Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 4 mai 2015 à 14h45
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 76, amendement 1228

Emmanuel Macron, ministre :

L’amendement n° 1228 tend à introduire l’obligation d’une couverture de branche, une rémunération doublée, un repos compensateur pour les salariés travaillant le dimanche. J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, ces conditions sont aujourd’hui insoutenables pour les commerces de centre-ville et de nombre de zones. Si le Gouvernement est d’accord pour réparer les injustices qui existent actuellement quand la loi ne prévoit rien – ni condition d’accord ni principe de compensation –, il n’est pas question de le faire de façon aussi maximaliste. Autant, dans les PUCE, il est soutenable d’accorder une rémunération double aux salariés travaillant le dimanche, autant, dans nombre de centres-villes et de centres-bourgs, la même exigence rend quasiment impossible l’ouverture des commerces. On créerait de fait, selon les secteurs et selon les zones géographiques, des règles qui conduiraient à ce que certaines entreprises ouvrent le dimanche et d’autres non.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 95 rectifié quinquies, qui tend à exclure les commerces situés dans les zones touristiques. Aujourd’hui, les PUCE peuvent recourir à une décision unilatérale de l’employeur avec doublement du salaire, à défaut d’accord collectif, tandis que ces zones touristiques ne sont soumises à aucune condition. Nous avons déjà eu ce débat : nous ne pouvons nous satisfaire d’exclure les zones touristiques de l’ensemble du dispositif, car cela créerait une disparité beaucoup plus importante que celle que les auteurs de cet amendement cherchent à résorber.

L’amendement n° 164 rectifié vise à prévoir une majorité stricte de plus de 50 % des salariés pour la conclusion des accords collectifs. Les règles proposées sont plus dures que celles qui existent aujourd’hui dans le droit commun et aux termes desquelles un accord collectif requiert la signature des organisations représentant plus de 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et l’absence d’opposition d’un ou plusieurs syndicats représentatifs cumulant plus de 50% des suffrages valablement exprimés à ces mêmes élections. L’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a cité la réaction de nombre d’enseignes qui considèrent que nous allons trop loin en prévoyant cette contrainte. Je reviendrai sur la situation des entreprises de moins de onze salariés. Toutefois, soumettre à ces accords collectifs la possibilité même d’ouvrir le dimanche et les compensations est une première !

Si l’on ajoute à cette contrainte assumée une contrainte supplémentaire en changeant les règles de majorité spécialement pour l’occasion, on prend acte en quelque sorte de la volonté de minimiser les chances d’obtenir une majorité stricte. Or nous nous inscrivons d’abord dans le cadre du dialogue social de droit commun : rien ne justifie que l’on y déroge. Nous voulons qu’une négociation ait lieu dans le cadre du droit commun et que, si les conditions sont satisfaisantes, elles fassent l’objet d’un accord selon ces mêmes règles. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° 1227 rectifié, ce qui me permet de poursuivre le débat avec vous, madame David, sur les modalités de droit commun et les accords de maintien de l’emploi. Je reste défavorable à cette proposition. Cet amendement se réfère aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire de droit commun prévu à l’article L. 2232-24 du code du travail plutôt qu’aux modalités de conclusion d’un accord dérogatoire prévu à l’article L. 5125-4 du même code.

Si j’étais taquin, je dirais que cette proposition est extrêmement cohérente avec la modification apportée par la commission spéciale. La seule différence, c’est que celle qui est prévue par cet amendement ne prévoit pas de règles claires pour les entreprises de moins de onze salariés, qui ne sont pas bien couvertes par l’article L. 2232-24 et qui seraient pénalisées par l’adoption de cet amendement.

Pour cette raison, nous avons préféré nous référer à l’article L. 5125-4, qui permet de recourir à des salariés mandatés, y compris dans les structures de moins de onze salariés. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 615 tend à prévoir le rétablissement du texte de l’Assemblée nationale que l’on peut résumer ainsi : pas d’accord, pas d’ouverture. Le Gouvernement y est évidemment favorable. L’honnêteté m’oblige à reconnaître que la commission spéciale a fait preuve de mesure en modifiant l’article 76 et en précisant que ce dispositif n’interviendrait qu’en cas d’échec de la négociation. Elle n’a pas réintroduit une décision unilatérale sur la base d’un référendum, en faisant fi du texte d’ensemble.

Pour autant, je soutiens cet amendement, dont les dispositions sont plus cohérentes et plus globales. Il nous faut continuer à travailler avec les organisations syndicales et patronales pour réussir à trouver une solution en cas d’obstruction manifeste. C’est la faiblesse du présent texte, je l’admets bien volontiers. Pour autant, je ne partage pas totalement la solution de la commission spéciale, car ce n’est pas à mon sens la voie de la facilité qui serait systématiquement prise. Je reconnais tout de même que des verrous ont été prévus. La commission spéciale a pris acte des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 1440 rectifié bis vise à prévoir l’obligation de conclure un contrat d’intéressement avec un système de surpondération pour chaque salarié privé du repos dominical dans le cadre des accords collectifs. Cette discussion a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Si l’entreprise veut octroyer un supplément de rémunération à ses salariés travaillant le dimanche par rapport aux modalités prévues par ailleurs, c’est tout à fait possible. Le projet de loi ne l’empêche pas, mais cela ne doit pas être prévu de manière systématique. C’est un élément de complexité qui n’est pas souhaitable.

J’en viens à l’amendement n° 942 rectifié. Nous avons déjà eu cette discussion. Proposer le doublement des salaires de manière systématique ne me semble pas conforme aux réalités économiques telles qu’elles sont observées ni soutenable à l’égard de l’ensemble des acteurs économiques des zones mentionnées à l’article L. 3132-25-1 du code susvisé concernées par cet amendement.

Cette disposition était prévue en cas d’absence d’accord dans les PUCE face à la présence de grandes enseignes. Elle n’est pas valable pour les plus petites enseignes et pour les commerces les plus fragiles. Il me semble donc que retenir un tel doublement de rémunération serait contraire à l’objectif défendu.

Je note, par ailleurs, monsieur Collombat, que le président de votre groupe avait défendu précédemment un amendement exactement opposé, qui visait à ne pas assujettir les zones touristiques à une condition d’accord.

L’amendement n° 165 rectifié tend, lui aussi, à prévoir un doublement de la rémunération sauf pour les entreprises de moins de onze salariés situées dans les zones touristiques et les ZTI. Je tiens à souligner l’incohérence de cet amendement avec la discussion que nous avons eue tout à l’heure, puisque les dispositions prévues par celui-ci seraient extrêmement discriminantes pour les entreprises de moins de onze salariés, dont on sait bien qu’elles peuvent être un instrument de contournement de certaines grandes enseignes dans des zones commerciales.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut il émettra un avis défavorable.

Pour les raisons déjà évoquées et par cohérence avec l’avis que j’ai émis sur l’amendement n° 615, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1229.

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