L’article 83 s’inscrit dans une réforme globale des juridictions prud’homales. La loi du 14 juin 2013 a ainsi instauré un barème indicatif pour la phase de conciliation. La loi du 1er juillet 2014 a prévu que, dans le cas d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié, le bureau de jugement du conseil prud’homal devait statuer dans un délai d’un mois, sans phase de conciliation préalable. Enfin, la loi du 18 décembre 2014 a autorisé le Gouvernement à remplacer par ordonnance l’élection des conseillers prud’homaux par une simple désignation.
Que fait un tel article dans un projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ?
Alors que les dispositions relatives aux tribunaux de commerce ne figurent plus dans le texte, cette réforme des conseils prud’homaux reste soumise à notre examen, ce qui soulève l’étonnement et l’incompréhension, pour ne pas dire la colère, du Conseil supérieur de la prud’homie. En effet, comment croire que les dispositions relatives à la déontologie des conseillers prud’homaux, désormais juges, favoriseront la croissance ?
L’essentiel de la réforme découle d’un constat : les délais de jugement sont trop longs, le taux d’appel des décisions est élevé et les juridictions prud’homales sont encombrées. Nous sommes d’accord avec ce constat, monsieur le ministre, mais les réponses que vous apportez sont pour le moins contestables.
Évoquer la déontologie des conseillers, créer une commission de discipline, c’est insinuer que les conseillers sont responsables des dysfonctionnements des juridictions prud’homales, c’est instaurer une suspicion à leur égard et un contrôle institutionnalisé, mais ce n’est en aucun cas favoriser la croissance.
Nous savons que les dysfonctionnements, notamment en matière de délais de jugement, s’expliquent d’abord par le manque de moyens des juridictions prud’homales.
Vous proposez de former des bureaux de jugement restreints pour multiplier le nombre d’audiences. Cependant, les acteurs de terrain vous répondront que le nombre de salles ou de greffiers est insuffisant pour permettre la tenue de ces audiences.
Vous proposez d’étendre les prérogatives des juges départiteurs, mais ces derniers ne sont d’ores et déjà pas assez nombreux pour exercer leurs prérogatives actuelles !
Ainsi, la réforme que vous proposez ne permettra pas de traiter les problèmes qui entravent réellement le fonctionnement des conseils de prud’hommes. Par exemple, elle ne revient pas sur le principe de l’unicité d’instance, qui empêche de revenir sur des débats, de poser des questions additionnelles ou de rouvrir un dossier, alors que cela permettrait de réduire le nombre de recours contre les décisions prises par les conseillers prud’homaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons fermement à l’article 83. À nos yeux, il casse une juridiction sollicitée chaque année par près de 200 000 salariés, qui comptent sur elle pour faire valoir leurs droits, pour la remplacer par une justice expéditive et forfaitaire, permettant à un employeur de déterminer à l’avance ce qu’il lui en coûtera de licencier abusivement un salarié, notamment grâce à l’extension du référentiel indicatif à la phase de jugement.