La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.
(Non modifié)
L’article L. 3132-25-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Les premier et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– au début, sont ajoutés les mots : « Pour l’application des articles L. 3132-20, L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1, » ;
– à la fin, les mots : « sur le fondement d’une telle autorisation » sont supprimés ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « bénéficiaire d’une telle autorisation » sont supprimés ;
c) Aux deux dernières phrases, les mots : « d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation » sont supprimés ;
2° bis Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord collectif mentionné au II de l’article L. 3132-25-3 détermine les modalités de prise en compte d’un changement d’avis du salarié privé du repos dominical. » ;
3° Au début de la première phrase du quatrième alinéa, sont ajoutés les mots : « Pour l’application de l’article L. 3132-20, » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote au titre des scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-ci ont lieu le dimanche. »
L’article 77 porte sur les modalités de mise en œuvre du volontariat en cas de travail dominical. Il précise, en assouplissant considérablement le code du travail, que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à l’employeur peuvent travailler le dimanche.
Toutefois, dans un contexte de chômage de masse, peut-on parler de volontariat, le salarié ayant le choix entre se plier aux injonctions de son employeur et perdre son emploi ?
Ce texte, vous le savez, n’emporte pas l’adhésion du groupe CRC. Le Gouvernement nie complètement, en particulier dans cet article, la réalité du monde du travail et le rapport de force totalement asymétrique existant entre l’employeur et l’employé, lequel pèse très lourdement en défaveur ce dernier.
Je n’aurai pas la naïveté de croire qu’il y a là méconnaissance de cette réalité par le Gouvernement ; je pense plutôt qu’il s’agit d’un renoncement. L’audition de François Rebsamen par la commission spéciale l’a d’ailleurs parfaitement montré : le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a en effet alors affirmé que le contrat de travail n’imposait pas un rapport de subordination entre employeur et salarié. Cette position est aux antipodes de la tradition politique dans laquelle je m’inscris, qui sait que, par essence, ce lien est fait de subordination.
La reconnaissance de l’inégalité intrinsèque entre l’employeur et le salarié est d’ailleurs un principe primordial en droit du travail. Pour pallier cette inégalité, un code spécial a d’ailleurs été élaboré : le code du travail. À cet égard, Annie David a montré tout ce qu’il pouvait renfermer, et combien il était important de bien savoir de quoi on parlait. De même, une juridiction spéciale existe – les prud’hommes –, ainsi qu’un corps de fonctionnaires – l’inspection du travail –, et des organisations de salariés – les syndicats.
S’il y a inégalité, s’il y a dépendance d’une partie à l’égard d’une autre, particulièrement en période de chômage, alors il ne peut y avoir de volontariat. Pour notre part, nous aurions soutenu sans réserves l’abrogation de cette notion, monsieur le ministre.
En réalité, les dispositions prévues dans cet article suppriment les garanties qui protègent un tant soit peu les salariés contre les chimères du « volontariat », du « contrat de gré à gré » ou de je ne sais quel « engagement libre et mutuellement consenti ».
Si le texte tend à généraliser le travail dominical, des articles tels que celui-ci contribueront, dans les faits, à le rendre obligatoire pour tous ceux qui signeront un contrat de travail avec des entreprises ouvrant le dimanche.
Vous comprendrez donc aisément notre ferme opposition à l’article 77, comme à tous ceux qui s’inscrivent dans la même logique.
L’amendement n° 1231, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
En supprimant le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 du code du travail, l’article 77 élimine toute consultation préalable avant la délivrance des autorisations de dérogation au repos dominical : plus d’avis du conseil municipal, de la chambre de commerce, de la chambre des métiers, et encore moins des syndicats de salariés de la commune ou des organisations patronales !
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article prévoit que le prétendu choix de se déclarer volontaire ou non pour travailler le dimanche appartient individuellement au salarié. Or, comme je l’ai déjà dit, le groupe CRC considère qu’il n’y a pas, en la matière, de véritable choix possible. Qui pourra dire non à son patron ayant décidé d’ouvrir son magasin le dimanche, décision que ce dernier a d’ailleurs la possibilité de prendre seul ? N’oublions pas en effet que, si des accords sont bien prévus à l’article 76, l’alinéa 6 du même article précise qu’à défaut de leur conclusion, la décision de l’employeur prime.
À quoi sert-il donc d’inscrire dans la loi que le refus de travailler le dimanche n’entraînera aucune sanction, aucun refus d’embauche ? Pensez-vous franchement que les choses se passent ainsi dans la vie ? On invoquera n’importe quel motif pour ne pas embaucher, ou pour licencier, un salarié qui ne se porterait pas volontaire.
Quand on est payé au salaire minimum, voire souvent même moins – dans le commerce, les contrats à temps partiel fleurissent, hélas –, quand on n’arrive pas à finir le mois dignement, peut-on véritablement refuser d’être volontaire si travailler le dimanche peut permettre d’augmenter le montant figurant sur la fiche de paie ? Un tel point de vue est difficilement défendable.
Quant au dernier alinéa de l’article 77, il est particulièrement démagogique ; il s’agit, pour nous, d’une disposition d’affichage. Au mieux, l’employeur fera connaître le droit de vote par procuration !
De plus, cet alinéa ne fait référence qu’au droit de vote. Les droits des citoyens ne sont pas évoqués. Les salariés travaillant le dimanche ne disposeront donc plus de la plénitude de leurs droits.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l’article 77.
La commission a adopté cet article sans modification. Il constitue en effet une avancée importante pour les salariés puisqu’il étend la règle du volontariat aux zones touristiques, aux zones commerciales et aux zones touristiques internationales. L’article 80 bis fait de même pour les « dimanches du maire », auxquels cette règle ne s’appliquait pas jusqu’à présent.
Vous pensez, ma chère collègue, que le volontariat pourrait ne pas être sincère compte tenu du lien de subordination qui unit le salarié et son employeur.
Si l’on ne peut nier que certains employeurs pourraient tenter d’abuser de leur pouvoir et de violer les dispositions législatives, le législateur ne doit pas en tirer un principe général. Les abus doivent être dénoncés s’ils existent, mais ils ne doivent pas nous conduire à remettre en cause le volontariat, car il est nécessaire s’agissant du travail le dimanche afin que ce jour, particulier dans la vie sociale de notre pays, puisse être respecté.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1232, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Notre amendement de suppression n’ayant pas été adopté, nous vous présentons, mes chers collègues, un amendement de repli tendant à supprimer les alinéas 3 à 10 de l’article 77, lesquels mettent fin au contrôle des dérogations au repos dominical par le préfet.
Les agents administratifs éprouvent déjà des difficultés à contrôler le respect par les employeurs des règles du travail dominical. En supprimant le système d’autorisation préfectorale, vous créez un appel d’air au profit de tous les patrons qui ouvriront le dimanche sans respecter leurs obligations en matière de droits des salariés.
Alors que vous étendez le travail le dimanche, alors que vous affirmez prévoir des contreparties plus importantes pour les travailleurs, vous ne prévoyez aucun moyen supplémentaire pour contrôler le respect des règles par les entreprises ! Vous n’avez même pas envisagé un seul instant de renforcer les pénalités en cas de non-respect des obligations par les patrons. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur ce sujet, que nous espérons vous voir soutenir, mes chers collègues.
Nous sommes convaincus que l’État doit conserver un rôle de garde-fou et qu’il doit contrôler les autorisations de déroger au repos dominical.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de ces alinéas.
Le présent amendement vise à appliquer le volontariat pour le travail dominical dans les commerces situés dans les gares, par cohérence avec ce qui prévaut dans les zones commerciales, les zones touristiques, et les zones touristiques internationales.
L’amendement n° 1233, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– après le mot : « employeur », sont insérés les mots : «, cet écrit ne pouvant intervenir qu’après la période d’essai, » ;
La parole est à Mme Évelyne Didier.
L’article 77, qui modifie l’article L. 3132-25-4 du code du travail, porte sur la question du volontariat.
Vous le savez, nous considérons que les salariés n’ont pas toujours réellement le choix de travailler ou non le dimanche. Nous craignons donc que le volontariat ne soit pas appliqué dans les commerces alimentaires, où l’ouverture le dimanche jusqu’à treize heures a déjà cours – souvent de façon imposée d’ailleurs. Ces petits magasins ne comptant fréquemment que quatre ou cinq salariés, un réel rapport de force avec la direction est en effet impossible. Nous redoutons donc que les dispositions relatives au volontariat, lesquelles sont présentées comme étant un progrès, n’aient aucun effet concret pour les salariés de ce secteur, qui dépendent souvent de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.
Afin que le volontariat ne constitue pas une condition d’embauche, nous proposons qu’il fasse l’objet d’un accord écrit, distinct du contrat de travail, et qui serait signé seulement à la fin de la période d’essai du salarié. Une telle distinction est indispensable si l’on veut garantir un volontariat effectif et éviter toute discrimination à l’embauche.
L’amendement n° 1786, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 10
I. – Remplacer le mot :
mentionné
par les mots :
ou la décision de l’employeur mentionnés
II. – Remplacer le mot :
détermine
par le mot :
déterminent
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Cet amendement vise à tirer les conséquences de la possibilité accordée aux commerces, à l’article 76, d’ouvrir le dimanche sur décision de l’employeur en l’absence d’accord collectif, en échange de contreparties pour les salariés.
L’amendement n° 1232 vise à supprimer la plus grande partie des dispositions de l’article 77 et à revenir à un système d’autorisation préfectorale pour le travail dominical.
Dans les faits, si cet amendement était adopté, il aurait simplement pour conséquence de supprimer l’extension du volontariat aux ZTI et aux ZT, ce qui ne me semble pas souhaitable. Comme je l’ai indiqué, le volontariat est pour nous un marqueur fort du travail dominical. Lors de nos auditions, personne ne nous a demandé de revenir sur ce point.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 1644, qui vise à étendre le volontariat aux commerces ouvrant le dimanche dans certaines gares.
Les auteurs de l’amendement n° 1233 souhaitent que les salariés ne puissent donner leur accord à leur employeur pour travailler le dimanche qu’au terme de leur période d’essai. Certes, il n’est pas possible de fonder le recrutement d’un salarié sur son acceptation du travail dominical. Néanmoins, un salarié peut être amené à travailler le dimanche dès sa période d’essai si l’activité du commerce qui l’emploie le requiert. La disposition envisagée constituerait alors un obstacle à l’insertion dans leur nouveau poste.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1232, eu égard aux arguments que j’ai déjà développés.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 1233, pour les mêmes raisons que la commission spéciale.
Enfin, je suis aussi défavorable à l’amendement n° 1786, par cohérence avec les positions que j’ai adoptées précédemment ; je pense notamment au soutien à l’amendement n° 615 de Mme Bricq.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 77 est adopté.
L’article L. 3132-25-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commerces de détail alimentaire situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 ou dans les emprises des gares mentionnées à l’article L. 3132-25-6 sont soumis, pour la période du dimanche s’achevant à treize heures, aux dispositions de l’article L. 3132-13. Après treize heures, ils peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel selon les modalités définies aux II et III de l’article L. 3132-25-3 et à l’article L. 3132-25-4. »
Encore un article prévoyant une dérogation au repos dominical !
Le Gouvernement souhaite étendre le travail dominical aux commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales et dans les emprises de gares.
Jusqu’ici, ces commerces avaient la possibilité d’ouvrir jusqu’à treize heures seulement, en vertu de la loi Mallié de 2009. Nous avons contesté ce texte, et je pense que nos critiques étaient fondées, mais il permettait malgré tout de préserver le repos de l’après-midi. Le Gouvernement propose à présent d’étendre le travail dominical au-delà de treize heures.
Le flou qui règne sur les délimitations de zones suscite des interrogations. À quel endroit s’arrêtera la zone ? « Encore une rue ! Encore un pâté de maison ! Encore ! » C’est ainsi qu’on généralise une mesure et qu’on réduit les droits des travailleurs en les privant d’un repos commun le dimanche. Monsieur le ministre, vous avez mis le doigt dans un engrenage !
La généralisation du travail dominical dans ces zones créera une concurrence déloyale entre les enseignes d’un même secteur selon la zone à laquelle ils appartiennent. À ce jeu, ce sont les commerces de banlieues qui perdront. Vous avez annoncé que votre objectif était de défendre le petit commerce de bouche et les artisans ; or ils peuvent déjà ouvrir toute la journée.
Le groupe CRC défend l’idée que s’il y a inégalité de traitement, l’harmonisation est essentielle. Mais, alors que vous proposez une harmonisation par le bas, en généralisant le travail du dimanche, nous revendiquons une harmonisation par le haut, en stabilisant le dimanche comme jour de repos afin de permettre à nos concitoyens de ne pas être seulement des travailleurs, des unités de production ; ils doivent être des citoyens, des individus socialisés !
C’est cette conception de l’Homme qui conditionne notre vision des choses !
La gare et ses emprises sont généralement des lieux où se développent de plus en plus commerces et services de proximité destinés à faciliter le quotidien des usagers.
Loin d’être seulement des lieux de transit, les gares constituent de véritables atouts pour la rénovation urbaine, l’embellissement et la dynamisation d’un quartier, voire d’un territoire.
Vous justifiez l’ouverture le dimanche des commerces alimentaires situés dans les gares après treize heures par le service supplémentaire offert aux voyageurs et la contribution apportée à l’animation des gares.
Nous partageons l’avis selon lequel l’animation des espaces publics et des gares doit être améliorée afin de redonner de la vie et de créer du lien social, y compris dans des espaces de transit. Toutefois, l’argument selon lequel l’ouverture des commerces le dimanche après treize heures permettrait de réduire les incivilités et le sentiment d’insécurité dans les gares ne me paraît pas suffisant.
Penser que l’ouverture des supérettes permettra d’animer les gares traduit une vision réductrice de l’animation de l’espace public, fondée sur le « citoyen consommateur », d’autant que les commerces de bouche, par exemple, peuvent déjà ouvrir le dimanche toute la journée ; ma collègue Évelyne Didier vient de le rappeler.
En réalité, vous voulez permettre aux supérettes et aux enseignes de ventes de parfums ou de vêtements d’ouvrir toute la journée le dimanche.
Excusez-nous de penser, monsieur le ministre, que les Français ne rêvent pas d’une société dans laquelle ils pourraient acheter des produits tous les jours de la semaine, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et dans laquelle les gares seraient transformées en zones de transit !
Vous prétendez vouloir simplifier la réglementation en vigueur et éviter au passage les distorsions de concurrence entre les commerces situés dans les gares et dans les emprises des gares.
Monsieur le ministre, en l’absence totale d’étude d’impact sur le sujet, et en raison de la difficulté que constitue la délimitation des fameuses « emprises des gares », pourriez-vous nous indiquer où commence et où se termine l’emprise, par exemple, de la gare Saint-Lazare à Paris ? Horizontalement, en surface, on voit à peu près. En revanche, verticalement, dans les sous-sols, faut-il entendre la gare SNCF ou la partie qui s’étend à la station de métro ? Je ne sais pas si vous connaissez la gare Saint-Lazare ; moi, je la connais bien.
Que faire pour l’enseigne située de l’autre côté du trottoir de la gare, en situation de concurrence directe avec le commerce situé dans la gare et autorisé à ouvrir ?
Au lieu de simplifier les règles relatives au repos dominical, ce texte les complexifie.
En conclusion, si la situation existante n’est certes pas satisfaisante – nous sommes nombreux à en convenir –, votre proposition n’améliorera pas les droits des salariés prétendument volontaires pour travailler le dimanche !
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 478 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 786 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 71.
Cet amendement vise à supprimer l’article 78.
Si ma collègue Évelyne Didier et moi avons déjà avancé un certain nombre d’arguments en ce sens, je souhaite maintenant insister sur des éléments qui me semblent importants.
Même certains partisans de l’extension du travail le dimanche estiment que certaines dispositions de cet article ne sont pas très favorables.
Ainsi, M. Philippe Solignac, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France, bien qu’il soit favorable à une extension généralisée du travail dominical, souligne que la fixation de conditions restrictives est indispensable. Il évoque notamment le maintien de l’obligation de fermer à treize heures pour les commerces à dominante alimentaire, en raison de leur spécificité.
Par ailleurs, la nécessité de préserver le tissu commercial de proximité conduit la chambre de métiers et de l’artisanat de Paris à recommander le statu quo. L’Union nationale des syndicats de détaillants en fruits, légumes et primeurs et l’Union professionnelle artisanale partagent cette analyse, de même que la Fédération nationale de l’habillement et le Syndicat de la librairie français.
Tous ces éléments figurent dans le rapport définitif de la mission d’information et d’évaluation sur le travail dominical et nocturne à Paris présenté au Conseil de Paris les 9, 10 et 11 février 2015. Le Gouvernement aurait pu, me semble-t-il, s’en inspirer. Force est de constater que cela n’a pas été le cas.
Nous vous proposons donc d’adopter notre amendement de suppression.
L’article 78 prévoit d’étendre les dérogations au repos dominical pour les commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales et dans les emprises des grandes gares au-delà de treize heures.
Actuellement, ces commerces peuvent ouvrir jusqu’à treize heures s’ils ne sont pas déjà inclus dans un PUCE, à condition d’offrir à leurs salariés un repos compensateur, par roulement, d’une journée entière tous les quinze jours.
Désormais, les salariés des magasins concernés dépendront des accords collectifs qui seront conclus. Comme je l’ai expliqué lors de l’examen de l’article 76, les conditions prévues dans ces accords ne leur seront pas favorables.
Il s’agit d’une extension supplémentaire du travail dominical, alors que le repos pour tous ce jour-là, en tout cas l’après-midi, devrait être la règle.
De plus, la rédaction retenue par la commission spéciale vient complexifier le dispositif. Dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, l’article prévoyait qu’un accord collectif et des contreparties salariales étaient nécessaires pour toute la journée du dimanche. Mais la commission a décidé de conserver le régime actuel le matin et d’appliquer le régime des accords et des contreparties au-delà de treize heures l’après-midi. La journée est donc scindée en deux, ce qui complexifiera la gestion pour les employeurs, sans toutefois offrir de protection supplémentaire aux salariés.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 78.
L’amendement n° 786 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Jusqu’à présent, les commerces de détail alimentaire situés dans les zones touristiques internationales et dans certaines gares pouvaient, par dérogation, ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures. L’article 78 leur donne l’autorisation d’ouvrir au-delà, en respectant, bien entendu, le principe du volontariat des salariés. Les amendements identiques n° 71 et 478 visent à revenir sur cette autorisation.
Pour la commission spéciale, il ne semble pas illogique que, dans des zones où les commerces de détail auront l’autorisation d’ouvrir le dimanche, les commerces alimentaires puissent faire de même, dans des conditions favorables aux salariés, dès lors que le champ de la dérogation sectorielle de droit dont bénéficient les commerces alimentaires – en l’occurrence, il s’agit de l’ouverture le dimanche jusqu’à treize heures et d’un jour de repos compensateur tous les quinze jours – est dépassé.
Il nous a paru cohérent d’en rester au régime actuel pour les commerces alimentaires, quelle que soit leur taille. Ils pourront ainsi ouvrir jusqu’à treize heures, dans les conditions que je viens de définir ; au-delà, les règles relatives aux contreparties financières prévues dans le projet de loi s’appliqueront.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n° 71 et 478.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 78.
Cet article modifie l’article L. 3132-25-5 du code du travail. Deux exceptions sont prévues : auront la possibilité d’ouvrir le dimanche après-midi les commerces alimentaires qui sont situés dans les zones touristiques internationales et ceux qui se trouvent dans les emprises des gares dont le trafic aura été jugé suffisamment important par les ministres chargés des transports, du travail et du commerce – nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 79.
Il s’agit d’aligner le régime applicable aux commerces alimentaires, qui peuvent ouvrir jusqu’à treize heures, sur celui qui régit l’ensemble des commerces de détail, en conservant les mêmes restrictions, c'est-à-dire celles que vous avez déjà adoptées, notamment l’existence d’un accord préalable de branche, d’entreprise, de groupe ou de territoire.
Dès lors, il semble utile de conserver les dispositions de l’article 78, faute de quoi deux régimes cohabiteraient, ce qui pourrait déséquilibrer l’ensemble.
Les précautions qui ont été prises précédemment sont valables pour les commerces alimentaires. L’extension proposée nous paraît donc souhaitable.
Nous débattrons dans quelques instants de l’amendement déposé par le groupe socialiste, qui vise à revenir sur la distinction entre la période avant treize heures et celle après treize heures, ainsi que sur les règles de compensation pour certains formats. Vous l’avez souligné, la commission spéciale a souhaité ne pas revenir sur le droit actuel. Le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait une majoration en vertu des ouvertures actuelles, ce qui paraissait légitime dans certains cas. Pour ma part, je défendrai la cohérence du texte initial.
En tout état de cause, l’article 78 permet une mise en cohérence avec les garanties préalablement votées – vous l’avez souligné à plusieurs reprises, c’est un tout. Des accords préalables et des compensations sont prévus, lesquels constituent des garanties. Ces dernières sont valables pour les extensions, mais il ne serait pas souhaitable, compte tenu des avancées réalisées, de prévoir deux régimes trop hétérogènes. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression.
Mme la rapporteur l’a précisé à juste titre dans son rapport : permettre aux commerces de détail alimentaire d’ouvrir le dimanche après-midi dans les zones touristiques internationales et les grandes gares est une mesure de cohérence. Cela permettra de rendre plus actives les gares qui accueillent de nombreux voyageurs étrangers.
Certes, il n’est pas toujours facile de distinguer les différents commerces de détail : certains vendent des produits alimentaires, d’autres de la presse ou d’autres produits. Cependant, force est de constater que la situation actuelle n’est pas bonne. Certains commerces ouvrent en toute illégalité pour satisfaire la demande des voyageurs. Les salariés n’ont alors ni protection ni compensation. C’est pourquoi il est important de maintenir l’article 78 du projet de loi, même s’il faut respecter la volonté initiale du texte, qui est de procéder à une harmonisation.
Mme la rapporteur a introduit – et la commission spéciale, dans sa majorité, l’a suivie – un élément de complexification. Or, lorsqu’on veut harmoniser des dispositifs, il est préférable de les simplifier. Tel est le sens de l’amendement n° 617 que je défendrai dans quelques instants au nom du groupe socialiste.
Notre débat porte sur l’ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche après-midi dans les zones touristiques internationales.
M. Jean Desessard. Permettez-moi, madame Bricq, d’évoquer les zones touristiques internationales si je le souhaite ! J’évoquerai ensuite les gares, si vous le désirez, mais je n’avais pas prévu de le faire !
Sourires.
Ce matin, on nous a dit qu’il fallait ouvrir les magasins dans les zones touristiques internationales pour que les riches touristes puissent y dépenser leur argent. §Nous doutions déjà du fait qu’ils allaient se précipiter dans les magasins de luxe, mais alors dans les commerces de détail alimentaire !
À moins que, pour vous, tout cela n’ait un rapport. Vous vous dites que les riches touristes, stressés d’avoir dépensé autant d’argent, auront besoin d’aller acheter dans une épicerie de quoi se requinquer !
Rires.
Autre solution – et là je vous reconnais, monsieur le ministre, outre des qualités pédagogiques, une aptitude à avancer des propositions structurées –, vous pensez qu’il faut être cohérent. Si l’on ouvre à tel endroit, il faut aussi ouvrir à tel autre, puis à tel autre, etc. Vous l’avez admis : Paris étant une zone évolutive, d’autres lieux seront concernés par le travail dominical. Il faudra donc ouvrir toujours plus de commerces le dimanche.
La démonstration est donc très clairement faite que, dès lors qu’on autorise l’ouverture le dimanche de certains magasins, on se trouve pris dans un engrenage et dans un processus d’extension afin de ne pas créer de situation de différences.
Si ces articles paraissent anodins, ils percent en réalité la toile à petits coups d’épingles : quand surviendra l’appel d’air, tout sera emporté ! Nous parviendrons ainsi, comme nous n’avons cessé de le souligner toute la journée, à la banalisation du travail dominical.
M. Dominique Watrin applaudit.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 617, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les commerces de détail alimentaire situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel le dimanche après treize heures. Dans ce cas, les II et III de l’article L. 3132-25-3 et l’article L. 3132-25-4 leur sont applicables pour toute la journée du dimanche.
« Les commerces de détail alimentaire situés dans les emprises des gares mentionnées à l’article L. 3132-25-6 peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel le dimanche après treize heures. Dans ce cas, les II et III de l’article L. 3132-25-3 et l’article L. 3132-25-4 leur sont applicables pour toute la journée du dimanche. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Cet amendement vise à procéder à une véritable harmonisation, ainsi que l’avait prévu l’Assemblée nationale. Nos collègues députés ont en effet amélioré et simplifié le texte en optant pour un seul régime dérogatoire pour la totalité de la journée du dimanche. À notre sens, il n’y a pas lieu de distinguer les régimes applicables à ceux qui travaillent le matin et à ceux qui travaillent l’après-midi. Il faut s’aligner sur le mieux-disant et prévoir que tout commerce alimentaire souhaitant ouvrir toute la journée le dimanche, qu’il soit situé dans une gare ou dans une ZTI, est soumis au régime dérogatoire le plus favorable au salarié.
Cette harmonisation permettra de créer des emplois, d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, le matin comme l’après-midi, et de répondre à la demande des voyageurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, riches ou moins riches ! Il arrive à tout le monde, quelle que soit sa condition sociale, d’avoir à acheter un sandwich ou tout autre plat à emporter un dimanche.
Madame la rapporteur, en revenant au texte initial et en rejetant la rédaction de l’Assemblée nationale, vous distinguez deux catégories de travailleurs. Ce n’est franchement pas de la simplification. Tous les salariés doivent bénéficier des mêmes avantages, quelle que soit l’heure à laquelle ils travaillent, d’autant que ce ne seront pas toujours les mêmes qui travailleront l’après-midi ou le matin. En tout état de cause, tous fourniront le même travail.
La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.
J’ai rétabli en commission le texte initial du projet de loi.
Pas du tout ! Le principe est clair : tous les commerces de détail alimentaire peuvent ouvrir partout le dimanche jusqu’à treize heures, dans les ZTI et dans les gares, dans la France entière, quel que soit le zonage, à condition d’offrir les compensations prévues par le texte actuel.
Dans certaines zones, ces commerces sont autorisés à ouvrir au-delà de treize heures. Il m’a semblé que le fait de prévoir des contreparties le matin dans ces zones, qu’il s’agisse des ZTI ou des gares, alors qu’il n’y en aura pas ailleurs, constituait peut-être une simplification pour ces commerces, mais que c’était surtout discriminatoire pour les autres commerces alimentaires situés sur le reste du territoire. C’est pourquoi je maintiens la position de la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 78 est adopté.
L’article L. 3132-25-6 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -25 -6. – Un arrêté conjoint des ministres chargés des transports, du travail et du commerce peut, après avis du maire, le cas échéant du président de l’établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre, et des employeurs et des salariés des établissements concernés, autoriser les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans l’emprise d’une gare qui n’est pas incluse dans l’une des zones mentionnées à l’article L. 3132-24 à donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, compte tenu de l’affluence exceptionnelle de passagers dans cette gare, dans les conditions prévues aux II et III de l’article L. 3132-25-3 et à l’article L. 3132-25-4. »
De nombreuses questions demeurent sur l’utilité des dispositions de l’article 79, qui réécrit totalement l’article L. 3132-25-6 du code du travail et prévoit un nouveau régime dérogatoire en autorisant les commerces de détail présents dans certaines gares à ouvrir le dimanche. Il s’agit peut-être également de concourir à la banalisation du travail du dimanche, comme cela a été dénoncé à de nombreuses reprises.
Seraient concernées, dans un premier temps, dix gares caractérisées par une « affluence exceptionnelle de passagers », puis une vingtaine d’autres à l’échéance de 2020.
L’adoption de cette disposition semble d’ailleurs avoir été largement anticipée à la gare du Nord, qui est depuis des mois en chantier et qui promet à ses voyageurs des dizaines de nouvelles boutiques !
De même, le coût du partenariat public-privé qui a permis la construction du centre commercial de la gare Saint-Lazare n’est pas étranger à cette disposition.
Ces travaux s’inscrivent dans le programme de transformation des gares lancé par la SNCF – Paris gare de Lyon, Paris gare d’Austerlitz, Paris Saint-Lazare, Lyon Part-Dieu, Bordeaux, Nantes, Rennes, Grenoble, Lille, Nice, Montpellier, Bourg-en-Bresse, Toulon –, qui deviennent progressivement de véritables centres commerciaux. Rappelons que la SNCF gère 180 000 mètres carrés de commerces.
L’ouverture des commerces le dimanche toute la journée dans ces gares – identifiées par le ministère et par la SNCF – permettrait, nous dit-on, la création, « directe ou indirecte » de 2 000 emplois.
Reste que ces promesses d’embauches nous paraissent optimistes dans la mesure où les commerces situés dans les gares – je pense, par exemple, aux gares de la région parisienne – emploient très souvent peu de salariés durant la journée.
C’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous précisiez le nom des gares sélectionnées et que vous nous éclairiez sur ces prévisions de créations de postes, car l’étude d’impact est peu diserte sur ce point.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 72 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 479 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 787 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 72.
Comme je viens de le souligner, cet article vise à étendre le travail dominical aux commerces de détail non essentiels situés à proximité des gares.
Il est à noter que le droit actuel permet déjà aux commerces essentiels, comme les commerces de bouche, les cafés et les kiosques à journaux, d’ouvrir le dimanche dans l’enceinte et à proximité des gares.
En fait, cet article tend à permettre l’ouverture des commerces de détail de textiles situés dans l’enceinte ou à proximité des gares. Pourquoi vouloir étendre le travail dominical à une catégorie supplémentaire de commerces ? Selon nous, ce n’est pas nécessaire.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots concernant les gares. L’argumentation de la SNCF selon laquelle l’ouverture dominicale pourrait être non pas seulement un élément de confort pour les usagers de la gare, mais aussi un facteur de vie et de sécurité dans des lieux publics qui en ont besoin est quelque peu fallacieuse, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, cet argument ne repose pas sur des études indépendantes et sur des critères objectifs, comme le souligne le rapport sur le travail dominical et nocturne à Paris de la mission d’information et d’évaluation du conseil de Paris, lequel ne semble malheureusement pas être votre source d’inspiration.
Ensuite, humaniser les gares, ce qui est effectivement très important, passe de mon point de vue par l’arrêt des suppressions d’emplois à la SNCF. Telle est d’ailleurs la position que défendent de nombreux élus de la région Île-de-France, dont je fais partie, notamment auprès du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.
Pour ces deux raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Je fais partie, comme mes camarades communistes, des dinosaures qui luttent contre le travail le dimanche.
Cela étant dit, au début de l’ère industrielle, on travaillait le dimanche puisque l’on travaillait sept jours sur sept, dix ou douze heures par jour. Qui est donc le dinosaure ?
Pensez-vous que la situation des salariés était meilleure qu’aujourd'hui au XVIIIe ou au XIXe siècle lorsqu’on travaillait le dimanche ?
J’en viens à l’article 79, qui, dans la même logique que l’article précédent, prévoit d’étendre le travail dominical dans les emprises des gares, et ce pas uniquement pour les commerces alimentaires.
Madame Bricq, nous aurions pu tout à l’heure évoquer la qualité des produits alimentaires vendus dans les gares, cela aurait été intéressant, et les conditions de travail dans ces commerces, qui sont souvent des lieux clos, sans fenêtre.
L’article 79 prévoit d’autoriser l’ouverture le dimanche de tous les commerces de détail présents dans les gares. Le régime des compensations serait le même que celui qui a été retenu pour les commerces situés dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, dont l’ouverture est autorisée par le préfet : il prévoit au minimum un doublement du salaire et un jour de repos compensateur, un accord collectif plus avantageux étant possible. Force est de reconnaître que ces compensations sont meilleures que celles qui sont proposées dans les trois nouvelles zones créées, mais la logique à l’œuvre est toujours la même : il s’agit de travailler plus le dimanche. Et l’on créé une nouvelle catégorie !
Les arguments avancés pour justifier cet article sont d’une portée limitée. S’il est concevable qu’un commerce de boissons et de sandwiches soit ouvert le dimanche dans l’emprise des gares afin de permettre aux voyageurs de se restaurer, on comprend moins l’utilité d’ouvrir des magasins de chaussures ou de vêtements dans ces mêmes gares. Pourquoi ne pas autoriser l’ouverture de tels magasins partout ?
Indépendamment de la concurrence qui est faite aux commerces des centres-villes, il s’agit là encore d’ouvrir un espace supplémentaire à la consommation tous azimuts, sans répit, en mettant les travailleurs encore plus à contribution.
Les écologistes vous proposent donc, en cohérence avec leurs autres amendements, de supprimer l’article 79.
La commission a adopté l’article 79 après avoir procédé à des précisions rédactionnelles et corrigé une incohérence du texte.
La commission spéciale n’a pas jugé déraisonnable que les voyageurs puissent trouver dans les plus grandes gares de notre pays – définies dans le texte sur l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale –, à l’instar de certains aéroports, des commerces ouverts le dimanche proposant un choix de produits, notamment culturels, plus large que celui qui est offert par les kiosques à journaux actuels, sachant que des garanties existent et que des contreparties sont prévues pour les salariés.
La commission spéciale est donc défavorable à la suppression de l’article 79.
Comme cela a été rappelé, les gares sont en effet des lieux de passage, y compris le dimanche, de touristes nationaux et internationaux. Je vais donc, comme vous me le demandez légitimement, vous donner précisément la liste des gares dans lesquelles, du fait de leur taux de fréquentation, l’ouverture des commerces le dimanche est justifiée, comme je l’ai d’ailleurs déjà fait à l’Assemblée nationale, ainsi que la liste des critères ayant permis de l’établir.
J’ajoute, pour répondre précisément à votre demande, madame la sénatrice, que pourront ouvrir le dimanche les commerces situés dans l’emprise de la SNCF. C’est le critère qui a été retenu. Les zones de chalandise situées à proximité des gares ne sont donc pas concernées par la réforme que nous proposons.
Figurent dans cette liste les gares satisfaisant au moins à deux, voire souvent à trois des critères suivants.
Le premier critère est l’importance du trafic. Il existe ainsi une quinzaine de gares par lesquelles transitent plus de 20 000 voyageurs par jour. Le deuxième critère est un taux de touristes supérieur à 30 %. Une quinzaine de gares ont une fréquentation constituée pour plus de 30 % de touristes. Le troisième critère est l’existence dans la gare d’une surface commerciale comptant au minimum dix boutiques. Une emprise de la SNCF n’ayant aujourd’hui aucune boutique ne justifie en rien une ouverture dominicale.
Quand on croise ces critères, on obtient une liste de douze gares comprenant les six gares parisiennes – la gare Saint-Lazare, la gare du Nord, la gare de l’Est, la gare Montparnasse, la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz –, plus la gare d’Avignon-TGV, qui est la plus touristique de France en proportion et qui dispose du minimum de dix boutiques, la gare de Lyon-Part-Dieu, qui répond aux trois critères, Marseille et Bordeaux, qui remplissent deux des critères, dont celui d’être très équipées en commerces, ainsi que Montpellier et Nice, qui sont très touristiques.
Ayant apporté ces précisions, j’émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 1772, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
dont la commune est membre, et
insérer les mots :
des représentants
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle : c’est l’avis des représentants des employeurs et des salariés des commerces situés dans les gares qui devra être recueilli par le Gouvernement lors de l’élaboration de la liste des gares au sein desquelles les commerces pourront être ouverts le dimanche, selon les critères que vient de définir M. le ministre.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 1773, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les avis requis en application du premier alinéa sont réputés donnés à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la saisine des personnes et organisations concernées. »
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Cet amendement tend à préciser que le délai dans lequel doivent être rendus les avis prévus par la procédure de désignation des gares est de deux mois, à la fois pour les personnes et pour les organisations concernées.
En l’absence de réponse à l’issue de ce délai, ces personnes – le maire, le président de l’EPCI – et ces organisations seront réputées avoir été consultées.
L'amendement est adopté.
L'article 79 est adopté.
I. – L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « prise après avis du conseil municipal » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « douze » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« La liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l’année suivante. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.
3° Au second alinéa, les mots : « cette décision » sont remplacés par les mots : « la décision mentionnée aux deux premiers alinéas ».
II. –
Supprimé
L’article 80 prévoit de porter de cinq à douze le nombre de dimanches où, sur décision du maire, les commerces de la commune peuvent être ouverts – il s’agit de ce que l’on appelle communément les « dimanches du maire » –, cette disposition ne s’appliquant pas aux secteurs d’activité bénéficiant déjà d’une dérogation permanente de droit au repos dominical, comme l’ameublement ou le bricolage, ou d’un régime spécifique, comme l’alimentation.
Porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire » n’est pas qu’une question de chiffres. Cela signifie passer à une ouverture un dimanche par mois, soit d’une ouverture exceptionnelle à une ouverture régulière.
En outre, sur proposition de Mme la rapporteur, la commission spéciale a supprimé la disposition introduite à l’Assemblée nationale qui prévoyait que, dans les grandes surfaces alimentaires, trois jours fériés d’ouverture dans l’année devaient déduits des « dimanches du maire ». Le nombre d’ouvertures autorisées peut donc atteindre douze, en plus des jours fériés.
Or, bien que des contreparties soient accordées aux salariés travaillant les « dimanches du maire » – un salaire double et un repos compensateur –, travailler un dimanche par mois n’est selon nous pas acceptable.
À cet égard, je pense en cet instant aux salariées d’ED-Dia d’Albertville, que je suis allée rencontrer plus d’une fois sur le parking de leur magasin. Elles se sont opposées à leur direction deux années durant afin de ne pas travailler le dimanche matin. Elles souhaitaient – et je dis bien « elles », car ces salariées étaient toutes des femmes –, malgré leurs très faibles salaires, profiter de leurs dimanches pour voir leur famille et leurs amis, se livrer à des activités personnelles, qu’elles soient associatives, culturelles ou sportives, bref, avoir du temps pour elles.
Chacun s’accorde d’ailleurs à dire que les emplois dans le commerce provoquent fatigue et stress et que ces maux vont grandissants. Les salariés de ce secteur souffrent d’importants troubles musculo-squelettiques, les TMS, lesquels sont douloureux pour les hommes et les femmes qui les subissent. En outre, les conséquences économiques de ces troubles – cela vous intéressera, mes chers collègues, vous qui êtes soucieux de réaliser des économies dans le budget de la protection sociale – sont considérables : d’après l’assurance maladie, les TMS sont la première cause de maladie professionnelle.
À ces maux déjà importants s’ajoutera, pour bon nombre des salariés qui seront contraints de travailler le dimanche, la précarité économique et sociale.
Nous devons nous interroger sur le modèle de société que nous voulons : souhaitons-nous une société entièrement tournée vers le consumérisme, où aucun espace ni aucune temporalité n’échapperont aux activités marchandes ? Au contraire, voulons-nous préserver du temps pour la famille, l’amitié, la nature, en les mettant à l’abri – un jour sur sept seulement, mes chers collègues, puisqu’il s’agit uniquement de préserver le dimanche – de l’injonction de consommer ?
Bref, l’homme a-t-il été créé pour le commerce ou le commerce pour l’homme ?
L’article 80, qui prévoit d’augmenter le nombre de « dimanches du maire », participe des dispositions du chapitre Ier du titre III banalisant le travail le dimanche.
En effet, de cinq « dimanches du maire », nous allons passer à douze ! Certes, la disposition du projet de loi initial, qui prévoyait que cinq de ces dimanches seraient accordés de droit, a été supprimée afin de ne pas risquer de banaliser le travail le dimanche.
Le risque perdure néanmoins, car les commerces de détail pourront tout de même ouvrir un dimanche par mois. On est bien au-delà des ambitions affichées, l’étude d’impact visant les ouvertures lors des soldes et des fêtes de fin d’année, ces périodes étant déjà couvertes par les cinq dimanches actuellement autorisés.
Quel effet cette disposition aura-t-elle sur les petits commerces de proximité, notamment sur les commerçants présents sur les marchés le dimanche ? Alors qu’ils contribuent incontestablement au maintien du dynamisme des centres-villes, dont on a à plusieurs reprises parlé ici même, ils se verront concurrencer par les grandes surfaces.
Force est de constater que l’étude d’impact ne donne aucune indication sur les créations d’emplois que permettra cette mesure, et pour cause : des études montrent que, au contraire, elle entraînera la suppression d’emplois dans les commerces de proximité. Selon une estimation, le coût de ces nouvelles dérogations pourrait, à terme, concerner jusqu’à 200 000 emplois.
Les grandes surfaces développent de plus en plus les caisses automatiques. C’est une évolution dont il faut aussi tenir compte. En outre, des suppressions de postes interviennent également dans le secteur de la logistique. À titre d’exemple, 600 postes devraient être supprimés dans la filiale logistique d’Intermarché et six de ses trente-huit bases devraient être fermées d’ici à 2008.
Cette rupture d’équilibre entre le petit commerce et la grande distribution a d’ailleurs été relevée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Celui-ci a par ailleurs souligné, comme nous l’avons déjà dit, que l’ouverture dominicale entraînerait un transfert des dépenses et non une augmentation de la consommation.
Vous le voyez, on est loin de l’objectif affiché dans ce texte, qui est de « stimuler la croissance et la création d’emplois ».
Après mes collègues Annie David et Dominique Watrin, je souligne que les douze « dimanches du maire » s’ajouteront aux dérogations déjà prévues pour les zones commerciales, les zones touristiques et les zones touristiques internationales. Si le texte prévoit des améliorations par rapport à la loi Maillé, il est loin de mettre en œuvre la fameuse simplification défendue par M. le ministre. Des règles différentes s’appliqueront en effet à chacune de ces zones.
Par exemple, dans les zones touristiques internationales, les zones touristiques et les zones commerciales, l’ouverture le dimanche requiert un accord collectif ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur. Les règles sont différentes pour les autorisations préfectorales ou pour les douze « dimanches du maire ». De plus, la réglementation est elle aussi différente pour les salariés.
De surcroît, nos collègues de droite ont jugé bon d’ajouter une nouvelle exonération applicable aux entreprises de moins de onze salariés, au motif que l’obligation d’être couvert par un accord collectif était de nature à « porter atteinte au pouvoir de direction de l’employeur, qui est une composante de la liberté d’entreprendre, dès lors qu’elle ne permettrait pas de prendre en compte la difficulté qu’auraient certaines petites entreprises dépourvues de représentation du personnel et de délégués syndicaux, de parvenir à la conclusion d’un tel accord dans les conditions de droit commun, les privant ainsi d’une modalité de l’exercice de leur activité économique ».
Or cette interprétation de la jurisprudence du Conseil d’État est totalement erronée.
D’une part, le droit à la santé des salariés justifie que l’on pose des limites au pouvoir de décision de l’employeur. C’est ainsi, par exemple, que les conventions de forfait-jours ne peuvent être mises en place qu’en présence d’un accord collectif, à l’exclusion du pouvoir unilatéral de l’employeur.
D’autre part, depuis la loi de 2008, la conclusion d’accords collectifs est permise dans les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégués syndicaux avec les représentants élus ou, à défaut, avec un salarié mandaté.
Par ailleurs, le projet de loi n’établit aucune hiérarchie entre les différents accords : on doit donc interpréter cette disposition à la lumière du droit commun, qui, depuis la loi du 4 mai 2004, permet à un accord d’entreprise de déroger à un accord de branche, sauf si ce dernier en dispose autrement au moyen d’une clause de fermeture.
Il en va de même des accords professionnels : s’applique celui dont le champ territorial et professionnel est le plus décentralisé, sauf si une clause de fermeture a été conclue dans l’accord de niveau supérieur.
Ainsi, faute de dispositions particulières, il conviendrait plutôt d’appliquer la règle de faveur.
Aux préventions contre cet article qui ont déjà été explicitées s’ajoutent celles que je viens d’exposer.
Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par Mmes Lienemann et Jourda.
L'amendement n° 480 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 788 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 946 est présenté par M. Collombat.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.
Après nos trois interventions, vous aurez compris, mes chers collègues, que nous sommes défavorables à l’article 80 : il est donc logique que nous en demandions la suppression.
L'amendement n° 167 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 480.
L’article 80 porte de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire ». Cette question a suscité de vifs débats à l’Assemblée nationale. Au vu des auditions qu’elle a menées, la commission spéciale a souhaité préserver l’équilibre que représente le nombre de douze dimanches. Il s’agit certes d’une augmentation du nombre de dimanches autorisés, mais elle reste modérée.
Certaines municipalités ont institué des zonages, car le nombre de cinq dimanches actuellement autorisé par la loi leur paraissait insuffisant : elles souhaitaient pouvoir autoriser un plus grand nombre d’ouvertures dominicales. Si elles ne voulaient pas toutes ouvrir au même rythme, le nombre de douze dimanches par an, soit un dimanche par mois, correspondait bien aux besoins qu’elles exprimaient.
Le pouvoir discrétionnaire du maire en la matière est maintenu. Le nombre d’ouvertures autorisées pourra varier entre zéro et douze, selon les municipalités. Le maire n’étant pas obligé d’accorder ces ouvertures, il pourra maintenir les pratiques actuelles.
Nous avons veillé à ne pas provoquer de déséquilibre entre les centres-villes et les zones commerciales, lesquelles sont très souvent situées en périphérie des villes. Il s’agit d’éviter par exemple que le maire d’une commune périphérique autorise largement l’ouverture des commerces de sa commune le dimanche au risque de déséquilibrer ceux de la ville centre. Aussi, à partir de la sixième ouverture – c'est un point qui nous semble important –, un avis conforme de l’EPCI sera exigé : une régularisation de la concurrence pourra ainsi s’opérer.
De plus, l’article 80 bis du projet de loi étend le principe du volontariat aux salariés qui travaillent lors des « dimanches du maire », ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
La commission a estimé que l’article 80 ne conduirait pas les maires à banaliser le travail dominical. Il leur offre simplement une plus grande marge d’appréciation leur permettant d’adapter les pratiques commerciales aux spécificités de leur territoire.
Ne souhaitant pas la suppression de cet article, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Permettez-moi de revenir sur les prémices de cet article. Jusqu’à présent, le régime en vigueur donnait au maire la possibilité d’accorder jusqu’à cinq ouvertures par an le dimanche, sauf à Paris, où cette décision relève du préfet.
Le présent projet de loi introduit le volontariat, qui n’existait pas dans la loi pour les « dimanches du maire ». Il règle également certaines difficultés qui sont apparues récemment.
D’abord, pour de nombreuses enseignes situées en périphérie de zones commerciales ou de grandes villes, les cinq dimanches du maire n’étaient pas suffisants. Certains secteurs ont donc demandé une dérogation sectorielle, qui relève du niveau « décrétal ». C'est le cas, par exemple, du secteur du bricolage. Après plusieurs mois, ces magasins se sont rendus compte que le nombre de dimanches auxquels ils avaient dorénavant droit – une cinquantaine – était trop élevé et qu’ils préféreraient un dimanche par mois, soit douze dimanches par an. Je pense notamment à une enseigne bien connue du secteur, qui a été très active sur cette question.
Ensuite, une dizaine de communes aimeraient pouvoir ouvrir un peu plus que les cinq dimanches auxquels elles ont droit parce qu’elles sont situées à proximité de zones touristiques ou de certains espaces ayant le droit d’ouvrir plus souvent. Ces communes – c’est le cas de Bordeaux, pour ne citer qu’elle – ont parfois été conduites à demander leur classement en zone touristique. Toutefois, l’expérience leur a montré que cela n’avait pas de sens pour elles d’autoriser l’ouverture de leurs commerces cinquante-deux dimanches par an. Bordeaux est ainsi en train de revenir à un dimanche par mois.
Au regard des difficultés sectorielles et des éléments de déséquilibre observés sur les territoires, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé en mars 2013 à M. Bailly de lui remettre un rapport sur ce sujet. À l’issue d’une concertation avec les représentants des territoires, les organisations professionnelles et les syndicats, M. Bailly a proposé le nombre de douze dimanches.
Je n’ai pas une approche fétichiste de ce nombre, qui a tant fait couler d’encre. Il constitue juste le point d’équilibre auquel est parvenu une personnalité reconnue pour sa pondération, après une concertation ayant duré plus de six mois et un examen de la situation des villes et des secteurs concernés. Les uns et les autres souhaitaient que les élus aient la possibilité d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, un maire pouvant tout à fait décider de n’accorder aucune ouverture. Nous augmentons les possibilités d’ouverture, sans néanmoins déstabiliser le système.
Dans son rapport, M. Bailly faisait toutefois une proposition quelque peu différente de la nôtre : il souhaitait que l’initiative d’ouvrir certains dimanches soit laissée aux commerces eux-mêmes. Nous n’avons pas retenu cette solution, car elle aurait été difficile à mettre en œuvre : quelles associations sont en effet représentatives ?
Nous avons par ailleurs créé une instance de régulation afin d’éviter les comportements non coopératifs à l’échelon local. À compter du sixième dimanche travaillé, les avis conformes de l’EPCI et du SCOT seront nécessaires pour éviter les passages en force. Ainsi, le maire d’une petite commune limitrophe sur le territoire de laquelle serait implantée une grande surface pourrait ne pas obtenir l’ouverture douze dimanches par an dans le cas où l’EPCI considèrerait que cela fragiliserait les commerces du centre-ville. Une cohérence entre les territoires est nécessaire.
Tel qu’il est rédigé, l’article 80 permet d’octroyer plus de liberté aux élus de certains territoires, tout en faisant de la non-ouverture des commerces le dimanche la règle. Les élus pourront même, je le répète, décider de n’accorder aucun dimanche s’ils n’en éprouvent pas le besoin. Les maires sont les meilleurs juges. Il faut bien reconnaître que, dans certaines zones très rurales, l’ouverture des commerces le dimanche n’a pas beaucoup de sens.
Cet article accorde donc de la confiance aux élus, tout en prévoyant de la flexibilité et des instruments de régulation. C'est la raison pour laquelle il est, me semble-t-il, équilibré.
Pour terminer cette intervention, je répondrai à l’interpellation de Mme Lienemann ce matin : je ne suis pour ma part signataire d’aucune motion du parti socialiste.
Sourires.
Je considère que lorsqu’un ministre de la Ve République présente un texte, il le fait au nom du Gouvernement, et non en tant que signataire d’une motion A, B ou C. C’est en tout cas dans cet esprit que je défendrai ce projet de loi jusqu’à la fin de son parcours parlementaire. Il est le fruit d’un équilibre rationnel et il vise à défendre l’intérêt général.
L’article 80 prend en compte les expériences menées sur le terrain et le travail effectué par M. Bailly. Donner aux maires la liberté d’ouvrir jusqu’à douze dimanches par an, j’y insiste, est le bon point d’équilibre.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Monsieur le ministre, je vous félicite non pas de n’avoir signé aucune motion, mais d’avoir fait preuve d’une grande habilité ! Les ministres des gouvernements précédents étaient comme vous : à les entendre, ils avaient toujours trouvé le point d’équilibre !
Ainsi, cinq dimanches, ce n'était pas assez, mais cinquante-deux, c'était trop : douze, c’est un nombre raisonnable. C’est ce que tout le monde veut ! C’est plus que ce qui est autorisé aujourd’hui, cela permet d’offrir une certaine liberté, mais c’est moins que si on autorisait l’ouverture tous les dimanches. Vous avez trouvé le bon nombre et vous nous demandez de l’adopter !
Toutefois, la commission spéciale n’est pas tout à fait d’accord sur ce nombre puisque, si j’ai bien compris, elle souhaite ajouter trois jours supplémentaires pris sur les jours fériés.
Ce n’est pas cela ? Peu importe...
À vous entendre, monsieur le ministre, on a envie d’être d’accord avec vous. On se dit en effet que, après tout, on n’est pas à un dimanche près.
Sourires.
Pourtant, je ne suis pas d’accord avec vous, car, à force d’étendre le travail le dimanche dans les zones de tourisme, dans les gares et dans les commerces de détail, vous multipliez les régimes dérogatoires.
Vous dites que les entreprises, en particulier dans le secteur du bricolage, ont envie d’ouvrir davantage le dimanche. Mais les salariés et les syndicats n’ont, eux, d’autre choix que de subir !
Vous dites également que les élus ont le choix libre d’autoriser ou non l’ouverture le dimanche. Or une entreprise souhaitant ouvrir le dimanche arguera du fait qu’elle paie des impôts et qu’elle joue un rôle important dans la vie économique de la commune pour faire pression sur le maire, qui devra lui céder. Il y aura évidemment une concurrence entre les collectivités ; elle existe déjà pour les zones franches, pour les mesures de défiscalisation. Chacune souhaite attirer les entreprises. Les élus n’auront donc pas le choix, puisqu’il leur faut favoriser l’activité économique dans leurs communes.
La véritable question qu’il faut se poser, c’est celle du respect du repos dominical. Si l’on estime que, à terme, il n’existera plus et qu’il faut autoriser l’activité économique partout pour être heureux, pourquoi fixer le point d’équilibre à douze dimanches et non à treize ? En revanche, si on respecte le repos dominical, on ne doit pas autoriser toutes ces dérogations.
Vous avez commencé votre démonstration en nous expliquant que le nombre de douze dimanches était un équilibre parfait. C’est donc bien que votre intention était déjà de généraliser ce nombre, et non celui de cinq.
Par ailleurs, vous évoquez la liberté des maires. Or, comme vient de le dire mon collègue Jean Desessard, les maires subissent déjà de très fortes pressions pour ouvrir cinq dimanches par an. En portant le nombre de dimanches à douze, sachant qu’il existe par ailleurs d’autres dérogations au repos dominical, la pression sera maximale.
La liberté des élus est, de ce point de vue, une chimère.
De même, vous ne cessez de parler du volontariat des salariés du commerce, alors que vous savez pertinemment que, dans un secteur où les salaires sont extrêmement bas, où la précarité est très grande et où le pouvoir d’achat est totalement bloqué, il y a chantage à l’emploi et non volontariat !
Prenez ainsi le cas du candidat à un emploi dans le commerce à qui l’on demande innocemment lors de l’entretien d’embauche s’il est prêt à travailler le dimanche. Que pensez-vous qu’il répondra ? Il dira oui, évidemment, afin d’obtenir l’emploi ! Il ne s’agit donc absolument pas de volontariat, malgré le prétendu encadrement du travail dominical.
Ainsi cet article, de même que le reste du texte, constitue bel et bien un encouragement systématique à augmenter et à généraliser le travail du dimanche, et non un encadrement destiné à le limiter.
Si l’on examine attentivement le texte de la commission spéciale, on constate qu’il est conforme au texte transmis par l’Assemblée nationale, ce qui est important pour le groupe socialiste.
Ce texte porte de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire », mais ne nous faisons pas peur, de nombreuses communes n’atteindront pas le nombre maximal. Les cinq dimanches actuellement autorisés suffisent pour les fêtes de fin d’année, un événement local spécifique, et les soldes d’été et d’hiver. Les cinq dimanches sont vite atteints !
Les « dimanches du maire » ne constituent donc pas une banalisation du travail dominical.
La disparition des cinq dimanches laissés à la seule décision du maire me paraît intéressante. L’ouverture de ces cinq dimanches sera certes proposée par le maire, mais elle sera désormais soumise à un vote du conseil municipal.
La démocratie locale y gagne donc, accordons-nous au moins sur ce point !
À compter du sixième dimanche, l’avis conforme de l’intercommunalité sera requis si la commune appartient à un EPCI, ce qui évitera les disparités entre communes, lesquelles représentent un sujet majeur de préoccupation aujourd’hui. Cela favorisera donc la cohérence territoriale, reconnaissez au moins cela.
Par ailleurs, et je m’adresse là à mes collègues de gauche, permettez-moi de souligner un point primordial : les salariés qui travailleront lors de ces dimanches verront leur rémunération doubler et bénéficieront en outre d’un repos compensateur. Ce « filet social » doit être pris en compte.
Certes, le mot d’« équilibre » n’est peut-être pas le meilleur, mais il faut tout de même savoir raison garder. Il ne s’agit pas de banaliser le travail dominical sur l’ensemble du territoire.
Le texte résultant des travaux de la commission spéciale, qui est conforme à celui de l’Assemblée nationale, respectant l’esprit général du projet de loi, il serait dommage de le supprimer.
Permettez-moi de parler d’expérience, mes chers collègues. J’ignore qui, dans cet hémicycle, a déjà signé une autorisation d’ouverture dominicale. Moi, je l’ai fait, en tant que maire !
Certes, nous sommes sans doute quelques-uns à l’avoir fait.
J’indique d’abord que tous les maires ont systématiquement autorisé cinq ouvertures dominicales.
Au début, les magasins n’ouvraient pas entre midi et quatorze heures. Ensuite, ce fut à celui qui ouvrirait le plus tôt. Enfin, pour capter la clientèle, l’un d’eux s’est dit : « Allez, j’y vais ! ». Les autres ont suivi et ouvert à leur tour le dimanche.
En fait, il n’y a pas plus d’argent. En ce moment, il y en a même plutôt moins. L’extension du travail dominical vise donc non pas à pousser les consommateurs à dépenser plus ni à permettre à je ne sais qui de gagner davantage, mais à capter l’argent disponible ! Il est complètement faux de prétendre qu’il s’agit de créer de la richesse : il n’est question que de concurrence et de captation de richesses dans des noyaux organisés. Ce qui sera dépensé dans les gares ne le sera plus dans la localité de destination !
Arrêtons donc de prétendre que, par un coup de baguette magique, l’ouverture des magasins le dimanche permettra de créer de la richesse, que les salariés auront plus d’argent à dépenser, car cela est faux. Cessons de dire n’importe quoi !
Si l’on veut créer des dynamiques dans les noyaux urbains, c’est autre chose, mais il faut alors le dire et avancer les véritables arguments.
Quant au maire, je peux vous garantir qu’il subira des pressions de la part des commerçants d’un côté et des salariés de l’autre. Les premiers voudront ouvrir douze dimanches par an, les seconds s’opposeront à l’octroi de l’autorisation. Que fera alors le maire ? Il s’en tiendra à la loi et accordera les douze dimanches travaillés, arguant que les commerçants y ont droit. Voilà comment cela se passera !
C’est cela, la vraie vie ! Je n’ai pas toujours l’impression en vous entendant que vous savez ce que c’est.
Protestations sur les travées de l'UMP.
Permettez-moi d’ajouter quelques arguments à ceux qui viennent d’être avancés.
Les « dimanches du maire » ont normalement vocation à accompagner des moments de consommation exceptionnelle, telles les fêtes de fin d’année ou encore l’organisation d’un événement local, ainsi que l’ont rappelé Mme Bricq à l’instant et M. le ministre.
Je peux vous garantir que, pour atteindre les douze « dimanches du maire », on trouvera d’autres moments de consommation exceptionnelle, telle la fête des mères ou la fête des pères, ou encore la fête des grands-mères au mois de mars, …
Tous ces événements ne se produisant qu’une fois par an, pourquoi n’entraîneraient-ils pas l’ouverture des magasins le dimanche ? Je fais confiance à l’ensemble des acteurs locaux du commerce pour trouver des raisons d’ouvrir les douze dimanches auxquels ils auront droit.
J’ajoute que les « dimanches du maire » entraînant le doublement du salaire et l’octroi d’un repos compensateur – et c’est peut-être d’ailleurs leur seul aspect bénéfique –, ils créeront encore plus d’inégalités entre les salariés, ceux qui sont soumis au travail dominical en vertu d’un accord collectif ne bénéficiant pas de telles compensations.
À cet égard, on ne sait pas très bien qui négociera ces accords ni sous quel régime. J’ai pourtant pris connaissance de votre réponse tout à l’heure, monsieur le ministre, mais je n’ai pas compris pourquoi vous faisiez référence à la cinquième partie du code du travail, …
J’ai répondu à votre question, mais vous n’étiez pas là !
… mais je n’y reviens pas.
En tout état de cause, ces accords ne prévoiront pas le doublement du salaire ni un repos compensateur pour les salariés.
Enfin, selon vous, madame Bricq, le texte de la commission spéciale serait conforme à celui de l’Assemblée nationale ; or tel n’est le cas puisqu’elle a supprimé les trois jours fériés qui devaient être inclus dans les douze « dimanches du maire ».
On en arrive donc à douze dimanches travaillés, auxquels s’ajouteront trois jours fériés.
Nous devrions à mon sens éviter de lancer des anathèmes, comme nous le faisons depuis ce matin.
Il n’y a pas d’un côté ceux qui connaissent la vraie vie et ceux qui ne la connaissent pas ; ceux qui défendent les travailleurs et ceux qui ne les défendent pas ; ceux qui savent, en tant qu’élus, ce qu’ils signent et ceux qui ne le savent pas. Ce n’est pas non plus cela la vraie vie, mes chers collègues !
Quel commerçant se battra pour ouvrir douze dimanches par an si cela lui coûte plus que cela ne lui rapporte ?
La réalité de la vie de tous les jours, c’est la loi de l’offre et de la demande !
Le texte que nous examinons est équilibré. Aujourd’hui, 30 % des actifs travaillent sept jours sur sept ! C’est ainsi le cas des éleveurs de moutons ou de chèvres de mon département, qui ne bénéficient pas en outre de jours de repos compensateur. Les femmes qui commencent tôt le matin pour faire des ménages ne bénéficient pas non plus de ces conditions. Ce texte, au risque de vous faire bondir, chers collègues, constitue donc une grande avancée sociale !
Nous disons clairement que le dimanche n’est pas un jour comme les autres et que nous ne voulons pas généraliser le travail dominical. Il n’en est pas question ! Le dimanche est destiné au sport, à la culture ou encore au rassemblement. Toutefois, il y a des gens qui travaillent le dimanche.
En outre, les douze « dimanches du maire » sont facultatifs. Si le maire décide de les autoriser, avec tous les verrous prévus – le vote du conseil municipal, l’accord de l’EPCI –, cela se fera dans l’intérêt des salariés.
Vous avez indiqué tout à l’heure, madame Didier, avoir déjà autorisé des ouvertures le dimanche. Sans doute certains chefs d’entreprises souhaitent ouvrir le dimanche, mais il existe aussi des salariés qui s’y opposent. Les situations ne sont donc pas si simples, ne cédons pas à la caricature !
Nicole Bricq vient de le souligner : non seulement cet article est équilibré, mais il constitue en outre une avancée, car il prévoit un doublement du salaire et l’octroi d’un repos compensateur. Et rien que pour cette avancée, ce texte va dans le bon sens.
Faisons donc confiance aux énergies locales, aux maires. Tous ne veulent pas asservir le peuple !
M. Roger Karoutchi s’esclaffe.
M. le ministre a donc raison de parler d’équilibre. On pourrait aller plus loin, mais on pourrait aussi aller moins loin.
L’Assemblée nationale et la commission spéciale proposent de conserver les cinq « dimanches du maire » tels qu’ils existent aujourd’hui et d’en autoriser éventuellement sept autres, sur proposition du maire, et après accord du conseil municipal, lors d’événements locaux, qu’ils soient communaux ou intercommunaux. Faisons donc confiance à l’intelligence collective. Il s’agit non pas de tout bouleverser, mais de répondre à un besoin, afin de dynamiser l’économie.
Je le répète, ce texte constitue véritablement une grande avancée sociale pour certains salariés, qui verront leur rémunération doubler lorsqu’ils travailleront le dimanche. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ne bénéficient que de faibles compensations salariales – de l’ordre de 10 % à 25 % en plus – et de brefs repos compensateurs dans ce cas.
Certains préfèreraient que la situation reste figée. Pour notre part, nous pensons qu’il faut un peu libérer l’économie, les énergies, et favoriser les initiatives dans les territoires. Ce texte va donc dans le bon sens, même s’il ne plaît pas à tout le monde.
M. Didier Guillaume. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UDI-UC et de l'UMP.
Je ne fais pas partie, monsieur le ministre, de ceux qui sont persuadés qu’il était indispensable de porter de cinq à douze le nombre de « dimanches du maire ». En effet, il me semble que pour l’immense majorité des communes, même celles qui comptent plus de cinq mille habitants, les cinq dimanches étaient suffisants, en dehors bien entendu des zones commerciales et des zones touristiques internationales, dont nous avons parlé précédemment.
Toutefois, j’avoue être personnellement surpris, pour ne pas dire choqué, par l’image que vous donnez du maire, mes chers collègues.
Je pense que la plupart des maires n’octroient cinq ouvertures dominicales que si elles sont nécessaires.
Pour ma part, en tant que maire, je signe des autorisations d’ouverture dominicale depuis dix-neuf ans ; j’en délivre deux tous les ans. Il ne m’est arrivé qu’à deux reprises d’en autoriser trois. Jamais aucun salarié n’est venu me reprocher de l’avoir fait. De façon générale, les salariés comprennent tout à fait que l’on ouvre certains dimanches, en principe les deux qui précèdent Noël, de nombreux achats étant effectués au cours de cette période.
Pour connaître un certain nombre d’élus de sensibilités politiques différentes, je peux vous dire qu’ils ne sont pas « au taquet » en matière d’ouverture le dimanche !
Quant aux éventuelles pressions, permettez-moi de rappeler que le maire est indépendant : il a le droit de résister !
Certains dérogent même à la loi actuelle, raison pour laquelle j’ai déposé des amendements visant à augmenter le niveau des sanctions.
Chers collègues, ne donnez pas cette image des élus. Pour ma part, je leur fais confiance, quelle que soit leur sensibilité politique. Ils sont majeurs ! Où va-t-on si l’on subit des pressions pour des histoires d’ouverture le dimanche ?
Je pense que le pouvoir de décision dont ils disposent en la matière est tout à fait valorisant pour les maires. Et, si je suis d’accord avec la proposition faite par M. le ministre dans le cadre de ce texte, c’est parce que je crois à l’esprit de responsabilité des élus, qui sauront trouver la bonne mesure et ne céderont pas forcément à je ne sais quelle pression des uns ou des autres.
M. Philippe Dominati. Je veux apporter un témoignage de ce qu’est la « vraie vie » pour un chef d’entreprise
Sourires sur les travées de l’UMP.
« Le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, consulté,
« Vu l’avis favorable de la chambre de commerce et d’industrie de Paris,
« Vu la réponse de la chambre des métiers et de l’artisanat, qui se déclare non concernée,
« Vu l’absence de réponse de la Fédération des enseignes de l’habillement,
« Vu l’absence de réponse de la chambre syndicale des commerces de l’habillement […],
« Vu l’avis défavorable du syndicat SUD, concerné,
« Vu l’absence de réponse du syndicat du commerce interdépartemental d’Île-de-France CFDT,
« Vu l’absence de réponse de la Fédération nationale de l’encadrement du commerce des services,
« Vu l’absence de réponse de la Fédération des commerces Force de vente-CFTC,
« Vu l’absence de réponse de l’Union syndicale CGT du commerce,
« Vu l’absence de réponse du syndicat FO,
« En l’absence de réponse de la Fédération des employés CGT-FO […] ».
Autrement dit, un avis favorable, un avis défavorable et près de dix absences de réponse, pour une demande d’autorisation concernant un seul dimanche ! Et cette réponse a été signifiée au chef d’entreprise le 23 janvier, pour un événement qui devait avoir lieu dans la capitale le dimanche 25 janvier…
Cet exemple témoigne de la « pression insoutenable » qui s’exerce…
À la lumière de ce témoignage, je vous invite à recentrer notre débat sur les vraies questions à l’ordre du jour. Pour l’instant, le texte dont nous discutons ne simplifie en rien ou presque rien la vie quotidienne des chefs d’entreprise, qui doit être améliorée.
Chère collègue, vous dites que cette mesure n’entraînera pas de progression du chiffre d’affaires, mais il en résultera bel et bien une création de richesses, par exemple, par rapport au commerce sur internet.
Quand on a des charges fixes, le fait de disposer des plages d’ouverture plus importantes en nombre de journées augmente automatiquement le chiffre d’affaires. L’augmentation est même de 2 à 3 %, pour un commerce normal, quand sept dimanches sont ouverts sur l’année. Telle est la réalité du commerce et de la distribution.
Vous évoquez une pression insoutenable. Pour ma part, lorsque je vois tous les syndicats qui ont été consultés sur le cas particulier que j’ai évoqué, je dois dire que je n’ai pas exactement la même vision de la « vraie vie » que vous !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voulais insister sur un aspect du texte qui ne me semble pas avoir été évoqué, mais qui me paraît fondamental, dans la mesure où il marque, selon moi, un recul de la société : je veux parler des enfants.
J’ai été enseignant et animateur dans des structures accueillant les enfants le samedi. Je vois que les familles monoparentales sont beaucoup plus nombreuses aujourd'hui qu’il y a trente ans. Or je sais que, pour réussir, l’enfant à l’école a besoin d’un « temps parental » important. Or celui-ci s’est réduit au fil du temps.
La plus grande crainte que m’inspire ce projet de loi concerne l’enfant. En effet, si le parent travaille douze dimanches par an, c’est l’échec scolaire généralisé que l’on prépare !
Alors que l’on sait qu’il est fondamental de ne pas laisser l’enfant échouer à l’école et que d’ores et déjà 140 000 ou 150 000 enfants sortent sans diplôme du système scolaire, on irait encore prendre une décision contraire à la réussite scolaire ?
L’enfant a besoin de faire du sport et d’accéder à la culture, mais il a aussi besoin de temps parental « pur » ! L’enfant a besoin de vivre avec ses parents, pour grandir, pour acquérir son autonomie, pour avoir le plus de chances de réussir.
Pour moi qui ai exercé ce beau métier d’enseignant et qui ai des enfants et des petits-enfants, c’est ce qui compte le plus, non seulement pour les enfants eux-mêmes, mais aussi pour l’avenir de la société. Nous risquons de payer cher toute mesure qui irait à l’encontre de la réussite des enfants.
En tant que maire, il m’est arrivé de signer des autorisations d’ouverture pour trois ou quatre dimanches dans l’année, au moment des fêtes de Noël en particulier, pour répondre à une demande de la population, car il y a des habitudes, des traditions, et les nouveaux élus, sur ce plan, font un peu comme leurs prédécesseurs. On ne change pas trop les traditions dans les territoires.
On voit bien qu’il y a, sur ce point, des désaccords profonds. Ceux-ci me semblent liés au projet de société que chacun défend.
On ne peut pas faire abstraction de ce débat, qui nous occupe en fait depuis ce matin.
Nous sommes en 2015.
Or qu’entend-on dans la discussion ? Que des tas de gens travaillent le dimanche, que ces salariés sont mal payés, qu’ils ne bénéficient d’aucune compensation. Mais, eurêka, nous aurions trouvé la solution : élargir les possibilités de travail le dimanche, avec des compensations réelles.
On nous dit que c’est le sens du progrès et qu’il ne faut pas que nous restions figés.
Chers collègues, au risque de me répéter, oui, nous sommes en 2015, et les progrès techniques sont extraordinaires.
Eh oui, c’est comme cela, chers collègues !
J’aimerais que l’on ait un vrai débat sur ce point. On nous dit que le travail le dimanche est la solution au chômage, la condition de la reprise.
Le chômage en France serait donc dû à la fermeture des magasins le dimanche ? Excusez-moi, mais l’argument est tout de même extrêmement fallacieux !
Je ne sais pas de quel côté sont les positions figées. En tout cas, plutôt que dégrader encore et toujours les conditions de vie et de travail des mêmes, c’est être les deux pieds dans son siècle que de permettre aux femmes et aux hommes de vivre dignement, décemment, avec des salaires qui leur assurent un niveau de vie correct. Telle devrait être l’ambition du Sénat !
Quant à l’avenir des enfants, que mon collègue évoquait à l’instant, je veux rappeler que nous l’avons abordé ce matin, au travers des moyens de garde ou encore des services publics. Mais, curieusement, on semble considérer ici que ce n’est pas un problème et que les familles, y compris monoparentales, se débrouilleront. Cette attitude peut être extrêmement choquante.
Je ne sais pas où est la « vraie vie », mais il semble que tous les sénateurs ne prennent pas en considération les mêmes données. Pour ce qui nous concerne, nous sommes préoccupés par le nombre actuel de chômeurs, par la pauvreté qui s’accentue et qui, de plus en plus, a un visage féminin. À cet égard, ce projet de loi ne va pas dans les sens du progrès !
Très bien ! sur les travées du groupe CRC. – Mme Annie David applaudit.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Dominati abordait à l’instant la question de la Mairie de Paris. Je crois qu’après le vote de la loi on en restera à la liberté de décision de tous les maires, comme M. le ministre l’a dit, et c’est heureux. C’est une liberté pour les maires, et il est bon que cela demeure ainsi.
Cela étant, il est important de prendre en compte les commerces, les chefs d’entreprise, mais aussi de rencontrer les syndicats et de veiller à garder un équilibre.
Pour être également maire et avoir l’occasion d’accorder la possibilité de travailler le dimanche, j’estime que, dans les territoires où nous sommes élus, nous devons aussi faire en sorte qu’il y ait un équilibre entre grandes surfaces et petits commerces. Le vrai problème, dans les villes de 10 000, 15 000, 20 000 habitants, c’est de garder les commerces de centre-ville
Mme Nicole Bricq opine.
Aujourd’hui, on discute du passage à douze du nombre de dimanches du maire. On aurait pu retenir le chiffre de sept. En tout état de cause, on ne généralise pas le travail du dimanche. C’est important. On nous dit que l’on met le pied dans la porte : ce n’est pas le cas !
Il importe également, lorsque l’on parle des grandes surfaces, de savoir que les salariés qui y travaillent sont souvent des femmes et que, parmi elles, beaucoup élèvent seules leurs enfants. Aujourd'hui, le travail est déstructuré. La souffrance au travail existe ! Certaines personnes, qui ne travaillent que quelques heures par semaine, dépensent plus dans les trajets domicile-travail que ce qu’elles gagnent. C’est pour cela que nous devons faire en sorte que le travail du dimanche soit assorti de compensations, comme cela est, au demeurant, prévu.
Je ne voudrais pas que la France se modèle sur la Grande-Bretagne, où, aujourd'hui, des personnes travaillent à la journée, ou encore sur la Belgique, où les facteurs ont été remplacés par des personnes engagées à la journée, rémunérées vingt euros. Il doit y avoir des protections.
Ces protections, le ministre les a évoquées. Il est important de les conserver et de faire en sorte que, là où il n’y en a pas aujourd'hui, il y en ait demain, quand on aura voté la loi. Aujourd'hui, en effet, des gens travaillent le dimanche sans aucune compensation. C’est intolérable !
Pour finir, je veux dire que le dimanche est très important pour chacun, qu’il soit ou non croyant. Certains ne veulent pas travailler le dimanche pour des raisons qui leur sont personnelles, pour se retrouver en famille, pour passer de bons moments ensemble, parce que c’est le seul jour où il n'y a pas classe, …
… où la plupart des personnes ne travaillent pas. Bien évidemment, je ne parle pas ici des personnels hospitaliers qui, heureusement pour les patients, travaillent le dimanche !
Dans ces conditions, je considère que les protections proposées permettront d’éviter tout dérapage. À cet égard, les amendements que nous avons déposés sont importants pour empêcher que, demain, le travail du dimanche ne soit généralisé. Ce serait une catastrophe, et, du reste, cela n’apporterait pas de croissance supplémentaire.
Il faut aussi éviter d’oublier celles et ceux qui travaillent. En effet, le travail déstructuré fait des ravages dans notre société. La pauvreté a pris des proportions inacceptables. Parmi les 8 ou 9 millions de personnes pauvres en France, il y a aussi des travailleurs pauvres ! Sans vouloir verser dans les généralités, j’ai la faiblesse de penser que, souvent, ceux-ci travaillent quelques heures par semaine dans de grandes surfaces éloignées de leur domicile.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’allongerai pas le débat, même si nous sommes quelques-uns ici à être capables de siéger jusqu’à plus de cinq heures du matin…
Sourires.
Je veux seulement exprimer le point de vue de mon groupe sur ces amendements.
Deux visions s’opposent.
Certains ont de l’augmentation de cinq à douze du nombre de dimanches du maire une vision très négative. Pour eux, les douze dimanches, ce sont les « douze salopards » ! §Ils repoussent cette mesure et accablent de critiques une solution en laquelle ils ne voient que des défauts.
D’autres ont des douze dimanches une vision beaucoup plus optimiste, quasi angélique.
Ils y voient en effet les « douze apôtres » (Nouveaux rires.) et, pour eux, la mesure, sans bouleverser le commerce, sera un « plus » certain.
Notre groupe, dans sa majorité, pense qu’il s’agit d’une mesure équilibrée, nécessaire et allant dans le bon sens. Pour ces raisons, nous la voterons.
Convaincu par la commission, je vais retirer quelques-uns des amendements que j’ai déposés.
Toutefois, puisqu’il est question de vraie vie, je me dis que, si des gens suivent en ce moment nos débats – cela m’étonnerait, à une heure aussi tardive –, ils doivent juger tout cela un peu surréaliste.
Mme Catherine Deroche, corapporteur, approuve.
Je n’insulte personne et respecte les convictions et familiales et religieuses de chacun, mais le dimanche, si les magasins sont fermés, je peux faire des achats sur internet auprès de sociétés étrangères qui me livreront des produits venus des États-Unis ou d’ailleurs sans que cela rapporte un sou aux travailleurs français.
Et croyez-vous réellement que les gens, parce qu’ils sont chez eux, ne pensent qu’à s’occuper de leur famille ? Moi aussi j’ai été enseignant, moi aussi je sais les ravages des familles qui ne suivent pas suffisamment leurs gosses !
(Exclamations sur les travées du groupe CRC.) J’en suis désolé, mais c’est ainsi ! Les modes de vie évoluent, il faut en tenir compte. Ce n’est pas moi qui ai inventé internet – remarquez que j’aurais bien aimé, mais mes capacités techniques sont bien trop modestes.
Sourires.
Croyez-vous réellement que les gens ne vont pas sur internet le dimanche, alors que les magasins sont fermés ? Vous parlez d’un monde idéal qui n’existe pas ! Pourquoi le commerce sur internet progresse-t-il chaque année, depuis dix ans, de 10 à 15 % ? Qui achète, sinon les Français, même lorsque les commerces sont ouverts ? Or internet ne ferme pas, ni la nuit ni le dimanche. §
Qu’est-ce que cette vraie vie dont vous parlez ? Certains, même si les commerces sont ouverts cinq dimanches, douze dimanches, …
… tous les dimanches, n’iront pas faire leurs courses ce jour-là.
D’autres, dans nos villes – peut-être un peu moins dans certains territoires – se plaignent du manque d’activités, du peu d’animation.
Si nous nous efforçons de trouver une solution, de faire en sorte que les salariés travaillant le dimanche soient à la fois protégés et mieux payés et que les gens puissent se rendre dans les commerces de proximité ces cinq ou douze dimanches par an, qui y perdra quoi ?
Je suis très respectueux des traditions et de la vie religieuse de chacun, mais enfin, ne me dites pas que cette vie religieuse va être remise en cause par l’ouverture de sept dimanches par an au lieu des cinq aujourd’hui autorisés ! À qui voulez-vous faire croire cela ? Aux Français ?
Au-delà des élus, considérez la vie quotidienne de nos concitoyens. Là où j’habite, certains centres commerciaux sont ouverts le dimanche : il y a un monde fou ! Et les gens viennent en famille, avec leurs enfants…
Mais vous voulez les contraindre à aller faire du sport ? Les contraindre à s’occuper de leurs enfants ? Quoi d’autre, encore ? Créer une police politique chargée de surveiller ce que font les gens le dimanche, chez eux ?
Arrêtons un peu : qui sommes-nous pour imposer leur mode de vie à nos concitoyens ?
Je vais aller dans le sens de la commission, car je préfère trouver une solution concertée plutôt que demander toujours davantage, mais, mes chers collègues, pas de leçons, ni de morale ou de religion, ni de famille ou de commerce : personne n’a à gagner, et surtout pas les magasins français, à ce que nos concitoyens se tournent vers le commerce électronique !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 124 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 709, présenté par MM. Karoutchi, Calvet, Morisset et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Mouiller et Mme Primas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le maire désigne, eu égard à l’existence d’événements particuliers du calendrier, cinq dimanches par an pour lesquels, dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé. Le maire fixe par arrêté, avant le 31 décembre de l’année en cours, pour l’année suivante, la liste de ces dimanches. En outre, dans les mêmes établissements, ce repos peut être supprimé certains autres dimanches désignés, dans la limite de sept, pour chaque commerce de détail, par décision du maire. » ;
2° Au second alinéa, les mots : « cette décision est prise » sont remplacés par les mots : « ces décisions sont prises ».
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Cet amendement tend à revenir à la rédaction initiale du projet de loi afin d’éviter que, dans certaines communes, les élus ne puissent refuser, pour des raisons diverses et variées, l’ouverture aujourd’hui autorisée des commerces cinq dimanches par an.
Autant je peux comprendre que, dans certains endroits, on refuse d’aller jusqu’à sept ou douze dimanches, autant je ne comprendrais pas que le texte issu de nos travaux soit plus restrictif que le droit aujourd’hui en vigueur.
C’est la raison pour laquelle je propose de faire une base de ces cinq dimanches annuels.
L'amendement n° 712, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, MM. Lefèvre et Mouiller et Mme Primas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le sous-paragraphe 2 du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de travail, il est inséré un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Sous-paragraphe 3
« Dérogations accordées par le maire
« Art. L. 3132 -27 -2. – Sans préjudice de l’article L. 3132-26 et sous réserve des contreparties et des engagements fixés dans les mêmes conditions que ceux mentionnés à l’article L. 3132-25-3, dans les établissements de commerce de détail, le repos hebdomadaire dominical peut être supprimé sept dimanches par an par décision unilatérale de l’employeur prise après avis, s’ils existent, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Je retire cet amendement, madame la présidente, souhaitant, comme je l’ai dit, une solution équilibrée acceptable par tous.
La législation actuelle offre la possibilité d’ouvrir les commerces jusqu’à cinq dimanches par an. Il ne s’agit que d’une possibilité, non d’un droit.
Dans la région Pays de la Loire, la ville de Nantes, par exemple, a toujours eu une position très stricte de non-ouverture des dimanches avant les fêtes. L’ancien maire s’y est toujours refusé. Il me semble que le sénateur-maire d’Angers a adopté une position similaire.
Nous portons cette possibilité d’ouverture dominicale à douze dimanches par an. Je ne vais pas revenir sur les arguments déjà développés : pour certains territoires, le seuil de cinq est largement suffisant, voire trop élevé, pour d’autres, c’est l’inverse.
La rédaction retenue par l’Assemblée nationale prévoit que le maire décide des ouvertures jusqu’à cinq dimanches, et que l’EPCI est consulté au-delà, pour des raisons d’équilibre entre zones commerciales et centres-villes.
Actuellement, il ne s’agit pas d’une autorisation de droit pour cinq dimanches. Si c’est bien ce que préconisait le rapport Bailly et ce que prévoyait le projet de loi initial, l’Assemblée nationale en a décidé autrement. Pour ma part, j’ai souhaité en rester à cet équilibre.
Je pense que les maires connaissent bien leur territoire et qu’ils ne souffrent pas d’une quelconque pression des commerçants, certains ayant toujours tenu leur position restrictive sur la question. Pour autant, il revient aussi aux habitants de signifier aux maires et à l’équipe municipale s’ils sont d’accord ou non avec la politique commerciale menée.
Le Sénat ne saurait retirer aux maires le pouvoir de décider des ouvertures dominicales sur le territoire de leur commune, compte tenu des nouvelles contreparties accordées.
Dans ces conditions, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 711, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 9
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -26. – Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, le maire désigne les dimanches où ce repos peut être supprimé.
« Dans les communes de plus de 100 000 habitants, le nombre de ces dimanches ne peut excéder trente par an et ne peut être inférieur à douze.
« Dans les communes de moins de 100 000 habitants, le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par an et ne peut être inférieur à huit. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
L’amendement n° 711 est retiré.
L'amendement n° 710, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet et Mmes Deseyne, Mélot et Primas, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 9
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« Le maire désigne, eu égard à l’existence d’événements particuliers du calendrier, douze dimanches par an pour lesquels, dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé. Le maire fixe par arrêté avant le 31 décembre de l’année en cours, pour l’année suivante, la liste de ces dimanches. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Vous proposez de permettre jusqu’à douze ouvertures dominicales par an. Par cet amendement, je propose que ces douze dimanches ouvrés soient de droit, le maire en fixant la date par arrêté.
J’ai entendu le ministre dire qu’après examen des diverses expérimentations, notamment à Bordeaux, le plafond de douze dimanches constituait un bon équilibre. Adoptons donc cette ligne et confions au maire le soin de fixer la liste de ces dimanches avant le 31 décembre, pour permettre à chacun de s’organiser.
L'amendement n° 713, présenté par MM. Karoutchi, Calvet, Morisset, Magras et Pierre, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido et Doligé, Mmes Deseyne et Mélot et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis du conseil municipal. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Il faudrait que la commission m’explique pourquoi le maire, s’il décide d’aller au-delà de cinq dimanches par an, doit obtenir l’accord de l’EPCI. Ne peut-il se contenter de celui du conseil municipal ?
S’il faut obtenir l’accord de l’EPCI chaque fois qu’un maire dépassera ce seuil, ce sera très compliqué. Le temps d’en réunir les membres, de se mettre d’accord pour un dimanche supplémentaire sur telle commune, l’EPCI aura toutes les raisons du monde de bloquer le système.
Je reste particulièrement sceptique sur ce dispositif. Autant je peux comprendre que l’on s’oppose aux douze ouvertures dominicales, autant je ne comprends pas les raisons pour lesquelles le maire devrait passer devant l’EPCI pour aller au-delà de cinq.
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa 4 de cet article portant de cinq à douze le nombre de dimanches qui, sur autorisation du maire, peuvent être travaillés.
Les conditions de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens sont de plus en plus difficiles, leurs conditions de travail, de plus en plus précaires. Rappelez-vous Noël dernier : le budget des Français a connu un repli de près de 4 %. Dès lors, ce qu’attendent nos concitoyennes et nos concitoyens, ce n’est pas de travailler plus, mais d’avoir un salaire décent.
Quel sens y a-t-il à espérer une reprise économique en ouvrant les commerces plus longtemps, alors que le pouvoir d’achat des citoyens n’augmente pas ? D’ailleurs, tous les commerces ne tireront pas leur épingle du jeu en cas de prolifération des ouvertures dominicales : les commerçants devront assumer les coûts d’une consommation étalée sur sept jours, sans aucune garantie que leur chiffre d’affaires augmente proportionnellement.
Pour ces raisons, je vous invite à adopter notre amendement.
L'amendement n° 911 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
cinquante-deux
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Nous examinons un projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en procédure accélérée, une accélération du reste gentiment tempérée par certains de nos collègues.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous offrir cette occasion. Alors chiche ! Libérons l’activité pour libérer la croissance. Saisissons, comme nous y invite cet article, toutes les opportunités de sortir d’une économie administrée en faisant confiance aux acteurs de terrain. La confiance, voilà une vertu cardinale de l’économie.
Nous savons tous, monsieur le ministre, combien vos négociations sont ardues pour ajouter au nombre d’autorisations d’ouverture dominicale des commerces une poignée de dimanches.
Pourquoi un tel débat, somme toute ? Je vous propose de laisser toute latitude aux maires de France pour autoriser ou non les ouvertures dominicales dans une fourchette comprise entre zéro et cinquante-deux dimanches. Cela ne devrait choquer personne au Sénat, institution représentative des collectivités territoriales et donc des maires.
Je vous propose de faire confiance à nos élus : charbonnier est maître chez lui ! Chaque maire de France est forcément mieux placé que nous tous ici pour savoir ce qui est bon pour sa ville. Laissons-le juge de l’intérêt de ses propres administrés et de son économie locale !
La France est une terre de contrastes et de diversité, c’est sa grande richesse. Pourquoi le nier par le biais d’une loi jacobine et coercitive ?
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Pourquoi ne pas dire qu’il existe des particularismes locaux et que, en tant que législateurs, nous estimons sage d’en tenir compte ? Je suis convaincu que vous seriez fort surpris, mes chers collègues, de voir l’attitude qu’adopteraient certains de vos détracteurs, dès lors qu’il s’agit de l’intérêt économique de leur propre commune, là même où ils croisent leurs électeurs dans la rue.
Donnons aux édiles de France un nouvel outil économique et laissons-les expérimenter pleinement son usage. S’il faut border le sujet, un jour, plus tard, le législateur y reviendra, afin de résoudre des difficultés éventuelles. Mais, dans un premier temps, libérons les énergies et faisons confiance.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne nous contentons pas de desserrer le corset d’une France qui respire de plus en plus péniblement ! Jetons-le à la rivière ! Le maire qui ne voudra retenir que cinq dimanches le fera, tout comme celui qui voudra en retenir douze. Et celui qui voudra autoriser l’ouverture cinquante-deux dimanches par an en aura également la possibilité !
Au nom de la croissance et de l’activité, je vous exhorte à voter, cette nuit – permettez-moi cette référence à Nehru –, pour la liberté.
L’amendement n° 168 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 406 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Allizard, Guené et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. G. Bailly, Charon et Chasseing, Mme Deromedi et MM. Duvernois et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
arrêtée
insérer les mots :
, notamment au regard d'événements particuliers du calendrier,
La parole est à M. Philippe Dominati.
L’amendement n° 406 rectifié vise à introduire une précision. La procédure de délivrance des autorisations d’ouverture des magasins le dimanche est peu lisible et complexe, tant pour les élus et leurs administrations que pour les commerçants. La demande de dérogation à la règle du repos dominical exige en effet d’accomplir tout un parcours administratif.
Je propose donc, pour faciliter la prise de décision, d’introduire les mots « notamment au regard d’événements particuliers du calendrier. Un libraire de Brive-la-Gaillarde voudra ouvrir lorsque se tient la Foire du livre, tandis qu’un autre commerçant, dans un autre endroit, en fonction d’un autre événement, voudra ouvrir un autre dimanche.
Avec cet amendement, les maires pourront s’appuyer sur la concomitance d’événements particuliers pour justifier l’autorisation d’ouverture.
L'amendement n° 407 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. G. Bailly, Charon et Chasseing, Mme Deromedi et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer la date :
31 décembre
par la date :
30 novembre
La parole est à M. Philippe Dominati.
L’amendement n° 407 rectifié concerne la date du 31 décembre, qui engage le commerçant pour l’année suivante. Je souhaiterais qu’elle soit remplacée par celle du 30 novembre, et ce pour une raison très simple : le chef d’entreprise doit disposer d’un délai d’un mois pour informer ses salariés. Par conséquent, si l’événement a lieu en janvier, la date du 31 décembre pose problème.
Les deux amendements que j’ai présentés sont sans doute mineurs, mes chers collègues, mais leur adoption permettrait de faciliter la vie de ceux qui souhaitent obtenir des dérogations de ce type.
L'amendement n° 1774, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant sa saisine, cet avis est réputé favorable.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Par cet amendement, il s’agit de préciser que, à défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant la saisine, l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI sur les dimanches du maire est réputé favorable.
Une telle disposition répond en partie à notre collègue Roger Karoutchi, qui s’interrogeait sur les conséquences d’une réponse tardive de l’EPCI.
L'amendement n° 618, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les commerces de détail dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, lorsque les jours fériés mentionnés à l’article L. 3133-1, à l’exception du 3°, sont travaillés, ils sont déduits par l’établissement des dimanches désignés par le maire au titre du présent article, dans la limite de trois. » ;
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Tout n’est pas parfait dans le texte de la commission spéciale, et une disposition n’est pas conforme à ce que nous souhaitons. Cet amendement concerne les fameux trois jours fériés.
Nous voulons respecter le travail d’élaboration effectué à l’Assemblée nationale. Il faut obliger les commerces alimentaires ayant une surface de plus de 400 mètres carrés à déduire les jours fériés du nombre des ouvertures dominicales autorisées par le maire.
En effet, la limite proposée de trois jours fériés correspond, si l’on se réfère à la convention collective, au nombre de jours fériés travaillés.
L’ouverture fréquente des grandes surfaces dans des parties de notre territoire où elle n’a aucune justification déstabilise les petits commerces avoisinants, qui souffrent et sont ainsi amenés à disparaître rapidement.
Pour le coup, nous souhaitons restaurer l’équilibre que vous avez rompu, madame la rapporteur, alors que le dispositif élaboré nous convenait. Il s’agit ici de le rétablir.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 912 rectifié est présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau.
L'amendement n° 1236 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le second alinéa est supprimé.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 912 rectifié.
Il s’agit d’un amendement de cohérence. En effet, concernant le repos dominical, il n’y a pas de raison objective de faire une loi d’exception pour Paris. Cet amendement a donc pour objet de permettre au Conseil de Paris de débattre du nombre de jours d’ouverture dominicale efficient pour la Capitale.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 1236.
Cet amendement devrait être adopté sans difficulté par notre assemblée, après tout ce que nous venons d’entendre sur les maires et leur capacité de discernement. Il s’agit en effet de supprimer une exception parisienne, qui réserve au préfet, et non pas au maire, la décision d’ouvrir les commerces le dimanche.
C’est une question à laquelle les Parisiens sont très sensibles, eux qui ont été privés pendant plus d’un siècle d’un maire de plein exercice. Ils n’ont retrouvé une situation normale qu’avec l’élection de Jacques Chirac, puis de Bertrand Delanoë et d’Anne Hidalgo. Bien évidemment, ils tiennent à ce que Paris soit considérée comme une commune de plein exercice, dans laquelle les pouvoirs du maire ne sont pas inférieurs à ce qu’ils sont dans les autres communes.
Je rappelle au passage que le Conseil constitutionnel avait censuré en 2009 le statut particulier prévu pour Paris dans la proposition de loi du député UMP Richard Mallié. Bertrand Delanoë avait, à l’époque, exprimé son désaccord sur un tel statut, en déclarant que Paris serait ainsi la seule commune de France dont les élus ne seraient pas formellement consultés. En quoi sommes-nous des élus locaux moins légitimes que ceux de Bordeaux, Lyon ou Marseille, ajoutait-il ? Après la décision du Conseil constitutionnel, qui lui avait donné raison, il avait déclaré : « Le temps du dimanche, temps de repos respecté pour une majorité de citoyens, ne doit pas être sacrifié à une vision de l’économie déréglementée, qui ne tient pas compte de la vie familiale et personnelle des salariés et du rythme d’une ville. » Cette ligne de conduite reste celle qui anime aujourd'hui la majorité municipale de Paris et son maire.
Nous demandons donc la suppression de cette exception parisienne, qui réserve la décision au préfet et non au maire. Je le répète, compte tenu de tout ce que je viens d’entendre sur le rôle des maires, je vois mal quelles raisons s’opposeraient à un vote de cet amendement par une large majorité de notre assemblée.
La commission est défavorable à l’amendement n° 710, car elle préfère en rester à l’équilibre prévu, à savoir une ouverture, soumise à l’avis de l’EPCI, de douze dimanches par an.
S’agissant de l’amendement n° 713, la commission a également émis un avis défavorable. Si nous souhaitons conserver l’avis de l’EPCI, c’est justement pour éviter que ces ouvertures, au-delà des cinq dimanches existants, de zones commerciales souvent implantées en périphérie de la ville-centre, ne nuisent aux commerces de cette ville. En ce sens, l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est satisfaisant.
Sur l’amendement n° 1235, qui vise à supprimer l’augmentation du nombre de dimanches du maire, la commission a émis un avis défavorable pour les raisons précédemment exposées.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 911 rectifié bis, qui tend à supprimer le plafond des dimanches travaillés, la commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où l’équilibre trouvé des douze dimanches nous semble correspondre à une protection du repos dominical.
L’amendement n° 406 rectifié prévoit que les dimanches du maire sont fixés notamment au regard d’événements particuliers du calendrier. La commission, qui a estimé qu’une telle précision était susceptible de guider les maires dans leur choix, a émis un avis favorable sur cet amendement.
Par l’amendement n° 407 rectifié, il s’agit d’établir la liste des dimanches du maire pour l’année suivante avant le 30 novembre et non avant le 31 décembre. Dans la mesure où les dimanches de janvier peuvent être consacrés aux soldes, comme vous l’avez expliqué, monsieur Dominati, il semble en effet opportun d’avancer d’un mois la date prévue dans le texte. La commission s’en était remise à la sagesse du Sénat. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 618.
Pourquoi suis-je revenue sur le problème des jours fériés ? À l’Assemblée nationale, il avait été précisé que les grandes surfaces alimentaires, lorsqu’elles ouvraient certains jours fériés – c’est de plus en plus fréquent –, déduisaient les trois jours fériés des dimanches auxquels elles pouvaient prétendre par décision du maire.
Il m’a semblé que le texte initial, qui concernait uniquement les grandes surfaces alimentaires, était discriminatoire et très « limite » sur le plan constitutionnel, ce qui faisait planer un gros risque sur cette partie du texte.
Pour pallier cette discrimination, vous étendez la mesure à tous les commerces, quel que soit leur secteur d’activité, en prévoyant que les jours fériés ouverts seront déduits des dimanches du maire.
En la matière, il me semble que l’on mélange – passez-moi l’expression – les choux et les carottes ! Les dimanches du maire sont des jours bien précis, voués à des ouvertures éventuelles, tandis que l’ouverture des commerces les jours fériés relève d’un autre débat. Je le rappelle, les jours fériés, à l’exception du 1er mai, ne sont pas obligatoirement chômés. Tous les commerces, petits ou grands, peuvent ouvrir, sauf s’ils entrent dans le champ des nombreuses conventions collectives prévoyant qu’ils sont chômés.
Dans une commune où un maire n’accorderait que deux ou trois dimanches d’ouverture, la grande surface qui aurait ouvert les trois jours fériés ne pourrait pas ouvrir, par exemple, au moment des fêtes de Noël.
Déduire les jours fériés des dimanches du maire me semble tout à fait incongru et peu cohérent. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 618.
Quant aux amendements identiques n° s 912 rectifié et 1236, ils prévoient de confier au maire de Paris le soin de fixer les dimanches du maire, qui sont aujourd’hui, pour la Capitale, les dimanches du préfet.
Le fonctionnement de la municipalité parisienne se rapproche de manière croissante du droit commun. Pour autant, on connaît les spécificités ou, plutôt, les difficultés parisiennes en matière d’ouverture dominicale des commerces : une demande importante de la population, mais de fortes réticences au sein de la majorité municipale parisienne.
Faut-il faire évoluer la législation en ce sens ? La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 710 vise à instaurer l’ouverture douze dimanches de droit. Le Gouvernement y est défavorable, tout comme il est défavorable à l’amendement n° 713.
Cette intervention me permet de repréciser la philosophie de ce texte.
Nous avons donné la possibilité aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces jusqu’à douze dimanches par an, avec une régulation au-delà des cinq dimanches correspondant au droit existant, afin d’éviter les comportements non coopératifs au sein d’un territoire, en prévoyant l’avis conforme de l’EPCI, qui s’appuiera sur le SCOT.
J’observe cependant que nombre de communes, aujourd’hui, n’atteignent même pas le plafond actuel des cinq dimanches. Je suis donc en profond désaccord avec les affirmations que nous avons entendues : si je suivais le raisonnement tenu, on ne voit pas pourquoi on en serait aujourd’hui à modifier le droit.
Nantes, Rennes, Vannes, Besançon, Albi, Angers, Le Puy-en-Velay, Caen, Poitiers, Metz – je ne cite que les villes les plus importantes, car vous avez invoqué l’argument de la taille –, mais aussi des centaines, voire des milliers de communes plus petites n’ont même pas recours aux cinq dimanches. On voit bien que la fixation d’un plafond ne conduit pas inexorablement toutes les communes à s’aligner. Néanmoins, le plafond de douze dimanches a du sens, puisque, pour nombre de communes, celui des cinq dimanches est trop bas.
Je maintiens cependant qu’accorder douze dimanches de droit partout ne correspond pas à l’esprit du texte du Gouvernement ni, me semble-t-il, à celui du texte de la commission spéciale. Il en va de même de la suppression de la régulation que permet l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI dont la commune est membre.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements n° 710 et 713.
En ce qui concerne l’amendement n° 1235, qui vise à revenir aux cinq dimanches, je viens de rappeler les éléments qui justifient la fixation du plafond à douze dimanches. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’amendement n° 911 rectifié bis vise à porter à cinquante-deux le nombre des dimanches du maire.
S’il y a un besoin réel et objectif, nous avons les moyens de trouver la bonne régulation. En effet, quand une activité économique justifie l’ouverture des commerces tous les dimanches de l’année, les élus peuvent demander la création d’une zone commerciale ou d’une zone touristique ; le préfet en délimitera les contours et les règles que nous avons précédemment définies sur l’accord et les compensations s’appliqueront.
Toute la philosophie de ce texte s’inspire du constat que nous ne vivons pas dans un monde fini. Sinon, nous aurions depuis longtemps décidé collectivement de ne travailler qu’un jour par semaine ! Dans certains endroits, ouvrir les commerces davantage crée de l’activité, dans d’autres, cela n’a pas de justification. C’est la raison pour laquelle certaines communes n’accordent aucun dimanche du maire, d’autres cinq, et d’autres encore exercent une pression pour en accorder douze.
Si l’on demande cinquante-deux dimanches, on se trouve dans le cas d’une zone touristique ou d’une zone commerciale, mais plus dans le droit commun. Ces possibilités sont ouvertes par les articles précédemment discutés, mais pas par celui-ci. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 406 rectifié, mon avis s’inspirera plus de considérations de droit. J’en comprends la motivation, mais l’usage de l’adverbe « notamment » me semble vider la précision de toute portée – je parle sous votre contrôle collectif, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il va de soi que le maire tiendra compte des événements particuliers du calendrier pour désigner les dimanches qui pourront être travaillés, parce que cette décision résulte, en pratique, d’un échange entre la municipalité et les acteurs concernés. S’agissant des dimanches du maire, décisions faisant l’objet de délibérations, ces éléments seront évidemment pris en compte.
À la lumière de ces considérations, je vous demanderai donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, sinon j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 407 rectifié vise à avancer au 30 novembre la date à laquelle la liste des dimanches non travaillés doit être arrêtée, alors que le texte du projet de loi la fixe au 31 décembre.
Si votre objectif est d’informer plus tôt les salariés amenés à travailler les dimanches désignés par le maire, vous avez en partie satisfaction avec le texte actuel du projet de loi, puisque le maire n’est actuellement tenu par aucun délai. Le projet de loi constitue donc un progrès en termes de lisibilité et de prévisibilité pour les employeurs comme pour les salariés. En outre, la date du 31 décembre est plus simple à retenir et permet une meilleure lisibilité. J’émets donc un avis défavorable.
L’avis du Gouvernement est favorable sur l’amendement n° 1774, qui vise à préciser les conditions dans lesquelles est rendu l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI.
L’avis du Gouvernement est également favorable sur l’amendement n° 618 présenté par Mme Bricq.
En revanche, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques n° 912 rectifié et 1236.
En effet, la dérogation au repos dominical relève de l’ordre public social et c’est dans cette logique qu’est confié au maire le pouvoir de désigner les dimanches pour lesquels il peut être dérogé à la règle. Or, à Paris, l’ordre public est confié au préfet de police. Étant donné qu’aucune difficulté particulière n’est invoquée quant au processus de désignation des dimanches d’ouverture des commerces à Paris, le Gouvernement ne voit aucune raison de modifier la disposition en vigueur.
Tout en opposant une objection à mon collègue Roger Karoutchi, je voudrais exprimer mon opinion sur l’ensemble du dispositif.
Au-delà de considérations parfois moins contradictoires que l’on ne pourrait le croire, prévaut l’idée qu’il faut préserver le dimanche. De ce point de vue, la proposition de la commission me paraît effectivement inspirée par la sagesse. À titre personnel, j’en serais plutôt resté aux cinq dimanches du maire, pour des raisons liées à la culture de mon territoire, aux habitudes locales et à des considérations éminemment pratiques.
Quand j’entends dire que tous les maires se précipiteraient vers la possibilité ainsi offerte, j’estime que c’est ne pas prendre en compte la réalité des choses ! Il n’y a pas énormément d’endroits où il sera justifié d’aller au-delà des cinq dimanches, qui ne sont même pas appliqués dans certaines agglomérations et même certains bourgs importants.
Malgré tout, pourquoi ne pas donner la possibilité d’aller jusqu’à douze dimanches ? En ce qui me concerne, je me rallie à cette solution. Simplement, et j’en viens à mon objection à Roger Karoutchi, l’avis conforme de l’organe délibérant de l’EPCI est une condition indispensable.
En effet, sur un territoire où la communauté de communes, la communauté d’agglomération ou la communauté urbaine exerce la compétence économique, il va de soi que cette instance communautaire doit se prononcer pour éviter toute inégalité de traitement. Qui plus est, sur des territoires appelés à s’étendre, puisque les communautés de communes regrouperont à l’avenir beaucoup plus de communes, on risquerait de voir apparaître des abcès de fixation qui nuiraient à la bonne entente entre communes et entraîneraient des dérives, car d’autres communes seraient exposées aux sollicitations de commerçants demandant l’application du même traitement. Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis conforme de l’EPCI est absolument indispensable.
Je me rallie donc bien volontiers à ce dispositif, en félicitant la commission spéciale d’avoir su trouver la bonne mesure.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 911 rectifié bis.
Madame la présidente, j’ai envie de dire « chiche ! » à M. Cadic. En effet, pourquoi ne pas aller vers cinquante-deux dimanches du maire ? Comme je le rappelais dans mon intervention sur l’article, le dimanche du maire est le seul dimanche travaillé où l’on est certain que les salariés obtiennent des contreparties : leur rémunération est doublée et ils ont droit à un repos compensateur. Quitte à ouvrir le dimanche, autant que tous ces dimanches soient des dimanches du maire !
En outre, les dimanches du maire s’appliquent sur l’ensemble du territoire : il n’est plus question de zonage touristique ou commercial, comme l’a rappelé M. le ministre.
Eh bien, chiche ! Si vous voulez ouvrir les commerces le dimanche, adoptons cette disposition généralisant le dimanche du maire sur tout le territoire. Les salariés, pour le coup, y trouveront un intérêt, parce qu’ils seront sûrs d’obtenir une véritable compensation, celle que vous n’avez pas voulu inscrire dans le texte du présent projet de loi, monsieur le ministre, pour les ouvertures dominicales dans les zones touristiques ou les zones commerciales.
Chiche ! Adoptons l’amendement de M. Cadic !
Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.
Mme le rapporteur m’a demandé de retirer mon amendement, justifiant sa position par la volonté de protéger le repos dominical.
Je voudrais tout d’abord rappeler que ma proposition n’était inspirée par aucun dogmatisme en limitant à cinquante-deux les dimanches du maire, puisque l’année 2017 comptera cinquante-trois dimanches : vous voyez que l’on pouvait aller encore plus loin !
Rires.
Les magasins de bricolage sont ouverts tous les dimanches : on peut donc s’acheter des faucilles et des marteaux tous les dimanches, ce n’est pas pour autant que l’on ne protège pas le repos dominical !
Mêmes mouvements.
Imaginez une boutique de luxe, pour plaire à Mme Bricq, qui soutient cette industrie : le commerçant paie un loyer sur trente et un jours, dimanche compris ; les salariés veulent travailler le dimanche et peuvent être payés double et leur patron est d’accord ; les clients veulent soutenir cette industrie du luxe et veulent entrer dans la boutique pour faire des achats ; le maire veut permettre l’ouverture du dimanche. Et nous, nous allons leur refuser ce droit ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre approche positive, mais permettez-moi de vous demander si, pour avoir la liberté, il faut vraiment obtenir une autorisation. Ne pourrait-on pas envisager une autre organisation où seules les activités prohibées pourraient faire l’objet d’une interdiction, au lieu d’obliger les citoyens à solliciter sans cesse des autorisations ?
Un révolutionnaire anarchiste russe, Mikhaïl Bakounine, …
M. Olivier Cadic. … considérait que « la liberté est indivisible : on ne peut en retrancher une partie sans la tuer tout entière ».
Protestations sur les travées du groupe CRC.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 618.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 166 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 912 rectifié et 1236.
Mme Deroche a évoqué, pour solliciter l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 618, un problème spécifique à Paris, où la population exprimerait une forte demande d’ouverture des magasins le dimanche, tandis que les élus y seraient extrêmement réticents.
Je signale tout de même que les élections municipales ne sont pas si anciennes. Elles ont eu lieu l’an dernier, à Paris comme dans toutes les autres communes de France. Or ce sujet de l’ouverture des magasins le dimanche figurait en toutes lettres dans les programmes des candidats.
Par conséquent, c’est en connaissance de cause que les Parisiens ont voté pour des élus qui s’opposaient à l’extension du travail le dimanche. On ne peut donc pas évoquer un décalage entre la population et les élus sur ce point. Le programme des candidats de l’actuelle majorité municipale comportait, entre autres, cette disposition et les électeurs parisiens ont choisi de voter pour eux plutôt que pour la droite !
Nous avions en effet sollicité l’avis du Gouvernement pour savoir s’il fallait faire évoluer la législation et revenir sur cette distinction entre une ouverture des magasins le dimanche entérinée par le préfet après avis du maire et une liberté laissée au maire. La réponse de M. le ministre a été claire. Il a confirmé que les dérogations au repos dominical, qui relèvent de l’ordre public social, sont de la compétence du préfet de police de Paris. La situation ne pose, a-t-il dit, aucune difficulté. Pour ma part, je suivrai l’avis du ministre sur ce point.
Je voulais m’excuser auprès du ministre. Je lui ai demandé ce matin si le Gouvernement avait l’intention de revenir sur le nombre d’ouvertures dominicales qui pouvaient être autorisées par les maires. Je lui ai rappelé le texte cosigné par M. Valls et Mme Aubry réaffirmant qu’il fallait s’opposer à l’extension du travail le dimanche. Je m’attendais à ce que le Gouvernement retire cette disposition du projet de loi. Je constate que tel n’est pas le cas et je le regrette.
J’en viens à l’amendement n° 618. Selon moi, il n’y a pas lieu de traiter Paris différemment des autres municipalités sur cette question du travail du dimanche. J’approuve l’amendement déposé par mes collègues du groupe CRC visant à restaurer la compétence de la municipalité de Paris pour décider de plein droit de ces ouvertures dominicales à la place du préfet de police.
La situation actuelle me paraît être une rémanence d’un vieux jacobinisme qui visait à tenir Paris à l’écart du souffle de la décentralisation.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 80 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 405 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, Guené et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. Charon et Chasseing, Mme Deromedi et M. Duvernois.
L'amendement n° 635 est présenté par Mmes S. Robert, Blondin et Cartron.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commerces de détail de biens culturels peuvent déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos par roulement. »
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 405 rectifié.
Cet amendement a pour objet de permettre l’ouverture dominicale des librairies et commerces culturels. Ces derniers ont en effet tout intérêt à profiter, à l’instar des magasins de bricolage, de l’ouverture le dimanche.
Voilà une activité qui est directement concernée, puisqu’elle est du domaine du loisir et est pratiquée particulièrement le week-end en famille par ceux qui le souhaitent.
Or, mon collègue Roger Karoutchi ayant mentionné le développement du commerce électronique, je dois dire que ce secteur est fortement touché par les ventes sur internet, qui représentent aujourd'hui entre 30 et 40 % du chiffre d’affaires, notamment le dimanche.
Peut-être avez-vous été sollicités par une grande enseigne spécialisée – je parle de la Fnac – qui a 110 magasins sur l’ensemble du territoire. Une vingtaine d’entre eux ouvrent le dimanche. On s’aperçoit que cette disposition est vitale pour cette entreprise. Je cite volontairement ce cas particulier, comme je l’ai fait précédemment au sujet d’une autre enseigne implantée dans un quartier bien connu de la Capitale, parce que c’est un exemple extrêmement concret.
Voilà une entreprise qui retrouve l’équilibre après une période économique relativement difficile. Elle exerce dans un secteur concurrencé par le commerce sur internet, lequel est notamment pratiqué par des firmes dont le siège social est bien souvent situé en dehors du territoire national.
Cet amendement vise à aligner sur le régime des magasins de bricolage celui d’un secteur qui, par rapport aux autres activités de loisirs, présente l’avantage – ceux qui s’intéressent à la famille devraient y être sensibles – d’associer également les enfants.
L’amendement n° 635 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 405 rectifié ?
La commission avait demandé le retrait de cet amendement. Ce qui avait été prôné par le rapport Bailly et par les promoteurs du projet de loi, c’était de cesser de multiplier les dérogations sectorielles au repos dominical. Accordées, par exemple, pour le bricolage et l’ameublement, elles donnaient lieu à beaucoup de porosité, les magasins de bricolage vendant également, entre autres, de l’électroménager…
Bref, la commission était encline à approuver la suppression des dérogations sectorielles.
Néanmoins, j’entends très bien notre collègue Philippe Dominati quand il nous alerte sur le sort de ces commerces culturels qui sont soumis à une forte concurrence sur internet. Ce sont des magasins bien particuliers où l’activité culturelle prend parfois la forme de conférences, à l’occasion de la sortie de livres, par exemple.
Je soutiens sincèrement cet amendement. Les cinémas, les théâtres et les salles de concert sont ouverts et seul le livre serait oublié, alors que ce secteur est par définition celui qui est le plus concurrencé par internet. Il faut élargir notre vision en la matière et admettre que les familles peuvent aussi vouloir acheter un livre pour leurs enfants ou assister à des conférences dans ces enseignes culturelles.
Trois de nos collègues socialistes avaient déposé le même amendement. Mme Robert, à laquelle a été confiée une mission concernant les biens culturels, n’a malheureusement pas pu être parmi nous ce soir.
Pour ma part, je voterai cet amendement parce que je ne vois pas pourquoi on autoriserait l’ouverture de magasins de bricolage et d’ameublement et pourquoi on interdirait l’ouverture d’enseignes qui sont des lieux culturels au sens propre du terme et qui sont un espace de réunion pour les familles.
Il n’est que d’aller dans ces magasins le samedi : ils sont bondés... À mon avis, il y a de l’espace pour le dimanche !
Je sais que la logique du texte est de clarifier et de faire des zonages, mais le livre, le disque et tous les produits culturels valent bien le meuble et le bricolage ! Les nourritures terrestres peuvent aussi être immatérielles !
Cela ne vous surprendra pas, je soutiendrai l’amendement de Philippe Dominati.
À l’heure d’internet, quand on peut, le dimanche, télécharger des livres, des logiciels et de la musique, pourquoi ne serait-il pas possible de se procurer physiquement, le même jour, ces produits en magasin ?
Je souhaite, tout, d’abord obtenir une précision sur la notion de commerce de détail.
Je suppose, monsieur Dominati, que vous entendez par ces mots les librairies de quartier. Or nombre de magasins vendent aussi, à la fois, des livres, des vêtements et des légumes, sans qu’il y ait de véritable séparation entre ces différents types d’articles. Visez-vous aussi ces magasins par l’expression « commerce de détail » ? Cela poserait un problème. En effet, puisqu’ils vendent des livres, ces magasins souhaiteront également ouvrir leurs portes le dimanche. On met donc le doigt dans un engrenage compliqué.
Vous dites, monsieur Karoutchi, que l’on va bien au cinéma et au théâtre le dimanche. Mais on profite de ces spectacles en direct : on ne peut pas aller au théâtre le samedi et voir la pièce le dimanche ! Un livre, en revanche, on peut l’acheter le samedi et le lire le lendemain.
Il y a donc une différence entre un achat que l’on peut effectuer n’importe quel jour de la semaine et un spectacle auquel on assiste en direct.
Lorsque vous plaidez pour l’ouverture des librairies durant le Salon du livre, par exemple, votre argument me semble intéressant. Or la question qui se pose en l’occurrence est celle de l’ouverture des magasins qui vendent des produits autres que des livres, ce qui se rencontre de plus en plus fréquemment.
Si l’on entend par commerces de détail les librairies de quartier, il n’y a pas de problème. S’il s’agit, en revanche, de l’ensemble des magasins qui vendent des livres, il n’en va pas de même, car nombre de commerces décideront de mettre en vente ne serait-ce qu’une dizaine de livres pour pouvoir ouvrir le dimanche.
On prend les exemples des cinémas et des théâtres. Or ces établissements sont encadrés par les dispositions du code du travail et les salariés qui y travaillent bénéficient de compensations.
Si l’on autorise, demain, l’ouverture de ces magasins le dimanche, quelles seront les compensations ?
Les théâtres et les cinémas devront-ils s’aligner sur les dispositions du présent projet de loi ? Il faudrait alors tout renégocier, et sans doute tout revoir à la baisse !
Les exemples que vous avez pris ne sont pas convaincants, car ils portent sur des secteurs d’ores et déjà encadrés.
Si votre amendement, monsieur Dominati, vise à accorder les compensations prévues par le code du travail aux salariés qui travaillent dans ces commerces que vous qualifiez de « culturels » où l’on peut acheter des livres, entre autres, nous sommes d’accord. Si tel n’est pas le cas, nous ne pourrons pas vous suivre.
On sait bien que cet amendement, en vérité, ne tend pas à aller vers le haut.
Par ailleurs, je partage le point de vue de Jean Desessard : les théâtres et les cinémas proposent des spectacles du moment présent, tandis que l’on peut acheter des livres ou de la musique n’importe quel jour de la semaine et en profiter le dimanche. On n’est pas obligé d’en faire l’acquisition ce jour-là !
Depuis le début de cette discussion, mes chers collègues, la question qui se pose est celle de la société dont nous voulons.
Faut-il faire commerce de tout ? Ne peut-on soustraire un seul moment de la vie à la frénésie de la consommation ? Est-ce cela, la vie d’aujourd’hui ? Non ! Nous ne sommes pas obligés d’être des consommateurs à tout prix et à tout crin.
À l’heure actuelle, nombreux sont ceux qui peuvent encore consommer dans ce pays. Si tel n’était pas le cas, cela se saurait ! Inciter encore, et toujours plus, à l’ouverture des commerces le dimanche revient à proposer un autre modèle de société pour la France. Cela vous engage, ainsi que votre formation.
Pour notre part, nous ne vous suivrons pas, car ces propositions portent atteinte à la société dans laquelle nous vivons.
Rassurez-moi, mes chers collègues : les touristes du monde entier viennent-ils en France seulement pour consommer ce qu’ils peuvent acheter à Londres, à Barcelone ou ailleurs ? Non ! Ils viennent aussi dans notre pays pour voir Paris ou pour admirer nos belles montagnes... Car, vous savez, il y a de très beaux endroits en dehors de Paris !
Les touristes ne viennent pas chez nous uniquement pour faire, le dimanche, des achats de livres, de disques, ou que sais-je encore... Croyez-vous que les Japonais ou les Chinois seront nombreux à venir acheter un canapé, une télévision ou une voiture dans nos magasins ce jour-là ?
Sourires.
À un moment donné, il faut stopper l’hémorragie et éviter toute exagération dans les ouvertures dominicales. De notre point de vue, les dispositions en vigueur sont largement suffisantes.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 80.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 815 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, Mmes Morin-Desailly, Gatel et Loisier, MM. Pozzo di Borgo, Cigolotti, Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 3132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-… – L'exploitation d'un commerce par des cogérants le dimanche implique le dépôt chaque année d'un formulaire attestant du niveau d'indépendance et de responsabilité de chaque gérant dans l'exploitation du commerce à l'autorité administrative compétente du chef-lieu du département où le cogérant exerce son activité. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Il ne s’agit pas ici de faire de la théorie, mais de fixer un cadre et des limites. Sur l’intérêt d’ouvrir les commerces le dimanche, nos visions de la société s’affrontent. Mais, concrètement, ce sont des centaines, voire des milliers de magasins qui contournent la loi. Il est bien de fixer des règles, mais encore faut-il que celles-ci soient respectées ! Lorsque tel n’est pas le cas, règne alors la plus grande injustice : ceux qui ne respectent pas les règles ne réalisent pas un chiffre d’affaires supplémentaire, ils le prennent à ceux qui les respectent. En effet, sur un certain nombre de produits, la demande n’est pas extensible et le marché est contraint. Pour ce qui concerne la literie, par exemple, ce n’est pas en ouvrant davantage les magasins que l’on élargira le marché.
Le commerçant qui ouvre les portes de son magasin illégalement « prend » du chiffre d’affaires à son concurrent qui, lui, respecte la loi. Cette violation des règles est répréhensible au regard de la loi, mais également au titre de la concurrence déloyale. Si nous ne prenons pas des mesures pour mieux faire respecter la loi, cette situation perdurera.
Parmi les commerces qui ouvrent le dimanche, en dehors des secteurs bénéficiant de dérogations, une part significative est exploitée par des gérants ou cogérants réellement statutaires. L’exploitation du magasin est confiée à une personne morale et, si seuls les gérants de cette personne morale travaillent le dimanche, il est possible d’ouvrir ce jour-là.
Or, compte tenu du nombre significatif de contournements de la réglementation du travail dominical par ce biais et des pouvoirs territoriaux limités des inspecteurs du travail – les sièges sociaux de ces commerces, qui appartiennent souvent à des chaînes de magasins, sont en effet rarement situés sur le territoire relevant de la compétence de l’inspecteur amené à effectuer des contrôles –, il est souhaitable de demander à chaque gérant de déposer une fois par an auprès de l’autorité administrative compétente du chef-lieu du département où il exerce son activité un document, purement déclaratif, attestant son niveau d’indépendance et de responsabilité dans l’exploitation de son commerce.
Il faut savoir que ces commerçants qui ne respectent pas la loi « tournent » sur le territoire. On peut ainsi les trouver un jour dans un département, et deux mois plus tard dans un autre situé à 300 kilomètres. L’inspection du travail rencontre donc de grandes difficultés pour sanctionner ces contournements de la loi. Il s’agit en effet de véritables organisations. Je ne citerai pas de marques, mais je peux dire que les magasins en question, qui sont en général d’entrée de gamme, réalisent un très bon chiffre d’affaires tous les dimanches !
L’amendement n° 1239 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-... – L’exploitation d’un commerce par des cogérants le dimanche implique le dépôt chaque année d’un formulaire attestant du niveau d’indépendance et de responsabilité de chaque gérant dans l’exploitation du commerce à l’autorité administrative compétente. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement va dans le même sens que celui de M. Gabouty, dont je fais miens les arguments. Comme quoi, tout peut arriver !
Sourires.
Les auteurs de ces amendements souhaitent que les cogérants qui tiennent un commerce le dimanche remettent chaque année à l’administration un formulaire attestant leur indépendance et leur niveau de responsabilité.
Outre la complexité de cette procédure, qui constituerait un obstacle à l’ouverture dominicale des commerces, les cogérants ou « gérants mandataires », comme les qualifie le code de commerce, sont déjà immatriculés au registre du commerce et des sociétés. Leur contrat fait l’objet d’une publication dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. Une information transparente à leur sujet est déjà disponible.
Qui plus est, lorsqu’il est saisi d’un contentieux à leur sujet, le juge peut requalifier en contrat de travail cette relation de cogérance s’il identifie les signes d’un lien de subordination avec l’entreprise.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, mais peut-être M. le ministre pourra-t-il, en l’absence du ministre du travail, nous apporter des précisions sur les actions menées par l’inspection du travail contre la cogérance fictive.
Le sujet est ici celui de la fausse cogérance ou du salariat déguisé, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement. Cette pratique vise à contourner en particulier la réglementation relative au repos dominical.
La solution proposée par les auteurs des amendements consiste à imposer des règles additionnelles de dépôt, en particulier l’obligation de déposer une attestation en préfecture. Cette solution me paraît disproportionnée et contrevient à un objectif plusieurs fois souligné du présent texte, qui est plutôt de simplification.
Le véritable problème est bien davantage le contrôle effectif, surtout le jour dit, des sociétés qui se livrent à cette pratique.
Par ailleurs, l’obligation prévue s’appliquerait à tous les commerçants indépendants, à leurs conjoints et à leurs cogérants, alors même que ce phénomène ne peut être qualifié de « généralisé ».
Mieux vaudrait renforcer le contrôle plutôt que de créer une obligation de déclaration ab initio qui vaudrait pour tous et pèserait sur des professionnels absolument pas concernés par ladite mesure.
Il n’est donc pas souhaitable de créer une nouvelle démarche obligatoire pour ces entreprises. L’inspection du travail, lors de ses contrôles, veille au respect de cet aspect de la réglementation et obtient des condamnations lorsque les faits sont avérés. François Rebsamen a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Il a également décidé de mettre en place un plan de mobilisation de l’inspection du travail, afin que celle-ci puisse orienter ses missions en ce sens.
Ce problème est réel et important, et nous en reparlerons à propos du recours illégal aux travailleurs détachés. Sa résolution passe, je le répète, par un plan de mobilisation de l’inspection du travail et par l’accroissement des sanctions en cas de non-respect de la loi plutôt que par une obligation déclarative ab initio, laquelle pèsera principalement sur celles et ceux qui, aujourd’hui, se conforment à la loi. En outre, une telle mesure ne permettrait que marginalement de mieux couvrir les situations décrites par les auteurs des amendements.
Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Monsieur le ministre, cette situation dure depuis des années, voire des décennies. C’est un problème de territorialité : si un inspecteur du travail qui se présente dans un magasin demande un extrait du Kbis pour vérifier, carte d’identité à l’appui, que celui qui se prévaut de la qualité de gérant est bien celui dont le nom figure sur ce document, il n’a guère le pouvoir de faire plus, sauf à se lancer dans une procédure assez lourde. Il faut donc trouver les moyens de faciliter les contrôles.
Certes, votre objectif, comme le nôtre, est de ne pas ajouter de la complexité ; c’est la raison pour laquelle la forme déclarative a été retenue. De ce point de vue, ma démarche ne va pas, il est vrai, dans le sens de la simplification administrative, mais il me semble nécessaire de trouver des solutions.
Je suis plutôt favorable aux mesures relatives au travail dominical qui ont été décidées. Cependant, ceux qui contournent la législation en vigueur, au risque de susciter une concurrence déloyale, grave et dissuasive, doivent être sanctionnés. Il faut savoir qu’ils agissent de façon délibérée et organisée, et qu’il n’est pas ici question d’une simple inadvertance.
J’accepte de retirer cet amendement, puisque le dispositif qu’il vise à mettre en place ne sera pas opérationnel. J’évoquerai un autre cas de figure similaire lorsque nous examinerons l'amendement n° 814 rectifié ter.
L'amendement n° 815 rectifié ter est retiré.
Madame David, l'amendement n° 1239 rectifié est-il maintenu ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 816 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, Mmes Morin-Desailly, Gatel et Loisier, MM. Cigolotti, Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 3132-31 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les commerces exploités en cogérance, le juge judiciaire s'appuie sur les preuves produites par l’inspecteur du travail en cas de cogérance fictive. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Il s’agit d’un amendement de conséquence, qui n’a désormais plus d’objet. C’est pourquoi je le retire, madame la présidente.
L'amendement n° 816 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1238 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au chapitre V du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail, il est inséré un article L. 3135-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3135 -1. – Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, la même contravention, le maximum de la peine d’amende encourue est porté à 20 000 euros.
« Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu’une personne morale, déjà condamnée définitivement pour une amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, par la même contravention, le taux maximum de l’amende applicable est égal à dix fois celui qui est prévu par le règlement qui réprime cette contravention en ce qui concerne les personnes physiques. »
La parole est à Mme Annie David.
Si tant est que cette partie du texte ait pour objectif de sécuriser et de normaliser les dérogations possibles au principe du repos dominical, il importe de déterminer, autant que faire se peut, les sanctions éventuellement prises à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les règles fixées.
Tenons-nous-en à l’épreuve des faits : sauf pour ceux qui ne vivent pas tout à fait dans le monde réel, il suffit de regarder les motifs qui conduisent un certain nombre d’employeurs devant les tribunaux des prud’hommes pour constater que les litiges viennent assez souvent de ces « accommodements » avec la loi.
Que l’on en juge : le tribunal des prud’hommes d’Aix-en-Provence enregistre, en affaires nouvelles, 45 % de dossiers venus du secteur du commerce. Dans celui d’Arles, le commerce apporte, si l’on peut dire, 46 % des nouvelles affaires. Le même taux est atteint à Bobigny, où l’on enregistre pratiquement dix affaires nouvelles par jour ouvré !
Le tribunal des prud’hommes de Paris n’est pas en reste, avec plus de 37 % de nouvelles affaires issues des activités commerciales, alors même que l’emploi parisien est assez nettement dominé par les postes d’encadrement et la grande diversité des activités de services.
Horaires de travail à rallonge, tenue à disposition des salariés à n’importe quelle heure ou presque de la journée ou n’importe quel jour de la semaine, absence de prise en compte des heures supplémentaires ou des heures complémentaires, forte rotation des effectifs : le secteur du commerce est, dans bien des cas, celui de tous les abus. Dans les petites structures, c’est la loi de l’arbitraire patronal, qui oscille entre paternalisme et autoritarisme.
Dans les plus grandes enseignes prévaut la loi de la productivité à tout crin, des horaires de travail imposés à flux tendu, des contrats à temps partiel subi avec toutes leurs conséquences sur la vie quotidienne des salariés et de leurs familles.
Pénaliser fortement ces pratiques de management d’un autre âge est donc une nécessité.
Nous sommes d’accord avec Jean-Marc Gabouty : il faut faire respecter la loi. Aujourd’hui, les abus sont trop nombreux. En revanche, nous n’y voyons pas les mêmes causes.
L'amendement n° 814 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Vanlerenberghe et Cigolotti, Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du chapitre V du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un article L. 3134-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 3134–16. – Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet, dans le délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, la même contravention, le maximum de la peine d'amende encourue est porté à 7 500 euros.
« Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu'une personne morale, déjà condamnée définitivement pour une amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, par la même contravention, le taux maximum de l'amende applicable est porté à 37 500 euros. »
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Il s’agit là d’un cas de figure différent de celui que j’ai évoqué précédemment et pour lequel on pourrait prévoir une autre solution.
Dans la mesure où certains gérants de magasin, par ailleurs parfaitement en règle, préfèrent ouvrir le dimanche et payer une amende plutôt que de respecter les textes en vigueur, il convient d’augmenter le montant de l'amende pour ceux qui ne respectent pas la loi.
Et, s’il faut faire preuve de compréhension à l’égard de ceux qui commettent cette infraction par inadvertance – c’est rare, mais cela peut toujours arriver–, en revanche, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet dans le délai d’un an, à compter de l’expiration de la prescription de la précédente peine, la même infraction à la législation sur le repos dominical, le maximum de la peine d’amende encourue est porté à 7 500 euros. Pour une personne morale, le taux maximum de l’amende applicable en cas de récidive est porté à 37 500 euros.
Ces deux amendements tendent à augmenter, en cas de récidive, l’amende sanctionnant les infractions à la réglementation relative au repos dominical.
En l’état actuel du droit, toute infraction aux règles relatives au repos dominical est punie d’une contravention de la cinquième classe, soit 1 500 euros maximum par salarié illégalement employé ou 7 500 euros pour une personne morale. En cas de récidive, ce montant est porté à 3 000 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale.
Aujourd’hui, les montants de ces sanctions sont fixés au niveau réglementaire. Faut-il les inscrire dans la loi, alors qu’il ne s’agit que de plafonds théoriques ? Je précise que les amendes prononcées à Paris par le tribunal sur la base des procès-verbaux dressés par l’inspection du travail en 2012 et 2013 ont atteint un montant maximal de 4 500 euros par salarié illégalement employé le dimanche pour une personne morale et de 1 500 euros pour une personne physique.
C’est surtout la question des moyens de l’inspection du travail pour mener des contrôles qui se pose. M. le ministre pourrait y apporter réponse. La commission spéciale a souhaité se pencher sur les moyens à octroyer à l’inspection du travail plutôt que sur le montant des amendes.
En outre, l’amendement n° 1238 rectifié soulève des difficultés en matière de droit pénal. Fixer une amende à 20 000 euros fait sortir l’infraction du champ contraventionnel pour la faire entrer dans le champ délictuel, avec des règles de procédure et de preuve plus lourdes.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1238 rectifié et souhaite le retrait de l’amendement n° 814 rectifié ter.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
(Supprimé)
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1237, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 3132-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 50 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
L’Assemblée nationale est à l’origine de cet article qui impose aux grandes surfaces alimentaires de majorer de 30 % la rémunération des salariés privés du repos dominical, dans le but de protéger le petit commerce alimentaire face à la concurrence des grandes surfaces, perçue comme déloyale.
Arguant du fait que cela ne lui semblait pas constituer une mesure de protection efficace des petits commerçants, la commission spéciale a supprimé l’article.
La réalité est pourtant bien là. D’après les chiffres de l’INSEE, les grandes surfaces se sont développées à un rythme accru durant ces dernières années, au détriment des petits commerces d’alimentation générale, des supérettes et des commerces de l’alimentation spécialisée et de l’artisanat.
Nous connaissons tous dans nos territoires des boulangeries, boucheries, primeurs qui ont vu leur chiffre d’affaires baisser considérablement depuis l’ouverture d’un supermarché en centre-ville ou à proximité, que celui-ci soit ouvert ou non le dimanche.
L’extension des zones commerciales prévues dans ce projet de loi ne va certes pas dans le sens de l’égalité des chances, en particulier dans les territoires ruraux.
Il y a là un enjeu territorial que l’on ne peut ignorer : il y va de la préservation du petit commerce local, qui nous intéresse toutes et tous dans cet hémicycle.
Nous avons souhaité rétablir le texte de l’Assemblée nationale en y apportant toutefois une modification. Ainsi, nous proposons une majoration de 50 % de la rémunération des salariés.
Cette position répond à un double objectif. En premier lieu, il s’agit de maintenir un tissu commercial de proximité dans nos villes et dans nos territoires en réduisant l’effet de la concurrence. En second lieu, il convient d’apporter les garanties sociales et salariales aux salariés privés du repos dominical des supermarchés et des hypermarchés qui ouvrent actuellement cinquante-deux dimanches par an jusqu’à 13 heures, comme le leur permet la loi Mallié. Ces établissements n’en ont pas l’obligation, mais ils agissent généralement sans grande considération pour les personnels, majoritairement des femmes, qui se voient confrontés à la difficulté de faire coïncider leur vie professionnelle et leur vie familiale.
Les salariées du DIA de Chambéry en ont fait la douloureuse expérience, mais elles ne sont pas les seules. Nous connaissons tous des cas similaires.
Nous considérons que les salariés qui ne bénéficient que d’un repos compensateur doivent pouvoir bénéficier d’une compensation salariale, en juste contrepartie de l’obligation qui leur est faite.
L'amendement n° 619, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 3132-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 30 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
C’est le même esprit qui préside et nous avons le même objectif. Cet amendement a un caractère social, puisqu’il vise à prévoir une compensation salariale d’au moins 30 % pour les salariés des grandes surfaces alimentaires ouvertes tous les dimanches jusqu’à 13 heures. Il est vrai que les salariés de ces établissements sont, pour l’essentiel, des femmes. C’est aussi cet élément qui nous a conduits à rétablir le texte de l’Assemblée nationale.
La commission spéciale a supprimé l’article 80 bis A introduit par l’Assemblée nationale. Même si nous comprenons la volonté de protéger les commerces alimentaires de petite taille souvent présents en centre-ville de la concurrence des grandes surfaces, il nous a semblé opportun de conserver le régime des commerces alimentaires en vigueur. Pourquoi d’ailleurs ne protéger que le petit commerce alimentaire ?
Qui plus est, il ne s’agit que d’une mesure d’affichage. En effet, la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 prévoit que les salariés travaillant habituellement le dimanche et ne bénéficiant pas d’un jour et demi de repos consécutif dans la semaine voient leur salaire horaire de base majoré de 20 % pour les heures travaillées ce jour-là.
Ce secteur crée des emplois et il n’y a pas forcément de distorsions de concurrence avec d’autres commerces. On le constate dans les zones touristiques : des surfaces alimentaires de grande taille ouvrent le dimanche et répondent aux besoins locaux, à l’instar des commerces de centre-ville. Et les deux trouvent leur place, notamment dans certaines zones touristiques.
Par conséquent, il a paru convenable de s’en tenir à la convention nationale collective. Par ailleurs, la commission spéciale a pris le parti de ne pas fixer de contreparties dans la loi. Adopter ces amendements reviendrait à déroger à ce principe.
Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’article 80 bis A introduit par l’Assemblée nationale ne vise que le cas spécifique des commerces alimentaires, dont il ne s’agit pas de modifier les règles d’ouverture, puisqu’ils sont actuellement ouverts tous les dimanches jusqu’à 13 heures, sans aucune compensation.
Il apparaît légitime d’imposer une forme de compensation pour les salariés travaillant le dimanche dans les plus grands magasins d’alimentation, c’est-à-dire ceux dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés. En effet, limiter l’obligation de compensation aux commerces alimentaires d’une surface de plus de 400 mètres carrés permet d’éviter tout nouveau débat sur la nature de la compensation, puisque ces grandes surfaces sont en mesure d’offrir ces compensations. Nous sommes donc dans une situation différente de celle dont il était question auparavant, dans la mesure où les acteurs sélectionnés sont à même de financer des contreparties.
Par conséquent, tous les débats sur le point de savoir si la loi peut fixer le niveau de la compensation ou non, si un tel niveau de compensation est soutenable selon les différents secteurs et selon les différentes tailles d’entreprise, n’ont pas lieu d’être ici.
Le Gouvernement vous avait alors proposé, et cela a été validé par vos votes successifs, de renvoyer à des accords collectifs.
Cependant, la situation est différente en ce qui concerne les commerces alimentaires, dans la mesure où il est question uniquement de l’ouverture cinquante-deux dimanches jusqu’à 13 heures, et que l’on se situe dans un secteur économique homogène avec des acteurs ayant une surface économique supérieure à 400 mètres carrés. Dans ce cas spécifique, il apparaît, en effet, souhaitable de fixer dans la loi un seuil de compensation.
Les deux amendements proposés vont tous les deux dans ce sens. Néanmoins, pour les raisons qui ont été évoquées dans son exposé des motifs par Mme Nicole Bricq, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 1237 au profit de l’amendement n° 619.
Une fois n’est pas coutume, nous allons retirer notre amendement au profit de celui qu’ont présenté nos collègues du groupe socialiste.
Néanmoins, l’amendement n° 619 est moins ambitieux que le nôtre, dans la mesure où il propose une majoration d’au moins 30 %, alors que nous souhaitions une majoration d’au moins 50 %.
Il nous avait semblé plus simple, et surtout plus juste, puisqu’il est question depuis le début des débats, en tout cas de votre part, monsieur le ministre, d’introduire de la justice et de la simplification à travers ce projet de loi, de prévoir pour les salariés des commerces de détail dans l’alimentaire une majoration d’au moins 50 % identique à celle des autres salariés qui travaillent le dimanche.
Mais, soit, je retire l’amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 1237 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 619.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 167 :
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 80 bis A demeure supprimé.
(Non modifié)
Après l’article L. 3132-26 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -26 -1. – Lorsque le repos dominical a été supprimé le jour d’un scrutin national ou local, l’employeur prend toute mesure nécessaire pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur droit de vote. » –
Adopté.
(Non modifié)
Après l’article L. 3132-27 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-27-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132 -27 -1. – Le premier alinéa de l’article L. 3132-25-4 est applicable aux salariés privés du repos dominical en application de l’article L. 3132-26. » –
Adopté.
Après l’article L. 3122-29 du code du travail, il est inséré un article L. 3122-29-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3122 -29 -1. – I. – Par dérogation à l’article L. 3122-29, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, le début de la période de travail de nuit peut être reporté jusqu’à 24 heures. Lorsqu’il est fixé au-delà de 22 heures, la période de nuit s’achève à 7 heures.
« II. – La faculté d’employer des salariés entre 21 heures et 24 heures est applicable aux établissements situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24 lorsqu’ils sont couverts par un accord collectif de branche, d’entreprise, d’établissement ou territorial prévoyant cette faculté. Chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps.
« L’accord collectif mentionné au premier alinéa du présent II prévoit notamment, au bénéfice des salariés employés entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit :
« 1° La mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur qui permet au salarié de regagner son lieu de résidence ;
« 2° Les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés et, en particulier, les mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants ;
« 3° La fixation des conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés et, en particulier, de leur changement d’avis. Pour les salariées mentionnées à l’article L. 1225-9, le choix de ne plus travailler entre 21 heures et le début de la période de nuit est d’effet immédiat.
« III. – Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et 24 heures. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« IV. –
Supprimé
« V. – Les articles L. 3122-37, L. 3122-38 et L. 3122-42 à L. 3122-45 sont applicables aux salariés qui travaillent entre 21 heures et 24 heures, dès lors qu’ils accomplissent sur cette période le nombre minimal d’heures de travail prévu à l’article L. 3122-31.
« Lorsque, au cours d’une même période de référence, le salarié a accompli des heures de travail en soirée en application de l’article L. 3122-29-1 et des heures de travail de nuit en application de l’article L. 3122-31, les heures sont cumulées pour l’application du premier alinéa du présent V et de l’article L. 3122-31. »
En parfaite cohérence avec le reste du texte, la partie consacrée au travail vise à casser la réglementation existante et les droits de salariés. Cela est particulièrement vrai pour l’article 81, aussi appelé « article Sephora », qui permet l’ouverture des magasins jusqu’à minuit dans les ZTI.
Cela a été dit mais je le rappelle, pendant de nombreux mois, l’enseigne Sephora a lutté pied à pied avec l’administration pour parvenir à ouvrir son magasin sur les Champs-Élysées après 21 heures.
Attaquée devant les tribunaux il y a deux ans par l’intersyndicale du commerce de Paris, Sephora avait multiplié les procédures judiciaires. Le 23 septembre 2013, la cour d’appel de Paris a interdit l’ouverture nocturne des magasins des Champs-Élysées et du XIIIe arrondissement de Paris et ordonné à la direction de cesser d’employer des salariés dans ces deux magasins entre 21 heures et 6 heures du matin. Le 26 septembre dernier, la Cour de cassation a confirmé cette interdiction. Elle a estimé, en se référant au code du travail, que « le recours au travail nocturne n’était pas inhérent à l’activité du parfumeur. Le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal au sein d’une entreprise ».
Ainsi, en inscrivant cet article dans la loi, vous décidez, monsieur le ministre, de donner tort à la justice et aux salariés, pour satisfaire aux exigences du PDG de Sephora, filiale du groupe LVMH, qui, rappelons-le, a affiché en 2014 un résultat net de 5, 7 milliards d’euros, soit une hausse de 64 % ! La crise ne frappe pas tout le monde…
Une fois voté, l’article 81 permettra au magasin Sephora des Champs-Élysées d’ouvrir, en toute légalité cette fois-ci, jusqu’à minuit. Ce sera également possible pour tous les magasins situés dans ces fameuses ZTI.
Monsieur le ministre, si notre droit l’interdit, c’est bien que le travail de nuit est dangereux. Laissez-moi vous lire un court extrait d’un rapport d’étude sur le sujet.
« Les travailleurs de nuit ont le plus souvent le sentiment qu’une erreur de leur part pourrait avoir de graves conséquences. Leur travail comporte davantage de facteurs de pénibilité physique et de contraintes de vigilance et ils déclarent plus souvent risquer d’être blessés ou accidentés. Au total, alors que les capacités de résistance sont physiologiquement réduites la nuit, les effets négatifs du travail de nuit sur la santé à long terme tendent à se cumuler avec d’autres facteurs de risques liés à un travail plus difficile émotionnellement et physiquement. ».
Ce rapport n’est pas une publication à charge de la CGT, encore moins une tribune d’extrême gauche opposée à votre réforme. Il s’agit d’une publication sobrement intitulée Le travail de nuit et disponible sur le très officiel site du ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social. Nous avons donc un peu de mal à vous suivre, monsieur le ministre.
À titre informatif, mais vous devez déjà le savoir, une exposition de quinze ans ou plus au travail de nuit accroît la probabilité d’être limité dans ses activités quotidiennes de 50 %. Pourquoi contourner une décision de justice avec cet article, alors que la puissance publique reconnaît que le travail de nuit est néfaste pour celles et ceux qui le pratiquent ?
Pourquoi rendre légal le travail de nuit alors que cela n’a aucun effet bénéfique sur l’emploi et l’économie ? Rappelons à ce sujet que le Virgin des Champs-Élysées était ouvert tous les jours sans interruption de 10 heures à minuit, et que cela ne l’a pas empêché de mettre définitivement la clef sous la porte il y a deux ans.
Ce n’est donc pas simplement parce qu’il entre en contradiction avec le projet de société que porte la gauche, celui de sortir du tout-marchand, que nous nous opposons au travail de nuit. Si nous y sommes résolument opposés, c’est d’abord parce qu’il est une souffrance supplémentaire pour les travailleurs, qu’il consiste en une dégradation de plus des conditions de travail et de vie des salariés, femmes et hommes, qui connaissent déjà tant de difficultés quotidiennes.
Les Françaises et les Français vous ont élus en 2012 pour tourner la page après dix ans de droite. Aujourd’hui, vous tournez non seulement le dos à cette espérance, mais vous allez plus loin dans la casse des acquis sociaux et du code du travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, nous nous opposons à cet article et invitons mes collègues des autres groupes de gauche à faire de même.
Je souhaite insister, à l’occasion de l’examen de cet article 81, sur les conséquences de ses dispositions plus spécifiquement sur le travail des femmes.
Permettez-moi une première remarque pour regretter l’absence de prise en compte de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ce projet de loi. Je déplore vivement que l’étude d’impact soit particulièrement muette en la matière s’agissant des dispositions relatives au travail dominical.
Pourtant, votre gouvernement, monsieur le ministre, s’était engagé en 2012 à prendre en compte cette question transversale dans tous les textes.
Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que l’emploi des femmes est bénéfique à la croissance économique. ? D’après les chiffres cités dans l’édition 2015 des chiffres clés de l’égalité réelle publiée par le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, selon l’OCDE, si la parité entre les sexes dans la participation au marché du travail était réalisée au cours des vingt prochaines années, l’emploi des femmes représenterait plus de 0, 4 point de croissance du PIB par habitant.
Je regrette, d’ailleurs, que la commission spéciale ait adopté pour principe de supprimer systématiquement de ce texte tous les rapports. Je pense notamment à celui qui était prévu à l’article 11 nonies. Il s’agissait d’un rapport du Gouvernement portant sur les conséquences du marketing différencié en fonction du sexe, mais aussi sur les écarts de prix selon le sexe du consommateur et enfin sur les inégalités pesant sur le pouvoir d’achat des femmes et des hommes.
L’article 81 prévoit la création de zones où le travail du dimanche sera la règle et banalisera le travail de nuit rebaptisé « travail en soirée », ce qui aura des conséquences lourdes pour les femmes. On change les dénominations, mais on ne change pas les conditions dans lesquelles s’exerce le travail : le travail en soirée est moins pénible que le travail de nuit, mais cela n’empêche que c’est du travail de nuit !
Nous savons, en effet, que 56 % des salariés travaillant le dimanche sont des femmes, et qu’elles sont largement majoritaires parmi les employés du commerce : les hôtes et hôtesses de caisse, comme on les appelle maintenant, sont à 70 % ou à 80 % des femmes.
Quid des conséquences de cette généralisation du travail du dimanche et en soirée pour les familles monoparentales ? Nous en avons déjà beaucoup parlé.
Le texte initial ne prévoyait aucune disposition en leur faveur, malgré des difficultés bien connues d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale, la double journée étant malheureusement encore trop souvent majoritairement supportée par les femmes.
Quid des besoins en garde d’enfants, quand on connaît le manque cruel de places d’accueil ? Quid aussi des conditions de transport ? Je vous renvoie au rapport sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun – actes qui, on le sait, sont particulièrement fréquents la nuit – publié le 16 avril dernier par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les mesures de compensation introduites nous apparaissent relever de vœux pieux et ne pas faire le poids au regard de tous les éléments négatifs que je viens de souligner.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 74 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 169 rectifié est présenté par Mme Lienemann.
L'amendement n° 481 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 789 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 74.
Un rapport présenté en 2010 par le Conseil économique, social et environnemental relevait le développement tendanciel du travail de nuit habituel, celui-ci concernant désormais un salarié sur cinq. Il soulignait les risques pour la santé des salariés, les perturbations de la vie sociale et familiale, évoquant un véritable enjeu de santé publique. Le CESE concluait que le travail de nuit devait rester une exception et que sa mise en place devrait être plus strictement encadrée afin de mieux prendre en compte la santé des travailleurs et les impératifs de la sécurité au travail.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 169 rectifié.
Jusqu’à présent, l’autorisation exceptionnelle du travail de nuit se justifiait par les nécessités de l’exercice d’activités particulières. Cela n’a toutefois pas empêché une expansion considérable du recours au travail de nuit depuis 1992, date à laquelle, prétendument au nom de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, on a autorisé le travail de nuit des femmes.
Au travers du présent texte, on change franchement de logique, le travail de nuit étant désormais justifié non plus par la nature des activités exercées, mais par de simples critères géographiques : la présence de nombreux touristes dans certaines zones rendrait nécessaire l’ouverture des commerces au-delà de 21 heures.
Le sujet est grave : il y va de la santé des salariés concernés. On ne nous fera pas croire que c’est dans la joie et l’allégresse que ces derniers vont choisir de travailler tard le soir.
J’insiste sur le fait que le logement est souvent très cher dans ces zones touristiques. Les salariés habitent donc souvent loin de leur lieu de travail, et il faut ajouter au temps de travail des temps de transport importants, à des horaires où, chacun en conviendra, la sécurité et le confort ne sont pas optimaux.
Je ne peux accepter une telle régression sociale, qui ne se justifie en rien. Il s’agit d’une véritable dérive ; on aura beau attribuer à ces salariés des points de pénibilité au titre de la retraite, la mise en œuvre de ce dispositif va affaiblir encore un peu plus des gens déjà faibles.
Aujourd’hui, en France, la période dite de travail de nuit commence à 21 heures et se termine à 6 heures.
Le recours au travail de nuit doit satisfaire à trois critères : il doit être exceptionnel, prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
Travailler de nuit suppose la conclusion préalable d’un accord collectif. À défaut d’accord, c’est l’inspecteur du travail qui peut autoriser le travail de nuit d’un salarié.
Si le travail de nuit nécessite la réunion de tant de conditions, c’est parce qu’il est avéré que cette forme de travail est nuisible pour la santé : désocialisation, risques cardio-vasculaires, prédisposition au cancer… Le site internet du ministère de travail mentionne explicitement ces risques.
Pourtant, en toute connaissance de cause, le Gouvernement a fait le choix d’autoriser les magasins situés en zones touristiques internationales à ouvrir jusqu’à minuit. Dans ces zones, la période de travail de nuit pourra donc ne débuter qu’à compter de minuit, au lieu de 21 heures aujourd’hui. Je ne savais pas, au demeurant, qu’il s’agissait là d’un article « Sephora » : je remercie Mme David de m’avoir en quelque sorte « mis au parfum » !
Sourires.
M’interrogeant sur l’utilité économique d’une telle ouverture tardive des magasins, j’ai fini par comprendre qu’il s’agissait certainement de s’adapter au décalage horaire subi par les riches touristes chinois, qui ne parviennent pas à dormir avant minuit… §Que ne ferait-on pour eux !
S’agissant maintenant des compensations, les établissements implantés dans ces zones touristiques internationales devront être couverts par un accord collectif, et il est prévu un doublement du salaire entre 21 heures et minuit, ainsi qu’un repos compensateur. Mais quid des frais de garde des enfants des salariés, quid des frais supplémentaires de transport ?
Instaurer de telles conditions de travail n’est guère souhaitable, fût-ce pour inciter les touristes chinois à dépenser leur argent en France. Nous souhaitons donc également la suppression de cet article.
L’amendement n° 789 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?
Ces amendements visent à supprimer la possibilité de travailler en soirée dans les zones touristiques internationales.
Il a semblé à la commission que le maintien d’une activité commerciale, avant minuit, dans certains lieux et certains domaines d’activité spécifiques répond à une demande touristique importante.
Il est par ailleurs prévu un encadrement strict de ces heures de travail et un régime social très favorable aux salariés, grâce notamment aux contreparties introduites à l’Assemblée nationale.
En conséquence, l'avis de la commission spéciale est défavorable.
Je voudrais rappeler que nous parlons ici des zones touristiques internationales, et non du droit commun. Dans ces zones très bien délimitées a été identifié un potentiel d’activité économique justifiant d’étendre les horaires d’ouverture des magasins.
Au sein de ce périmètre, nous proposons de décaler le début du travail de nuit de 21 heures à minuit, l’intervalle de temps compris entre ces deux horaires relevant du travail en soirée.
Tel qu’il est rédigé, le texte prévoit des compensations en matière de reconduite au domicile, de salaire – le payer-double – et de prise en charge de divers frais pouvant être engagés par le salarié.
Je vous invite à vous pencher sur les dispositions actuelles du code du travail en matière de travail de nuit. Les rapports que vous avez justement cités concernent le travail de nuit, tel qu’il est pratiqué dans les services et l’industrie, et non le travail en soirée. L’article L. 3122-39 du code du travail dispose ainsi que « les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ».
Nous ne parlons pas aujourd’hui du travail posté exercé toute la nuit : le champ du dispositif est beaucoup plus circonscrit, et nous mettons en place un régime de compensation réelle à tous égards mieux-disant que le droit actuel. Dans ces conditions, occupez-vous plutôt de ce dernier et proposez des amendements qui permettent de l’améliorer !
… puisque les compensations que nous prévoyons sont supérieures à ce qui existe actuellement !
Je vous renvoie au rapport d’août 2014 de la DARES : en moyenne, la compensation salariale est de 8 %, et encore s’agit-il là du travail de nuit, et non du travail en soirée entre 21 heures et minuit ! Soyons sérieux ! §Il faut remettre les choses en perspective !
Je voudrais maintenant revenir sur le sujet, autrement plus important, de l’articulation entre travail de nuit, travail en soirée et travail de jour. Aujourd’hui, le travail de nuit peut commencer à 21 heures. Cependant, la jurisprudence récente a créé des inquiétudes, qui ont conduit certains d’entre vous à proposer par voie d’amendement d’étendre ces dispositions à l’ensemble des zones touristiques.
La jurisprudence récente en matière de travail de nuit a amené les tribunaux à considérer que la mise en place du travail de nuit dans les commerces au moyen d’accords ne remplit pas les conditions prévues par l’article L. 3122-32 du code du travail, notamment car elle ne peut se justifier par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité.
Ainsi, il n’est plus possible, même lorsqu’un accord collectif a été conclu pour mettre en place le travail de nuit, d’employer des salariés la nuit dans les commerces. Toutefois, la définition de la période de nuit permet une certaine flexibilité ; c’est sur ce point que je voulais attirer votre attention.
Dans le cas général, le travail de nuit correspond à la période de 21 heures à 6 heures du matin. Selon la jurisprudence, l’article L. 3122-29 du code du travail permet de définir « une autre période de neuf heures consécutives comprises entre 21 heures et 7 heures, incluant en tout état de cause l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, par accord collectif ». Il est donc possible, pour toute entreprise et quel que soit son secteur d’activité, de décaler le début de la période de nuit à 22 heures : la seule condition est la conclusion d’un accord collectif. Dans ce cas, le travail effectué de 21 heures à 22 heures n’est pas du travail de nuit. La jurisprudence n’a pas remis en cause cette possibilité.
Tel est le droit actuel qui s’applique partout, quels que soient les changements de jurisprudence récents, qui ont suscité beaucoup d’interrogations. C’est la raison pour laquelle je serai amené à émettre un avis défavorable sur les amendements visant à étendre les mesures relatives au travail en soirée dans les zones touristiques internationales au reste du territoire.
Nous parlons donc ce soir exclusivement d’une plage horaire comprise entre 22 heures et minuit, et des seules zones touristiques internationales, sachant que, comme je viens de l’indiquer, dans le droit commun, on peut décaler, sur la base d’un accord collectif, le début du travail de nuit de 21 heures à 22 heures. L’autorisation d’ouverture durant cette tranche horaire en zone touristique internationale sera soumise à la conclusion d’un accord entre les parties : pas d’accord, pas d’ouverture. Enfin, j’ai rappelé toutes les mesures de compensation que nous avons prévues, qui sont plus favorables pour les salariés que celles qui existent aujourd’hui dans la loi pour le travail de nuit, y compris dans le secteur industriel.
Le dispositif proposé me semble donc des plus protecteurs pour les salariés. À la lumière de ces explications, je confirme l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements de suppression.
Monsieur le ministre, à une heure quarante-cinq ce matin, il n’est pas utile de vous départir du calme dont vous avez fait preuve tout au long de notre discussion.
Mme Annie David. Vous nous rappelez le droit existant : j’espère que vous ne nous faites pas l’offense de penser que nous ne le connaissons pas !
M. le ministre fait un signe de dénégation.
Le droit du travail dispose aujourd'hui que le travail de nuit commence à 21 heures et qu’il doit être assorti de compensations. Cependant, monsieur le ministre, il est jusqu’à présent destiné à assurer la continuité des services publics nécessitant une présence humaine vingt-quatre heures sur vingt-quatre – hôpitaux, transports, etc. – et de l’activité dans quelques secteurs industriels de moins en moins représentés, malheureusement, dans notre pays, telles la sidérurgie ou la papeterie, où les machines doivent fonctionner en permanence, ce qui nous ramène d’ailleurs à la question du travail dominical, que j’ai abordée ce matin.
Oui, le travail de nuit existe déjà, mais il était jusqu’à présent réservé à certaines activités bien particulières. Ce que vous nous proposez, c’est d’ouvrir le champ du recours au travail de nuit. Certes, dans un premier temps, seuls les magasins situés dans des zones touristiques internationales seront concernés, mais cela constitue déjà un élargissement de ce champ à d’autres activités que celles que je viens de citer. Les salariés de ces magasins termineront leur journée de travail à minuit.
Le travail de nuit est actuellement bien encadré, selon des horaires différents de ceux qui nous sont présentés au travers de cet article. Vous pouvez bien protester, monsieur le ministre, avec toute la véhémence dont vous êtes capable, il n’en reste pas moins que vous élargissez le travail de nuit à de nouveaux domaines d’activité.
Les salariés concernés seront soumis à des conditions de travail pénibles. Vous semblez ne pas avoir entendu ce que, les uns et les autres, nous vous avons dit : le travail de nuit nuit gravement à la santé des salariés. Apparemment, cela ne dérange personne ! On écrit en gros sur les paquets de cigarettes que fumer nuit à la santé, mais travailler de nuit est également néfaste.
Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission, vous vous êtes interrogé sur l’utilité du code du travail : il sert notamment à édicter des règles protégeant les salariés contre les abus que certains patrons – je dis bien certains – pourraient avoir envie de commettre. C’est le rôle principal du code du travail, dont un article précise d'ailleurs que l’employeur est responsable de la santé de ses salariés et qu’il ne doit pas avoir des exigences qui nuiraient à celle-ci. Cet aspect des choses ne semble pas vous préoccuper, monsieur le ministre, puisque vous étendez le champ du travail de nuit, même si, par une astuce sémantique, vous rebaptisez celui-ci « travail en soirée ». Ce faisant, vous allez gravement porter atteinte à la santé des salariés concernés.
Je voudrais réagir aux propos de M. le ministre.
Premièrement, comme vient de le souligner Mme David, on élargit le champ du recours au travail de nuit non pas parce que la nature de certaines activités le justifierait, mais parce que, dans certaines zones, cela permettrait de répondre à une demande supposée. L’effet positif d’une telle mesure sur la situation économique du pays n’est pas prouvé, puisque l’étude d’impact du projet de loi ne fournit aucune évaluation de son incidence en matière d’emploi et de croissance.
Deuxièmement, monsieur le ministre, si vous estimez que le travail de nuit est aujourd’hui mal encadré, que les compensations actuelles ne sont pas suffisantes, n’hésitez pas à proposer des améliorations, et pas seulement pour les commerces des zones touristiques internationales ! Vous êtes un ministre de gauche ! Vous dites que la définition de l’heure de début du travail de nuit est imprécise : ne vous gênez pas pour y remédier en la fixant à 21 heures !
Vous prétendez que votre texte représente un progrès au regard des insuffisances actuelles de l’encadrement du travail de nuit, mais un tel argument n’est pas acceptable : il faut revoir les choses de manière globale, et non proposer un dispositif prétendument amélioré pour le travail de nuit dans les seuls magasins des zones touristiques internationales afin de faire accepter une extension du recours à celui-ci.
Quant à la prise en charge du retour des salariés à leur domicile, laissez-moi rire ! Les vendeuses des magasins des Champs-Élysées qui vivent en banlieue prennent le RER pour rentrer chez elles. En quoi consistera le raccompagnement au domicile d’une personne qui réside à Grigny ? Si vous pensez au remboursement du pass navigo, il est déjà acquis. On ne paiera pas aux salariés le taxi entre les Champs-Élysées et leur domicile, même avec les tarifs cassés d’Uber : c’est complètement illusoire !
En quoi cette mesure sera-t-elle utile à l’économie nationale ? Le soir, à Paris, les touristes vont d'abord au restaurant, puis au théâtre ou au cinéma. Il y a bien d’autres choses à faire à Paris, le soir, que courir les magasins.
Oui, mais l’ouverture tardive des restaurants, des théâtres et des cinémas est une nécessité : nos concitoyens – il n’y a pas que les touristes – ne peuvent s’y rendre pendant la journée. Nous considérons pour notre part qu’il ne convient pas d’étendre le travail de nuit aux magasins, car cela n’est pas indispensable. Si l’on suivait votre raisonnement, ma chère collègue, il faudrait que les magasins restent ouverts le soir partout où l’on trouve des restaurants ou des salles de spectacle, et donc pas seulement dans les zones touristiques ! Votre argument n’est pas pertinent, car les choses ne sont pas comparables.
Ceux d’entre nous qui souhaitaient dormir à cette heure tardive se trouvent maintenant réveillés ! Il est normal que M. le ministre réagisse comme il l’a fait quand il entend affirmer que le présent projet de loi marquerait une régression sociale.
Cela me rappelle un autre débat de nuit auquel Mme Génisson et moi-même avons participé dans une assemblée située plus en aval de la Seine, il y a quatorze ans. Il s’agissait alors de transposer une directive européenne à la suite de la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes pour non-respect de l’égalité entre hommes et femmes, la loi française interdisant le travail de nuit des femmes en dehors de certains secteurs d’activité bien circonscrits.
Les arguments que j’entends cette nuit sont exactement les mêmes qu’à cette époque ; j’ai l’impression de faire du sur-place. On nous accusait déjà d’opérer une régression sociale, alors même que nous faisions progresser, comme aujourd'hui, les compensations du travail de nuit, tant pour les hommes que pour les femmes, les droits des salariés concernés, la protection de leur santé.
Je comprends que vous puissiez craindre que les dispositions protectrices de la loi ne soient pas respectées, mes chers collègues : il faudra veiller au grain, mais je fais confiance pour cela aux organisations syndicales, bien présentes dans les commerces des zones touristiques visées, ainsi qu’à l’inspection du travail.
M. le ministre a cité un certain nombre des compensations prévues, mais on pourrait également mentionner l’obligation de prendre en charge les frais de garde d’enfants, entre autres dispositions du projet de loi favorables aux salariés. Ne dites donc pas, au risque de nous énerver, qu’il s’agit d’un texte de régression sociale. Ce n’est pas acceptable, car il apportera des avancées pour tous ceux qui travailleront de nuit, sur le principe – je le rappelle – du volontariat, l’accord écrit du salarié étant requis.
On peut faire ou non confiance aux organisations représentatives du personnel pour faire respecter la loi ; moi, je leur fais confiance a priori, ainsi qu’à l’inspection du travail. La mesure d’extension du travail de nuit est de portée très restreinte, puisqu’elle ne concerne que les zones touristiques internationales. Il s’agit simplement d’adapter le droit à des situations exceptionnelles que nous avons définies cet après-midi. Parler de régression sociale est excessif et inacceptable.
Je persiste et signe : c’est une mesure de régression sociale. Depuis ce matin, notre débat a montré que les situations exceptionnelles visées n’étaient pas si exceptionnelles que cela. Il s’agit à chaque fois, sous couvert de modernisme, d’aller encore plus loin, d’élargir le champ des dérogations, de déréglementer.
On nous dit qu’il est normal de travailler le dimanche et la nuit, et que de toute façon les compensations prévues permettront de gommer tous les problèmes – en matière de santé, de garde d’enfants, de conditions de vie, de loisirs – que nous avons soulevés.
Un certain nombre de collègues déclarent faire confiance aux organisations syndicales, aux employeurs, à la loi. Je rappelle que toutes les conquêtes sociales ont été obtenues à la suite de luttes, de rapports de force qui ont ensuite été traduits dans la loi par des assemblées soucieuses de répondre aux attentes sociales. Il ne suffit pas de dire les choses ou de les écrire dans la loi pour qu’elles trouvent une portée concrète.
Je le répète, il s’agit d’un texte de régression sociale, qui ouvre la porte à toutes les dérives et porte très gravement atteinte aux conditions de travail et de vie du plus grand nombre.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 74, 169 rectifié et 481.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1240, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Monsieur le ministre, vous nous dites faire confiance aux organisations syndicales ; nous aussi.
À cet égard, je rappelle que les salariés du magasin des Champs-Élysées dont le cas a inspiré l’élaboration du dispositif de cet article étaient défavorables à l’instauration du travail de nuit, de même que les organisations syndicales. Celles-ci ont saisi la justice et le Conseil constitutionnel leur a donné raison à plusieurs reprises.
Au travers de cet article, qui vise à autoriser le travail jusqu’à minuit dans les zones touristiques internationales, vous allez donc à l’encontre des décisions du Conseil constitutionnel et de la volonté des organisations syndicales et des salariés.
Dans l’entreprise en question, à l’occasion des élections professionnelles d’octobre 2014, 75 % des salariés ont mandaté pour les représenter les syndicats qui les avaient soutenus dans leur lutte contre l’instauration du travail de nuit. Un tel résultat devrait vous inciter à la réflexion, mais vous préférez passer outre l’avis des salariés, fouler aux pieds le dialogue social mis en place dans cette entreprise…
L'amendement n° 375, présenté par MM. Charon, Gilles, Chaize, Magras, Milon, Bignon, Cambon, Mayet, Laufoaulu et Delattre, Mme Deromedi, M. Grand, Mme Procaccia, MM. P. Dominati, Guerriau, Bonnecarrère, Frogier, Pozzo di Borgo, Houel, Raison, Bouchet et Lefèvre, Mme Mélot, MM. Nougein et Pierre, Mme Primas et MM. Commeinhes, Doligé et Marseille, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase, et alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
à l'article L. 3132-24
par les mots :
aux articles L. 3132-24 et L. 3132-25
La parole est à M. Pierre Charon.
Je salue le travail de la commission spéciale, qui a été très courageuse.
Pour ma part, monsieur Macron, j’ai fait un rêve un peu différent : celui d’une ouverture des commerces de détail en soirée adaptée à l’attractivité touristique de nos quartiers, assurée par des employés volontaires et bénéficiant de compensations, notamment salariales, au bénéfice de clients heureux de ne pas trouver porte close quand ils veulent acheter les produits de nos grandes marques à des heures tardives !
Voilà un an, j’avais déposé une proposition de loi visant à autoriser l’ouverture des commerces la nuit dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente.
L’article 72 du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a pour objet de créer des « zones touristiques internationales » : c’est une victoire du bon sens, une prise en compte de la réalité de nos grands sites fréquentés par les touristes du monde entier.
Le tourisme est évidemment un phénomène complexe : une zone touristique peut être aussi bien une grande avenue parisienne que le parvis d’une cathédrale de province, une ruelle animée qu’une grande place renommée. C’est forcément un lieu convivial que l’on fréquente pour s’y promener, s’y instruire ou s’y détendre.
Pour cette raison, je vous propose de transformer l’essai en élargissant les catégories de zones touristiques dans lesquelles les commerces peuvent recourir au travail de nuit.
L’article 73 du projet de loi fait référence à des « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ». Utilisons donc cette nouvelle catégorie pour élargir le périmètre des zones pouvant bénéficier du travail de nuit !
Ainsi, aux « zones touristiques internationales » s’ajouteraient les « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes », où les commerces de détail pourraient être ouverts à des heures tardives.
Cette modification n’enlève rien à la réforme prévue : je propose simplement d’enrichir celle-ci par la référence à une nouvelle catégorie de zones touristiques. Rien de plus ! Au renvoi à l’article L. 3132-24 du code du travail s’ajouterait donc un renvoi à l’article L. 3132-25 du même code.
Oui, nos lieux touristiques ont besoin d’une législation adaptée. Non, nos commerces de détail n’ont pas vocation à souffrir de dispositifs archaïques. Oui, nos produits doivent être accessibles aux touristes, qui jouent un rôle important dans notre économie.
Évidemment, les garanties apportées par l’article 81 restent intactes : nécessité d’un accord collectif ; volontariat du salarié ; rémunération au moins doublée ; repos compensateur équivalent en temps.
N’attendons pas et ne laissons pas passer l’occasion : je propose une formule gagnant-gagnant, qui utilise une avancée de cette loi sans réduire les contreparties et les droits qu’elle prévoit pour le travailleur.
Je vous demande d’être audacieux ! Sans difficulté, nous pouvons élargir le périmètre des zones touristiques éligibles au travail de nuit pour faciliter le commerce de détail.
L'amendement n° 895 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet et Guerriau, Mme Billon et MM. Cigolotti, Delahaye, Gabouty, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer la référence :
à l’article L. 3132-24
par les références :
aux articles L. 3132-20, L. 3132-24, L. 3132-25 et L. 3132-25-1
La parole est à M. Olivier Cadic.
Cet amendement vise à ne pas exclure les zones touristiques ou commerciales des dispositions prévues concernant l’ouverture des commerces jusqu’à minuit.
L’assouplissement prévu par le projet de loi en matière de travail en soirée reste très restreint, puisque la possibilité d’ouvrir jusqu’à minuit serait limitée aux seuls établissements situés dans des zones touristiques internationales, excluant ainsi les établissements situés dans des zones touristiques ou commerciales.
Il convient de maintenir le droit existant pour les autres zonages.
L'amendement n° 894 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau, Delahaye, Gabouty et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
L. 3132-24
insérer les mots :
ou couverts par un accord collectif prévoyant cette faculté,
La parole est à M. Olivier Cadic.
Aujourd’hui, un certain nombre de commerces, non situés dans des zones touristiques internationales telles que déterminées par l’article L. 3132-24 du code du travail, sont ouverts jusqu’à minuit en vertu d’un accord collectif le prévoyant. Limiter l’ouverture nocturne des commerces à ceux qui sont implantés dans une zone touristique internationale reviendrait à les contraindre à fermer. Cet amendement vise donc à leur permettre de continuer à ouvrir en nocturne.
La commission est défavorable à l’amendement n° 1240, pour les raisons invoquées à l’encontre des amendements de suppression de l’article.
L’amendement n° 375 a pour objet d’étendre la possibilité d’ouverture tardive prévue pour les commerces situés dans les zones touristiques internationales à ceux des zones touristiques en général. Il est vrai qu’à Paris, par exemple, certains commerces ne se trouvant pas dans une zone touristique internationale pourraient néanmoins aussi bénéficier de la possibilité d’ouvrir en soirée.
Cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil d’une proposition de loi déposée par Pierre Charon et dont j’avais été cosignataire, nous offre l’occasion de faire avancer les choses concernant les zones touristiques. La commission a émis un avis favorable.
L’amendement n° 895 rectifié bis, quant à lui, tend à proposer un élargissement plus important, englobant jusqu’aux zones commerciales. S’il a semblé à la commission intéressant de permettre l’ouverture des commerces au-delà de 21 heures dans les zones touristiques, qu’elles soient internationales ou caractérisées par une affluence de touristes particulièrement importante, elle n’y est en revanche pas favorable en ce qui concerne les zones commerciales.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 895 rectifié bis, ainsi que de l’amendement n° 894 rectifié bis. Pour ma part, les explications de M. le ministre sur les possibilités de décalage du début de la période de nuit m’ont donné satisfaction. Dans nos territoires de province, les responsables de magasins ouvrant jusqu’à 21 heures 30, voire 22 heures, s’inquiétaient des conséquences des jurisprudences fixant la limite d’ouverture à 21 heures. La faculté de décaler d’une heure le début du travail de nuit, pour l’établir à 22 heures, permettra de continuer à ouvrir au-delà de 21 heures ces magasins qui répondent à des besoins locaux.
Je suis défavorable à l’amendement n° 1240.
Concernant le magasin Sephora dont il a été beaucoup question, je veux souligner, à l’adresse de Mme Lienemann, que l’accord conclu le 14 novembre 2014, approuvé par plus de 30 % des salariés, prévoit de manière explicite, entre autres compensations, la reconduite des salariés à leur domicile en taxi. Quand on fait référence à cet accord, il faut en examiner le contenu en détail…
Par ailleurs, madame David, aux termes du texte, si une majorité de salariés s’oppose à l’ouverture du magasin en soirée ou le dimanche, celle-ci ne sera pas possible : la démocratie sociale prévaudra. Un accord sera nécessaire : c’est la condition posée par le projet de loi, qui est bien un texte de progrès social. On ne peut pas dire tout et son contraire !
Monsieur Charon, je comprends votre argument, mais la possibilité existe aujourd’hui de déroger, sur la base d’un accord majoritaire, à la règle de la fermeture à 21 heures, pour reporter celle-ci à 22 heures. Cela est valable partout, et pas seulement dans les zones touristiques.
L’extension du travail en soirée aménagée par le texte, qui prévoit de décaler de 21 heures à minuit le début de la période de nuit, se justifie par l’affluence particulière de touristes dans les zones touristiques internationales et la nature économique spécifique de ces dernières. Votre proposition d’élargir cette possibilité aux zones touristiques me paraît excessive, dans la mesure où, pour nombre d’entre elles, l’ouverture des commerces jusqu’à minuit ne se justifie pas, l’ouverture jusqu’à 22 heures sur la base d’un accord majoritaire suffisant amplement. Je vous demande donc, monsieur Charon, de bien vouloir retirer l’amendement n° 375, faute de quoi j’y serai défavorable.
Pour les mêmes raisons, j’adresserai la même demande à M. Cadic à propos des amendements n° 894 rectifié bis et 895 rectifié bis. Les jurisprudences récentes n’ont pas remis en cause la possibilité, prévue par le droit existant, de décaler de 21 heures à 22 heures le début de la période de travail de nuit, sur la base d’un accord majoritaire.
Pourquoi ne considérer que les zones touristiques internationales ? Pourquoi les touristes chinois auraient-ils plus le droit de consommer la nuit que les touristes français ? Il peut être tout à fait pertinent, économiquement, de viser également les simples zones touristiques.
Si l’on met le doigt dans cet engrenage, on en arrivera à généraliser l’application du dispositif à l’ensemble du territoire. On peut être d’accord ou non avec la logique de votre texte, monsieur le ministre, mais vous ne nous ferez pas croire que son champ restera circonscrit à quelques zones bien définies : il est inéluctablement appelé à s’étendre.
Vous avez évoqué le rôle des syndicats, mais aucun d’entre eux n’était demandeur d’un tel dispositif d’élargissement des possibilités de recours au travail de nuit, pudiquement rebaptisé travail en soirée ! Vous déclarez faire confiance aux syndicats pour veiller à la bonne application des accords d’entreprise, mais vous ne tenez pas compte de leur avis lorsqu’ils s’opposent à votre texte. Il faudrait savoir !
Par ailleurs, qu’est-ce qu’un accord majoritaire ? Je sais bien que vous portez un jugement favorable sur les lois Fillon, mais je vous rappelle que, historiquement, nous avons toujours contesté le fait qu’un accord dit majoritaire puisse être conclu dès lors que 30 % des salariés l’approuvent et que 50 % d’entre eux ne s’y opposent pas. Imaginez ce qui se passerait si le même principe s’appliquait en politique : une loi serait adoptée pourvu que 30 % des parlementaires l’approuvent et que 50 % ne votent pas contre !
À cet égard, l’exemple de Sephora est typique : les syndicats ayant signé l’accord ne représentent que 30 % des salariés.
Pour autant, à chaque élection professionnelle, 75 % des salariés votent pour les syndicats qui n’ont pas signé l’accord. Comment s’étonner, dans ces conditions, de la crise de la représentation que connaît notre pays, de la perte de confiance de nos concitoyens en la démocratie ?
Bien entendu, je ne voterai pas ces amendements, dont l’adoption ne ferait qu’accroître le désastre que provoquera la mise en œuvre des mesures dont nous discutons. Je le répète, en mettant le doigt dans l’engrenage, on aboutira à terme à leur application généralisée sur l’ensemble du territoire, comme le veulent nos collègues de droite.
Si des magasins souhaitent ouvrir le dimanche ou en soirée, c’est qu’il y a une demande de la part des consommateurs. S’est-on soucié de savoir qui sont ceux qui font leurs courses en soirée ou le dimanche ? Parmi eux, n’y a-t-il pas des syndicalistes, des opposants de principe à l’élargissement des horaires d’ouverture ?
Par exemple, quand j’ai autorisé un grand magasin de ma commune à ouvrir le dimanche, cela m’a valu d’être agressé par une personne que j’ai par la suite croisée un dimanche sur le parking dudit magasin… Elle a prétendu ne pas faire ses courses le dimanche habituellement, mais avoir oublié d’acheter quelque chose dans la semaine.
L’ouverture des magasins le dimanche ou en soirée répond donc bien à une demande des consommateurs.
Par ailleurs, j’indique que je voterai l’amendement n° 375, car il faut évoluer sur la question des « zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes ».
Quand une ville se vide de ses commerces, se meurt faute d’attractivité touristique ou commerciale, la délinquance se développe. À mon sens, l’ouverture des magasins le dimanche et en soirée permet d’assurer une certaine activité dans nos communes, ce qui est très précieux, en particulier dans les zones rurales.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
Monsieur Cadic, les amendements n° 895 rectifié bis et 894 rectifié bis sont-ils maintenus ?
M. Olivier Cadic. Je vais les retirer, tout en soulignant que le dispositif du texte me paraît totalement incohérent. Le mot « égalité » est inscrit au fronton de tous nos édifices publics : alors pourquoi réserver la possibilité d’ouvrir le dimanche ou en soirée aux seuls magasins situés dans une zone touristique, en excluant ceux des zones commerciales ? Cela fait partie de ces incohérences que beaucoup ont du mal à comprendre à l’étranger. Pour ma part, je vis dans une ville du sud-est du Royaume-Uni où l’on peut faire ses courses à 2 heures du matin.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Les amendements n° 895 rectifié bis et 894 rectifié bis sont retirés.
L’amendement n° 896 rectifié bis, présenté par MM. Cadic, Canevet, Guerriau et Delahaye, Mme Gatel et MM. Kern et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
liées à la garde d’enfant
par les mots :
effectives liées à la garde d’enfants sur présentation d’un justificatif
La parole est à M. Olivier Cadic.
Le texte issu de l’Assemblée nationale précise que l’accord collectif devra prévoir la prise en charge des frais de garde d’enfants. Il est important de préciser que seules les charges effectivement supportées, c’est-à-dire donnant lieu à la présentation d’un justificatif, feront l’objet de la compensation.
Chaque accord collectif fixera les modalités spécifiques de prise en charge des frais de garde d’enfants ; il nous a semblé que ce n’était pas à la loi de rendre obligatoire la présentation d’un justificatif. Il faut faire confiance au dialogue social et à l’honnêteté de chaque salarié.
Par conséquent, la commission demande à M. Cadic de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 896 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 1241, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un décret fixe les modalités de prise en compte des heures de travail en soirée au titre des facteurs de risques mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement prévoit que le travail « en soirée » effectué entre 21 heures et minuit dans les zones touristiques internationales soit reconnu comme un facteur de pénibilité, au même titre que le travail de nuit. Son dispositif s’appuie sur la réforme des retraites de 2010, qui a introduit dans le code du travail des dispositions relatives à la pénibilité au travail. Celle-ci est évaluée en prenant en compte certains facteurs de risques, liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail. L’identification de ces risques donne lieu à la mise en place d’actions spécifiques visant à les limiter ou à les réduire et, lorsque les mesures de prévention se révèlent insuffisantes, à garantir des compensations au salarié.
La définition de la pénibilité s’appliquant au travail de nuit, il est tout à fait logique qu’elle soit élargie au travail en soirée, quand celui-ci s’effectue jusqu’à minuit, soit une bonne partie de la nuit.
En effet, l’impact sur la santé est le même : le travail de nuit ou en horaires décalés provoque ulcères, maladies cardiovasculaires, certains cancers, et a également un effet sur le développement cognitif. Ainsi, selon une étude britannique, une personne âgée de 40 ans exposée au travail de nuit pendant dix ans dispose des capacités cognitives d’une personne de 46 ans et demi. Voilà ce qui attend les personnes travaillant dans les commerces où se rend M. Cadic à 2 heures du matin…
Ces années perdues, cette santé mise à mal doivent faire l’objet de compensations ; tel est l’objet de cet amendement. Nous allons même au-delà, en misant sur la prévention : la reconnaissance comme facteur de pénibilité du travail en soirée obligerait l’entreprise à prévenir ce risque, et potentiellement à renoncer à l’ouverture durant cette tranche horaire. En effet, l’utilité sociale de l’ouverture en soirée est contestable, tandis que le risque auquel les salariés sont confrontés, lui, ne l’est pas !
Le travail de nuit constitue l’un des trois facteurs de risques professionnels que la commission spéciale a décidé de maintenir, à l’article 97 quinquies, dans le compte personnel de prévention de la pénibilité simplifié. Toutefois, selon le décret du 9 octobre 2014 et l’article D. 4161-2 du code du travail, seules les heures de travail comprises entre minuit et 5 heures permettent d’acquérir des droits au titre de ce compte. S’il n’a pas été jugé souhaitable, il y a six mois, de prendre en compte les heures travaillées avant minuit, cela ne l’est pas davantage aujourd’hui.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 1242, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
« IV. - Les compensations prévues à l’article L. 3122-29-1 s’appliquent à l’ensemble des salariés qui sont concernés par les articles L. 3132-21, L. 3132-24, L. 3132-25, et L. 3132-25-1 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Les compensations apportées aux salariés qui travaillent la nuit doivent être étendues aux salariés qui travaillent le dimanche. Cet amendement a donc pour objet de prévoir qu’il ne soit pas opéré de distinction selon que le salarié travaille la nuit ou le dimanche.
La commission ne souhaite pas que le travail du dimanche soit assimilé au travail en soirée en matière de contreparties. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 687 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic et Mme Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Olivier Cadic.
L’alinéa 10 du présent article vise à étendre aux salariés qui travaillent entre 21 heures et minuit les dispositions prévues par le code du travail pour les travailleurs de nuit, notamment une consultation obligatoire du médecin du travail avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification du travail de nuit, ainsi qu’une surveillance médicale renforcée.
L’application d’une telle disposition s’entend parfaitement pour les travailleurs de nuit tels que définis par l’article L. 3122-31 du code du travail. Le médecin du travail se doit d’apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit sur leur santé et leur sécurité et d’en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale.
Le fait d’être soumis à un horaire conduisant à travailler d’une façon qui peut n’être qu’occasionnelle entre 21 heures et minuit n’a pas les mêmes conséquences sur la santé que le travail de nuit au sens de l’article L. 3122-29.
À ce titre, il ressort des dispositions du décret n° 2014-1159 du 10 octobre 2014 relatif à l’exposition des travailleurs à certains facteurs de risque professionnel au-delà de certains seuils de pénibilité et à sa traçabilité que seul le travailleur effectuant une heure de travail entre minuit et 5 heures au moins 120 nuits par an est exposé au facteur de pénibilité « travail de nuit ».
La commission n’a pas souhaité supprimer la surveillance médicale renforcée pour les salariés travaillant en soirée. Par conséquent, elle demande à M. Cadic de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
L’article 81 est adopté.
L’amendement n° 686 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Bockel et Cadic et Mme Goy-Chavent, est ainsi libellé :
Après l’article 81
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3122-29 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par exception, le travail compris entre 21 heures et 24 heures est considéré comme travail de soirée, dès lors qu’il n’est pas suivi par une période de travail de nuit. L’article L. 3122-32 n’est pas applicable au travail de soirée.
« La mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de soirée est subordonnée à la conclusion préalable d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu ou d’un accord d’entreprise ou d’établissement. »
La parole est à M. Olivier Cadic.
L’ouverture des magasins alimentaires de proximité en soirée et le dimanche toute la journée répond à une évolution des besoins et des attentes des consommateurs. Elle est en outre indispensable pour préserver l’attractivité des centres-villes, face à l’arrivée annoncée de nouvelles formes de distribution – casiers réfrigérés, livraisons – employant moins de salariés et répondant à ces besoins nouveaux des consommateurs.
Une récente jurisprudence de la Cour de cassation a remis en cause l’interprétation qui prévalait jusqu’à aujourd’hui et qui permettait l’ouverture en soirée des magasins alimentaires, dès lors qu’un accord social de branche, d’entreprise ou d’établissement en prévoyait les contreparties pour les travailleurs de nuit.
En limitant l’ouverture en soirée aux seuls magasins situés dans les zones touristiques internationales, le présent projet de loi interdit a contrario l’ouverture des autres magasins alimentaires. L’enjeu est considérable, puisque la part de chiffre d’affaires réalisée en soirée va de 10 % en province à 20 % à Paris et que plus de 20 000 salariés sont employés le soir.
Par conséquent, afin d’éviter la remise en cause des droits existants, il est proposé d’étendre le statut de travail en soirée à l’ensemble des magasins alimentaires, sous réserve de la signature d’un accord social sur les modalités de cette ouverture, comme c’est le cas aujourd’hui.
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable. La possibilité de décaler jusqu’à 22 heures le début de la période de nuit nous semble constituer une solution acceptable pour les commerces alimentaires.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 3132-29 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l’arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois. »
II. –
Supprimé
L'amendement n° 1243, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement de repli n° 1244.
La jurisprudence du Conseil d’État du 5 mai 1986 prévoit que l’autorité administrative doit abroger l’arrêté de fermeture des magasins le dimanche « si la majorité des intéressés le réclame », cette décision nécessitant l’accord « de la majorité des organisations syndicales de salariés et des organisations d’employeurs ».
L’article 81 bis accordera de fait aux employeurs la possibilité de saisir seuls, unilatéralement, le préfet pour demander l’ouverture dominicale.
En réalité, la libéralisation et la simplification du marché du travail s’effectueront toujours dans le même sens : au détriment des droits des salariés ! Nous le savons depuis un certain temps…
L’article 81 bis prévoit que l’arrêté de fermeture puisse être abrogé par le préfet, sur demande des organisations syndicales ou des organisations d’employeurs, pour une zone géographique et une profession données. Par l’amendement n° 1244, nous proposons de supprimer l’alinéa autorisant les organisations d’employeurs à solliciter seules du préfet une décision de fermeture. Les deux parties doivent pouvoir saisir le préfet.
L’article 81 bis, que l’amendement n° 1243 tend à supprimer, porte sur les arrêtés préfectoraux de fermeture et vise à faire abroger les plus anciens d’entre eux, qui sont souvent obsolètes.
Comme le soulignent les auteurs de l’amendement, l’article reconnaît aux organisations représentatives des employeurs le droit de demander leur abrogation au préfet, dès lors qu’elles représentent une majorité des membres de la profession dans la zone géographique déterminée, mais le même droit est reconnu aux organisations représentatives des salariés.
Il s’agit non pas d’une révolution juridique, mais de la codification de la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel en la matière. Dans une décision du 21 janvier 2011, ce dernier a estimé que l’autorité administrative est tenue d’abroger un arrêté de fermeture « si la majorité des intéressés le réclame ».
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 683 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Roche, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – La première phrase de l’article L. 3132-29 du code du travail est ainsi modifiée :
1° Les mots : « d’une profession et d’une zone géographique déterminées » sont remplacés par les mots : « d’un champ conventionnel et d’une zone géographique déterminés » ;
2° Les mots : « de la profession ou de la zone géographique concernée » sont remplacés par les mots : « du champ conventionnel ou de la zone géographique concerné ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
Les dérogations de plein droit peuvent être remises en cause par des arrêtés préfectoraux de fermeture pris sur la base d’accords locaux. Ce dispositif suscite de nombreuses critiques.
D’abord, les accords locaux n’obéissent pas à des règles précises, ni de représentativité ni de majorité. Ensuite, de nombreux arrêtés trouvent à s’appliquer à des professions non représentées par les signataires de ces accords. Enfin, ils sont annulés par les tribunaux en raison de l’absence d’accord majoritaire des magasins concernés, parfois après des années de procédure.
La question a récemment connu un certain retentissement médiatique, à la suite de la contestation par un boulanger de Saint-Paul-lès-Dax du bien-fondé d’un arrêté préfectoral relatif à la vente de pain dans le département des Landes.
En conséquence, il est proposé de préciser les conditions dans lesquelles de tels accords peuvent être valablement conclus, en définissant leur champ d’application professionnel par référence au champ des conventions collectives. Une telle mesure permettra la prise en compte des règles de représentativité des organisations patronales. En outre, en asseyant leur sécurité juridique, elle réduira fortement les possibles contestations des arrêtés pris sur la base des accords locaux en cause.
Cet amendement vise à transformer les accords préalables à un arrêté préfectoral de fermeture en accords relevant du droit commun de la négociation collective.
Les arrêtés de fermeture relèvent d’un mécanisme imaginé en 1923. Ils sont pris sur la base d’un accord des partenaires sociaux locaux d’une profession déterminée. Ils répondent à une volonté d’assurer une concurrence équitable entre tous les acteurs de cette profession. En cela, ils ne sont pas contestables, contrairement à ce que l’exemple récent et bien trop médiatisé du boulanger des Landes a pu laisser penser.
Toutefois, ces accords sont d’un type spécifique. Ils ne sont pas soumis aux mêmes règles, notamment de représentativité des signataires et de validité, que les accords de branche.
Cela s’explique par le fait qu’ils n’ont pas le même objet, puisqu’ils ne visent qu’à traduire l’accord de la majorité des membres d’une profession sur une date de fermeture hebdomadaire. En raison de leur champ géographique restreint, il serait malaisé de mesurer la représentativité élective des signataires sans omettre des acteurs locaux, qui peuvent avoir une grande importance dans une ville, sans pour autant avoir une audience nationale.
Il appartient au préfet, avant de prendre un arrêté de fermeture, de vérifier que c’est bien la volonté d’une majorité des employeurs et des salariés d’une profession – c’est plus large qu’une branche – qui s’est exprimée. Il n’est donc pas possible d’y appliquer le droit commun de la négociation collective.
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
L'amendement n° 683 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 685 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Roche, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase de l’article L. 3132-29 du code du travail, après le mot : « intéressés », sont insérés les mots : « et pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
Les arrêtés de fermeture pris en application de l’article L. 3132-29 du code du travail, après accord intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession sur une zone géographique définie, s’appliquent sans limitation de durée dans le temps.
Si les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession soumise à un arrêté de fermeture estiment que, en raison de l'évolution des formes de distribution ou de conditions nouvelles de concurrence, la mesure n'exprime plus la volonté de la majorité indiscutable de leur profession ou n'est plus adaptée aux circonstances locales, il leur revient de saisir le préfet d'une demande de modification ou d'abrogation. S'il est établi après enquête que l'arrêté préfectoral ne répond effectivement plus au souhait de la majorité, il peut être soit purement et simplement abrogé, soit modifié, sous réserve de la conclusion d'un nouvel accord.
Cet amendement vise à limiter la validité des arrêtés dans le temps, afin qu’il soit procédé de manière systématique à un réexamen périodique des circonstances ayant présidé à leur édiction. Ainsi, il n’incombera plus aux syndicats d'employeurs et de travailleurs de la profession ayant fait l'objet d'un arrêté de fermeture d’apporter la preuve qu’il n'exprime plus la volonté de sa majorité indiscutable ou qu’il est devenu caduc en raison de l’évolution des circonstances locales.
Cet amendement vise à limiter à cinq ans la durée de validité des arrêtés de fermeture.
Certes, le principal reproche adressé aux arrêtés porte non pas sur leur bien-fondé, mais sur l’obsolescence de certains d’entre eux. Ainsi, à Paris, où quatorze arrêtés sont en vigueur, la fermeture des horlogeries et bijouteries le dimanche repose sur un arrêté du 3 mai 1928.
Il pourrait être souhaitable que ces arrêtés aient à l’avenir une durée de validité limitée, en vue de permettre un réexamen périodique. Une nouvelle négociation entre partenaires sociaux s’engagerait ainsi pour ceux qui n’auraient pas donné satisfaction, afin d’aboutir à un résultat différent.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1244, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 684 rectifié bis, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Roche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
concernée
par les mots :
et dans le champ conventionnel concernés
La parole est à M. Olivier Cadic.
Il s’agit d’un amendement de précision. Nous proposons d’indiquer les conditions dans lesquelles l’abrogation de ces arrêtés peut être valablement demandée.
L’amendement n° 1244 vise à interdire aux organisations représentatives des employeurs de demander l’abrogation d’un arrêté de fermeture.
Or cette possibilité découle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le fait de la supprimer du projet de loi ne la rendrait donc pas inopérante pour autant. Sur le fond, rien ne justifie une dissymétrie de prérogatives entre les représentants des employeurs et ceux des salariés.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 684 rectifié bis. À défaut, l’avis serait défavorable. Comme je l’ai expliqué à propos de l’amendement n° 683 rectifié bis, la branche n’est pas l’échelon approprié pour les arrêtés de fermeture.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 81 bis est adopté.
(Supprimé)
L'amendement n° 620, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :
« Paragraphe 4
« Concertation locale
« Art. L. 3132 -27 -2. – Dans le périmètre de chaque schéma de cohérence territoriale, le représentant de l’État dans la région réunit annuellement les maires, les présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, les associations de commerçants et les organisations représentatives des salariés et des employeurs du commerce de détail, et organise une concertation sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces de détail au regard des dérogations au repos dominical prévues à la présente sous-section et de leur impact sur les équilibres en termes de flux commerciaux et de répartition des commerces de détail sur le territoire. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Nous proposons de réintroduire dans le texte l’instance de concertation commerciale à l’échelon du périmètre de chaque schéma de cohérence territoriale dont nos collègues députés avaient voté la création.
La mise en place d’une telle conférence territoriale de concertation commerciale permettrait de prendre véritablement en compte l’intérêt des petites villes du monde semi-rural ou rural. Nous le savons, le samedi, les habitants de ces petites villes vont souvent faire leurs courses dans la grande ville située à proximité. Il y a dès lors un problème d’équilibre concurrentiel.
Il nous paraît donc utile d’établir une concertation territoriale sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces, afin d’en analyser les conséquences. Les élus concernés pourront ainsi rechercher des solutions en cas de siphonage du commerce de proximité des petites villes au profit des commerces de deuxième niveau.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avions supprimé l’article 81 ter, qui avait été inséré en séance publique à l’Assemblée nationale et prévoyait une « concertation locale annuelle » sur les pratiques d’ouverture dominicale des commerces à l’échelle du périmètre de chaque SCOT.
S’il paraît effectivement utile d’avoir une forme de dialogue territorial sur l’ouverture dominicale des commerces, une telle disposition relève, aux yeux de la commission, non de la loi, mais du décret, voire de l’instruction ministérielle.
Faut-il que la loi donne instruction au préfet de réunir chaque année les acteurs économiques et politiques locaux pour parler des pratiques de travail dominical ? Le préfet ne peut-il pas le décider lui-même, sur sa propre initiative ?
Il faut simplifier les normes et procédures. N’imposons pas la constitution de structures dont les élus locaux peuvent se passer.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement de rétablissement du texte de l’Assemblée nationale, pour les raisons exposées par Mme Bricq.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
I. – Les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente créées avant la publication de la présente loi en application de l’article L. 3132-25 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, constituent de plein droit des zones touristiques, au sens du même article L. 3132-25, dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Les articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, s’appliquent aux salariés employés dans les établissements mentionnés à ces mêmes articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 situés dans les communes ou zones mentionnées au premier alinéa du présent I à la date de publication de la présente loi, à compter du premier jour du trente-sixième mois suivant cette publication.
II. – Les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle créés avant la publication de la présente loi en application de l’article L. 3132-25-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, constituent de plein droit des zones commerciales au sens de l’article L. 3132-25-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Les décisions unilatérales de l’employeur mentionnées à l’article L. 3132-25-3 dudit code, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables dans les établissements situés dans les périmètres mentionnés au premier alinéa du présent II jusqu’au premier jour du trente-sixième mois suivant la publication de la présente loi.
Au cours de cette période, lorsqu’un accord collectif est régulièrement négocié, dans les conditions prévues aux II et III de l’article L. 3132-25-3 du même code, dans sa rédaction résultant de la présente loi, postérieurement à la décision unilatérale prise en application du premier alinéa du même article, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, cet accord s’applique dès sa signature en lieu et place de cette décision.
III. – §(Non modifié) L’article L. 3132-26 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s’applique, pour la première fois, au titre de l’année suivant celle au cours de laquelle la présente loi est publiée.
Cet article fixe les modalités d’entrée en vigueur de la réforme du travail dominical.
Les communes d’intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques « d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » deviennent des zones touristiques.
Le Gouvernement a présenté de manière positive cette transformation puisque, désormais, les salariés privés du repos dominical dans ces zones pourront bénéficier de contreparties auxquelles ils n’avaient jusqu’à présent pas droit.
Il est évident que nous soutenons toutes les mesures qui vont dans le sens d’une meilleure prise en considération des conditions de travail et de rémunération des salariés. Nous l’avons d’ailleurs prouvé tout au long de ce débat.
Notre opposition à cet article relève d’une autre logique, qui s’articule en trois points.
Tout d’abord, comme nous avons eu l’occasion de le souligner, nous considérons que la loi aurait dû fixer des contreparties minimales, comme la rémunération des heures travaillées le dimanche au moins au double de la rémunération normalement perçue. Les accords collectifs auraient ainsi permis aux organisations syndicales d’obtenir des droits supplémentaires pour les salariés. Contrairement à ce qui est possible aujourd’hui, les contreparties ne devraient pas être inférieures à ces minima légaux.
Ensuite, nous estimons que, dans la mesure où les entreprises de moins de onze salariés sont exemptées de l’obligation d’être couvertes par un accord collectif et où l’employeur peut décider de manière unilatérale, au sein des PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnels, d’ouvrir le dimanche sans contreparties, il ne s’agit pas d’une avancée pour les salariés.
Enfin, concernant les délais d’application de la loi, les entreprises situées dans les nouvelles zones commerciales et zones touristiques disposeront d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi pour se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations. Nous considérons que si l’absence d’institutions représentatives du personnel peut conduire à des délais plus longs pour trouver un accord sur les contreparties au travail dominical, il ne s’agit en aucun cas d’un motif valable pour autoriser les entreprises à continuer de faire travailler le dimanche sans offrir aucune contrepartie aux salariés.
Nous déplorons que la commission spéciale se soit placée plutôt, voire exclusivement, du côté des employeurs, et non de celui des salariés, en refusant a minima de suivre l’Assemblée nationale, qui avait proposé d’abaisser de trois à deux ans le délai ouvert aux commerces situés dans les zones touristiques et les zones commerciales. Il y a véritablement deux poids, deux mesures lorsque l’on évoque le travail dominical, jusqu’aux modalités de son entrée en vigueur.
Voilà, rapidement évoquées, les raisons de notre opposition à cet article.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 790 est présenté par MM. Rachline et Ravier.
L'amendement n° 1246 est présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 790 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 1246.
Il s’agit d’un amendement de suppression. Ma collègue Laurence Cohen a parfaitement exposé les motifs qui le sous-tendent.
Cet amendement vise à supprimer l’article qui fixe les conditions d’entrée en vigueur de la réforme du travail dominical. Comme nous n’avons pas renoncé à cette réforme, cet article conserve toute sa pertinence. L’avis est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 621, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Remplacer le mot :
trente-sixième
par le mot :
vingt-quatrième
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Cet amendement a pour objet de fixer à vingt-quatre mois le délai maximal de mise en conformité avec la future loi pour les commerçants des PUCE et des zones touristiques existantes. Un délai de trente-six mois, tel que l’a établi la commission spéciale, serait trop long. Vingt-quatre mois me paraît une durée suffisante pour conclure un accord collectif déterminant des contreparties pour les salariés privés de repos dominical ou du respect de leur volontariat.
Même s’il existe des accords sectoriels, la loi n’oblige à aucune compensation salariale ni pécuniaire, d’où des disparités auxquelles il faut mettre un terme. Nous voulons que les salariés soient mieux couverts. Un principe a souvent été rappelé : pas d’accord, pas d’ouverture.
La commission a émis un avis défavorable. Nous avons proposé de porter le délai à trente-six mois, conformément à la rédaction initiale du projet de loi. J’ai expliqué tout à l’heure à quelles difficultés pouvaient être confrontées certains commerces en zones touristiques pour conclure un accord fixant des contreparties pour les salariés. Le processus peut prendre du temps. Une durée de trois ans laissera le temps à des commerces qui jusqu’ici n’avaient pas de contreparties à offrir à leur employés de parvenir à un accord. Trente-six mois est un maximum : si un accord est trouvé plus vite, il s’appliquera bien évidemment immédiatement.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 621.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Je comprends que la commission spéciale veuille marquer sa différence, mais pourquoi demander un scrutin public sur cet amendement ? Vous ne risquez guère d’être mis en minorité, et il n’y a pas lieu de faire de ce sujet un marqueur politique…
Fixer à deux ans le délai pour mener une négociation en vue de la conclusion d’un accord destiné à améliorer les droits des salariés, c’est tout de même raisonnable. Je ne demande pas l’impossible ! Si l’on n’a pas débouché sur un accord au bout de deux ans, c’est que l’on n’y arrivera jamais ! Je ne comprends pas votre attitude sur un point qui a été débattu à l’Assemblée nationale : ne nous asseyons pas sur le travail parlementaire déjà réalisé ! Le Gouvernement a donné son accord pour que le délai soit ramené à vingt-quatre mois. Vraiment je ne vous comprends pas !
Madame Bricq, je comprends que l’on veuille éviter les scrutins publics à cette heure tardive, mais j’ai souhaité assurer le retour au texte initial du projet de loi : ce n’est pas d’une extravagance extraordinaire ! J’ai expliqué qu’il y avait des difficultés, notamment en zones touristiques. Par ailleurs, la commission spéciale a parfaitement le droit de demander un scrutin public, même à 3 heures du matin !
Je mets aux voix l'amendement n° 621.
J'ai donc été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 168 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 125 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1491, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour l’année au cours de laquelle la présente loi est publiée, le maire peut désigner douze dimanches en application de l’article L. 3132-26 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement vise à permettre dès 2015 aux maires qui le souhaiteront de désigner jusqu’à douze dimanches au titre des dimanches du maire.
En effet, pour des raisons pratiques, l’ensemble du dispositif de consultation et de concertation s’appliquera pour l’année 2016, notamment parce que les dimanches doivent être désignés l’année précédente. Cet amendement vise donc à favoriser une application rapide de la loi.
Le sous-amendement n° 1782, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1491, alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Par dérogation à l'article L. 3132-26 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la présente loi, pour l'année au cours de laquelle la présente loi est publiée, le maire ou, à Paris, le préfet, peut désigner douze dimanches durant lesquels, dans les établissements de commerce de détail, le repos hebdomadaire est supprimé. Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l'amendement n° 1491.
La commission est favorable à l'amendement n° 1491 sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1782. En effet, même si l’on entend favoriser une application rapide du texte, il nous a semblé nécessaire de prévoir que, dès 2015, la désignation des dimanches du maire au-delà du cinquième devra avoir recueilli l’avis conforme de l’organe délibérant de l’EPCI.
Monsieur le ministre, il est écrit, dans l’exposé des motifs de votre amendement, qu’« il s’agit de répondre à la demande de certaines collectivités de disposer rapidement de plus de souplesse en la matière ». Pouvez-vous me préciser quelles sont ces collectivités ?
Il s’agit surtout de permettre l’entrée en vigueur au plus vite du dispositif de la loi. J’ai cité tout à l’heure les collectivités qui ont demandé le classement en zone touristique, par exemple, pour pouvoir dépasser le plafond de cinq dimanches du maire, mais nous ne visons pas certaines collectivités plus particulièrement que d’autres.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 82 est adopté.
L'amendement n° 114 rectifié ter, présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et MM. Roche et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 82
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 3132-12 du code du travail est complété par les mots : « qui comprennent notamment les commerces et services situés dans l’emprise ou l’enceinte des aéroports ».
La parole est à M. Olivier Cadic.
Le terme d’« enceinte » des aéroports utilisé à l’article R. 3132-5 du code du travail manque de précision. Dans un souci d’harmonisation et pour éviter que ce terme puisse être considéré comme plus restrictif que celui d’ « emprise », employé à l’article 79 du projet de loi à propos des établissements de vente au détail situés dans les gares, il convient de retenir les deux termes d’ « emprise » et d’ « enceinte », qui seront donc considérés comme équivalents.
En effet, le rapprochement, à l’occasion d’un éventuel litige porté devant le juge compétent, de deux dispositions figurant dans le même chapitre et se rapportant à la même question, à savoir la délimitation géographique de dérogations au principe du repos dominical, pourrait avoir pour conséquence involontaire d’aboutir à ce que l’une d’elles soit interprétée comme ayant un champ d’application moins important que l’autre et, ce faisant, moins important que celui qui est en réalité fixé par le législateur.
Deux dispositions aussi similaires et proches mais employant pourtant deux termes distincts pour désigner la même chose pourraient en effet être interprétées comme renvoyant à deux notions distinctes, allant en cela à rebours de l’objectif de maintien des dérogations existantes et de sécurité juridique visé au travers du présent projet de loi.
Cet amendement technique de clarification apportera la sécurité juridique attendue.
La commission a précisé qu’il appartenait au pouvoir réglementaire de définir les secteurs concernés, et les commerces situés dans l’enceinte des aéroports y figurent déjà. Les auteurs de l’amendement craignent que l’expression retenue dans le projet de loi concernant les commerces situés dans l’emprise des gares n’introduise une confusion et ne remette en cause leur situation.
Je demande à M. le ministre de préciser sa position sur cet amendement, car il faut en effet réfléchir à une évolution de la formulation du décret.
Monsieur le sénateur, vous proposez d’introduire au niveau législatif, en l’espèce à l’article L. 3132-12 du code du travail, une dérogation permanente pour l’enceinte ou l’emprise des aéroports.
J’apporterai deux éléments de précision.
Premier point, le dispositif qui a été adopté tout à l’heure à l’article 79 permettra aux commerces de détail situés dans les gares de déroger au repos dominical, mais il ne trouvera pas à s’appliquer aux aérogares des aéroports.
Second point, les aéroports bénéficient d’ores et déjà d’une dérogation sectorielle prévue à l’article R.3132-5 du code du travail sous les termes « commerces et services situés dans l’enceinte des aéroports ». C’est ce dispositif, et lui seul, qui s’applique aux aéroports.
Vous soulignez que les termes « enceinte » et « emprise » ne sont pas strictement identiques. Il ne semble pas que cela pose, pour autant, de difficulté particulière aujourd'hui, la zone aéroportuaire étant la référence. L’article R .3132-5 continuera donc à prévaloir.
En tout état de cause, si une telle difficulté se posait, la précision relevant du niveau réglementaire, je m’engage à ce qu’elle soit levée à ce niveau, mais il me semble qu’à ce stade la sécurité du dispositif est satisfaisante.
À la lumière de ces explications, je vous invite à retirer votre amendement.
(Supprimé)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 147 amendements au cours de la journée ; il en reste 416.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 5 mai 2015, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 5 mai 2015, à trois heures dix.