le faire pratiquer… Ce n’est pas dans la culture française ! Or nous cherchons, comme vous ne cessez de le répéter très justement, des solutions concrètes et rapides. La solution qui a été retenue pour ces zones touristiques ne me semble pas vraiment la bonne.
On est dans le même cas de figure que pour les amendements de suppression : le débat sur les contreparties exigées en zone touristique aura lieu lors de l’examen de l’article 76. Je demande donc le retrait de ces deux amendements identiques.
Notre collègue Fournier a évoqué les petits commerces : si nous nous sommes arrêtés au seuil de onze salariés, c’est justement pour les prendre en compte.
Je souhaiterais, par ailleurs, apporter une précision s’agissant des restaurants. Ces établissements bénéficient d’une dérogation spécifique, de droit, pour le travail le dimanche. Ils ne sont absolument pas concernés par le texte dont nous discutons. Les restaurants conservent leur régime spécifique, quelle que soit leur localisation, y compris ceux situés en zone touristique.
Nous discuterons, à l’article 76, de l’ampleur de l’assouplissement de la législation et de la non-obligation de contreparties. En attendant, je voudrais simplement faire remarquer que les contreparties existent déjà de facto dans les commerces qui ouvrent le dimanche, sous une forme ou sous une autre. C'est pourquoi j’ai souhaité, dans le cadre de la commission, aller au-delà des accords collectifs, pour offrir un peu de souplesse.
Il est vrai que sont d’ores et déjà prévus des compensations et des minima sociaux différents dans le cadre des accords de branche. Le distinguo qui existe n’est d’ailleurs pas remis en cause par le texte.
Les préoccupations exprimées dans ces deux amendements identiques portent plutôt sur la compensation ou sur l’accord collectif lui-même que sur les conditions d’éligibilité à l’ensemble des compensations des commerces qui pourraient ouvrir le dimanche dans les zones touristiques. Exclure la référence aux deux articles du code du travail me paraît quelque peu excessif. Quoi qu’il en soit, nous aurons ce débat à l’article 76.
Les spécificités des zones touristiques, un sujet dont nous avons déjà discuté, sont réelles et d’ailleurs reconnues par certains accords de branche. Vous avez raison de le dire, monsieur Mézard, la démarche du Gouvernement conduit à prendre le risque de la négociation et du dialogue social. Pour ma part, j’estime que c’est un bon risque. Néanmoins, se pose la question des plus petits commerces, sur laquelle je suis prêt à avoir un débat. C’est d’ailleurs le Gouvernement qui avait lancé ce sujet en donnant un avis favorable sur un amendement allant en ce sens.
Il faut être cohérent dans notre démarche : quand on croit au dialogue social, il faut y croire jusqu’au bout. Ce texte traduit une volonté d’homogénéité et de simplification, mais, comme je l’ai dit, nous aurons ce débat à l’article 76. Pour l’instant, je comprendrais mal qu’on puisse avoir des commerces qui ouvriraient le dimanche dans des zones touristiques sans être soumis à une quelconque forme d’accord et de compensation de par la loi, ce qui serait de facto le cas si l’on supprimait la référence à ces deux dispositions.
Que vous vouliez apporter de la souplesse, je l’entends. Que vous défendiez la spécificité de ces secteurs, je peux le comprendre, d’autant que, je le redis, elle a déjà été prise en compte par le droit social et les compensations accordées. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille les sortir totalement du dispositif. Je demande donc le retrait de ces deux amendements identiques ; sinon, l’avis sera défavorable.
Monsieur Fournier, l'amendement n° 98 rectifié quater est-il maintenu ?
J’ai écouté attentivement Mme le rapporteur et M. le ministre. J’ai noté que cette discussion allait avoir lieu à l’article 76. Par conséquent, je retire l’amendement.
L'amendement n° 98 rectifié quater est retiré.
Monsieur Mézard, l'amendement n° 205 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Comme c'est le début de la semaine, monsieur le ministre, je vais le retirer…
Sourires.
L'article 73 est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 3132-25-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -25 -1. – Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes, le cas échéant en tenant compte de la proximité immédiate d’une zone frontalière, peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
L’article 74 vise spécifiquement l’ouverture dominicale pour les établissements de vente au détail situés dans des zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes. Ces zones, aux contours particulièrement flous, viennent réformer les zones dites PUCE, instaurées en 2009 par la loi Mallié, que la gauche contestait car elles n’étaient pas suffisamment protectrices. Ces zones comprenaient néanmoins un certain nombre de critères et offraient finalement un encadrement plus élevé. C'est un comble : la droite s’est montrée plus protectrice des salariés en 2009 que la gauche aujourd’hui !
Ainsi, l’un des critères définissant les PUCE est démographique ; ces périmètres ne peuvent être mis en place que dans les zones urbaines de plus d’un million d’habitants, soit quatre zones dans le pays : Paris, Lille, Aix-Marseille et Lyon.
Les zones que vous voulez instaurer sont si floues que je ne vois pas ce qui pourrait empêcher d’en générer des milliers ! Vous nous dites qu’un décret viendra préciser les critères, mais, en attendant, nous devons avancer les yeux bandés et signer un chèque en blanc.
Cet article, particulièrement la définition que vous donnez des zones, soulève le problème du potentiel de croissance qu’engendrerait l’ouverture dominicale. Deux éléments nous permettent de douter de la pertinence de ce que vous avancez.
D’abord, le pouvoir d’achat des Français est de plus en plus fragilisé. Pensez-vous vraiment qu’ils consommeront plus parce que les magasins seront ouverts un jour supplémentaire ? Non ! En revanche, il est possible que la consommation soit plus étalée sur la semaine.
Ensuite, en permettant l’ouverture des grands magasins dans de nombreuses zones, vous risquez de compromettre l’activité des commerçants de proximité. De fait, ce sont de nombreux emplois que vous allez mettre en danger.
Pour finir, se pose la question du volontariat et des activités annexes, qui, certes, de votre point de vue ne créent pas de consommation, mais qui, à nos yeux, contribuent à maintenir et accroître le lien social, culturel et sportif.
D’une part, dans quelle mesure s’exprimera le volontariat ? Le lien de subordination existant entre l’employeur et l’employé fait pencher le rapport de force vers le premier. Si aucun accord n’est trouvé et si aucun salarié ne se porte volontaire, pensez-vous vraiment que les entreprises n’ouvriront pas ? Peut-être avez-vous cette naïveté, mais ce n’est pas notre cas.
D’autre part, combien d’associations verront leurs activités compromises parce que leurs bénévoles seront au travail le dimanche, qu’ils soient volontaires ou contraints ?
Voilà les quelques arguments que nous voulons soumettre au débat.
Ce matin, nous évoquions les activités culturelles ou sportives du week-end. L’un de nos collègues avançait que les activités sportives se tenaient plutôt le samedi. Il se trouve que, dans ma région, c’est très souvent le dimanche que nous organisons notamment des tournois de foot ou de rugby. Les matchs de nos équipes locales, qui ne sont certes pas télévisés, mais qui ont toute leur importance pour notre territoire, ont lieu généralement en tout début d’après-midi pour l’équipe réserve, puis à quinze heures pour l’équipe première.
Le dimanche est une journée pour laquelle la demande de bénévoles est très importante. Je n’ai pas voulu allonger les débats ce matin, mais j’ai profité du temps de parole qu’il me restait sur cet article pour vous faire part de mon expérience.
Certaines questions échappent aux clivages politiques habituels, tout simplement parce qu’elles relèvent non pas d’une logique politique, mais de convictions personnelles. Cela est valable y compris pour un président de groupe, et je ne vois pas au nom de quel principe il devrait taire ses propres convictions. C'est donc en mon nom propre que je veux m’exprimer pour vous faire part de mon analyse.
Malgré l’excellent travail de la commission, notamment de Mme la rapporteur Catherine Deroche, qui a tout fait pour encadrer le travail le dimanche, je redoute deux choses.
D’abord, je crains que nous n’entrions dans un processus de banalisation, de généralisation. Cet argument a été martelé en 2009. À l’époque, le texte étant présenté par la majorité de droite, la gauche s’y était évidemment opposée. En 2012, le futur Président de la République a déclaré, la main sur le cœur, lors de son discours du Bourget : « Le combat, c’est de préserver le principe du repos dominical […]. Et j’y veillerai ! »
Aujourd’hui, on assiste à une nouvelle extension du travail le dimanche.
Le processus de banalisation est, on le voit bien, à l’œuvre. Nous devons nous poser aussi cette question de l’éventualité d’une généralisation.
Ensuite, je redoute que le bilan des avantages et des coûts ne soit pas complètement équilibré.
On nous dit souvent que la France ne travaille pas suffisamment, ce qui est sans doute vrai. L’OCDE réitère cette affirmation régulièrement, chiffres à l’appui. Mon analyse est que le problème de la France ne vient pas du fait que le dimanche soit chômé, mais du chômage, partiel ou total, qui touche pratiquement 6 millions de Français du lundi au vendredi. Mieux vaudrait procéder à un certain nombre de déverrouillages – nous reviendrons dans quelques jours sur les accords défensifs et offensifs – pour développer la possibilité de travailler plus, plutôt que de recourir au travail le dimanche. D’ailleurs, aucune étude, en France ou à l’étranger – l’Allemagne a très largement libéralisé le travail le dimanche –, n’a démontré de manière décisive les avantages du travail dominical.
Si les avantages me paraissent assez virtuels, les coûts, eux, me semblent bien réels, en premier lieu pour les territoires. Les zones touristiques très denses, comme Paris, risquent fort d’assécher les zones de chalandise des territoires périphériques.
En outre, les très petites entreprises risquent d’avoir du mal à rémunérer davantage leurs salariés. Pour venir d’un département touristique, je sais que si, demain, de petites entreprises devaient faire face à ce surcoût, elles ne tiendraient pas.
On créerait donc une distorsion au principe « à travail égal, salaire égal ».
Enfin, on aurait évidemment une fragilisation du lien social. Ne remettrions-nous pas là en cause une certaine conception de la société ? Ne toucherions-nous pas à l’idée même de citoyenneté, dont on a beaucoup parlé depuis les attentats du 7 janvier ? Cette idée qui fonde la différence entre une communauté de citoyens et une société d’individus, c’est-à-dire une juxtaposition de producteurs et de consommateurs ; cette idée que le dimanche n’est pas seulement un temps pour soi mais aussi un temps pour la famille, pour les autres, pour la citoyenneté, pour le civisme, pour la vie associative.
L’idée du don, de la gratuité, notre société en a besoin. Régis Debray rappelait que c’est sans doute le mot « fraternité » qui est le parent pauvre de notre devise républicaine. Or, cette fraternité, nous la faisons vivre aussi dans le lien social, à travers les activités associatives. Ainsi, si demain le processus initié aujourd’hui conduisait à une banalisation du travail dominical, c’est le marché qui organiserait les activités humaines alors que celui-ci ne propose pas de modèle de société.
M. Bruno Retailleau. C’est au contraire aux hommes de réguler les activités du marché. Telle est ma conviction, qui me conduira à m’abstenir sur un certain nombre d’articles.
MM. Alain Joyandet, Jean-Marc Gabouty et Jean Desessard applaudissent
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 68 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 476 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 784 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 68.
Comme cela a été dit précédemment, l’article 74 vise à étendre les dérogations au repos dominical pour les établissements de vente au détail sur la base d’un nouveau fondement géographique : les zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes. Ces zones commerciales se substitueraient aux actuels périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Actuellement, les dérogations au repos dominical pour les commerces de détail sont possibles dans les PUCE si trois conditions sont cumulativement réunies : des habitudes établies de consommation dominicale, une clientèle importante et l’éloignement de celle-ci par rapport aux PUCE. Par ailleurs, les PUCE sont limités aux unités urbaines de plus d’un million d’habitants, et le préfet accorde ses autorisations aux établissements pour cinq ans. Enfin, cette ouverture dominicale est conditionnée à la signature d’un accord collectif fixant des contreparties.
Désormais, sous prétexte de distorsion de concurrence, les zones commerciales remplaceraient les PUCE sur l’ensemble des zones où existent une « offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes ». Si la dérogation au repos dominical dans les zones commerciales reste soumise à la conclusion d’un accord collectif fixant les contreparties des salariés, ces zones ne sont désormais plus réservées aux unités urbaines de plus d’un million d’habitants et sont susceptibles d’être créées sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, ces nouveaux critères de définition d’une zone commerciale ouvrent complètement la porte à un nombre bien plus important de zones commerciales que de PUCE, c’est-à-dire à davantage de dérogations au repos dominical. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les entreprises souhaitant ouvrir le dimanche n’auront pas de difficultés à prouver qu’elles ont une offre commerciale répondant à une demande potentielle particulièrement importante.
En résumé, vous nous proposez, monsieur le ministre, de passer de quarante et un PUCE à des milliers de zones commerciales. Telle est la raison motivant notre amendement de suppression.
L’article 74 prévoit de remplacer les PUCE, créés par la loi Mallié de 2009, par des zones commerciales qui seront définies par décret. Ces nouvelles zones, qui bénéficieront des mêmes possibilités dérogatoires d’ouverture le dimanche, devront être caractérisées par « une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes ».
Ce critère est selon nous beaucoup trop large. En effet, qu’est-ce qu’une « demande potentielle particulièrement importante » ? Il y a un risque important que des zones commerciales de petite taille, situées dans des centres-bourgs bénéficiant d’afflux touristiques ou dans des stations balnéaires, soient concernées par cette définition. Cette rédaction imprécise entraîne ainsi un risque de diffusion sur tout le territoire du travail dominical.
En outre, si les PUCE ne concernaient que les unités urbaines de plus d’un million d’habitants, cet article ne prévoit au contraire aucun critère démographique pour la définition de ces nouvelles zones commerciales. Là encore, le risque est grand de les voir se répandre partout en France et que le travail dominical devienne bientôt la règle partout.
Enfin, le Gouvernement assure que ces zones commerciales permettront de créer de l’emploi. Si ce raisonnement peut se comprendre dans les zones touristiques internationales où l’argent viendrait de touristes étrangers, il est en revanche difficile à entendre lorsqu’il s’agit d’une zone de chalandise, c’est-à-dire d’un bassin de vie. Le consommateur qui aura fait ses courses le dimanche ne les fera plus en semaine. Il n’y aura donc pas plus d’argent à entrer dans le système. À moins qu’un touriste chinois ne s’égare dans le coin… §Si jamais il se trompe de station de métro en voulant aller aux Champs-Élysées et qu’il se retrouve par erreur dans la zone commerciale, imaginez sa joie d’apercevoir un magasin ouvert, alors qu’il ne s’y attendait pas, où il va pouvoir dépenser son argent pour acheter un sac Vuitton… Cette erreur d’aiguillage – ou cette décision volontaire – pourrait même se produire dans d’autres coins de France, car les zones internationales ne se trouvent pas seulement à Paris, il y en a aussi dans le Grand Paris et même beaucoup plus loin !
Bref, vous nous proposez une consommation sans pause, sans répit pour soi et ses proches. C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.
L’amendement n° 784 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
L’article 74 supprime les PUCE issus de la loi Mallié et autorise les commerces situés dans les « zones commerciales caractérisées par une offre commerciale et une demande particulièrement importantes » à ouvrir le dimanche. Créés pour répondre aux difficultés juridiques suscitées par des pratiques d'ouverture dominicale répandues mais illégales, les PUCE ont permis de satisfaire une demande réelle de la part des consommateurs et d'offrir aux salariés y travaillant des contreparties salariales et un repos compensateur, ce qui a représenté une avancée.
Toutefois, en reposant essentiellement sur des usages de consommation dominicale préexistants, les quarante et un PUCE qui avaient été créés, dont trente-huit en Île-de-France, sont à l'origine de distorsions de concurrence. Selon le rapport Bailly, ce dispositif « suscite l'incompréhension des acteurs et génère une conflictualité importante », car il favorise ceux qui ne respectaient pas la loi antérieurement sans récompenser les comportements vertueux et il exclut les nouvelles structures commerciales. La délimitation de ces zones donne en outre lieu à un dialogue territorial insuffisant.
La substitution des zones commerciales aux PUCE nous semble donc souhaitable. Je rappelle d’ailleurs que la définition de ces zones commerciales, comme celle des zones touristiques, sera demandée par le maire avec avis du préfet de région, qu’il y aura des contreparties obligatoires pour les salariés concernés et que le principe du volontariat demeure. Je sais que cela ne rassurera que partiellement Bruno Retailleau et ceux qui sont plutôt réservés au sujet de l’ouverture dominicale, mais le texte introduit des garde-fous assez solides dans la définition de ces zones commerciales pour ne pas aboutir à une banalisation à laquelle je suis pour ma part également opposée. Néanmoins, il existe des habitudes de consommation dont il faut tenir compte ; or les PUCE, s’ils avaient remédié à certaines difficultés, ont entraîné des effets pervers indéniables.
Je rappelle enfin que les rapporteurs de la commission spéciale de l’Assemblée nationale ont complété l'article afin qu'il soit tenu compte d'une éventuelle concurrence frontalière dans la délimitation des zones commerciales. La commission spéciale du Sénat, pour sa part, a adopté cet article sans modification. Elle est donc défavorable à sa suppression.
M. Emmanuel Macron, ministre. Ceux qui se sont opposés à la loi Mallié ont raison de soutenir le présent texte.
Marques d’ironiesur les travées du groupe CRC.
Que prévoit le présent projet de loi ? Il homogénéise et simplifie tout cela, puisqu’il instaure partout des règles claires : pas d’ouverture sans accord, lequel prévoit la compensation. En effet, il n’est pas souhaitable de prévoir dans la loi une compensation uniforme, car le « payé double » tuerait les centres-villes – d’ailleurs, j’entends toujours avec étonnement ceux qui prétendent défendre le petit commerce de centre-ville réclamer en même temps le « payé double ». Le texte instaure aussi une vraie homogénéité sur le territoire puisque l’accord est partout un préalable à l’ouverture dominicale.
C’est cette philosophie qui distingue profondément ce texte de la loi Mallié. Avoir combattu cette loi et s’être engagé contre elle comme l’a rappelé M. Retailleau est donc complètement cohérent avec la défense aujourd’hui du projet de loi, qui est un texte de justice sociale, de soutien à l’économie et qui ne permet pas l’exception à tout-va au repos dominical.
L’article 74 supprime la notion et le terme de PUCE et renvoie la liste des critères des nouvelles zones au pouvoir réglementaire, ce qui est normal ; il n’y a pas à s’étonner que la loi ait un caractère général. Toutefois, l’article prévoit bien des restrictions puisqu’il fait mention d’une offre commerciale particulièrement importante. Il ne s’agit donc pas d’en créer partout. En outre, il s’inscrit dans la même logique que celui que vous venez de voter sur les zones touristiques.
Il y aura des accords collectifs, des compensations et, surtout, l’initiative en reviendra aux élus.
Sachons raison garder : il ne sera pas possible de créer partout et à l’initiative du secteur privé des zones commerciales ! Il existe une double restriction : la création de la zone commerciale aura lieu sur l’initiative des élus – si ceux-ci ne la proposent pas, aucune zone commerciale ne sera créée –, puis elle sera soumise au contrôle du préfet, qui pourra en limiter les contours.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Il faut rappeler, d’abord, que les zones commerciales seront créées sur l’initiative et à la demande des élus locaux. Là où il n’y a pas de potentiel d’activité, il pourrait y avoir un effet de transfert. Mais, sans création de valeur suffisante, l’ouverture ne se justifiera pas. Il est évident que les élus ne demanderont pas la création d’une zone commerciale à cinquante-deux dimanches si cela n’a pas de sens sur le plan économique et social dans la zone concernée, a fortiori s’ils peuvent accorder l’ouverture jusqu’à douze dimanches dans l’année.
Ce qu’on a appelé les « effets de bord », lorsque des demandes d’ouverture ont été formulées, par un effet de capillarité, à l’entour des PUCE devrait aussi être circonscrit. En effet, l’expérience a montré que ces ouvertures pouvaient avoir un effet négatif, en ce qu’elles n’apportent pas de nouvelle clientèle, tout en créant de nouvelles charges fixes. En outre, elles déséquilibrent certains territoires sur le plan économique et commercial.
En revanche, on a pu constater que, dans les PUCE où il y avait eu une réelle création d’activité, l’ouverture dominicale avait été décidée. L’ouverture et la création de valeur ont justifié l’obligation d’un accord ou d’une décision unilatérale, avec doublement du salaire.
La conclusion d'un accord d’entreprise, de branche ou territorial constituera un préalable, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de la loi Mallié, encore en vigueur.
Le risque d’ouverture massive évoqué par certains de nos collègues n’est donc pas du tout avéré. Certaines grandes enseignes disent dès aujourd’hui que le dispositif ne les intéresse pas, parce qu’elles ne veulent pas accorder de compensations. On ne peut mieux démontrer à quel point le principe « pas d’accord, pas d’ouverture » est efficace pour réguler le dispositif, à la fois en matière sociale et sur un territoire.
Le projet de loi protège les salariés concernés, tout en créant les conditions d’un développement économique et de créations d’emplois. Apporter des garanties tout en faisant confiance aux élus, aux partenaires sociaux et à la dynamique économique des territoires est conforme aux évolutions de notre société.
C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas ces amendements.
Je veux réagir à ce qui a été dit sur le petit commerce qui a disparu avec le développement des zones périphériques. Je ne nie pas que cela soit vrai. Toutefois, on oublie qu’en réalité c’est l’évolution des loyers qui a eu l’une des plus grandes incidences sur les commerces de proximité de centre-ville. On le sait très bien ! C’est la rente du patrimoine qui a rendu leur situation difficile. À cela s’ajoute la massification du commerce, qui a entraîné un déséquilibre entre les producteurs et la distribution, au profit de cette dernière, avec, notamment, les grandes plateformes d’achats.
On est donc engagé dans un système où les prix baissent avec les salaires et où ceux-ci baissent avec les prix, au point qu’aujourd'hui la part consacrée à l’alimentation, par exemple, est très faible dans les revenus. Il vaudrait bien mieux payer convenablement les gens, qui pourraient ainsi acheter à leur juste prix les produits dont ils ont besoin, pour que les producteurs s’en sortent.
En tout cas, la disparition du commerce de proximité ne se résume pas à la loi Mallié. Au reste, je suis d’accord avec vous pour dire qu’elle ne comporte pas que des aspects positifs. C’est le moins que l’on puisse dire !
Je ne peux pas laisser dire qu’on préserve le repos dominical. En effet, dans les zones commerciales, les zones touristiques, les zones touristiques internationales, on va créer, un peu partout, de multiples zones frontalières et donc des appels d’air. Attendons-nous à ce que, côté des villes où il sera possible de travailler le dimanche, d’autres villes, qui verront que cette possibilité profite à leurs voisines – c’est en tout cas ce qui est visé –, souhaitent bénéficier de cette faculté, répondant ainsi à une demande de leur population.
On nous parle d’une contrepartie. Mais, si j’ai bien compris, la contrepartie pourra se faire au niveau de la branche – dans cette hypothèse, on peut encore discuter –, de l’entreprise, voire de l’établissement. Autrement dit, si une entreprise dit être en difficulté et appelle ses salariés à mettre le paquet, pour trouver, ensemble, les moyens de préserver son activité, il est évident que ces salariés suivront ! Qui dira qu’il ne se soucie pas de son entreprise, dans la situation économique actuelle ? De fait, cela entraînera, par effet boule de neige, un nivellement par le bas des contreparties.
Vous invoquez le volontariat, mais, dans la crise que nous connaissons aujourd'hui, avec la précarité qui s’installe, qui, aujourd'hui, aura les moyens de refuser ? Et, même si certains salariés refusent, il y en aura bien d’autres pour accepter !
Par conséquent, compte tenu de la situation actuelle, qui est défavorable au salariat, la contrepartie et le volontariat ne deviendront vite qu’un marché de dupes.
Aujourd'hui, on crée un appel d’air pour la banalisation du travail dominical. Je ne doute pas que, dans quelques mois ou dans quelques années, nous aurons à examiner un nouveau projet de loi qui élargira davantage le travail le dimanche, jusqu’à ce que le travail dominical devienne, progressivement, la norme.
Cela pose un problème de société, comme nous l’avons déjà dit ce matin. Il faudra que chacun prenne ses responsabilités !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 163 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1216, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes
par les mots :
les critères définis au II
II. – Après l’alinéa 2
Insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« II.- Les critères mentionnés au I sont :
« – une prédominance de commerce non alimentaire définie à partir du chiffre d’affaires et du nombre de salariés employés sur les établissements de commerce de détail ;
« – une population minimale de l’unité urbaine d’un million d’habitants ;
« – au moins trente millions de visiteurs par an ;
« – un éloignement de la clientèle ;
« – une offre commerciale importante ;
« – une demande potentielle particulièrement importante ;
« – la présence de services de restauration ;
« – une accessibilité routière et en transports collectifs importante ;
« – l’adhésion d’au moins la moitié des commerçants du périmètre. »
La parole est à Mme Annie David.
La définition des zones commerciales qui est proposée dans le texte semble bien floue. Notre amendement vise à en préciser le contour, afin d’en limiter la généralisation et, ainsi, celle du travail dominical. Ce dernier – nous en avons déjà discuté – est, selon nous, une profonde régression pour les droits des travailleurs, mais aussi pour l’économie de notre pays.
Quant à vous, monsieur le ministre, vous tentez de nous convaincre que la généralisation du travail dominical va permettre un bond de notre économie. Par quels moyens cela serait-il possible ? Comment l’ouverture des commerces le dimanche permettrait-elle un bond de la consommation, alors que nos concitoyennes et nos concitoyens faisant leurs courses le dimanche seraient minoritaires et consommeraient moins la semaine ? Comment l’emploi des commerces de proximité pourrait-il être maintenu, quand les mastodontes de la grande distribution pourront ouvrir le dimanche ? Comment assurer plus de consommation pour les ménages, alors même que rien ne garantit la hausse de leurs revenus ?
Je m’interroge également sur les compensations promises. Comment le rapport de force des salariés pourrait-il être accru si leur travail dominical est vu non plus comme une exception, mais comme une généralité ? En effet, c’est bien de la banalisation du travail le dimanche qu’il s’agit !
Toutes ces questions n’ont pas trouvé de réponses, malgré les discussions que nous avons eues. Après tout ce temps, ne restent que les inquiétudes et la colère.
Votre principal argument réside dans le volontariat. Mais comment des salariés ayant du mal à terminer leur mois pourront-ils refuser de travailler le dimanche ? Comment des chômeurs de longue durée pourront-ils refuser de travailler le dimanche ?
Pour finir, j’aimerais revenir sur les bienfaits pour l’emploi que vous avancez. La généralisation du dimanche ne semble pas aller dans ce sens. En effet, les commerces de proximité souffriront de l’ouverture de grandes chaînes de distribution et risquent donc de voir leurs effectifs fondre comme neige au soleil. En outre, les nouveaux commerces ouvrant le dimanche, à l’image des chaînes de grande distribution ouvertes le dimanche dans certaines zones, se dirigeront, à coup sûr, vers des emplois précaires et des temps partiels subis. Ainsi, en généralisant le travail dominical, vous allez créer une sous-catégorie de salariés, estampillés « week-ends et soirées ». Les étudiants, les plus précaires, viendront garnir les rangs des salariés à temps partiel subi.
Monsieur le ministre, allez donc faire des courses le dimanche dans un supermarché : vous n’y trouverez que des étudiants !
Ce n’est pas vrai ! Dans le Franprix de mon quartier, ce sont les salariés habituels qui travaillent le dimanche !
Que certains secteurs dont l’activité est nécessaire l’ensemble de la semaine ouvrent le dimanche, pourquoi pas, à la condition sine qua non que les salariés aient de vraies compensations ? Malheureusement, les zones que vous souhaitez définir à l’article 74 sont suffisamment floues pour douter de la nécessité de l’ouverture des établissements le dimanche. Voilà pourquoi notre amendement vise à préciser le contour de ces zones.
Cet amendement vise à instituer des critères supplémentaires de définition des zones commerciales.
Parmi les critères proposés, l’éloignement de la clientèle ou encore une population minimale d’un million d’habitants viendraient, à notre sens, défavoriser les commerces de centre-ville, qui ne pourraient pas bénéficier de ce zonage et seraient désavantagés par rapport aux zones commerciales périurbaines, dont certaines bénéficiaient déjà du classement en PUCE. Je ne pense pas que l’intention des auteurs de l’amendement est de fragiliser davantage nos centres-villes, mais les critères qu’ils définissent font courir un risque en ce sens.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement, d'abord, parce que nombre des critères qu’il retient sont, en fait, d’ordre réglementaire, ensuite parce que ces critères viendraient plutôt compliquer la réforme proposée.
Je veux aussi apporter une clarification par rapport à votre dernière illustration, madame David. Comme à vous, il m’arrive de faire des courses le dimanche.
Le dimanche, les supermarchés sont généralement ouverts jusqu’à treize heures – hypothèse qui ne relève pas de cet article – et l’ouverture des magasins situés dans les zones commerciales est d'ores et déjà permise au-delà de treize heures.
M. Emmanuel Macron, ministre. Premièrement, je pense que vous serez sensible au fait que le Gouvernement, à l’Assemblée nationale, a soutenu l’introduction de la compensation salariale pour les salariés qui, dans les grandes surfaces, travaillent le dimanche, ce qui n’existe pas en droit aujourd'hui. J’aimerais vous entendre vous indigner aussi sur ce sujet !
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Deuxièmement, les ouvertures prévues par le projet de loi renvoient précisément à des accords collectifs, et pas simplement à l’inégalité individuelle du rapport salarial. Je veux le répéter, c’est un accord collectif, et non le contrat de travail, qui est la condition même de l’ouverture dominicale et qui définira les compensations. C’est la profonde innovation de ce texte, et c’est la grande différence avec ce qui existait jusqu’alors.
Monsieur le ministre, je veux réagir à vos propos.
Alors que le gouvernement auquel vous appartenez se fait fort de développer des propositions dites « de simplification » dans d’autres domaines, votre texte comporte des critères de délimitation des nouvelles zones commerciales qui sont particulièrement imprécis. Or, par définition, tout ce qui est imprécis entraîne du contentieux, et je ne pense pas, à l’instar des membres de mon groupe, que ce soit favorable à la bonne marche de l’activité économique. Par exemple, un PUCE ne pouvait être défini que si son périmètre réunissait un minimum d’un million d’habitants. Ce critère n’existe pas dans votre projet de loi.
Nous craignons aussi des conséquences potentiellement lourdes pour les acteurs économiques locaux, notamment les commerces, en particulier, les petits commerces, qui se verront en quelque sorte obligés d’ouvrir le dimanche pour s’aligner sur la concurrence, alors que, compte tenu de leurs conditions d’existence, les gains engrangés ne couvriront pas nécessairement les coûts occasionnés par leur ouverture le dimanche.
Toutes ces situations nous conduisent à proposer d’intégrer dans le texte un certain nombre de critères qui, eux, prennent en compte les attentes et les besoins des clients potentiels. Je vous fais grâce de l’énumération de ces critères, que vous retrouverez dans le texte de notre amendement. Cependant, il nous semble que le critère de l’unité urbaine d’au moins un million d’habitants est suffisamment précis pour éviter bien des contentieux. Les critères d’accessibilité routière et de proximité des transports collectifs, mais aussi ceux de l’adhésion d’au moins la moitié des commerçants du périmètre, pour évaluer si cela répond ou non à un besoin, et de l’éloignement de la clientèle justifiant un regroupement des propositions commerciales nous paraissent tous de bon sens.
Telle est la raison pour laquelle j’apporte mon soutien à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 74 est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 3132-25-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -25 -2. – I. – La demande de délimitation ou de modification des zones définies aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 est faite par le maire ou, après consultation du maire, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que le périmètre de la zone concernée excède le territoire d’une seule commune.
« La demande de délimitation ou de modification de ces zones est transmise au représentant de l’État dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment l’opportunité de la création ou de la modification de la zone.
« II. – Les zones mentionnées au I sont délimitées ou modifiées par le représentant de l’État dans la région après avis :
« 1° Du conseil municipal ;
« 2° Des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées ;
« 3° De la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine ;
« 4° Du conseil municipal des communes n’ayant pas formulé la demande mentionnée au I et n’appartenant pas à un établissement public de coopération intercommunale dont la consultation est requise en application du 3° du présent II, lorsque la zone sollicitée est située en tout ou partie sur leur territoire ;
« 5° Du comité départemental du tourisme, pour les zones touristiques mentionnées à l’article L. 3132-25 ;
« 6° De la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre de métiers et de l’artisanat, pour les zones commerciales mentionnées à l’article L. 3132-25-1.
« III. – Le représentant de l’État dans la région statue dans un délai de six mois sur la demande de délimitation dont il est saisi. Il statue dans un délai de trois mois sur une demande de modification d’une zone. »
La modification profonde des critères de détermination des zones dérogatoires au repos dominical prévue par cet article ne peut que nous inquiéter. Le schéma qui nous est ici présenté est marqué par un jacobinisme exacerbé : l’avis des élus territoriaux est demandé, mais seulement après coup, une fois que tout aura été globalement fixé par le préfet.
Le choix de se tourner vers le préfet de région s’inscrit dans la continuité de ce qui a été décidé dans le cadre des PUCE. Cependant, l’époque n’est plus la même : le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, que vous avez réussi à faire passer au Parlement, a ajouté une distance nouvelle entre le représentant de l’État et la population. Dans ce cadre, l’expertise des élus territoriaux nous semblerait tout à fait nécessaire.
Par ailleurs, vous demandez à des préfets de région, relativement éloignés du terrain et de la population, de prendre position en amputant certains éléments essentiels à leur analyse. À l’Assemblée nationale, votre majorité avait ainsi déposé un amendement visant à préciser, dans l’étude, les conséquences pour les salariés. Cette revendication, somme toute légitime, a été balayée au motif que « l’impact sur les salariés ne peut être mesuré qu’a posteriori ».
Actuellement, la création de ces zones est motivée par la consommation attendue expressément le dimanche et une situation de concurrence particulière. Ce dernier critère concerne principalement les zones frontalières. Ces deux conditions, bien que largement insuffisantes, avaient le mérite d’exister et de permettre au travail dominical de demeurer une exception. Avec votre projet, nous courons le risque qu’il se généralise, sans effet réel sur la croissance, la consommation et le chômage.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 69 est présenté par Mmes Assassi et David, MM. Watrin, Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 783 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 69.
Nous proposons de supprimer cet article, lequel, dans la droite ligne des articles précédents, développe et précise les modalités d’ouverture le dimanche. En l’occurrence, il vise à modifier les conditions de détermination des zones dérogatoires au repos dominical.
Selon la législation actuelle, la demande de délimitation ou de modification des zones se fait sur demande du conseil municipal et au vu de circonstances locales particulières. Les modifications prévues par l’article 75 tendent, d’une part, à réduire l’avis des élus territoriaux à un simple avis consultatif et, d’autre part, à supprimer les critères objectifs tels que l’usage de consommation dominicale.
Cette extension du travail dominical à l’ensemble du territoire national ne constitue aucunement à nos yeux une avancée. Bien au contraire, cela revient à ouvrir une brèche dans l’édifice de nos acquis sociaux, à remettre en cause ce qu’il y a de commun à nombre de familles, à savoir le repos dominical.
Bien entendu, le travail du dimanche ne touchera pas tout le monde de la même façon. Si l’on réalisait une étude sociologique du profil des travailleurs et travailleuses du dimanche, on s’apercevrait vite qu’il s’agit majoritairement de femmes, de mères célibataires et d’étudiants. Nous sommes loin du libre choix et du volontariat que vous vantez et qui nous semblent artificiels. Ces personnes ne souhaitent pas travailler le dimanche, elles cherchent seulement à gagner un peu plus d’argent chaque fois qu’elles en ont l’occasion, car leur salaire est trop faible. On prend donc le problème à l’envers !
Mes collègues l’ont déjà dit, nous n’adhérons pas à ce projet de société dans lequel la consommation est l’activité reine du dimanche. Quelle tristesse ! On est loin de la culture des loisirs et du sport qui épanouit l’homme dans toutes ses dimensions.
À travers cette série d’articles du titre III, vous reprenez les préconisations du rapport Bailly et souhaitez aller plus loin que la loi Mallié. Raison pour laquelle nous défendons cet amendement de suppression.
L’article 75 précise la procédure et désigne l’autorité compétente pour délimiter ou modifier les zones touristiques et les zones commerciales au sein desquelles il est possible de déroger au repos dominical.
Toute demande, qu’il s’agisse de la délimitation d’une nouvelle zone ou de la modification d’une zone existant, doit émaner du maire de la commune concernée ou du président de l’EPCI, s’il existe. Elle doit être transmise au préfet de région et comporter une étude d’impact. Il s’agit bien là d’une sorte de dialogue territorial entre le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale et le représentant de l’État. Lorsque la zone concernée couvre plusieurs communes, il semble assez cohérent que ce soit l’EPCI, en accord avec les maires des communes intéressées, qui formule la demande.
L’idée de confier cette mission au préfet de région et non plus au préfet de département nous a semblé plutôt pertinente, non seulement au regard de la compétence économique dévolue aux régions, mais surtout parce que l’utilisation d’une zone dérogatoire comme outil d’aménagement économique suppose une vision cohérente et coordonnée. En effet, il ne faudrait pas que deux zones mitoyennes, mais situées dans des départements différents, se fassent concurrence et se spécialisent dans le même domaine commercial pour la seule raison qu’elles ont été délimitées par deux autorités administratives différentes.
Il a également semblé à la commission que l’adjonction d’une étude d’impact et la fixation dans la loi d’un délai au préfet de région pour statuer constituaient des avancées notables, à même de faire disparaître toute probabilité d’une demande improvisée.
Par ailleurs, la consultation des structures économiques locales – partenaires sociaux et chambres consulaires – apporte à cette procédure l’expertise de ceux qui connaissent le mieux les besoins économiques du territoire et la situation des salariés.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 707, présenté par MM. Karoutchi, Calvet, Magras et Pierre, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot et MM. Lefèvre et Mouiller, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3132-25-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -25 -2. – I. – La liste et le périmètre des zones mentionnées à l’article L. 3132-25 sont établis par le représentant de l’État dans le département, sur la base des résultats du recensement de la population, sur demande et après consultation des conseils municipaux, et après consultation :
« 1° Des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent ;
« 2° Du comité départemental du tourisme.
« La demande est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité ou de la création de la zone.
« II. – La liste et le périmètre des zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le représentant de l’État dans le département, sur la base des résultats du recensement de la population, sur demande et après consultation des conseils municipaux, et après consultation :
« 1° Des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, de la métropole ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent ;
« 2° De la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre des métiers, sur le territoire desquelles est située la zone commerciale.
« La demande est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité ou de la création de la zone. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Mme la rapporteur, ce qui est rarissime.
Sourires.
Cet amendement vise à simplifier la procédure et à maintenir la compétence du préfet de département en matière de délimitation des zones dérogatoires.
Il s’agit également de limiter la consultation des organes délibérants aux seuls présidents de ces organes – à l’exception des conseils municipaux, bien évidemment – afin de gagner du temps. Est-il bien nécessaire de réunir tous les conseils communautaires ?
Nous ne sommes pas dans le cadre d’une dérogation ponctuelle. La création d’un périmètre de zone touristique ou d’une zone commerciale ne se fait pas au pied levé. Il ne s’agit pas d’aller vite ou de simplifier les procédures.
La compétence du préfet de région est cohérente : seule une vision globale permet d’éviter les distorsions de concurrence entre départements.
Par ailleurs, comme nous ne sommes pas dans une situation d’urgence, il me semble également positif que le conseil municipal, après avis du maire, et l’organe délibérant de l’EPCI, s’il existe, soient consultés sur ce qui s’apparente tout de même à un aménagement économique du territoire.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. Roger Karoutchi. Pour faire plaisir à Mme Deroche, qui sait pouvoir tout me demander
Rires.
Vous avez raison, mais le préfet de région demandera certainement leur avis aux préfets de département !
Autant je pouvais le comprendre dans les anciennes petites régions, autant cela me semble très compliqué avec les nouvelles très grandes régions.
L’amendement n° 707 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97 rectifié ter, présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Mayet, Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Lefèvre, Kennel, Delattre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mmes Lamure et Primas et MM. Laménie, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou, après consultation du maire, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que le périmètre de la zone concernée excède le territoire d’une seule commune
La parole est à M. Alain Joyandet.
Cet amendement, déposé sur l’initiative de M. Raison, rejoint celui de Roger Karoutchi. Il s’agit de préserver la place du maire dans la définition des zones dérogatoires.
L’amendement n° 792 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 96 rectifié ter, présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Mayet, Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Kennel, Lefèvre, Delattre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Pierre, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mmes Lamure et Primas et MM. Laménie, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
maire, par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, lorsque celui-ci existe et que
par les mots :
président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, par le maire, lorsque
La parole est à M. Alain Joyandet.
Dieu sait si je défends la place des maires et combien il est important que le maire décide sur sa commune. Je suis l’élue d’un département où l’intercommunalité est très prégnante, depuis des années. La dernière commune isolée a dû rejoindre un EPCI voilà plus de quinze ans.
Lorsque plusieurs communes sont concernées par la délimitation, le président de l’EPCI demandera forcément leur avis aux maires et s’abstiendra en cas d’avis contraire.
Autant le maire est seul responsable quand sa commune est seule concernée, autant il est logique que le président de l’EPCI délimite et transfère la demande, après avis des maires, quand plusieurs communes sont concernées.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Monsieur Joyandet, les amendements n° 97 rectifié ter et 96 rectifié ter sont-ils maintenus ?
Les amendements n° 97 rectifié ter et 96 rectifié ter sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 708 est présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot et M. Lefèvre.
L'amendement n° 891 rectifié bis est présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye et Pozzo di Borgo.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une entreprise ou une organisation professionnelle peut également déposer une demande de délimitation ou de modification des zones définies aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 auprès du représentant de l’État dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d’impact justifiant notamment de l’opportunité de la création ou de la modification de la zone.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 708.
Comme je pressens l’avis défavorable de la commission, je me demande s’il est utile de prendre le temps de défendre cet amendement.
M. Roger Karoutchi. Un instant, monsieur le président. La démocratie parlementaire vue par le président Marseille, c’est quelque chose !
Sourires.
Cet amendement vise – je reconnais qu’il s’agit d’une disposition marginale – à permettre aux organisations professionnelles, aux organisations commerciales, aux associations de commerçants d’une commune, par exemple, de devenir acteurs de la décision en leur permettant de déposer une demande de délimitation ou de modification des zones. Ces organisations disposent en effet de la connaissance réelle du terrain, savent quels commerces sont les plus fréquentés. Il nous paraît donc intéressant d’associer réellement les acteurs économiques à cette délimitation.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l'amendement n° 891 rectifié bis.
J’ajouterai aux propos de mon excellent collègue Karoutchi qu’il s’agit de permettre à la société civile de participer à la délimitation de ces zones, de faire des propositions.
Tel est le sens de cet amendement, lequel, je l’espère, recevra un accueil favorable. Je suis plus optimiste que M. Karoutchi.
Sourires.
La commission est défavorable à ces deux amendements identiques, dont je comprends l’esprit : certaines entreprises, certaines organisations professionnelles souhaiteraient bénéficier du zonage commercial.
Le dialogue doit se faire à l’échelle de la commune, avec le maire, l’EPCI, conformément à la place que l’on a souhaité laisser aux élus locaux, qui connaissent le mieux leur territoire, l’activité économique, les salariés, les concurrences qui existent entre commerces. Laisser l’initiative de demander la délimitation d’une zone à des entreprises privées ne me paraît pas utile. Le dialogue se fera de facto On le sait bien, les élus d’une commune sont sensibles aux arguments développés par les entreprises de leur territoire.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande aux auteurs de ces amendements identiques de bien vouloir les retirer. Je le rappelle, nous avons tout à l’heure expliqué que, en cas de demande de délimitation de zone, qu’elle soit commerciale ou touristique, un avis des chambres consulaires, ainsi que des organisations professionnelles et syndicales était nécessaire.
Ce dialogue territorial doit donc se faire. Pour autant, se dispenser de l’avis préalable du maire ne me semble pas forcément une bonne chose.
L’amendement n° 708 est retiré.
L’amendement n° 891 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Cadic ?
L’amendement n° 891 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 1770, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 3° De l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ;
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Cet amendement vise à préciser que c’est bien l’organe délibérant – et non le président – de l’EPCI à fiscalité propre dont la commune est membre qui est consulté par le préfet lorsqu’une demande de délimitation d’une zone touristique ou d’une zone commerciale lui est faite.
L'amendement n° 1771, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis de ces organismes est réputé donné à l'issue d'un délai de deux mois à compter de leur saisine en cas de demande de délimitation d’une zone et d’un mois en cas de demande de modification d’une zone existante.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Alors que l’Assemblée nationale a très justement encadré le délai auquel est tenu le préfet pour statuer, il est en l’espèce proposé que l’avis des organismes – conseil municipal, partenaires sociaux, EPCI – soit réputé donné au bout de deux mois à compter de leur saisine lorsqu’il s’agit d’une demande de délimitation d’une zone nouvelle et d’un mois pour la modification des zones existantes.
Cet amendement vise à tenir compte des cas où l’un des organismes dont la consultation par le préfet est obligatoire avant de définir ou de modifier une zone commerciale ou une zone touristique tarderait à rendre l’avis qui lui est demandé.
Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
L'amendement est adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 1771.
Cette explication de vote se veut en réalité l’expression d’une interrogation.
Le présent amendement prévoit que l’avis des organismes est « réputé donné » à l’issue d’un délai soit de deux mois pour la délimitation d’une zone nouvelle, soit d’un mois pour la modification d’une zone existante. Toutefois, on ne sait pas ce qu’il advient en cas d’avis favorable ou défavorable. Un tel avis est donc uniquement consultatif, et, quel qu’il soit, il n’a pas grande importance. On en revient à la discussion que nous avons eue tout à l’heure à propos d’un avis conforme.
Dans la procédure dont il est question, il s’agit d’un avis simple et non d’un avis conforme. Pour la commission spéciale, si, au bout de deux mois, il n’y a pas de réponse soit des organismes soit des EPCI, l’avis est réputé donné. Ainsi, si l’une de ces entités n’est pas favorable, il faut qu’elle le dise dans ce laps de temps !
L'amendement est adopté.
L'article 75 est adopté.
I. – L’article L. 3132-25-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Les références : « aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 3132-20 » ;
2° Sont ajoutés des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, prévue aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, les établissements doivent être couverts soit par un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, soit par un accord conclu à un niveau territorial, soit par un accord conclu dans les conditions mentionnées aux II à IV de l’article L. 5125-4, soit, à défaut, par une décision de l’employeur.
« L’accord mentionné au premier alinéa du présent II fixe les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Il prévoit également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés du repos dominical. Le présent alinéa s’applique également aux établissements autres que ceux mentionnés à l’article L. 3132-12 pour leurs salariés qui travaillent dans la surface de vente d’un établissement situé dans l’une des zones mentionnées aux articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1.
« L’accord fixe les contreparties mises en œuvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde des enfants pour les salariés privés du repos dominical.
« À défaut d’accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement, attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions mentionnées aux II à IV de l’article L. 5125-4, ou d’accord conclu à un niveau territorial, une décision de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, et approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical, fixe les contreparties et les mesures mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent II.
« Lorsqu’un accord collectif ou qu’un accord territorial est régulièrement négocié postérieurement à la décision prise sur le fondement de l’alinéa précédent, cet accord s’applique en lieu et place des contreparties prévues par cette décision.
« III. – Dans les cas prévus aux I et II, l’accord ou la décision de l’employeur fixent les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical. »
« IV
II. –
Non modifié
Nous avons évoqué ce matin l’article 76, qui est très important, puisque son adoption permettra de clarifier les accords qui doivent être passés en cas de mise en place du travail le dimanche.
Lors de votre audition par la commission spéciale, je vous avais interpellé, monsieur le ministre, sur ce sujet, et vous ne m’aviez pas apporté de réponse. Peut-être pourrez-vous le faire aujourd'hui.
Cet article renvoie en effet à différents articles du code du travail permettant la prise en compte des accords, qu’il s’agisse d’accords collectifs ou d’accords d’entreprise.
Concernant les salariés mandatés, il est fait référence à l’article L. 5125-4 du code précité qui évoque bien le mode d’élection et les prérogatives de ces salariés, mais s’inscrit dans la partie du code du travail relative aux accords de maintien de l’emploi, accords introduits, nous le savons, par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi et visant « les entreprises qui font face à de graves difficultés économiques conjoncturelles ». Dans ce cadre, les salariés mandatés interviennent dans un contexte difficile et exceptionnel pour l’entreprise.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous avez choisi de renvoyer à cet article particulier, qui concerne les entreprises en difficulté, plutôt qu’aux articles L. 2232-24 à L. 2232-27 du code susvisé figurant dans la section relative aux accords et conventions collectifs de la partie consacrée aux relations collectives de travail.
Ces articles concernent également les salariés mandatés et définissent non seulement leur mode d’élection et d’exercice, mais aussi leurs prérogatives, pendant les périodes « normales » de la vie de l’entreprise. Ils sont donc mieux adaptés à la situation de négociation d’un accord relatif au travail dominical. Les dispositions de l’article que vous avez choisi de retenir et celles des articles L. 2232-24 à L. 2232-27 semblent identiques, si ce n’est que ces derniers précisent que le mode d’approbation de l’accord par les salariés doit être défini par décret, tandis que l’article L. 5125-4, auquel renvoie votre texte, monsieur le ministre, prévoit qu’il est défini par l’accord lui-même.
Ainsi, je le disais à M. Karoutchi, chaque entreprise pourra avoir des accords différents. Un magasin de la rue de Rivoli pourra avoir un accord différent de celui qui est situé juste à côté.
Surtout, l’article L. 2232-27 précise que, à défaut d’approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, l’accord est réputé non écrit. Ce point est « omis » des présentes dispositions. Or il est d’autant plus important que le rôle du salarié mandaté est délicat. Les représentants syndicaux sont formés, disposent d’une indépendance vis-à-vis de leur employeur, garantie par leur mandat syndical et, surtout, connaissent parfaitement leur entreprise, ce qui leur est nécessaire pour conclure des accords qui servent l’intérêt commun. Tel n’est pas toujours le cas des salariés mandatés, qui ne sont pas forcément très au fait de la situation économique de chacune des entreprises dans lesquelles ils interviennent.
Il est donc primordial que l’ensemble des salariés ait un rôle dans l’approbation de l’accord et qu’en cas de non-approbation, à la majorité des suffrages exprimés, l’accord soit réputé non écrit. Il nous semble nécessaire de ne pas retenir une définition « moins-disante », utilisée dans le cadre d’accords conclus à titre exceptionnel. Ces nouveaux accords sont en effet les seuls garde-fous qui protégeront les salariés contraints de travailler le dimanche.
Nous nous opposons d’ailleurs au fait que la droite sénatoriale ait exempté les établissements de moins de onze salariés d’une telle obligation. Par cette exemption, les deux tiers des salariés du secteur du commerce ne seront plus couverts par un accord, point qui fera sans doute l’objet d’une intervention ultérieure.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 477 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 785 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 70.
L’article 76 est censé fixer les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical.
L’ouverture dominicale dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales est conditionnée à la conclusion d’un accord collectif prévoyant des contreparties pour les salariés privés d’un tel repos.
Cet article constitue donc, Mme David vient de le rappeler, le cœur de l’équilibre trouvé par le Gouvernement entre, d’un côté, l’extension généralisée du travail le dimanche et, de l’autre, les contreparties accordées aux salariés. Nous en demandons la suppression pour trois raisons.
Premièrement, nous sommes et demeurons opposés au travail le dimanche et à sa généralisation. Aussi, plutôt que de choisir la solution qui consiste à simplifier les règles de dérogation au repos dominical en le généralisant, il aurait mieux valu simplifier les règles en restreignant tout simplement les dérogations.
Deuxièmement, nous considérons que les salariés ne sont pas assez protégés et que l’État doit fixer un plancher minimal de contreparties. Nous avons proposé un doublement des salaires dans les zones touristiques et les zones commerciales et un triplement dans les zones touristiques internationales. Nous pensons que les accords collectifs doivent permettre d’aller au-delà de ce socle minimal en accordant d’autres contreparties. Pour nous, la règle du « plus protecteur et du mieux-disant » doit s’appliquer.
Troisièmement, l’équilibre vanté par le Gouvernement est rompu dans le texte présenté par la commission spéciale, dans la mesure où les entreprises de moins de onze salariés sont exonérées de l’obligation de conclure un accord collectif. Je voudrais insister sur ce dernier point, et relever une réalité : ce sont majoritairement des femmes qui travaillent le dimanche et en soirée, voire de nuit, dans les magasins en cause. Par ailleurs, 90 % des entreprises de vente au détail sont des petits magasins, avec des effectifs inférieurs à onze salariés.
Lorsque la droite a déposé un amendement à cette fin, elle savait très bien qu’elle remettait complètement en cause le prétendu équilibre trouvé par le Gouvernement.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer l’article 76.
Je vous l’accorde, monsieur le ministre, votre démarche, à savoir « pas de contreparties, pas d’ouverture le dimanche » pouvait être considérée comme intéressante. Bien sûr, nous remettions en cause l’inégalité de telles contreparties. La précarité progressant dans le pays, les salariés ne sont pas toujours en mesure de s’opposer à telle ou telle proposition. Quoi qu’il en soit, le dispositif que vous défendiez se tenait. J’imagine d’ailleurs que certains amendements visent à réintroduire cette idée.
Pourtant, la commission spéciale est allée plus loin, décidant que, pour certaines entreprises, il n’y aurait pas de contreparties, parce que cela ferait peser sur elles des charges supplémentaires. On voit très bien le raisonnement ! Il y aura toujours une bonne raison économique pour ne pas accorder de droits sociaux ou pour revenir sur des droits sociaux.
À partir du moment où l’on a admis l’idée qu’il fallait développer au maximum l’économie, la concurrence ne peut que s’intensifier entre entreprises, entre communes, entre territoires, et on arrivera à ce que le travail dominical, qui entraînera des contreparties de moins en moins importantes, devienne la règle. En effet, pourquoi prévoir des contreparties si c’est la règle ?
Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 76.
L’article 76 conditionne l’ouverture le dimanche des commerces situés dans les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales à la conclusion d’un accord fixant des contreparties en faveur des salariés.
Il impose également aux employeurs situés dans les zones touristiques d’offrir des contreparties à leurs salariés, ce qui, en l’état actuel du droit, n’est pas le cas.
Les débats se sont concentrés sur la question du niveau de ces contreparties et sur l’opportunité d’en fixer le seuil minimal dans la loi. La commission spéciale s’est opposée à cette dernière proposition.
En effet, l’objet de la mesure est de renforcer le dialogue social pour les dérogations pérennes au repos dominical et de privilégier un accord à des contreparties fixées par la loi, exception faite du doublement du salaire concernant les dimanches du maire déjà prévu.
Une fois ce principe établi, comme l’ont souligné plusieurs représentants des salariés et des employeurs que la commission spéciale a auditionnés, il appartient aux partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social au niveau de la branche, de l’entreprise, de l’établissement ou du territoire, de définir le contenu concret de ces contreparties, qui ne doivent pas se limiter à des considérations salariales ou à un repos compensateur ; on peut également imaginer qu’elles prennent la forme d’un accompagnement des salariés les plus précaires, d’un accès facilité à la formation professionnelle pour ceux qui seraient privés du repos dominical ou, dans le cadre des ZTI, pour ceux qui travaillent en soirée.
Le choix de responsabiliser les représentants des salariés et des employeurs est de nature à développer le dialogue social dans l’entreprise. Il s’inscrit dans la continuité des décisions prises depuis 2004, afin de donner un rôle central à la négociation collective dans la détermination des règles portant application des principes généraux du droit du travail.
Néanmoins, la commission spéciale a apporté deux modifications à l’article 76 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Elle a en effet rétabli la possibilité, à titre subsidiaire, pour les commerces situés dans les ZTI, les zones touristiques et les zones commerciales d’ouvrir le dimanche sur la base d’une décision de l’employeur approuvée par un référendum organisé auprès des employés, en l’absence d’accord collectif. Je rappelle que cette faculté figurait dans le texte initial du projet de loi et a disparu lors de son examen par l’Assemblée nationale ; il ne s’agit donc pas d’une proposition totalement farfelue et qui ne serait mise en œuvre qu’en dernier recours.
La commission spéciale a considéré qu’il serait désastreux, en matière d’affichage, mais également d’activité, que le présent projet de loi offre des possibilités d’ouverture dominicale accrues dans des zones particulières où les conditions économiques le nécessiteraient, mais que ces facultés restent purement virtuelles en raison du blocage du dialogue social dans une branche, une entreprise ou un établissement. La décision de l’employeur sera soumise aux mêmes obligations de contreparties que les accords, en termes de salaire ou de compensation des charges induites par la garde des enfants, entre autres. Elle devra être approuvée, lors d’un référendum, par la majorité des salariés concernés. Il s’agit donc de donner le dernier mot, en cas de blocage, aux salariés et à l’employeur.
Enfin, conformément à l’une des recommandations du rapport Bailly, la commission spéciale a exonéré les commerces de moins de onze salariés situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif – les restaurants conservent leurs dérogations dominicales en l’état. Elle a en effet tenu compte des observations des maires des communes de montagne ou des communes balnéaires, selon lesquels fixer trop de contreparties pourrait entraîner la fermeture de commerces qui participent à l’animation des centres-villes des communes touristiques.
Elle a donc exonéré les commerces de petite taille, en pensant que les autres, dans les trois ans qui viennent, devraient parvenir à déterminer les contreparties de toute nature dans le cadre du dialogue social.
La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Je m’exprimerai plus longuement sur les autres amendements.
L’article 76 définit les modalités des accords qui sont la condition de l’ouverture le dimanche dans les zones touristiques, les zones touristiques internationales et les zones commerciales. Il renvoie à ces accords la responsabilité de définir le niveau des compensations au travail dominical.
Le principe que nous avons retenu et constamment défendu est le suivant : dans tous les secteurs, ces accords sont la condition préalable à l’ouverture le dimanche, en raison de notre volonté d’homogénéiser et de simplifier les règles. Je comprends la préoccupation exprimée notamment par M. Desessard sur ce point, puisqu’il est vrai que la commission spéciale a rétabli une proposition initiale du Gouvernement.
J’insiste sur une difficulté : nous avons fini par estimer qu’il convenait que l’obligation de conclure un accord s’applique à tous les commerces, quelle que soit leur taille, parce que nous constatons que, dans beaucoup d’endroits, le seuil de onze salariés peut être un instrument de contournement – un amendement du groupe socialiste aborde ce point. Ainsi, certains points de vente, généralement détenus par de grandes enseignes, emploient moins de onze salariés. Si l’on renvoie la compensation à un accord, mais que les commerces de moins de onze salariés ne sont pas soumis à l’obligation de conclure un tel accord et peuvent décider de manière unilatérale d’ouvrir le dimanche, on crée de fait un biais qui peut profiter à de plus grandes structures.
Je suis tout à fait ouvert à l’idée que l’on puisse trouver une solution pragmatique plus intelligente que celle que prévoit le texte actuel, mais je pense que cette exemption crée un élément de fragilité au regard de la cohérence d’ensemble de ce projet de loi et de l’équité. En effet, nous proposons à tous les salariés qui travaillent le dimanche la protection que constitue l’accord collectif.
Nous pouvons avoir des différences d’appréciation, en fonction de nos différentes sensibilités, sur la réalité de l’accord collectif. Ces divergences sont tout à fait respectables et elles font partie de la discussion démocratique que nous menons depuis plusieurs semaines sur le présent texte. Il n’en demeure pas moins que la proposition de la commission spéciale renvoie les salariés des plus petits commerces à la décision unilatérale de leur employeur après référendum. Les accords fixeront les contreparties accordées, afin que celles-ci correspondent le mieux possible aux nécessités du terrain.
Comme nous souhaitons que les commerces de moins de onze salariés soient couverts par un accord, il a fallu prévoir la situation des entreprises ne disposant pas de parties pour discuter, faute de représentants du personnel. C’est pourquoi l’article 76 fait référence aux modalités de négociation des accords de maintien de l’emploi institués par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Ce texte prévoit que l’accord peut être négocié avec des représentants du personnel mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national ou interprofessionnel. En l’absence de représentant élu du personnel, un salarié peut être mandaté et tout accord conclu selon ces modalités doit ensuite être approuvé par les salariés.
Nous nous sommes servis de cette disposition de la loi relative à la sécurisation de l’emploi comme d’une « accroche », sans qu’il y ait aucun rapport à établir quant au fond, pour nous assurer que, dans tous les cas, un accord pourra être négocié en s’appuyant sur une organisation, puisque nous vivons encore dans un régime où les entreprises de moins de onze salariés n’ont pas une couverture syndicale parfaite. Il faudra ensuite prendre en compte les modifications que le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi introduira, notamment la couverture à l’échelon régional qui sera offerte aux salariés des entreprises de moins de onze salariés. À ce stade, il était important d’indiquer une méthodologie claire applicable à ces entreprises.
Là aussi, il y aura un débat. Nous pouvons avoir des désaccords avec la commission spéciale, mais la référence aux accords de maintien de l’emploi n’a pour objet que d’indiquer le modus operandi. Je suis prêt à vous donner de plus amples précisions, monsieur le sénateur, si je n’ai pas parfaitement répondu à votre interrogation.
Reste enfin la question des modalités d’entrée en vigueur, que nous aborderons à l’occasion de l’examen de l’article 82. Je tiens cependant à préciser qu’un délai d’adaptation est prévu pour les entreprises qui sont couvertes, ou non, par des accords dans les zones où les commerces sont ouverts. Le texte initial du Gouvernement prévoyait un délai de trois ans, ramené à deux ans par l’Assemblée nationale ; la commission spéciale du Sénat propose de le rétablir à trois ans. Nous laissons donc aux entreprises un délai raisonnable pour leur permettre de s’adapter et de conclure partout des accords.
Cet élément me semble important, puisque nous avons vu s’exprimer, ces dernières années, des volontés successives, émanant de toutes les sensibilités politiques, de faire vivre le dialogue social dans ce pays pour accompagner la transformation économique. Je ne crois pas qu’une telle transformation soit possible sans que les acteurs sociaux puissent l’accompagner, avec les protections adéquates. Quand on essaie de faire passer une réforme sans prendre en considération la régulation sociale qui existe dans l’entreprise, on s’expose à ce qu’elle ne fonctionne pas et qu’il y ait un retour de balancier.
Lorsque l’on se fixe des objectifs ambitieux, mais dans des délais trop courts, on n’arrive à rien. Nous l’avons vécu cruellement nous-mêmes au sujet du travail à temps partiel : nous nous étions donné six mois pour mener à bien cette réforme ; ce délai n’était pas tenable et nous avons repoussé cette réforme de six mois en six mois, ce qui n’est pas bon pour la vie des entreprises.
Lorsque l’on fait confiance au dialogue social, tout en se fixant des objectifs, mais sans éléments de contrainte, ce dialogue prend du temps, ses acteurs ayant parfois tendance à la procrastination, qu’il s’agisse des représentants patronaux ou des syndicats, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Le pacte de responsabilité et de solidarité prévoyait de conclure des accords de branche et, j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, la couverture n’est pas encore satisfaisante aujourd’hui.
Nous sommes dans un cas typique où prendre le risque du dialogue social peut s’avérer judicieux. Le principe « pas d’accord, pas d’ouverture » est une bonne règle, parce qu’il met chacun face à ses responsabilités.
Il faudra dénoncer celles et ceux qui, voulant ouvrir le dimanche, ne sont pas capables d’obtenir le consensus dans leur entreprise, leur branche, leur territoire ou leur groupe pour trouver les voies et moyens de compenser cette ouverture et de convaincre les salariés. Il faudra aussi dénoncer celles et ceux qui, par principe, veulent tout bloquer : en effet, il faut bien le dire, certains employeurs qui voudraient ouvrir le dimanche et sont prêts à accorder des compensations se heurtent à des partenaires sociaux qui ne veulent rien entendre. Ces deux types de blocage devront donc être dénoncés.
Je constate cependant que, partout où l’on a laissé sa chance au dialogue social, la démocratie sociale a fait gagner les réformistes. Partout où l’on a permis à des accords de compétitivité ou à des accords de maintien de l’emploi d’être conclus, les réformistes ont gagné. C’est ce principe de respiration démocratique qui fait que j’adhère profondément à la philosophie de l’article 76 – même s’il faudra bien sûr aller le plus vite possible !
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
Ces deux amendements visent à supprimer un article annoncé il n’y a guère comme très important. L’article 76 donne son sens à toutes les dispositions relatives au travail dominical dont nous débattons depuis ce matin.
En effet, cet article fixe le cadre de la négociation sur les contreparties à l’ouverture du dimanche. Il est donc très paradoxal de vouloir le supprimer, même si c’est en raison d’une opposition de principe. Je veux pouvoir débattre avec Mme la corapporteur qui propose, au nom de la commission spéciale, de renvoyer à une décision unilatérale de l’employeur, après référendum, en cas d’échec des négociations. Nous ne sommes pas d’accord, mais nous voulons en discuter, à l’intérieur d’un cadre.
Par ailleurs, j’adhère au plaidoyer que vient de faire M. le ministre en faveur d’une double avancée, économique et sociale, et je veux que cette double préoccupation subsiste. C’est sur ce point que la discussion va se concentrer, mais rien ne serait pire que d’en rester au statu quo parce que des blocages existent de part et d’autre.
Reste ensuite à savoir où placer le curseur, c’est vrai ! C’est souvent le cas, d’ailleurs, lors de la discussion de textes aussi importants. La position du Gouvernement, que nous soutenons, consiste à protéger les salariés – c’est là que le curseur doit être bien placé, notamment en ce qui concerne la compensation salariale – en privilégiant l’accord et la négociation, tout en se préoccupant aussi de la microéconomie, car il est vrai que certains commerces ne sont pas en mesure de supporter les compensations et risquent d’être obligés de cesser leur activité. L’exercice est délicat, mais il est passionnant !
Il n’est donc pas cohérent de demander la suppression de l’article 76, parce que le reste des dispositions relatives au travail dominical perdrait son sens, de même que la démarche politique du Gouvernement, qui consiste à avancer sur deux jambes, l’économie et le social. Nous privilégions la voie de l’équilibre, même si celui-ci n’est pas facile à tenir, car il faut avancer sur une ligne de crête, mais c’est le seul moyen de faire progresser la société française, tout en produisant quelques dixièmes de point de croissance et d’emploi supplémentaires. Il faut donc emprunter cette voie et rejeter la suppression de cet article.
Comme vous l’imaginez, mes chers collègues, je vais développer des arguments quelque peu différents. La croissance dépend plus de l’évolution de facteurs macroéconomiques mondiaux, comme la baisse du prix du pétrole ou la parité entre l’euro et le dollar, que de mesures d’assouplissement évoquées !
Pour notre part, nous défendons une définition claire des contreparties accordées aux salariés. Comme nous l’avions indiqué dans l’exposé des motifs de notre proposition de loi qui, je le rappelle, avait été adoptée à l’époque par tous les groupes de gauche, nous sommes pour la garantie d’un repos compensateur et d’un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.
De plus, nous sommes fermement opposés à la mesure proposée par la droite sénatoriale qui vise à exempter les entreprises de moins de onze salariés de compensation.
Dans le secteur du commerce, deux tiers des salariés, soit 2, 8 millions, sont employés dans des TPE. Nous ne pouvons pas accepter qu’ils doivent travailler le dimanche sans compensation ! Cela créerait une différence de traitement entre les salariés des diverses catégories d’entreprises. Surtout, nous connaissons l’ingéniosité de certains quand il s’agit de moins-disant social ! Ainsi, ce seraient beaucoup plus de 2, 8 millions de salariés qui seraient amenés à travailler le dimanche en l’absence d’accord garantissant les contreparties.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
Une fois n’est pas coutume, je suis en désaccord avec la suppression de cet article ! Pour moi, la question des compensations est en effet centrale au regard du travail du dimanche. Par ailleurs, ceux qui travaillaient en zone touristique n’avaient jusqu’à présent pas droit à des compensations. Le fait d’ouvrir le champ des compensations à l’ensemble du territoire constitue en soi un progrès. Il reste à savoir comment analyser et définir ces compensations.
Je suis pour ma part assez favorable à ce que le dialogue social soit la base des discussions et de la négociation sociales. Mais quel est le bon cadre ? On tend aujourd’hui à nous démontrer que le monde est tellement complexe qu’il faut mener les négociations au niveau de chaque entreprise plutôt que de fixer un cadre collectif par des accords de branche. Et chacun de nous expliquer que les organisations syndicales sont tellement compétentes que, dans chaque entreprise, elles défendront au mieux les intérêts des travailleurs, ce dont je ne doute pas.
Le problème, c’est que ces travailleurs se trouvent eux-mêmes mis en concurrence les uns par rapport aux autres entre entreprises. Et il n’est pas difficile d’expliquer aux salariés d’une petite structure que, à défaut d’accepter des compensations moindres, l’entreprise va perdre en compétitivité par rapport à sa voisine qui ouvre le dimanche… Cette logique a d'ailleurs amené les libéraux à préférer d’une manière générale les accords d’entreprise aux accords de branche ou aux accords interprofessionnels.
Pour ce qui me concerne, je n’approuve pas du tout le principe selon lequel la négociation d’entreprise serait le cadre privilégié pour définir les compensations. En revanche, celle-ci peut être complémentaire à la loi. Et je reste convaincue que le doublement du salaire doit être une obligation légale. On nous indique qu’une telle disposition ne sera pas rentable pour certains commerces, ce qui prouve bien la fragilité de l’argument consistant à défendre l’ouverture des commerces le dimanche ! De plus, s’agissant du doublement de la rémunération, le secteur du commerce est, je le rappelle, l’un de ceux qui bénéficient du CICE et il n’est pas réellement confronté à la concurrence mondiale. C’est dans ce secteur que l’on trouve souvent les entreprises qui ont fait le moins d’efforts pour stimuler les salaires et créer des emplois.
Donc, des marges de manœuvre existent pour faire en sorte que ce doublement de la rémunération en cas du travail le dimanche soit acquis.
Je serai moins lyrique que Nicole Bricq sur le côté novateur de l’article 76 ! J’y vois non une deuxième jambe mais une prothèse. Elle me paraît bonne à saisir et pour une fois qu’un article nous propose quelque chose qui va dans le sens qui nous convient le plus, il serait quand même dommage de le supprimer!
Il serait d’autant plus dommage d’avoir un débat caricatural que nous sommes dans le cœur du sujet et pouvons être utiles aux salariés.
Il s’agit de sanctuariser, à travers le présent article, qui peut être modifié – j’ai d'ailleurs déposé un amendement à cette fin –, l’idée de n’autoriser l’ouverture d’un établissement que si un accord a été conclu.
À partir du moment où on ne veut pas mettre de côté les commerces de moins de onze salariés, il faut trouver le cadre qui unifie, et ce n’est pas évident. En effet, tout le monde sait que dans une entreprise de grande dimension, le rapport de force syndicale et les possibilités propres à l’entreprise peuvent permettre une compensation salariale suffisamment importante, en tous les cas très notable.
Il n’en va pas de même dans certaines branches : dans certains territoires, des petits commerces ne peuvent faire autrement qu’ouvrir le dimanche tout simplement parce qu’ils réalisent leur chiffre d’affaires ce jour-là. Je pense notamment aux petits magasins de sport qui sont proches des pistes de ski et dont la clientèle afflue le samedi et le dimanche, alors qu’elle les déserte en milieu de semaine. La situation est la même dans les stations balnéaires et pour un certain nombre de secteurs d’activité. Si vous décrétez, mes chers collègues, une majoration de salaire de l’ordre du doublement, ces petites boutiques de sport vont fermer brutalement, du jour au lendemain.
À cet égard, à l’Assemblée nationale, certains ont fait avancer le débat en admettant qu’on ne peut pas aller jusqu’au doublement et en proposant de fixer un montant minimal de compensation salariale. Pourtant, une telle mesure peut tourner au désavantage de ceux qui auront la capacité de négocier un montant maximal. En effet, si un curseur est déterminé dans la loi, je vois mal le patronat accepter d’aller plus loin. Qui veut le plus obtient parfois le moins !
Par ailleurs, il est évident, je l’ai entendu dire dans le débat public, que personne n’engagera de négociation, que personne ne signera d’accord s’il n’y a pas de compensation. Et sans accord, il ne pourra pas y avoir d’ouverture le dimanche. Puisqu’il y a ce doute, il faut prendre acte du fait que la base minimale, c’est la compensation. Ensuite, elle sera fixée dans le cadre de l’accord.
Pour autant, si on décide de l’établir à 10 % ou 20 %, on empêche ceux qui peuvent aller au-delà d’obtenir plus. Et si on impose le doublement de la rémunération, quantité d’entreprises – notamment celles de moins de onze salariés – ne pourront pas tenir le choc. Souvent, elles remplacent les majorations salariales par des repos compensateurs pendant la semaine. C’est notamment le cas en montagne – madame David, vous connaissez la situation dans ces régions. C’est leur mode de vie, elles sont organisées ainsi.
Je voulais recadrer les choses et ainsi préparer la défense de l’amendement que j’ai déposé afin de tenter de répondre à cette difficulté. Je veux qu’il soit pris acte de la détermination d’une compensation. Cette précision est importante, car la rédaction actuelle peut donner à penser qu’il sera possible de donner la même rémunération le dimanche qu’en semaine. C’est impossible à accepter. Cette crainte, je la comprends, et je pense pouvoir faire avancer le débat en précisant ainsi davantage les choses.
La dernière intervention de David Assouline démontre bien que la rédaction actuelle du texte qui nous est soumis ne répond pas à cette inquiétude. Lui-même va en effet présenter un amendement destiné à répondre aux difficultés d’interprétation que suscite cette rédaction.
Soit, mais je ne suis pas certaine qu’il soit adopté, auquel cas nous ne voterons pas l’article 76. Cela étant, si vous voulez, mes chers collègues, que nous puissions donner ensemble des droits aux salariés qui travailleront le dimanche, alors, je vous invite, à adopter nos amendements.
Je vous invite ainsi à voter l’amendement qui tend à supprimer la possibilité d’accords passés par les salariés mandatés et la référence à la partie du code du travail relative aux accords de maintien de l’emploi. Tout à l’heure, M. le ministre nous a expliqué la raison d’être de cette disposition : il n’y a pas d’organisation syndicale dans toutes les entreprises, notamment dans les plus petites d’entre elles. Les salariés mandatés sont là pour pallier cette absence de représentation syndicale dans certains cas. Nous convenons évidemment qu’il faut faire appel à eux. Toutefois, faisons-le, dans le cadre non de la cinquième partie du code du travail qui traite des accords de maintien de l’emploi, ce qui fait référence à des entreprises en difficulté, mais de la deuxième partie du code susvisé qui traite des accords collectifs, qui ont notre préférence.
Nous défendrons un autre amendement destiné à revenir sur la disposition qui prévoit qu « ’une décision de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, et approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical, fixe les contreparties et les mesures mentionnées aux deuxième et troisième alinéas du présent II. »
Je vous rappelle, mes chers collègues, que Goodyear fut la première entreprise à faire adopter voilà quelques annéesun accord par référendum qui consistait à faire accepter par les salariés de travailler plus avec des baisses de salaires. Or au final, l’entreprise a fermé ses portes ! Cette disposition inscrite dans l’article 76, nous la contestons. Elle est l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que cet article n’apporte pas aux salariés des commerces qui ouvriront le dimanche la garantie d’avoir des compensations à hauteur du préjudice qu’ils subiront en étant privés de repos dominical.
Je ne voulais pas intervenir à ce moment du débat, mais ce que j’ai entendu m’a incitée à prendre la parole. En effet, nous sommes vraiment favorables au dialogue social. Encore faut-il savoir le sens que donnera à ces termes le texte que M. Rebsamen nous présentera dans quelque temps…
Tout cela nous laisse à penser que l’article 76 donne l’illusion que les salariés de ces entreprises et magasins qui ouvriront le dimanche auront des droits alors que, aujourd’hui, rien n’est inscrit dans le projet de loi. Et en ce sens je suis bien d’accord avec vous, monsieur Assouline ! C’est une chose que nous ne contestons pas. Ce sont les injustices que nous avons dénoncées au moment de l’adoption de la loi Mallié et auxquelles l’article 76 ne répond pas ! Telles sont en tout cas l’interprétation et la lecture que nous en avons. Et nous ne sommes pas les seuls, puisqu’une grande partie des organisations syndicales avec lesquelles nous avons travaillé ont partagé les remarques et réflexions que je viens de vous livrer.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1228, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Rédiger ainsi ces alinéas :
« II. – Pour bénéficier de la faculté de donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, ouverte par les articles L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, les établissements doivent être couverts par un accord collectif de branche. Chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
« L’accord plus favorable mentionné à l’alinéa précédent fixe les contreparties, en particulier salariales, accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi et en faveur de certains publics en difficultés ou de personnes handicapées. L’accord fixe également les contreparties complémentaires mises en œuvre par l’employeur pour compenser intégralement les charges induites par la garde des enfants des salariés concernés par le travail dominical. Il fixe également les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés privés de repos dominical. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
L’enjeu de cet amendement est d’assurer que, en cas d’ouverture des commerces le dimanche, des garanties financières seront effectivement apportées aux travailleurs.
Nous entendons la volonté du Gouvernement de garantir des compensations aux salariés acceptant de travailler le dimanche. C’est pour nous une nécessité, même une obligation. Cependant, ces compensations restent pour l’heure purement hypothétiques. Il est regrettable, à ce titre, que le cadre avancé par le Gouvernement soit aussi large, alors qu’une bonne réglementation aurait pu assurer à tous les salariés du pays des compensations à la hauteur du sacrifice consenti. Pourquoi le Gouvernement a-t-il fait ce choix a minima ? Qu’arrivera-t-il quand aucun accord collectif ne sera conclu ? « Pas d’accord, pas d’ouverture » ai-je entendu. C’est, du moins j’ose l’espérer, ce qu’il faut comprendre.
Cette question des accords prévus entre partenaires sociaux et employeurs est une réelle source d’inquiétudes. À l’heure actuelle, les entreprises, notamment dans la grande distribution, qui bénéficient d’une ouverture dominicale pratiquent bien souvent des majorations particulièrement faibles.
Autre pratique douteuse en cours que le présent texte ne corrige en rien, le recours fréquent aux emplois à temps partiel, subi ou choisi, pour faire face à ces ouvertures dominicales. Il est à craindre que l’ouverture le dimanche ne fasse qu’accentuer les effets pervers du temps partiel subi, touchant les plus fragiles.
Nous ne pouvons que regretter que le projet de loi dont nous discutons ne permette pas l’élaboration d’une législation claire et stricte assurant aux travailleurs privés de leur repos dominical des compensations financières justes et imposant aux entreprises des politiques d’emploi en faveur des publics les plus fragiles à la fois économiquement et socialement.
C’est la raison pour laquelle le présent amendement tend à fixer le principe selon lequel chaque salarié privé du repos dominical bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 95 rectifié quinquies est présenté par MM. Raison et Guerriau, Mme Deromedi, MM. Médevielle, Bizet, Morisset, Grosperrin, Calvet, Gilles et Joyandet, Mme Morhet-Richaud, MM. Longuet, de Nicolaÿ, Vasselle, Pellevat, Kennel, Lefèvre, G. Bailly, Chasseing, Milon, Vaspart, B. Fournier, Chaize, Darnaud, Genest, Trillard, Husson, Vogel, Doligé et Revet, Mme Bouchart, M. Houpert, Mme Lamure et MM. Laménie, Perrin, Gremillet et L. Hervé.
L’amendement n° 1446 est présenté par M. Bouvard.
L’amendement n° 1665 rectifié est présenté par MM. Karoutchi, Magras, Cambon, Sido et Mayet et Mmes Deseyne, Mélot et Primas.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer la référence :
, L. 3132-25
La parole est à M. Bernard Fournier, pour présenter l’amendement n° 95 rectifié quinquies.
Cet amendement vise à préserver la législation actuelle dans les zones touristiques, afin d’éviter la fermeture des petits commerces en station, dont la situation économique est déjà fragile.
En effet, les petits commerçants implantés dans les communes touristiques sont souvent constitués en entreprises familiales et ne peuvent se permettre d’octroyer à leurs salariés des compensations salariales en cas d’ouverture dominicale.
Le système actuel, reposant sur l’octroi de repos compensateurs, constitue un équilibre satisfaisant entre les différents acteurs dans les communes touristiques, notamment au regard des conditions de rémunération. Une modification de cet équilibre risquerait d’entraîner la fermeture des commerces qui sont à la source de l’attractivité des communes touristiques et, par voie de conséquence, la suppression d’emplois.
Les amendements n° 1446 et 1665 rectifié ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 1642, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Alinéa 6
Remplacer la référence :
et L. 3132-25-1
par les références :
, L. 3132-25-1 et L. 3132-25-6
II. Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer la référence :
et L. 3132-25-1
par les références :
, L. 3132-25-1 et L. 3132-25-6
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Le présent amendement vise à ajouter une mention relative aux commerces situés dans les gares dans l’article 76 relatif aux compensations dont doivent bénéficier les salariés privés du repos dominical, par cohérence avec ce qui est prévu pour les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales.
Le sous-amendement n° 1781, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1642, alinéas 7 à 10
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
Compléter cette phrase par les mots :
ou dans l’une des gares mentionnées à l’article L. 3132-25-6
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
L’amendement n° 1602, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
accord collectif de branche,
insérer les mots :
de groupe,
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Le présent article renvoie à des accords collectifs de branche, d’entreprise, d’établissement ou à des accords territoriaux le soin de définir les compensations accordées aux salariés privés du repos dominical.
L’amendement n° 1602 tend à ouvrir la possibilité de recourir aux accords de groupe, définis aux articles L. 2232-30 et suivants du code du travail, cette solution pouvant s’avérer pertinente pour de telles structures, et ainsi faciliter la conclusion d’accords.
L’amendement n° 164 rectifié, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
niveau territorial,
insérer les mots :
dans les conditions définies au I de l’article L. 5125-4,
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Cet amendement vise à « sortir » du droit commun les conditions de validité des accords de compensation de branche, d’entreprise et d’établissement.
Les accords de branche, d’entreprise et d’établissement de droit commun prévoient deux critères de validité : d’une part, la signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants ; d’autre part, l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. Il ne s’agit donc pas d’un véritable accord majoritaire.
Le présent amendement vise à rendre nécessaire la signature d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.
En conséquence, l’accord devra être réellement majoritaire, c’est-à-dire signé par des organisations syndicales ou mandatées représentant la majorité des salariés aux élections concernées reconnues en la matière.
L’amendement n° 1227 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 9
Remplacer les mots :
aux II à IV de l’article L. 5125-4
par les mots :
à l'article L. 2232-24
La parole est à Mme Annie David.
J’aurai recours, pour présenter cet amendement, au code du travail.
Il est fait référence, dans l’article 76, à l’article L. 5125-4 dudit code, figurant dans le titre II du livre Ier de la cinquième partie de ce code intitulé « Maintien et sauvegarde de l’emploi », et qui concerne les accords de maintien dans l’emploi.
L’article L. 2232-24 du même code, auquel nous faisons référence dans le présent amendement, figure, quant à lui, au titre III du livre II de la deuxième partie dudit code, dont l’intitulé est le suivant : « Conditions de négociation et de conclusion des conventions et accords collectifs de travail ».
M. le ministre nous ayant confirmé qu’il était bien question à l’article 76 du projet de loi d’accords collectifs, nous ne comprenons pas pourquoi les articles du code du travail auxquels il est fait référence dans cet article ne visent pas le titre III du livre II de la deuxième partie dudit code. Le travail du dimanche doit faire l’objet, en effet, d’un accord collectif.
Pour cette raison, nous proposons par cet amendement de supprimer la référence à l’article L. 5125-4 du code du travail et de la remplacer par la référence à l’article L. 2232-24 du même code relatif aux salariés mandatés. Nous avons en effet bien conscience que certaines entreprises, surtout de petite taille, ne comptent pas en leur sein de représentation syndicale. Cette absence peut être compensée par la présence de salariés mandatés, à laquelle nous ne nous opposons pas.
Notre opposition porte, en revanche, sur la référence qui sert de base juridique, dans le présent texte, au recours aux salariés mandatés. M. le ministre nous a toujours parlé d’accords collectifs de travail, et non d’accords de maintien de l’emploi, tels que visés dans la cinquième partie du code du travail.
L’amendement n° 615, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
, soit, à défaut, par une décision de l’employeur
II. – Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
mentionné
par les mots :
ou la proposition de l’employeur mentionnés
et le mot :
fixe
par le mot :
fixent
III. – Alinéa 7, deuxième phrase
Remplacer les mots :
Il prévoit
par les mots :
Ils prévoient
IV. – Alinéas 9 et 10
Supprimer ces alinéas
V. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
de l’employeur
par les mots :
unilatérale de l’employeur prise en application de l’article L. 3231-20
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Je l’ai dit précédemment, cet amendement vise à rétablir le texte transmis par l’Assemblée nationale, lequel rappelait que le principe de l’accord collectif, qui prévoit des contreparties, est le fondement de l’autorisation d’ouverture.
Le texte de la commission spéciale, en revanche, dénie ce principe nodal. Or, en refusant celui-ci, on nie aussi l’existence de contreparties, et donc la négociation.
L’amendement n° 1440 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Guerriau, Cadic et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer le mot :
fixe
par les mots :
prévoit également la mise en place d’un contrat d’intéressement avec un système de « surpondération » pour les salariés privés de repos dominical, ainsi que des mesures qui fixent
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
L’outil que je propose pourrait contribuer à résoudre le problème de la compensation du travail du dimanche.
Le travail dominical permet de créer des marges et des bénéfices supplémentaires pour les entreprises. Dans ces cas, les salariés ayant travaillé ce jour-là pourraient bénéficier d’un complément d’intéressement par le biais d’une surpondération dans le calcul de cet intéressement. Il s’agit donc de partager les gains et d’établir un lien entre l’activité supplémentaire, les marges supplémentaires et ce que peuvent en retirer les salariés. J’ajoute que ce dispositif ne se substituerait pas à la compensation de base.
Pour ma part, je pense qu’il faut être le plus compréhensif et le plus souple possible au plan des accords de branche, qui ne me paraissent pas forcément adaptés aux petites entreprises et à certaines activités dans lesquelles la représentation professionnelle n’est pas très structurée. C’est la raison pour laquelle je soutiens la position de la commission spéciale sur ce sujet.
Les situations sont très différentes au sein des entreprises. On ne peut pas comparer des entreprises industrielles dont les salariés travaillent le dimanche parce que l’outil de travail ne peut pas s’arrêter ou parce qu’il faut amortir les équipements, avec des activités commerciales qui, elles-mêmes, peuvent venir en substitution de périodes non travaillées ou n’exister que de manière saisonnière, ou avec d’autres activités qui s’ajoutent à des périodes normales de travail. Tout cela est relativement complexe.
Toutefois, on aurait tout de même pu fixer une compensation minimale dans tous les cas de figure. Il ne me semble pas, en effet, qu’une telle compensation puisse constituer un handicap pour négocier un avantage supplémentaire.
En matière d’intéressement, il s’agirait simplement d’un complément : s’il y a contrat d’intéressement, il faut que celui-ci soit majoré lorsque les salariés travaillent le dimanche et que ce soit ces derniers qui en bénéficient.
L’amendement n° 942 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Il prévoit, au minimum, un doublement de la rémunération correspondant au travail effectué par les salariés privés du repos dominical. Cette contrepartie minimale s’applique à toutes les entreprises situées dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Cet amendement a le mérite de la simplicité : il tend simplement à prévoir le doublement de la rémunération du travail effectué par les salariés privés de repos dominical. C’est clair et on sait à quoi l’on s’engage !
L’amendement n° 165 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Jourda et MM. Durain et Cabanel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Il prévoit, au minimum, un doublement de la rémunération correspondant au travail effectué par les salariés privés du repos dominical. Cette contrepartie minimale s’applique à toutes les entreprises situées dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1. Dans les zones mentionnées aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25, cette contrepartie minimale ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 11 salariés.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Il s’agit d’inscrire dans la loi que la règle est le doublement de la rémunération en cas de travail le dimanche.
Toutefois, il faut prendre en compte le fait que les entreprises de moins de onze salariés peuvent, dans certains cas, se trouver en difficulté. Nous proposons donc de prévoir a minima – c’est vraiment un amendement de repli ! – que, dans les grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui comptent plus de onze salariés, la règle soit le doublement du salaire rémunérant les dimanches travaillés.
L’amendement n° 1229, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
L’article 76 tel qu’il résulte des travaux de la commission spéciale comporte une modification de taille concernant le dialogue social préalable à l’ouverture des magasins dans les zones touristiques internationales.
Dans sa rédaction initiale, l’article 76 reprenait les termes de l’article L. 3132-25-3 du code du travail créé par la loi du 10 août 2009 réaffirmant le principe du repos dominical : les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical sont fixées par l’accord ou par la décision unilatérale de l’employeur.
Aux termes de la rédaction qui nous est proposée, une fois la loi adoptée, le travail du dimanche ne sera plus soumis à autorisation dans les zones touristiques internationales. L’employeur, sur le simple constat de défaut d’accord de branche, d’entreprise ou territorial, pourra décider après consultation par référendum.
Cette rédaction déséquilibre encore davantage les rapports entre employeur et salariés, et ce d’autant plus que la nature et le niveau des compensations ne sont pas fixés, par exemple, par un plancher.
Dans le contexte créé par un tel déséquilibre, le recours au référendum ne peut pas constituer un contre-pouvoir. Chacun peut imaginer les pressions que pourront individuellement subir les salariés, déjà en situation de subordination vis-à-vis de leur employeur. Ces pressions viseront à faire valider par référendum les seules décisions, et non plus les propositions, de l’employeur.
Le dialogue social nécessite le respect du dialogue et de la représentation non subordonnée des salariés par leurs représentants. La proposition qui est faite nie, à la fois, l’un et l’autre. Elle constitue un mépris de la représentation collective des salariés et de leur capacité à construire un véritable dialogue, en présupposant une situation de blocage social.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’alinéa 9 de l’article 76 introduit par la commission spéciale qui porte atteinte au droit de représentation syndicale en malmenant la démocratie sociale.
L’amendement n° 1228 vise à conditionner l’ouverture dominicale à la signature d’un accord de branche prévoyant un repos compensateur et un doublement de la rémunération.
Cela a été dit à plusieurs reprises, la commission spéciale ne souhaite pas que soit fixé dans la loi un niveau plancher. Elle préfère permettre à chaque secteur et à chaque entreprise d’adapter les contreparties. Qui plus est, ne plus permettre à un accord d’entreprise de définir les modalités du travail dominical aura pour conséquence d’exclure de nombreuses entreprises des nouvelles possibilités offertes par le présent texte, car la couverture conventionnelle n’est pas universelle et de nombreuses branches ne sont pas le théâtre d’un dialogue social très nourri.
Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.
L’amendement n° 95 rectifié quinquies tend à exonérer les commerces situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif. Il est partiellement satisfait par la modification apportée par la commission spéciale, qui exonère de cette obligation les entreprises de moins de onze salariés situées dans ces mêmes zones où prévalent des habitudes de fonctionnement spécifiques – je pense aux stations de montagne et aux stations balnéaires –, avec des saisonnalités qui n’existent pas dans les zones commerciales.
Pour les entreprises situées dans ces dernières zones, l’objectif est de prévoir des contreparties fixées dans le cadre du dialogue avec les salariés et non par la loi. En revanche, il fallait éviter que l’obligation susvisée ne constitue un risque pour les petits commerces des zones touristiques de moins de onze salariés qui participent à l’attractivité et à la vie des stations. Par conséquent, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.
Sur l’amendement n° 1642, qui vise à confirmer que, pour les commerces situés dans les principales gares, l’ouverture dominicale est bien conditionnée à la signature d’un accord collectif, la commission spéciale émet un avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement rédactionnel n° 1781.
L’amendement n° 1602 tend à permettre l’ouverture dominicale dans les zones touristiques internationales, les zones commerciales et les zones touristiques sur la base d’un accord de groupe. Il s’agit donc d’élargir encore la nature des accords possibles. Cette modalité supplémentaire d’exercice du dialogue social pouvant se révéler pertinente dans certaines entreprises, la commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement.
Quant à l’amendement n° 164 rectifié visant à soumettre l’ouverture des commerces le dimanche à la signature d’un accord majoritaire avec les partenaires sociaux, la commission spéciale y est défavorable. En effet, en conditionnant la validité d’un accord sur l’ouverture dominicale à sa signature par des organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles, contre 30 % dans le droit commun, il va de soi que le nombre d’accords sera limité et que les ouvertures dominicales seront moins fréquentes. Est-ce le but recherché par le biais du présent projet de loi ? Non ! Il s’agit de faire confiance à l’intelligence des partenaires sociaux de la branche, de l’entreprise ou du territoire pour négocier un accord adapté à leur secteur d’activité. Il n’est pas souhaitable de s’éloigner du droit commun concernant la validité des accords.
L’amendement n° 1227 rectifié a pour objet de prévoir un cadre de négociation plus strict des accords permettant l’ouverture dominicale des commerces. Si les accords d’entreprise sur le travail dominical sont soumis au droit commun, il serait plus difficile de parvenir à un accord. Or il faut que la négociation collective puisse aboutir le plus souvent possible. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 615. Un débat vient d’avoir lieu sur la nature des accords existants : accord de branche, accord d’entreprise, accord d’établissement, accord territorial – la ville de Saint-Malo a ainsi conclu un accord territorial pour l’ouverture des commerces le dimanche –, auxquels le Gouvernement a ajouté l’accord de groupe.
Néanmoins, nous le savons, dans certaines entreprises, pas forcément des entreprises de petite taille, le blocage du dialogue social perdure. Par conséquent, le principe d’un référendum des salariés pour approuver la décision de l’employeur d’ouvrir le dimanche et les contreparties proposées pourrait apporter une solution à ces cas ultimes de blocage où aucun accord – branche, entreprise, territoire, groupe – n’a été trouvé. C’est pourquoi il nous a semblé opportun de privilégier ce dispositif qui concerne donc les situations ultimes. Comment prétendre que nous ne privilégions pas le dialogue social, alors que nous prévoyons de demander l’avis des salariés concernés ? J’ai du mal à comprendre la cohérence intellectuelle d’un tel raisonnement !
Si, in fine, la décision de l’employeur est soumise à l’avis des salariés et que 50 % de ces derniers se prononcent sur leur souhait de travailler ou non le dimanche, cela ne pourra que favoriser les accords précédemment cités.
Il faut prévoir cette possibilité. Dans le cas contraire, certains magasins qui pourraient ouvrir le dimanche ne le feront pas en raison d’un blocage social par certains syndicats très fort. §On peut le regretter. Demander l’avis des salariés concernés me semble la forme ultime du dialogue social. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à revenir au texte établi par l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1440 rectifié bis tend à prévoir que les salariés privés du repos dominical bénéficient d’un système d’intéressement au résultat surpondéré. La commission spéciale a fait le choix de laisser au dialogue social – qu’il s’agisse d’un accord de branche, d’entreprise, d’établissement, d’un accord territorial ou de groupe – le soin de définir les contreparties, en particulier salariales. Le système proposé pourrait être adapté à certains secteurs d’activité, mais sans doute pas à tous : c’est aux partenaires sociaux d’en décider, et non à la loi de restreindre le champ des réflexions en matière de contreparties. Sans doute M. le ministre donnera-t-il son point de vue sur le dispositif qui nous est soumis par le biais de cet amendement. Il n’en reste pas moins que la commission spéciale ne peut qu’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 942 rectifié vise à prévoir le doublement de la rémunération des salariés privés du repos dominical dans les zones commerciales. Or nous ne souhaitons pas inscrire de seuil des contreparties dans le texte. Si celui-ci détermine un plancher élevé, le risque est grand que, pour de nombreuses entreprises, l’ouverture dominicale ne soit pas rentable, tandis que d’autres ne seront pas enclines à accepter de porter ces contreparties à un niveau supérieur, dans le cadre de la négociation collective. C’est en quelque sorte le raisonnement de David Assouline, même si nous n’avons pas tout à fait le même objectif. Il existe un danger à fixer dans la loi des seuils, car certaines entreprises auraient pu proposer plus et d’autres ne pourront pas s’y soumettre et ouvrir le dimanche. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 165 rectifié tend à prévoir le doublement de la rémunération des salariés travaillant le dimanche dans toutes les entreprises situées dans les zones commerciales et dans celles de plus de onze salariés situées dans les zones touristiques internationales et les zones touristiques. La commission spéciale a souhaité maintenir le doublement actuel de la rémunération pour les dimanches du maire. Pour le reste, il faut laisser les mécanismes et les critères de compensation au dialogue social. La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 1229 vise à supprimer la possibilité d’ouvrir le dimanche sur la base d’une décision de l’employeur approuvée par référendum. J’ai déjà expliqué les blocages possibles et les raisons pour lesquelles la commission spéciale avait soumis cette proposition et adopté ce dispositif. Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 1228 tend à introduire l’obligation d’une couverture de branche, une rémunération doublée, un repos compensateur pour les salariés travaillant le dimanche. J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, ces conditions sont aujourd’hui insoutenables pour les commerces de centre-ville et de nombre de zones. Si le Gouvernement est d’accord pour réparer les injustices qui existent actuellement quand la loi ne prévoit rien – ni condition d’accord ni principe de compensation –, il n’est pas question de le faire de façon aussi maximaliste. Autant, dans les PUCE, il est soutenable d’accorder une rémunération double aux salariés travaillant le dimanche, autant, dans nombre de centres-villes et de centres-bourgs, la même exigence rend quasiment impossible l’ouverture des commerces. On créerait de fait, selon les secteurs et selon les zones géographiques, des règles qui conduiraient à ce que certaines entreprises ouvrent le dimanche et d’autres non.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies, qui tend à exclure les commerces situés dans les zones touristiques. Aujourd’hui, les PUCE peuvent recourir à une décision unilatérale de l’employeur avec doublement du salaire, à défaut d’accord collectif, tandis que ces zones touristiques ne sont soumises à aucune condition. Nous avons déjà eu ce débat : nous ne pouvons nous satisfaire d’exclure les zones touristiques de l’ensemble du dispositif, car cela créerait une disparité beaucoup plus importante que celle que les auteurs de cet amendement cherchent à résorber.
L’amendement n° 164 rectifié vise à prévoir une majorité stricte de plus de 50 % des salariés pour la conclusion des accords collectifs. Les règles proposées sont plus dures que celles qui existent aujourd’hui dans le droit commun et aux termes desquelles un accord collectif requiert la signature des organisations représentant plus de 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et l’absence d’opposition d’un ou plusieurs syndicats représentatifs cumulant plus de 50% des suffrages valablement exprimés à ces mêmes élections. L’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a cité la réaction de nombre d’enseignes qui considèrent que nous allons trop loin en prévoyant cette contrainte. Je reviendrai sur la situation des entreprises de moins de onze salariés. Toutefois, soumettre à ces accords collectifs la possibilité même d’ouvrir le dimanche et les compensations est une première !
Si l’on ajoute à cette contrainte assumée une contrainte supplémentaire en changeant les règles de majorité spécialement pour l’occasion, on prend acte en quelque sorte de la volonté de minimiser les chances d’obtenir une majorité stricte. Or nous nous inscrivons d’abord dans le cadre du dialogue social de droit commun : rien ne justifie que l’on y déroge. Nous voulons qu’une négociation ait lieu dans le cadre du droit commun et que, si les conditions sont satisfaisantes, elles fassent l’objet d’un accord selon ces mêmes règles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 1227 rectifié, ce qui me permet de poursuivre le débat avec vous, madame David, sur les modalités de droit commun et les accords de maintien de l’emploi. Je reste défavorable à cette proposition. Cet amendement se réfère aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire de droit commun prévu à l’article L. 2232-24 du code du travail plutôt qu’aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire prévu à l’article L. 5125-4 du même code.
Si j’étais taquin, je dirais que cette proposition est extrêmement cohérente avec la modification apportée par la commission spéciale. La seule différence, c’est que celle qui est prévue par cet amendement ne prévoit pas de règles claires pour les entreprises de moins de onze salariés, qui ne sont pas bien couvertes par l’article L. 2232-24 et qui seraient pénalisées par l’adoption de cet amendement.
Pour cette raison, nous avons préféré nous référer à l’article L. 5125-4, qui permet de recourir à des salariés mandatés, y compris dans les structures de moins de onze salariés. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 615 tend à prévoir le rétablissement du texte de l’Assemblée nationale que l’on peut résumer ainsi : pas d’accord, pas d’ouverture. Le Gouvernement y est évidemment favorable. L’honnêteté m’oblige à reconnaître que la commission spéciale a fait preuve de mesure en modifiant l’article 76 et en précisant que ce dispositif n’interviendrait qu’en cas d’échec de la négociation. Elle n’a pas réintroduit une décision unilatérale sur la base d’un référendum, en faisant fi du texte d’ensemble.
Pour autant, je soutiens cet amendement, dont les dispositions sont plus cohérentes et plus globales. Il nous faut continuer à travailler avec les organisations syndicales et patronales pour réussir à trouver une solution en cas d’obstruction manifeste. C’est la faiblesse du présent texte, je l’admets bien volontiers. Pour autant, je ne partage pas totalement la solution de la commission spéciale, car ce n’est pas à mon sens la voie de la facilité qui serait systématiquement prise. Je reconnais tout de même que des verrous ont été prévus. La commission spéciale a pris acte des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 1440 rectifié bis vise à prévoir l’obligation de conclure un contrat d’intéressement avec un système de surpondération pour chaque salarié privé du repos dominical dans le cadre des accords collectifs. Cette discussion a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Si l’entreprise veut octroyer un supplément de rémunération à ses salariés travaillant le dimanche par rapport aux modalités prévues par ailleurs, c’est tout à fait possible. Le projet de loi ne l’empêche pas, mais cela ne doit pas être prévu de manière systématique. C’est un élément de complexité qui n’est pas souhaitable.
J’en viens à l’amendement n° 942 rectifié. Nous avons déjà eu cette discussion. Proposer le doublement des salaires de manière systématique ne me semble pas conforme aux réalités économiques telles qu’elles sont observées ni soutenable à l’égard de l’ensemble des acteurs économiques des zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1 du code susvisé concernées par cet amendement.
Cette disposition était prévue en cas d’absence d’accord dans les PUCE face à la présence de grandes enseignes. Elle n’est pas valable pour les plus petites enseignes et pour les commerces les plus fragiles. Il me semble donc que retenir un tel doublement de rémunération serait contraire à l’objectif défendu.
Je note, par ailleurs, monsieur Collombat, que le président de votre groupe avait défendu précédemment un amendement exactement opposé, qui visait à ne pas assujettir les zones touristiques à une condition d’accord.
L’amendement n° 165 rectifié tend, lui aussi, à prévoir un doublement de la rémunération sauf pour les entreprises de moins de onze salariés situées dans les zones touristiques et les ZTI. Je tiens à souligner l’incohérence de cet amendement avec la discussion que nous avons eue tout à l’heure, puisque les dispositions prévues par celui-ci seraient extrêmement discriminantes pour les entreprises de moins de onze salariés, dont on sait bien qu’elles peuvent être un instrument de contournement de certaines grandes enseignes dans des zones commerciales.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut il émettra un avis défavorable.
Pour les raisons déjà évoquées et par cohérence avec l’avis que j’ai émis sur l’amendement n° 615, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1229.
La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote sur l’amendement n° 1228.
Cet amendement tend à conditionner à la conclusion d’un accord de branche l’ouverture dominicale des commerces dans l’ensemble des zones dérogatoires, qu’il s’agisse des zones commerciales, des zones touristiques ou des ZTI, et à prévoir un plancher de contrepartie fixé au moins au double de la rémunération.
Si chacun souscrit à l’idée selon laquelle les salariés privés de repos dominical doivent bénéficier de contreparties, la conclusion de seuls accords de branche risque, en revanche, de poser problème pour certains commerces qui ne relèvent d’aucune branche. De même, déterminer un plancher de rémunération au moins équivalent au double de la rémunération normale est à la portée de certaines grandes enseignes, mais une telle compensation est pratiquement impossible à mettre en œuvre pour un grand nombre de petits commerces, qui se trouveraient ainsi désavantagés et risqueraient de ne pas pouvoir ouvrir le dimanche.
Or, s’il faut assurément protéger les salariés, il faut aussi protéger les petits commerces, qui assurent l’animation et l’identité de nos bourgs et de nos centres-villes. La mesure proposée aurait certainement un effet boomerang que personne ne souhaite. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies.
Cet amendement me paraît tout à fait intéressant et, comme vous l’avez dit tout à l’heure, madame la corapporteur, il n’est que partiellement satisfait.
En France, on peut distinguer trois catégories de commerce.
Tout d’abord, les grandes surfaces, les hypermarchés, sont favorisés depuis de nombreuses années par les différents gouvernements. Les commissions consultées font preuve de largesse ; ces structures s’implantent où elles le souhaitent, et leurs dirigeants gagnent beaucoup d’argent. Ceux-ci peuvent donc rémunérer en conséquence les salariés qui travaillent le dimanche, c’est-à-dire qu’ils sont en mesure de doubler les salaires.
Il suffit de regarder autour de vous, ma chère collègue, la façon dont ils vivent pour constater qu’ils ont beaucoup d’argent !
Quant aux commerçants moyens, ils gagnent certes moins, mais encore correctement leur vie.
Enfin, les petits commerçants situés dans une zone touristique travaillent en famille et n’ont pas les moyens de verser des compensations à leurs salariés.
C’est la raison pour laquelle cet amendement mérite d’être amélioré. Nous devons tenir compte des petits commerces, et non favoriser uniquement, comme on le fait depuis des années, les grandes surfaces et hypermarchés, qui sont les rois !
La commission spéciale a prévu d’exonérer les petits commerces de moins de onze salariés situés dans les zones touristiques, et non dans les zones commerciales. Or l’amendement présenté par M. Fournier vise à exonérer en zone touristique tout commerce de toute taille. Par conséquent, les dispositions proposées sont moins protectrices pour les petits commerces situés en zone touristique en comparaison des entreprises qui ont un nombre important de salariés. Pour celles-ci, on peut penser que les négociations relatives aux contreparties, dont les montants et les planchers ne sont pas déterminés par la loi, au niveau de la branche, du territoire, ou du groupe aboutiront à un accord dans les trois ans à venir.
Les petits commerces de moins de onze salariés en zone touristique peuvent rencontrer des difficultés, j’en conviens. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a souhaité les exonérer de contreparties. En revanche, elle a souhaité assimiler à des commerces de zone commerciale les commerces de plus de onze salariés dont on peut penser qu’ils sont en mesure d’assurer les contreparties – une certaine souplesse est d’ailleurs prévue à cet égard – et de respecter les conditions visées dans le texte qu’elle a élaboré.
Ainsi, si vous soutenez le présent amendement, mon cher collègue, vous soutenez aussi ces mêmes grandes surfaces que vous dénoncez !
Compte tenu des explications détaillées fournies par Mme la corapporteur, je retire cet amendement.
Sourires.
L'amendement n° 95 rectifié quinquies est retiré.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1781.
Depuis un certain nombre d’années, on voit fleurir dans les gares parisiennes un certain nombre de grandes surfaces implantées dans des zones commerciales dont certaines vont devenir encore plus importantes. Les personnes qui quittent leur travail et se rendent à la gare pour prendre le train et rentrer chez elles s’arrêtent dans ces commerces, au détriment de ceux de leur ville…
Ma chère collègue, de nombreux commerces sont ouverts jusqu’à vingt-deux heures !
On en fait beaucoup trop pour les gares, dont ce n’est pourtant pas la vocation au départ !
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 1602.
Cet amendement vise à renvoyer le soin de définir les compensations accordées aux salariés privés du repos dominical à des accords collectifs de branche, d’entreprise, d’établissement, à des accords territoriaux ou à des accords de groupe, ce qui est une nouveauté.
Rien ne semble s’opposer, a priori, à cet ajout, dans la mesure où cela permet d’envisager une possibilité supplémentaire de couverture conventionnelle des salariés. Toutefois, la négociation à cet échelon risque de poser quelques difficultés, notamment si des compensations sont négociées à différents niveaux.
L’accord de groupe concernant par principe des entreprises différentes appartenant à des branches et à des champs géographiques différents, certains salariés du même groupe ne risquent-ils pas de se trouver couverts par différents statuts collectifs concurrents ? Ce d’autant plus que l’accord de groupe a un statut un peu particulier. Aux termes de l’article L. 2232-33 du code du travail, il emporte les mêmes effets qu’un accord d’entreprise. Néanmoins, il est également indiqué, à l’article L. 2232-35 du même code, « qu’il ne peut comporter des dispositions dérogatoires à celles applicables en vertu de conventions de branche ou d’accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce groupe, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels. » La référence aux accords de groupe, en plus des autres types d’accords, risque donc de créer quelques difficultés dans la pratique en cas de concours de textes conventionnels.
On peut également se demander pourquoi il est fait référence à ces accords de groupe uniquement dans le cadre de la fixation des compensations salariales, alors que d’autres articles du projet de loi se réfèrent aux notions d’accords d’établissement, d’entreprise, de branche ou territoriaux, dont le présent article 76 et l’article 81.
Pour toutes ces raisons, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt réel de cette modification, qui risque de créer plus de difficultés d’application que de bénéfices.
L’amendement n° 1602 tend simplement à donner la possibilité juridique de conclure un accord à un niveau qui n’était pas prévu par le précédent texte. Dans la mesure où cela a été mis en place pour les accords territoriaux, il n’y a pas de raison que les groupes ne soient pas visés.
De surcroît, l’ordre public social prévoit que l’accord le plus favorable s’applique. Ainsi, un accord d’entreprise qui serait moins favorable qu’un accord de groupe ne saurait s’appliquer.
Je souhaite donc être parfaitement clair par rapport à la crainte que vous avez exprimée, madame la sénatrice.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’amendement n° 615.
Je trouve dommage que Mme la corapporteur maintienne son avis défavorable sur cet amendement, d’autant plus que nous n’étions pas très loin de pouvoir trouver un accord. Nous avons déjà eu ce débat, je n’insisterai donc pas.
Il est vrai qu’il existe des situations de blocage dans certaines entreprises. Mais nous votons la loi, qui a une portée générale. Il n’est pas question de prendre en compte les cas particuliers.
La proposition de la commission spéciale pose un véritable problème, dans la mesure où il s’agit d’un saut dans l’inconnu. En effet, elle vise une simple consultation des représentants du personnel, ce qui est tout de même assez léger, et l’organisation d’un référendum auprès des salariés concernés au scrutin majoritaire. Mais comment est définie cette majorité ?
On reproche souvent aux amendements des uns et des autres de ne pas être suffisamment bien rédigés. Or tel est le cas de l’article 76 en l’espèce. J’aurais souhaité que nous trouvions un accord en séance.
Je voudrais rassurer Mme Bricq sur le référendum des personnels. Le code du travail prévoit clairement que plus de la moitié des salariés concernés doivent donner leur accord.
Vous allez permettre aux entreprises d’ouvrir le dimanche et certaines ne pourront pas le faire à cause de blocages syndicaux.
Nous proposons donc que, à défaut d’accord – je souligne que des possibilités d’accords sont prévues au niveau du territoire, de l’entreprise, de la branche, du groupe et de l’établissement –, ce soit in fine la majorité des salariés concernés qui décide.
Il me semble que nous sommes alors au bout du dialogue social, et que les salariés doivent pouvoir décider à la majorité de travailler le dimanche dans certains magasins – c’est le cas dans les grands magasins parisiens, où il y a un blocage syndical.
Je ne comprends donc vraiment pas votre opposition.
Je mets aux voix l'amendement n° 615.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 165 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1440 rectifié bis.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 616 est présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 1230 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 616.
Cet amendement a pour objet de rétablir l’obligation générale d’accord collectif prévoyant des contreparties pour les salariés afin que l’ouverture le dimanche soit autorisée.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 1230.
L’alinéa 12 de l’article 76 exclut les établissements de vente au détail employant moins de onze salariés des obligations de contrepartie en cas de dérogation au repos hebdomadaire.
L’exonération pour ces commerces situés dans les zones touristiques de l’obligation d’être couverts par un accord collectif et d’offrir des contreparties aux salariés pour ouvrir le dimanche est une remise en cause de la protection des travailleurs.
Redistribuer une partie de la richesse produite, c’est le principe même des contreparties et des garanties accordées aux salariés.
Cet alinéa remet cette compensation en question. Selon l’INSEE, le commerce de détail regroupe environ 446 000 entreprises, qui emploient près de 1, 6 million de salariés en équivalents temps plein. De surcroît, la majeure partie des entreprises du commerce de détail sont des structures de petite taille : 98 % comptent moins de 20 salariés. Au regard du nombre d’entreprises concernées, il n’est pas acceptable d’établir une telle dérogation.
L'amendement n° 739 rectifié bis, présenté par MM. Pellevat, G. Bailly, Bouvard, Calvet, Carle, Chaize, Commeinhes et Darnaud, Mme Deromedi et MM. L. Hervé, Longuet, Magras, Milon, Mouiller, Pierre, Trillard et Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
employant moins de onze salariés
par les mots :
dont l'activité est de nature saisonnière
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
Je ne reprendrai pas l’argumentation qui a été excellemment développée tout à l’heure sur la nature des activités saisonnières par Michel Bouvard.
Toutefois, puisque cet amendement vise à s’affranchir du nombre de onze salariés, j’évoquerai la situation spécifique des commerces des stations de sport d’hiver qui sont souvent étagés sur deux ou trois villages. Un même commerce peut donc avoir plusieurs magasins et dépasser ce plafond de onze salariés.
C’est pourquoi nous demandons que les commerces dont l’activité est de nature saisonnière soient exemptés du dispositif prévu.
Je me suis déjà largement expliquée sur le seuil de onze salariés.
Je rappelle aussi que, lors d’une interview accordée le 2 avril dernier, Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, déclarait : « il est important que les petits commerces, qui peuvent aujourd’hui ouvrir le dimanche, puissent encore le faire une fois la loi adoptée. Nous allons donc adapter la règle aux entreprises de moins de onze salariés. »
La commission spéciale ne l’a pas attendue et a décidé de proposer de dispenser les entreprises de moins de onze salariés situées en zone touristique de contreparties. Elle émet donc un avis défavorable sur les deux amendements qui visent à rétablir le texte initial.
S’agissant de l’amendement n° 739 rectifié bis, j’entends bien vos arguments, monsieur Vial, sur les entreprises de nature saisonnière situées en zone de montagne.
Cela étant, la rédaction retenue par la commission spéciale donne déjà satisfaction aux commerces employant moins de onze salariés. Quant à l’amendement, il vise à étendre la dérogation à tous les établissements dont l’activité est de nature saisonnière, sur l’ensemble du territoire, et pas seulement à ceux qui sont implantés en station de montagne.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
J’émets un avis favorable sur les amendements n° 616 et 1230.
Autant, lors de l’examen de l’amendement n° 615, j’ai considéré que la commission spéciale avait pris des dispositions pour répondre à la question importante de l’obstruction, autant elle propose là d’ouvrir une véritable brèche pour les entreprises de moins de onze salariés. Certes, nous connaissons les difficultés qui existent dans les zones touristiques. Vous avez raison, madame Deroche, de faire référence aux propos de Carole Delga ; nous continuons d’ailleurs de travailler sur ce point.
Toutefois, vouloir résoudre le problème en accordant une dérogation complète ne me semble pas satisfaisant, précisément parce que ce serait aussi une voie de contournement de l’ensemble du dispositif pour certaines enseignes, comme j’ai eu l’occasion de le souligner.
Sur l’amendement n° 739 rectifié bis, Mme la corapporteur a développé les bons arguments : d’abord, les activités saisonnières font l’objet de certaines spécificités qui sont prises en compte par les accords collectifs. En termes de minima sociaux et d’organisation, elles sont couvertes. Mais si elles ont recours de manière régulière au travail dominical, il est normal qu’elles soient soumises aux dispositions de ce projet de loi, dont je rappelle qu’elles ne concernent pas les commerces alimentaires et qu’elles constituent une exception au repos dominical pour le commerce de détail. Nous restons donc dans un champ d’activité qui est précisément borné. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.
La commission spéciale a souhaité exclure du champ du texte les entreprises de moins de onze salariés situées en zone touristique. L’avis défavorable que vous avez émis, madame la corapporteur, sur ces amendements est donc logique.
Il me paraît toutefois dommage de priver ces entreprises d’une discussion collective. Rien n’étant inscrit dans la loi, l’accord pourrait être trouvé entre les parties prenantes à la discussion.
Il me semble donc que vous intentez un mauvais procès aux salariés de ces entreprises en prétendant par avance qu’ils ne seraient pas capables de rechercher l’intérêt de l’entreprise afin de maintenir leur emploi, et qu’ils chercheraient à négocier des contreparties inappropriées.
Vous nous dites que vous faites confiance au dialogue social, mais vous empêchez a priori le dialogue dans les petites entreprises. Il me semble au contraire qu’un accord collectif à la hauteur des entreprises concernées pourrait être trouvé. Il est dommage de refuser d’entrée de jeu la possibilité de discuter, de conclure des accords et de négocier des contreparties dans ces entreprises. C’est faire un mauvais procès à l’ensemble des parties en présence.
La commission spéciale est intransigeante, mais elle introduit une discrimination qui n’est pas acceptable. Je sais bien que small is beautiful, mais quand même… Il n’est pas admissible que certains soient privés de négociation sous prétexte que leur commerce est petit et qu’il emploie moins de onze salariés. Il faut faire confiance aux acteurs territoriaux. En outre, dans les zones touristiques, ce n’est pas parce qu’un commerce est petit qu’il ne fait pas un très bon chiffre d'affaires pendant la saison. Votre argumentation trouve donc ses limites. Vous introduisez un biais, et même un contournement de la loi, qui n’est pas acceptable. Cela justifie le maintien de ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Compte tenu des explications et de la demande de Mme la corapporteur, je retire cet amendement.
L'amendement n° 739 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Cardoux et Mmes Cayeux et Deseyne, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. – Lorsqu’un usage, visant à accorder aux salariés privés du repos dominical une ou plusieurs contreparties mentionnées au II de l’article L. 3132-25-3 et respectant les garanties mentionnées à l’article L. 3132-25-4, est appliqué depuis au moins cinq ans par une entreprise, un établissement ou un site regroupant un ensemble d'établissements de vente au détail mettant à disposition des biens et des services et situé dans une zone touristique internationale ou dans une zone touristique caractérisée par une affluence particulièrement importante de touristes, les contreparties issues de l’application de cet usage doivent être intégrées dans les contrats de travail des salariés concernés dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi pour bénéficier de la faculté de donner le repos dominical par roulement pour tout ou partie du personnel prévue aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Cet amendement vise à permettre aux établissements de vente au détail situés dans une zone touristique internationale ou dans une zone touristique caractérisée par une affluence particulièrement importante de touristes qui ont volontairement mis en œuvre des contreparties et des garanties pour leurs salariés privés de repos dominical de déroger à l’obligation de négocier un accord collectif à la condition qu’ils intègrent directement ces contreparties et garanties dans leur contrat de travail dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple des entreprises installées sur le site de La Vallée Village, en Seine-et-Marne, que vous connaissez certainement tous, mes chers collègues. Ce site est classé depuis la fin de l’année 2000 en zone touristique d’affluence exceptionnelle ; 6, 5 millions de touristes, de 170 nationalités différentes, s’y sont rendus en 2013. Le site regroupe plus de cent entreprises, dont beaucoup sont internationales ; j’insiste sur ce point, car il n’est pas toujours facile pour les étrangers d’intégrer notre code du travail, qui, vous le savez, n’est pas si simple même pour des Français. Les enseignes emploient de onze – je cite ce chiffre à dessein – à cent vingt-huit salariés ; en tout, 1 200 personnes travaillent sur le site.
Depuis la création de La Vallée Village, les employeurs sont tenus d’appliquer strictement une charte sociale prévoyant – je préfère le préciser – le respect du volontariat, l’accord écrit du salarié étant nécessaire, le respect des contraintes personnelles et familiales, la possibilité pour le salarié de renoncer au travail dominical sur simple demande, une majoration d’au moins 50 % de la rémunération des heures effectivement travaillées le dimanche, un repos hebdomadaire de deux jours consécutifs et l’emploi en contrat de travail à durée indéterminée des salariés travaillant le dimanche.
Le présent amendement vise à sécuriser la position des entreprises des sites tels que La Vallée Village et de leurs salariés.
Isabelle Debré soulève un véritable problème. Cependant, dans la mesure où il existe déjà une charte, on peut penser qu’un accord de territoire pourra tout à fait inclure ses dispositions. Je rappelle que nous avons prévu un délai de trente-six mois pour permettre aux acteurs de s’adapter. En outre, l’accord des salariés concernés sera nécessaire.
Il nous semble donc que l’amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi. Nous souhaitons toutefois connaître la position du Gouvernement. Il s’agit en effet d’un sujet important : il ne faudrait pas que des commerces qui existent depuis longtemps et ont mis en place des contreparties salariales et sociales non négligeables se retrouvent en difficulté.
Madame la sénatrice, la solution que vous proposez consiste à intégrer dans le contrat de travail des dispositions dérogatoires – une charte, en l’espèce – en vigueur depuis plus de cinq ans. Le problème, c’est que cela créerait un biais, un élément de complexité non nul. En outre, une question se pose : si de nouvelles structures commerciales s’installent dans le même ressort, devront-elles intégrer les mêmes dispositions dans leur contrat de travail ? Enfin, l’existant serait gelé, et cela pourrait avoir un effet déstabilisant en cas de développement ; ce serait particulièrement regrettable, et je crois que ce n’est pas votre objectif.
Vous souhaitez que ce qui fonctionne aujourd'hui ne soit pas déstabilisé. Je vous apporterai deux réponses. La première, c’est que la charte comprend des éléments d’organisation qui valent pour un territoire économique. C'est pourquoi nous avons prévu la possibilité de conclure non seulement des accords de branche ou d’entreprise, mais aussi des accords de territoire. Il me semble que, dans l’exemple que vous avez cité, il devrait être possible de conclure un accord de territoire sur la base de la charte, qui est tout à fait généreuse, puisqu’elle reprend les standards les plus élevés. Nul doute qu’un accord sera conclu.
Ce qu’il faut éviter, c’est de décomposer en accords d’entreprise les accords existants. En effet, si toutes les entreprises ne parvenaient pas à conclure un accord sur la base de la charte, il y aurait des déséquilibres, des hétérogénéités intenables d’une échoppe à l’autre. Le projet de loi prévoit la possibilité de conclure un accord de territoire sur la base de la charte. À mon sens, c’est la bonne réponse au problème que vous soulevez.
Le second point, c’est le délai d’adaptation. L’Assemblée nationale l’avait fixé à deux ans ; la commission spéciale du Sénat a rétabli le délai de trois ans que proposait initialement le Gouvernement.
Je pense que la possibilité de conclure un accord de territoire et le délai d’adaptation de trois ans sont de nature à répondre à votre préoccupation. J’ajoute que des évaluations régulières du dispositif seront réalisées pour éviter les blocages. Enfin, l’amendement n° 615 ayant été rejeté, il existe une dernière voie en cas de blocage ultime : l’employeur pourra prendre une décision, qui devra être approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés.
À la lumière de ces éléments, je vous invite à retirer votre amendement. Comme l’a souligné Jacques Mézard, les accords conclus dans les grandes zones touristiques ou commerciales de province ne sauraient être déstabilisés par le projet de loi. Je m’engage à ce que des évaluations régulières soient réalisées, afin que tous les blocages soient levés.
Puisque la parole fait loi dans cet hémicycle et que vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à suivre ce dossier particulièrement important pour le tourisme – il y en a d’autres, bien entendu –, je retire cet amendement.
Nous espérons que tiendrez votre engagement. De nombreux emplois sont en jeu. Allez à La Vallée Village : vous verrez qu’il y règne une ambiance magnifique. Je ne voudrais pas qu’elle soit cassée. Il y a certainement d’autres sites dans la même situation. Je vous remercie de votre engagement. Je vous fais confiance !
L'amendement n° 108 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 970 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Daunis et Mme Espagnac, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« V. - Les accords collectifs de branche, d'entreprise et d'établissement et les accords territoriaux prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche. »
La parole est à M. David Assouline.
J’essaierai de ne pas être long, car j’ai déjà exposé quelques éléments de mon argumentation. Je commencerai par rappeler le cadre général. Les dispositions relatives aux accords obligatoires et aux compensations ont fait l’objet d’un débat public assez soutenu, avec des positions affirmées et souvent des procès d’intention, qui tiennent probablement aux zones d’ombre qui subsistent dans le projet de loi.
Il s’agit bien, dans tous les cas et de façon générale, de négocier en partant du principe que des compensations sont nécessaires. Il ne peut y avoir de travail le dimanche sans compensation en termes de salaire ou de repos compensateur. Le présent texte décline d'ailleurs les compensations, avec des spécificités pour certaines catégories de salariés, comme les travailleurs handicapés ou les femmes seules.
Néanmoins, on peut avoir l’impression que le travail dominical pourrait être exempt de compensation, notamment s’il n’existe pas de rapport de force syndical ou si les négociations sont difficiles. C'est pourquoi je souhaite, à travers cet amendement de clarification, préciser explicitement que le travail dominical doit être assorti de compensations.
Je ne propose pas de fixer des seuils de compensation, car cela aurait un effet pervers : ou les seuils sont trop bas, et on n’aide pas les négociateurs à obtenir les meilleures compensations, ou les seuils sont trop élevés, et certaines catégories d’entreprises ne peuvent pas garantir les compensations.
Il s’agit de prendre acte du fait que tout accord doit prévoir une compensation. On ne travaille pas au même tarif le dimanche et les autres jours. Même si les uns et les autres me répondront que c’est évident, je connais les relations sociales : elles se composent également de rapports de force. En rendant les choses plus claires dans la loi, on aide les négociations à être plus claires, et on fait ainsi œuvre utile pour tout le monde.
Je sais que la commission spéciale n’a pas examiné cet amendement. J’espère avoir convaincu les corapporteurs. Je le répète, on peut me dire que cela va de soi, que c’est acquis, mais, si vous lisez bien ce qui est écrit, vous verrez que le principe général d’une compensation du travail dominical en termes de salaire ou de repos compensateur n’est posé à aucun moment.
Comme vous l’avez dit, monsieur Assouline, cet amendement, tel qu’il est rédigé, n’a pas été examiné par la commission spéciale. Celui qu’elle avait étudié, et sur lequel elle avait émis un avis défavorable, était plus clair, avec une majoration substantielle de salaire et une journée de repos compensateur tous les quinze jours. Vous l’avez remplacé par cet amendement 970 rectifié bis, qui vise à préciser que les accords prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche.
Sans vouloir être désagréable en cette fin d’après-midi, je dirai qu’il n’apporte rien de fondamental au texte. Il me semble d’ailleurs qu’il est satisfait par l’alinéa 7 de l’article 76, dans lequel il est prévu que tout accord collectif relatif au travail du dimanche fixe les contreparties, notamment salariales. Or si des contreparties sont octroyées aux salariés privés du repos dominical, c’est bien qu’il ne s’agit pas d’un jour comme les autres.
Cela dit, à titre personnel, je sollicite l’avis du Gouvernement, tout en m’en remettant, au nom de la commission spéciale, à la sagesse de la Haute Assemblée, pour être agréable à M. Assouline.
Comme l’a dit Mme la corapporteur, on ne peut que partager l’ambition de cet amendement, qui a pour objet de préciser que la compensation est déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche, ce que ne prévoit pas aujourd’hui l’alinéa 7 de l’article 76.
Par cet amendement, monsieur le sénateur, vous donnez la justification de cette compensation. Il serait d’ailleurs préférable d’insérer l’alinéa en cause avant cet alinéa 7 et les autres alinéas qui traitent des compensations plus spécifiques.
À mon sens, cet amendement vise à poser le principe général indispensable qui confirme le caractère dérogatoire du travail du dimanche, d’une part, et à indiquer que la compensation est déterminée pour tenir compte de ce caractère dérogatoire.
J’émettrai donc un avis favorable, si vous vous engagez à repositionner l’alinéa en question avant l’alinéa 7 du présent article.
Permettez-moi juste d’ajouter une phrase courte, monsieur le président.
Sourires.
Je pense que la précision que vient d’apporter M. le ministre est importante.
Cet amendement a justement pour objet de fixer un cadre général, or, même si la rédaction que je propose est précise, j’en conviens, insérer l’alinéa en cause après l’alinéa 12 de l’article 76 peut paraître équivoque. L’insérer avant l’alinéa 7, comme le propose M. le ministre, j’y insiste, préciserait les choses, car, aujourd’hui, il n’est pas écrit de façon formelle dans le texte qu’est déterminée une compensation pour répondre aux dérogations.
À mon avis, c’est plus important que ce que certains veulent bien penser.
M. le ministre a raison de dire qu’il serait plus cohérent, par rapport à l’objectif visé, de placer cet alinéa avant l’alinéa 7.
Monsieur Assouline, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par le Gouvernement ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 970 rectifié ter, présenté par MM. Assouline et Daunis et Mme Espagnac, ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les accords collectifs de branche, d'entreprise et d'établissement et les accords territoriaux prévoient une compensation déterminée afin de tenir compte du caractère dérogatoire du travail accompli le dimanche.
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
L'article 76 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.