En parfaite cohérence avec le reste du texte, la partie consacrée au travail vise à casser la réglementation existante et les droits de salariés. Cela est particulièrement vrai pour l’article 81, aussi appelé « article Sephora », qui permet l’ouverture des magasins jusqu’à minuit dans les ZTI.
Cela a été dit mais je le rappelle, pendant de nombreux mois, l’enseigne Sephora a lutté pied à pied avec l’administration pour parvenir à ouvrir son magasin sur les Champs-Élysées après 21 heures.
Attaquée devant les tribunaux il y a deux ans par l’intersyndicale du commerce de Paris, Sephora avait multiplié les procédures judiciaires. Le 23 septembre 2013, la cour d’appel de Paris a interdit l’ouverture nocturne des magasins des Champs-Élysées et du XIIIe arrondissement de Paris et ordonné à la direction de cesser d’employer des salariés dans ces deux magasins entre 21 heures et 6 heures du matin. Le 26 septembre dernier, la Cour de cassation a confirmé cette interdiction. Elle a estimé, en se référant au code du travail, que « le recours au travail nocturne n’était pas inhérent à l’activité du parfumeur. Le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal au sein d’une entreprise ».
Ainsi, en inscrivant cet article dans la loi, vous décidez, monsieur le ministre, de donner tort à la justice et aux salariés, pour satisfaire aux exigences du PDG de Sephora, filiale du groupe LVMH, qui, rappelons-le, a affiché en 2014 un résultat net de 5, 7 milliards d’euros, soit une hausse de 64 % ! La crise ne frappe pas tout le monde…
Une fois voté, l’article 81 permettra au magasin Sephora des Champs-Élysées d’ouvrir, en toute légalité cette fois-ci, jusqu’à minuit. Ce sera également possible pour tous les magasins situés dans ces fameuses ZTI.
Monsieur le ministre, si notre droit l’interdit, c’est bien que le travail de nuit est dangereux. Laissez-moi vous lire un court extrait d’un rapport d’étude sur le sujet.
« Les travailleurs de nuit ont le plus souvent le sentiment qu’une erreur de leur part pourrait avoir de graves conséquences. Leur travail comporte davantage de facteurs de pénibilité physique et de contraintes de vigilance et ils déclarent plus souvent risquer d’être blessés ou accidentés. Au total, alors que les capacités de résistance sont physiologiquement réduites la nuit, les effets négatifs du travail de nuit sur la santé à long terme tendent à se cumuler avec d’autres facteurs de risques liés à un travail plus difficile émotionnellement et physiquement. ».
Ce rapport n’est pas une publication à charge de la CGT, encore moins une tribune d’extrême gauche opposée à votre réforme. Il s’agit d’une publication sobrement intitulée Le travail de nuit et disponible sur le très officiel site du ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social. Nous avons donc un peu de mal à vous suivre, monsieur le ministre.
À titre informatif, mais vous devez déjà le savoir, une exposition de quinze ans ou plus au travail de nuit accroît la probabilité d’être limité dans ses activités quotidiennes de 50 %. Pourquoi contourner une décision de justice avec cet article, alors que la puissance publique reconnaît que le travail de nuit est néfaste pour celles et ceux qui le pratiquent ?
Pourquoi rendre légal le travail de nuit alors que cela n’a aucun effet bénéfique sur l’emploi et l’économie ? Rappelons à ce sujet que le Virgin des Champs-Élysées était ouvert tous les jours sans interruption de 10 heures à minuit, et que cela ne l’a pas empêché de mettre définitivement la clef sous la porte il y a deux ans.
Ce n’est donc pas simplement parce qu’il entre en contradiction avec le projet de société que porte la gauche, celui de sortir du tout-marchand, que nous nous opposons au travail de nuit. Si nous y sommes résolument opposés, c’est d’abord parce qu’il est une souffrance supplémentaire pour les travailleurs, qu’il consiste en une dégradation de plus des conditions de travail et de vie des salariés, femmes et hommes, qui connaissent déjà tant de difficultés quotidiennes.
Les Françaises et les Français vous ont élus en 2012 pour tourner la page après dix ans de droite. Aujourd’hui, vous tournez non seulement le dos à cette espérance, mais vous allez plus loin dans la casse des acquis sociaux et du code du travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, nous nous opposons à cet article et invitons mes collègues des autres groupes de gauche à faire de même.